COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
OF
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 JANVIER 2016
R.G. N° 14/00781
AFFAIRE :
[Y] [Z]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 12-02230/N
Copies exécutoires délivrées à :
Me Paul COUTURE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
Copies certifiées conformes délivrées à :
[Y] [Z]
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [Y] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Paul COUTURE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 292
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/008263 du 13/10/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Mme [V] en vertu d'un pouvoir spécial en date du 09 octobre 2015
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD
Mme [Y] [Z] a été embauchée par l'association du travail et des questions économiques juridiques et sociales des domiens (ATEJS), dont le président était son fils, M. [O] [L], en qualité de cadre, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 2008, pour une rémunération d'environ 5 000 euros par mois.
Mme [Z] s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie du 28 mars au 30 août 2011.
Le 08 septembre 2011, Mme [Z] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine (ci-après, CPAM) une attestation sur l'honneur selon laquelle elle avait cessé son travail à l'ATEJS le 31 décembre 2009, s'était trouvée en 'indisponibilité' du 1er janvier au 20 mars 2011 puis avait repris son activité le 21 mars 2011 avant d'être de nouveau arrêtée à compter du 28 mars 2011.
Le 30 septembre 2011, Mme [Z] a adressé à la CPAM une attestation de salaire établie en date du 30 septembre 2011 par M. [L], faisant apparaître un salaire mensuel de 5 012 euros, avec des bulletins de salaire pour les mois de décembre 2010, janvier 2011 et février 2011.
La CPAM a mené une enquête administrative, à la suite de laquelle elle a refusé de prendre en charge l'arrêt de travail prescrit à compter du 28 mars 2011 et a déclenché une procédure de pénalité financière, sur le fondement de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, à hauteur de 3 000 euros, à l'encontre de Mme [Z].
Par courrier en date du 15 mars 2012, Mme [Z] a contesté cette décision auprès de la caisse.
Le 27 avril 2012, la CPAM a notifié à Mme [Z] le rejet de sa réclamation par la commission de recours amiable.
Mme [Z] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine (ci-après, le TASS) qui, par jugement rendu le 16 décembre 2013 a confirmé le refus de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine d'indemniser l'arrêt de travail observé du 28 mars au 30 août 2011 et condamné Mme [Z] à payer à la caisse une somme de 3 000 euros à titre de pénalité.
Mme [Y] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées en date du 19 novembre 2015, tant pour Mme [Z] que pour la CPAM, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 19 novembre 2015,
MOTIFS,
Dans ses conclusions, Mme [Z] fait notamment valoir que, pour justifier de la réalité du versement de ses salaires, elle a produit une attestation de la trésorière de l'association ainsi que des extraits de ses comptes bancaires pour la période comprise entre le 02 décembre 2010 et le 02 mai 2011, qui permettent de vérifier que « l'employeur de Madame [Z] lui a versé sur la période concernée la somme totale de 10 550 euros, correspondant aux congés payés qui lui ont été rétribués entre le 1er janvier 2011 et le 21 mars 2011 » et que la semaine du 21 au 28 mars 2013 ne lui a été réglée que « bien plus tard, en mars 2013, au vu des difficultés rencontrées par l'association ».
Mme [Z] conteste par ailleurs que le compte URSSAF de son employeur ait été clôturé depuis le 31 décembre 2009, au vu notamment de courriels adressés durant l'année 2011 et de paiement de cotisations auprès de la Caisse guadeloupéenne de retraite par répartition (CGRR) en 2011.
Elle soutient en outre avoir « pleinement coopéré, soit directement, soit par l'intermédiaire de son Conseil de l'époque, avec la CPAM », avoir fourni « tous les justificatifs sollicités » et la décision du TASS était, au vu de son laconisme, « révoltante » et « déshonor(ait) l'Etat de Droit dans lequel vit Madame [Z] (') ».
La cour devait donc infirmer le jugement entrepris.
La cour devait en outre condamner la résistance abusive de la CPAM, qui avait contribué à la dégradation de la santé, déjà fragile, de Mme [Z], et avait conduit cette dernière à ne pouvoir assurer le remboursement de son prêt immobilier.
Mme [Z] est ainsi fondée à solliciter la condamnation de la caisse à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts.
Enfin, Mme [Z] demande à la cour de condamner la caisse à lui payer la somme de 3 000 euros hors taxe sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à devoir payer les entiers dépens.
La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine sollicite la confirmation du jugement entrepris, qui a justement retenu que Mme [Z] ne justifiait pas de la réalité du versement des salaires mentionnés sur les bulletins de paie, relevé que deux des bordereaux récapitulatifs de cotisations portent des surcharges manuscrites.
De plus, Mme [Z], lors de l'enquête administrative avait indiqué que l'association avait été « mise en sommeil depuis septembre 2010 ».
En réalité, les « documents produits par l'intéressée ont été établis pour les besoins de la cause afin de permettre à Madame [Z] d'obtenir l'indemnisation de son arrêt de travail ».
La CPAM sollicite ainsi la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
SUR CE,
Quand bien même le premier juge a commencé l'exposé de ses motifs par la citation de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, relatif à la pénalité infligée à Mme [Z], c'est par de justes motifs que la cour approuve que Mme [Z] a été déclarée recevable mais mal fondée en son recours, déboutée de celui-ci et condamnée à payer à la CPAM la somme de 3 000 euros à titre de pénalité.
La cour note qu'il a été évoqué, au cours de l'audience, la condamnation de Mme [Z] et de l'ATEJS pour abus de confiance et usurpation de titre, par la cour d'appel de Basse-Terre, le conseil de Mme [Z] précisant que cette décision a fait l'objet d'une cassation partielle (arrêt du 14 janvier 2015 ; pourvoi n°14-80262).
Il importe en conséquence de préciser ici que, par cette décision, la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt de la cour de Basse-Terre, s'agissant de la condamnation du chef d'abus de confiance mais retenu que « les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme (la) mettent en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'usurpation de titre dont elle a déclaré les prévenues coupables et ainsi justifié l'allocation d'une indemnité au profit de l'ordre des avocats du barreau de Guadeloupe ».
Cet arrêt n'est ainsi pas déterminant pour le litige que la présente cour doit trancher, quand bien même il démontre que Mme [Z] a pu se présenter, en certaines circonstances, de manière mensongère.
Mais les pièces versées par Mme [Z] confirment qu'elle se trouve dans l'incapacité de démontrer la réalité d'un statut de salarié qui lui permettrait de bénéficier des indemnités journalières auxquelles elle prétend.
L'attestation de paiement des congés payés, outre qu'elle a été établie le 05 avril 2012, indique qu'il aurait été convenu que « les congés payés 2008 et 2009 seront exceptionnellement pris ultérieurement comme nous projetions la fermeture momentanée de (la) structure ». Il résulte nécessairement de cette affirmation qu'attester que Mme [Z] était en « indisponibilité du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 » est mensonger puisqu'elle se serait trouvée en congés payés.
Au demeurant, les salaires correspondant aux congés payés auraient été payés en plusieurs virements à partir de décembre 2010 jusqu'en mai 2011.
La cour ne peut que constater que Mme [Z] produit des copies de relevés de compte, dont de nombreuses opérations ont été effacées quant à leur nature ou à leur montant (ce qui n'a pas de sens, les copies de ces relevés se trouvant dans leur intégralité dans le dossier de la caisse), pour ne laisser subsister que les virements « ass du trav eco jur » ; soit des virements de 1 400 euros le 14 décembre 2010, 500 euros le 20 décembre 2010 ; 4 500 euros le 03 janvier 2011 (où l'on voit déjà que le montant total versé en un mois est supérieur au salaire dû à Mme [Z]) ; encore 1 000 euros le 17 janvier 2011 ; 500 euros le 21 janvier ; 650 euros le 28 février 2011 ; 1 000 euros le 08 avril 2011 ; 2 300 euros le 15 mars 2013.
Ces éléments n'établissent en aucune manière la réalité d'un salaire versé en contrepartie d'un travail.
Le document CGSS (pièce 9 de Mme [Z]) est rempli de façon manuscrite, surchargé quant à la date de son établissement pour qu'on lise 30/03/2011, l'écriture de la surcharge étant différente de celle des autres chiffres manuscrit, le nombre de salariés n'est pas renseigné.
Les courriels de l'URSSAF ne démontrent rien (pièce 10 de Mme [Z]) : un seul porte mention d'un destinataire ; or il s'agit de Mme [Z] et non de l'association ; dans tous les cas, il s'agit de courriels non spécifiques.
L'appel de cotisations CGRR pour l'année 2011 (pièce 11) est une photocopie d'un document manuscrit, à la date du 30 décembre 2011, qui indiquerait que des cotisations sont dues, pour un salarié, non cadre.
Or Mme [Z] était, de par son contrat de travail, cadre.
Mme [Z] ne produit aucun bulletin de salaire.
Elle ne produit pas davantage d'élément de nature à confirmer que l'ATEJS bénéficiait d'un compte employeur.
En revanche, au nombre des pièces soumises par la CPAM, figure un courriel de l'URSSAF, adressé à l'enquêteur de la caisse, selon lequel l'association a disposé d'un compte employeur auprès de la CGSS de la Guadeloupe jusqu'au 31 décembre 2009, déclarant un seul salarié, Mme [Z].
Le bulletin de paie de celle-ci pour décembre 2010, particulièrement sommaire, fait état d'un salaire nul pour cause d'absence pendant toute la période. Ce qui est à l'évidence contradictoire avec les sommes dont le virement a été mentionné plus haut.
Le bulletin de paie fait état d'une rémunération nette de 4 015,30 euros, le mode de règlement n'est pas précisé, pour 22 jours de congés payés.
Le bulletin de paie du mois de février 2011 est identique, sauf que le nombre de congés payés n'est pas mentionné, mais toutes les autres sommes sont identiques. Or il n'y a pu avoir 22 jours non travaillés en février 2011.
Les bordereaux de cotisations CGSS sont incohérents, ne mentionne pas le nombre de salariés, sont surchargés pour ceux qui concernent le 1er et le 3ème trimestre 2011.
C'est donc à bon droit que, dans ces conditions, la CPAM a refusé à Mme [Z] le paiement d'indemnités journalières et a infligé à cette dernière une pénalité d'un montant de 3 000 euros.
Le jugement sera confirmé et la cour dira qu'une copie en sera adressée à Monsieur le Procureur Général près la cour de céans.
Il résulte de ce qui précède que Mme [Z] ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages intérêts.
Sur l'amende civile
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui « qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés ».
Les explications qui précèdent démontrent à l'envi la mauvaise foi de Mme [Z] qui, déjà condamnée pénalement pour usurpation de titres, n'a pas hésité à engager une procédure aux fins d'obtenir des prestations auxquelles elle savait ne pouvoir prétendre, soutenant son action au moyen de documents partiels ou modifiés de façon manuscrite, poursuivant jusque devant la cour d'appel son action abusive, n'hésitant pas à utiliser dans ses conclusions des termes outranciers.
Mme [Z] sera donc condamnée à une amende civile d'un montant de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
Condamne Mme [Y] [Z] à une amende civile d'un montant de 1 000 euros ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;
Dit que le greffe adressera une copie du présent arrêt adressée à Monsieur le Procureur Général près la cour de céans.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,