COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 14 JANVIER 2016
R.G. N° 14/01611
AFFAIRE :
[C] [G]
C/
SARL CIDEL CIFI LABOUREUR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHATEAUDUN
Section : Activités diverses
N° RG : 13/00200
Copies exécutoires délivrées à :
la SCP MERY - GENIQUE
la SCP TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[C] [G]
SARL CIDEL CIFI LABOUREUR
le : 15 Janvier 2016
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [C] [G]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Philippe MERY de la SCP MERY - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035 - N° du dossier 20120426
APPELANT
****************
SARL CIDEL CIFI LABOUREUR
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en la personne de Mme [I] [J], gérante,
assistée de Me Marie-Sophie LUCAS de la SCP TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS substituée par Me Séverine DUCHESNE de la SCP TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000048
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,
Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,
Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,
Greffier, lors des débats : Madame Amélie LESTRADE,
Par jugement du 28 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Châteaudun (section Activités diverses) a :
- débouté Monsieur [C] [G] de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
- débouté Monsieur [G] de ses demandes d'indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour rupture abusive, d'indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaire pour les mois d'août et septembre 2010, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts concernant la remise de l'attestation Pôle emploi, et de celle relative au certificat de travail, sous astreinte de 50 euros,
- condamné la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR à payer à Monsieur [G] la somme de 1 822,60 euros au titre de rappel des salaires pour les mois de décembre 2010 et janvier 2011, auxquels s'ajoutent 182,26 euros au titre des congés payés,
- condamné la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR à payer la somme de 535 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision nonobstant appel,
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et qu'en cas d'inexécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2011 portant modification du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR aux entiers dépens.
Par déclaration d'appel adressée au greffe le 1er avril 2014 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur [C] [G] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR à lui payer un rappel de salaire de 1 822,60 euros outre 182,26 euros au titre des congés payés ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- ordonner à la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR de lui délivrer un certificat de travail comportant les mentions ' date d'engagement : 01.04.2008-fin de contrat : 10.12.2011", sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification du jugement à intervenir,
- ordonner la requalification des contrats à durée déterminée du 6 avril 2010, 1er octobre 2010, 1er novembre 2010,
- condamner la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR à lui payer les sommes suivantes :
. 1 500 euros à titre d'indemnité de requalification,
. 2 144,36 euros à titre de rappel de salaire pour août et septembre 2010,
. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
. 3 060,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 020,28 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR de ses demandes,
- condamner la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR demande à la cour de :
- dire qu'il n'y a pas de confusion d'employeurs entre la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR et Madame [J], à la fois gérante de la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR et particulier employeur,
- dire que les contrats à durée déterminée entre Monsieur [G] et la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR sont réguliers,
- dire que le licenciement repose sur un abandon de poste et qu'il est donc constitutif d'une faute suffisamment grave pour qu'il puisse entraîner la rupture du contrat de travail,
en conséquence,
- débouter Monsieur [G] de sa demande de rectification de la mention de son certificat de travail : date d'engagement le 1er avril 2008- fin de contrat le 10 décembre 2011, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- débouter Monsieur [G] de ses demandes de rappel de salaire pour août 2010, septembre 2010, décembre 2010 et janvier 2011,
- débouter Monsieur [G] de sa demande de voir condamner la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- débouter Monsieur [G] de toutes ses demandes,
- condamner Monsieur [G] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA COUR,
qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties à leurs écritures et à la décision déférée,
Considérant que Madame [J], gérante de la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR, société ayant pour activité l'imprimerie en tout genre, l'étude, le conseil, le développement, l'événement et la location de matériel de tous véhicules avec ou sans chauffeur, réside à [Adresse 3] (28) dans une propriété appartenant à la SCI [Adresse 4] qui abrite également des activités de la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR ;
Que Monsieur [G] a été rémunéré par Madame [J] par chèque emploi service du 1er avril 2008 au 5 avril 2010, pour un emploi à temps partiel de 47 heures par mois ;
Qu'il a été engagé par la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR, par contrat de travail à durée déterminée du 6 avril 2010, à temps complet, comme chargé d'entretien, du 6 avril au 30 juillet 2010 ;
Que, du 1er août au 30 septembre 2010, il a été à nouveau rémunéré par Madame [J] par chèque emploi service pour 47 heures de travail par mois ;
Qu'il a ensuite bénéficié de deux contrats de travail à durée déterminée passés avec la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR , en qualité d'ouvrier polyvalent, du 1er octobre au 31 octobre 2010, puis du 1er au 30 novembre 2010 ;
Qu'enfin, il a été engagé par la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR par contrat à durée indéterminée du 25 novembre 2010 à effet au 1er décembre 2010 ;
Qu'en dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 1 391,30 euros ;
Que pendant toute cette période d'emploi son épouse était employée de Madame [J] et le couple bénéficiait d'un logement de fonction au sein de la propriété ;
Que, le 22 avril 2011, Monsieur [G] a été incarcéré à la suite d'un différend familial ;
Que, le 14 mai 2011, Madame [J] a mis en demeure le couple de quitter les lieux ; que Madame [G] a obtempéré ;
Que Monsieur [G] est sorti de détention le 23 août 2011 ;
Qu'il a été convoqué par lettre recommandée avec avis de réception du 12 septembre 2011 à un entretien préalable, devant se dérouler au siège de la société à [Localité 3], fixé au 21 septembre et licencié par lettre du 7 octobre 2011 ainsi libellée :
' (...)
En date du 12 septembre 2011, nous vous avons adressé une lettre recommandée AR que vous avez réceptionnée le 14 septembre 2011.
Cette lettre AR vous convoquait à un entretien le 21 septembre 2011.
Vous ne vous êtes pas présenté à cette convocation et n'avez formulé aucun motif.
En conséquence de quoi, nous prononçons aujourd'hui votre licenciement pour abandon de poste depuis le 23 août 2011.
Par pli séparé, nous vous adresserons votre attestation Pôle emploi. ( ...) ' ;
Considérant, sur la confusion d'employeur, que la demande de Monsieur [G] tendant à voir retenir la société et madame [J] comme co-employeur pour la période du 1er avril 2008 au 10 décembre 2011 est irrecevable dès lors que le salarié n'a pas mis Madame [J] dans la cause ;
Considérant, sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que les contrats des 6 avril, 1er octobre et 2 novembre 2010 mentionnent comme motif de recours ' réalisation de travaux exceptionnels d'entretien ' ;
Que ce motif, qui ne peut être interprété comme constituant un accroissement temporaire d'activité puisque l'activité de la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR est tout à fait différente, ne figure pas parmi les motifs de recours à un contrat à durée déterminée ;
Qu'il convient donc, infirmant le jugement, de requalifier la relation contractuelle unissant Monsieur [G] à la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR en contrat à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010 ;
Qu'en conséquence, en application de l'article L. 1245-2 du code du travail il doit être accordé au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ;
Qu'il sera alloué de ce chef à Monsieur [G] la somme de 1 500 euros ;
Considérant, sur le rappel de salaire des mois d'août et septembre 2010, que du fait de la requalification de la relation contractuelle au cours de cette période Monsieur [G] bénéficiait encore d'un contrat de travail à temps complet ;
Que dès lors qu'il devait être payé à temps complet, il sera fait droit à sa demande de paiement de la perte de salaire subie à hauteur de 2 144,36 euros ;
Considérant, sur le rappel de salaire pour les mois de décembre 2010 et janvier 2011, qu'également sur cette période Monsieur [G] bénéficiait d'un contrat de travail à temps complet et devait être rémunéré sur cette base ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur [G] la somme de 1 822,60 euros, outre les congés payés afférents, à ce titre ;
Considérant, sur le licenciement que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ;
Que les différents contrats de travail de Monsieur [G] et ses bulletins de paie ne faisant aucune référence à la mise à sa disposition d'un logement au sein de la propriété, Monsieur [G] est mal fondé à soutenir que le courrier du 14 mai 2011 lui notifiant de quitter ledit logement était constitutif d'un licenciement ;
Qu'en application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois et courant à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés, à moins que ces faits aient donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
Qu'en l'espèce, dès lors que le comportement de Monsieur [G] s'est poursuivi dans le délai de deux mois puisqu'il était toujours absent le jour du licenciement les règles de prescription ne sont pas opposables à l'employeur ;
Que, quand bien même l'absence d'un salarié à l'entretien préalable ne peut constituer un grief, la circonstance que Monsieur [G] après sa mise en liberté ne se soit pas présenté à son poste de travail, n'ait même pas repris contact avec son employeur et n'ait pas manifesté l'intention de reprendre son emploi rendait impossible la poursuite du contrat de travail ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave ;
Considérant que sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte il convient d'ordonner à la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR de remettre à Monsieur [G] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt ;
Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [G] les frais par lui exposés en cause d'appel non compris dans les dépens à hauteur de 2 500 euros ; que la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR sera déboutée de sa demande de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme partiellement le jugement,
Et statuant à nouveau,
Dit irrecevables les demandes relatives à la confusion d'employeurs et au co-emploi,
Requalifie la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010,
Condamne la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR à payer à Monsieur [C] [G] les sommes suivantes :
. 1 500 euros à titre d'indemnité de requalification, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 2 144,36 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d'août et septembre 2010, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Ordonne à la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR de remettre à Monsieur [G] une attestation Pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt,
Confirme pour le surplus le jugement,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR à payer à Monsieur [G] la somme complémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Déboute la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL CIDEL-CIFI LABOUREUR aux entiers dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Martine FOREST-HORNECKER, président et Madame Amélie LESTRADE, greffier en pré-affectation.
Le GREFFIER Le PRESIDENT