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19/01/2016 | FRANCE | N°12/06412

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 19 janvier 2016, 12/06412


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51C



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 JANVIER 2016



R.G. N° 12/06412



AFFAIRE :



[X] [G] [O] veuve [N]





C/

[D] [Y] veuve [M]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Août 2012 par le Tribunal d'Instance de COURBEVOIE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-11-0013



Expéditio

ns exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :











Me Patricia MINAULT





Me Emmanuel JULLIEN

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51C

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2016

R.G. N° 12/06412

AFFAIRE :

[X] [G] [O] veuve [N]

C/

[D] [Y] veuve [M]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Août 2012 par le Tribunal d'Instance de COURBEVOIE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-11-0013

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Emmanuel JULLIEN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [X] [G] [O] veuve [N]

née le [Date naissance 2] 1927 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20120650

assisté de Me Jacques GOURLAOUEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0396

APPELANTE

****************

Madame [D] [Y] veuve [M]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI JRF AARPI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20120874

assisté de Me Mercedes CANETTI, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 38

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mai 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président chargé du rapport et Madame Claire MORICE, conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Serge PORTELLI, Président,

Mme Claire MORICE, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY,

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte du 26 juillet 2006 Mme [N] a délivré congé à M et Mme [M] aux fins de reprendre le logement au bénéfice de sa fille et de ses petits enfants, Mme [A] [N] [V], Mlle [I] [V] et M. [B] [V].

Par acte du 28 février 2008, Mme [N] a fait assigner Mme [M] devant le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine pour validation du congé. En défense, Mme [M] a contesté la validité du congé et, reconventionnellement, a fait valoir que Mme [M] ne procédait jamais à la régularisation des provisions sur charges ni à leur justification.

Par jugement du 18 juin 2008, le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine a validé le congé et a enjoint sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 3ème mois de la signification du jugement de s'acquitter de ses obligations.

Mme [M] a libéré les lieux en août 2008.

Par acte d'huissier du 24 octobre 2011 Mme [M] a assigné Mme [N] devant le tribunal d'instance de Courbevoie aux fins de :

- constater que Mme [N] se refuse à justifier des charges et de la méthode et grille de ventilation entre les différents locataires de l'immeuble malgré l'astreinte mise à sa charge par jugement du tribunal d'instance de Neuilly sur Seine du 18 juin 2008,

- constater que les locaux n'ont pas été utilisés par Mme [N] [V] ni par ses enfants [I] et [B] [V],

- ordonner la liquidation de l'astreinte,

- désigner un expert pour se faire communiquer les charges de 2003 à 2008 et la méthode de ventilation entre locataires,

- missionner un expert pour établir la réalité de l'occupation du premier étage antérieurement occupé par Mme [M] telle qu'elle figurait dans le congé pour reprise du 26 juillet 2006,

- condamner Mme [N] à acquitter l'astreinte,

- nommer un expert pour se faire communiquer les baux de l'immeuble, l'ensemble des charges et grilles de ventilation et les montants réellement acquittés par les locataires et rechercher les conditions d'occupation de l'appartement antérieurement occupé par elle,

- enjoindre Mme [N] de justifier l'ensemble des charges et de leur ventilation pour la période de 2003 à 2008,

- condamner Mme [N] à lui payer tels dommages et intérêts que le tribunal voudra bien arbitrer pour congé discriminatoire et sans motif légitime,

- condamner Mme [N] à lui payer 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, elle demandait en outre de :

- prononcer la nullité du congé délivré le 26 juillet 2006,

- d'ordonner sa réintégration,

- de condamner Mme [N] à lui restituer 1.981,84€ au titre du dépôt de garantie,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner Mme [N] à lui payer non plus 2.500€ mais 3.000€ au titre de ses frais irrépétibles.

Mme [N], en défense, demandait au tribunal de :

- dire que l'obligation d'occupation du logement repris est une obligation de moyens dont le bailleur peut s'exonérer en apportant la preuve d'une cause légitime dont elle justifie,

- dire qu'en effet l'appartement était à la suite du départ de Mme [M] dans un tel état que d'importants travaux devaient être effectués avant sa réoccupation,

- dire qu'elle justifie d'une situation financière obérée ne lui permettant pas d'effectuer immédiatement les travaux nécessaires,

- débouter en conséquence Mme [M] de sa demande de réintégration,

- dire que Mme [M] ne démontre pas que son éviction lui a causé préjudice,

- dire qu'en effet son époux décédé s'est installé dans un quartier voisin auquel la clientèle pouvait accéder par le même bus et la même station de métro,

- débouter en conséquence Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts,

- la débouter de ses demandes d'expertise qui ne sauraient avoir pour objet de pallier son insuffisance dans l'administration de la preuve,

- dire qu'il n'est pas démontré que l'appartement est occupé en permanence, Mme [N] s'étant contentée de le mettre à 3 reprises à la disposition de l'un de ses amis voulant faire traiter son chien à [Localité 3] et au remplacement du concierge durant le mois d'août 2011,

- dire qu'elle est assujettie au demeurant à la taxe sur les locaux vacants pour l'appartement en cause,

- débouter Mme [M] de sa demande de restitution du dépôt de garantie,

- dire qu'elle justifie avoir tenu à disposition de Mme [M] les justificatifs des charges pour la période en cause,

- dire qu'elle l'a informée précisément de la méthode de calcul de ses charges mises en oeuvre depuis plus de 50 ans sans contestation des locataires de l'immeuble,

- dire en conséquence que Mme [M] est dénuée d'intérêt à agir sur ce point,

- dire qu'il n'appartient pas au tribunal de pallier sa carence dans l'examen des documents relatifs aux charges,

- la débouter en conséquence de ses demandes de ce chef,

- en conséquence débouter Mme [M] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 5.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement contradictoire du 10 août 2012, le tribunal d'instance de Courbevoie a :

- condamné Mme [N] à payer à Mme [M] la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts,

- condamné Mme [N] à payer à Mme [M] la somme de 1.381,84€ au titre du dépôt de garantie,

- condamné Mme [N] à payer à Mme [M] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] aux dépens,

- rejeté les autres demandes.

Mme [N] a relevé appel du jugement. Dans ses conclusions du 13 mars 2013, elle a formulé les demandes suivantes :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande d'annulation du congé ainsi que de sa demande de réintégration dans l'appartement et de sa demande de communication sous astreinte des justificatifs des charges,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la nécessité d'effectuer les travaux de remise en état de l'appartement et de l'impossibilité dans laquelle Mme [N] s'est trouvée de les financer compte tenu de l'état obéré de sa situation financière,

- dire qu'elle justifie de l'exécution de son obligation résultant de la signification du congé contesté,

- débouter en conséquence Mme [M] de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts,

- subsidiairement, dire que les dommages et intérêts réclamés par Mme [M] reposent sur l'impossibilité de céder le cabinet de son époux décédé comprenant le droit au bail de l'intéressé,

- dire que, s'agissant d'un bail mixte, le droit au bail en cause est incessible sauf accord du bailleur que celle-ci n'a pas donné,

- dire au demeurant que le bail en cause rappelle cette prohibition de cession,

- dire en conséquence que Mme [M] ne peut réclamer d'être indemnisée de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de céder le cabinet de son époux comprenant son droit au bail alors que l'incessibilité d'un tel droit résulte de la loi et du contrat,

- dire en tout état de cause que le successeur du docteur [M] s'est installé à proximité immédiate du cabinet de ce dernier et que la patientèle n'a pu s'en trouver dévalorisée alors qu'en tout état de cause l'éviction de l'ayant droit de Mme [M] résulte de l'application de la loi insusceptible en elle-même d'ouvrir un droit quelconque à indemnisation,

- débouter en conséquence de plus fort Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamner Mme [M] à payer à Mme [N] la somme de 4.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens qui seront recouvrés par la Selarl Patricia Minault conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions, Mme [M], intimée, formulait les demandes suivantes:

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [N] à lui payer la somme de 1.381,84€ au titre du dépôt de garantie, la décision n'étant pas contestée,

- juger que le congé était frauduleux, la bailleresse n'ayant pas l'intention de faire habiter les locaux par les bénéficiaires de la reprise,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'en donnant congé à sa locataire pour reprise par sa fille, Mme [A] [N] [V] et ses petits enfants, [I] [V] et [B] [V], Mme [N] a souscrit l'obligation contractuelle de faire habiter l'appartement, objet du congé par les bénéficiaires de la reprise,

- constater qu'aucun des trois bénéficiaires de la reprise ne s'est installé dans les locaux, objet du congé, depuis la libération de ceux-ci au mois d'août 2008, soit depuis plus de quatre ans et demi,

- juger qu'il n'est pas établi que les locaux, objet de la reprise, nécessitaient pour être habités, la réalisation de travaux pour un coût total de 62.277€,

- juger que Mme [N] n'a jamais justifié du caractère obéré de sa trésorerie alors qu'il est au contraire établi qu'elle dispose de très substantiels revenus,

- juger que, quand bien même des travaux auraient été nécessaires, les revenus de Mme [N] d'un montant d'environ 1.000.000€ hors revenus non soumis à prélèvement libératoire, lui auraient permis largement de financer ces travaux,

- juger en conséquence que l'inexécution par Mme [N] de l'obligation par elle souscrite de faire habiter les locaux repris par les bénéficiaires de la reprise n'est justifiée par aucun motif légitime,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'obligation contractée par Mme [N] en donnant congé pour reprise, de faire habiter le logement par Mme [N]-[V] et ses enfants n'a donc pas été respectée et que Mme [N] ne justifie par d'un motif légitime,

- en conséquence, prononcer la nullité du congé en raison de son caractère manifestement frauduleux,

- ordonner la réintégration de Mme [M] sans l'appartement situé [Adresse 1] sous astreinte de 100€ par jour de retard,

- ordonner la remise préalable de l'appartement dans l'état dans lequel il se trouvait au moment de sa libération,

- juger que Mme [M] a subi un préjudice considérable du fait du congé frauduleusement donné, Mme [M] ayant dû quitter un appartement qu'elle avait occupé pendant plus de 25 ans avec son mari depuis son mariage et avec son fils depuis la naissance de celui-ci, ayant dû céder la clientèle de son mari décédé dans de mauvaises conditions financières et devant de surcroît habiter un appartement plus petit pour un loyer à peine moins élevé et exposer une somme supplémentaire de plus de 400€ par mois pour exercer son activité professionnelle qu'elle devrait pouvoir exercer dans les locaux litigieux,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [N] à lui verser la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'inexécution de son obligation contractuelle à l'égard de sa locataire,

- juger que Mme [N] n'a pas justifié des charges locatives et de la méthode et de la grille de répartition des charges locatives entre les différents locataires de l'immeuble malgré le jugement du 18 juin 2008 et l'astreinte mise à sa charge,

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que Mme [N] a satisfait à l'obligation de communication faite par le jugement du tribunal d'instance de Neuilly du 18 juin 2008 alors qu'elle n'a remis à sa locataire aucun document justifiant la répartition des charges entre les différents locataires de l'immeuble,

- ordonner la liquidation provisoire de l'astreinte prévue au jugement du 18 juin 2008 depuis le 1er septembre 2008,

- enjoindre à Mme [N] de justifier de l'ensemble des charges et de la méthode de répartition entre les différents locataires de l'immeuble pour la période de 2003 à 2008,

- à défaut de production de ces documents, désigner tel expert qu'il plaira à la cour en confiant audit expert les missions suivantes: se faire communiquer par la bailleresse tous les baux de l'immeuble, l'ensemble des décomptes de charges pour les années 2003 à 2008, les méthodes ou grilles de ventilation des charges appliquées à la répartition des charges entre les différents locataires, les montants de charges réclamés aux locataires, donner son avis sur la méthode de ventilation appliquée par la bailleresse et dire si celle-ci est conforme aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, dans l'affirmative, vérifier le montant des charges réclamées à Mme [M] au titre des années 2003 à 2008, dans la négative, déterminer une méthode de ventilation des charges locatives entre les divers locataires de l'immeuble conforme aux dispositions de l'article 23 du 6 juillet 1989, déterminer le montant des charges dues par Mme [M] selon cette méthode pour les années 2003 à 2008, faire les comptes entre les parties, compte tenu des sommes versées par Mme [M] au cours des années susvisées,

- débouter Mme [N] de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [M] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] à verser en outre à Mme [M] la somme de 4.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction en ce qui concerne ces derniers au profit de la société JRF Avocats Associés.

Par arrêt mixte du 18 juin 2013, la cour d'appel a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité du congé pour reprise et de réintégration formées par Mme [M], dit qu'aucun motif légitime ne justifie le défaut d'occupation de l'appartement par les bénéficiaires de la reprise, dit que ce défaut d'occupation doit se résoudre en dommages et intérêts et condamné Mme [N] à restituer le dépôt de garantie,

- infirmé le jugement du chef du montant des dommages et intérêts alloués ainsi que du rejet de la demande d'injonction de communication des documents justifiant la répartition des charges locatives entre les occupants de l'immeuble,

- statuant à nouveau de ces chefs, condamné Mme [N] à payer à Mme [M] la somme de 8.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du congé pour reprise non suivi de la reprise effective par les bénéficiaires du congé,

- avant dire droit, sur la demande d'expertise, la demande de liquidation de l'astreinte, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens,

- enjoint à Mme [N] de communiquer à Mme [M] le document établi par architecte, déterminant la surface corrigée afférente à chaque appartement dépendant de l'immeuble du [Adresse 1] dans un délai de 2 mois suivant la signification de l'arrêt,

- renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 21 novembre 2013.

Suite à cet arrêt les parties ont de nouveau conclu.

Mme [N], dans ses dernières conclusions auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé de ses moyens et de ses prétentions, formule les demandes suivantes

- débouter Mme [M] de toutes ses demandes,

- subsidiairement, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de lui donner son avis sur l'exigibilité des charges payées par Mme [M],

- condamner Mme [M] à payer à Mme [N] une somme de 4.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Patricia Minault conformément à l'article 699 du même code.

Mme [M] intimée, dans ses dernières conclusions auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé de ses moyens et de ses prétentions, formule les demandes suivantes :

- juger que le premier décompte de surface corrigée (pièce 46) produit par Mme [N] au mois d'août 2013 n'a pas de valeur probante dès lors qu'il n'est pas daté ni signé et son auteur est inconnu,

- juger que le 'décompte de surface corrigée (pièce 48) produit par Mme [N] le 6 décembre 2013, identique à celui précédemment produit (pièce 46), n'a pas plus de valeur probante dès lors que son auteur et la qualité de celui-ci sont inconnues et dès lors surtout qu'il n'a manifestement pas été établi à l'époque de sa signature en août 2013,

- juger que ce document est, de surcroît, tronqué puisqu'il ne comporte pas sa première page et qu'il ne comprend par les trois boutiques situées au rez-de-chaussée ni la partie du premier étage annexée à l'une des boutiques,

- juger qu'il n'existe pas de corrélation entre le document produit par Mme [N] et la répartition des charges faite par la bailleresse pour les années 2003 à 2008, aucune des surfaces retenues pour la répartition des charges ne correspondant à celles du document produit par la bailleresse pour aucun des logements et que les charges réclamées à Mme [M] sont, au vu des documents produits, disproportionnées par rapport à celles réclamées aux autres locataires,

- juger que les plans de surface de chauffe, datés de mars 1968 produits le 14 janvier 2015 ne permettent pas davantage que les documents produits en décembre 2013 de répartir les charges entre les locataires de l'immeuble appartenant à Mme [N], les surfaces apparaissant sur ce document n'étant aucunement prises en compte dans la répartition des charges imposée par la bailleresse,

- juger en conséquence que Mme [N] n'a pas produit le document que la cour lui avait enjoint de communiquer,

- juger que Mme [N] n'a donc pas justifié des charges locatives et de la méthode et de la grille de répartition des charges locatives entre les différents locataires de l'immeuble malgré le jugement du 18 juin 2008 et l'astreinte mise à sa charge,

- en conséquence la condamner à restituer à Mme [M] la moitié des charges réglées par celle-ci pour la période du 1er janvier 2003 au jour de la libération des lieux soit la somme de 22.060€,

- très subsidiairement, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec la mission suivante: se faire communiquer par la bailleresse tous les baux de l'immeuble, un décompte de surface corrigée établi par un professionnel, daté et signé, l'ensemble des décomptes de charges pour les années 2003 à 2008, les méthodes ou grilles de ventilation des charges appliquées à la répartition des charges entre les différents locataires, les montants de charges réclamés aux locataires, donner son avis sur la méthode de ventilation appliquée par la bailleresse et dire si celle-ci est conforme aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, dans l'affirmative, vérifier le montant des charges réclamées à Mme [M] au titre des années 2003 à 2008, dans la négative, déterminer une méthode de ventilation des charges locatives entre les divers locataires de l'immeuble conforme aux dispositions de l'article 23 du 6 juillet 1989, déterminer le montant des charges dues par Mme [M] selon cette méthode pour les années 2003 à 2008, faire les comptes entre les parties, compte tenu des sommes versées par Mme [M] au cours des années susvisées,

- juger que les frais d'expertise et par conséquent la provision à valoir sur ces frais incomberont à Mme [N], la carence de celle-ci étant la cause de l'expertise,

- liquider l'astreinte provisoire prévue par le jugement du 18 juin 2008, notifié le 30 juin soit une astreinte à compter du 1er septembre 2008 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt, les documents, objet de la condamnation prononcée par le tribunal n'ayant pas été produits,

- condamner en conséquence Mme [N] à verser à Mme [M] la somme de 104.937€ correspondant au montant de l'astreinte calculée sur la base de 50€ par jour du 1er octobre 2008 au 30 mai 2014,

- subsidiairement, pour le cas où la cour considérerait que le 'décompte de surfaces corrigées' produit par l'appelante répond à l'injonction qui lui a été faite, liquider l'astreinte de la même façon mais pour la période du 1er septembre 2007 au 6 décembre 2013 (date de production de ce document) et condamner en conséquence Mme [N] à verser à Mme [M] la somme de 95.861€,

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [M] la somme de 2.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] à verser en outre à Mme [M] la somme de 6.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,

- condamner Mme [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction en ce qui concerne ces derniers au profit de Me Jullien AARPI JRF Avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour, dans son arrêt du 18 juin 2013, avait enjoint à Mme [N] de communiquer à Mme [M] le document établi par architecte, déterminant la surface corrigée afférente à chaque appartement. S'agissant du document attribuant la surface de chauffe à chaque lot, la cour avait considéré que Mme [N] l'avait versé aux débats.

Le litige ne subsiste donc que sur le document établissant la surface corrigée. La cour avait noté que Mme [N] avait fait état de ce document dans un courrier adressé à Mme [M] le 18 février 1984.

Mme [N] affirme qu'elle a effectué de longues recherches dans ses archives mais qu'elle n'avait pu retrouver que quelques surfaces corrigées; elles avaient été faites par M. [L], architecte, dans les années 50 alors qu'elle n'était pas propriétaire de l'immeuble. Rien ne permet de mettre en doute ces affirmations. Mme [N] avait fait allusion à ce document dans une lettre établie il y a plus de trente ans. Il est plus que vraisemblable que les documents établissant les surfaces corrigées sont anciens et il est admissible que Mme [N] n'ait pu les retrouver.

Mme [N] a produit un document établi par M. [U], géomètre et dont rien ne permet de mettre en doute l'authenticité. Ce document fait apparaître des différences avec les surfaces corrigées retenues pour la répartition des charges faite par Mme [N]. Ces différences sont toutefois minimes et peuvent s'expliquer par le très long délai qui s'est écoulé entre ces estimations du premier géomètre et celles effectuées en 2013 et l'ajout éventuel d'éléments d'équipement.

Les comparaisons effectuées par Mme [M] entre ses charges et celles de quelques uns des autres occupants de l'immeuble ne reposent sur aucun calcul fiable et seront écartées.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une expertise, les documents produits par Mme [N] apparaissant en définitive pertinents.

Mme [N] ayant ainsi satisfait aux obligations de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes formulées à ce titre par Mme [M].

S'agissant de l'astreinte, celle-ci avait été ordonnée par jugement en date du 18 juin 2008 du tribunal d'instance de Neuilly sur Seine. Le tribunal d'instance de Courbevoie dans son jugement du 10 août 2012, estimant que les pièces communiquées par Mme [N] respectaient ses obligations de bailleur, avait dit n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte. Les documents produits en définitive par Mme [N] confirmant ceux qu'elle avait précédemment versés aux débats, il n'y a pas davantage lieu à liquidation de cette astreinte. La demande de Mme [M] sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Le jugement du 10 août 2012 ayant été confirmé dans le principe de la condamnation de Mme [N] à des dommages et intérêts ainsi que dans ses autres dispositions sur le fond, il sera également confirmé en ce qu'il a condamné Mme [N] à payer à Mme [M] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

S'agissant de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile; chaque partie gardera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, vu l'arrêt du 18 juin 2013,

* confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné Mme [N] à payer à Mme [M] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] aux dépens,

- rejeté les autres demandes à savoir d'enjoindre Mme [N] de justifier l'ensemble des charges et de leur ventilation pour la période de 2003 à 2008, de liquider l'astreinte prononcée le 18 juin 2008 par le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine et d'ordonner une expertise,

* y ajoutant, s'agissant de la procédure d'appel, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Madame QUINCY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 12/06412
Date de la décision : 19/01/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°12/06412 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-19;12.06412 ?
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