COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 12 JANVIER 2016
R.G. N° 15/00434
AFFAIRE :
[SL] [UT]
ET AUTRES
C/
SA ALCATEL LUCENT
ET AUTRES
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Référé
N° RG : 14/00460
Copies exécutoires délivrées à :
Me David METIN
AARPI FIDERE AVOCATS
SELARL CLOIX & MENDES-GIL
FEDERATION GENERALE DES MINES ET DE LA METALLURGIE CFDT
Copies certifiées conformes délivrées à :
[SL] [UT]
[JH] [DG]
[ST] [GZ]
[R] [KD]
[BN] [OL]
[XI] [AC]
[QL] [XX]
[PP] [YM]
[VI] [UE]
[ML] [GK]
[PW] [KS]
[Z] [RP]
[XB] [CR]
[TP] [RA]
[LW] [MS]
[R] [SE]
[QE] [IZ]
[BN] [AN]
[LH] [ID]
[WT] [CC]
[LO] [PH]
[BC] [ZX]
[WE] [TA]
[JO] [MD]
[AR] [MD]
[XI] [EZ]
[FG] [IK]
[LO] [IS]
[BC] [TI]
[NW] [VX]
[ZQ] [RW]
[ST] [FO]
[ZB] [VP]
[ML] [VP]
[BC] [ER]
[VI] [OS]
[PA] [HV]
[AR] [CN]
[FV] [ZI]
[LO] [OD]
SA ALCATEL LUCENT
SAS ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL
SAS GFI INFORMATIQUE TELECOM anciennement QUATORZELEC
Société GFI INFORMATIQUE
Syndicat CGT ALCATEL-LUCENT VILLARCEAUX,
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [SL] [UT]
[Adresse 15]
[Adresse 60]
Représentée par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [JH] [DG]
[Adresse 23]
[Adresse 39]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [ST] [GZ]
[Adresse 29]
[Adresse 69]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [R] [KD]
[Adresse 27]
[Adresse 59]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [BN] [OL]
[Adresse 35]
[Adresse 56]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [XI] [AC]
[Adresse 37]
[Adresse 59]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Madame [QL] [XX]
[Adresse 19]
[Adresse 64]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES,
Monsieur [PP] [YM]
[Adresse 24]
[Adresse 68]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [VI] [UE]
[Adresse 25]
[Adresse 31]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [ML] [GK]
[Adresse 50]
[Adresse 39]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Madame [PW] [KS]
[Adresse 11]
[Adresse 57]
Comparante
Assistée de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [Z] [RP]
[Adresse 9]
[Adresse 72]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [XB] [CR]
[Adresse 26]
[Adresse 39]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [TP] [RA]
[Adresse 47]
[Adresse 53]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Madame [LW] [MS]
[Adresse 13]
[Adresse 55]
Comparante
Assistée de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [R] [SE]
[Adresse 2]
[Adresse 39]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [QE] [IZ]
[Adresse 51]
[Adresse 43]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [BN] [AN]
[Adresse 30]
[Adresse 54]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [LH] [ID]
[Adresse 33]
[Adresse 68]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [WT] [CC]
[Adresse 8]
[Adresse 55]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [LO] [PH]
[Adresse 38]
[Adresse 44]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [BC] [ZX]
[Adresse 10]
[Adresse 42]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [WE] [TA]
[Adresse 12]
[Adresse 32]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [JO] [MD]
[Adresse 36]
[Adresse 62]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [AR] [MD]
[Adresse 22]
[Adresse 67]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [XI] [EZ]
[Adresse 4]
[Adresse 74]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES,
Monsieur [FG] [IK]
[Adresse 75]
Bâtiment B
[Adresse 65]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES,
Monsieur [LO] [IS]
[Adresse 28]
[Adresse 55]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [BC] [TI]
[Adresse 16]
[Adresse 61]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Madame [NW] [VX]
[Adresse 5]
[Adresse 39]
Comparante
Assistée de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [ZQ] [RW]
[Adresse 52]
[Adresse 58]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [ST] [FO]
[Adresse 17]
[Adresse 73]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [ZB] [VP]
[Adresse 20]
[Adresse 71]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES,
Monsieur [ML] [VP]
[Adresse 14]
[Adresse 46]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [BC] [ER]
[Adresse 1]
[Adresse 41]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [VI] [OS]
[Adresse 48]
[Adresse 39]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [PA] [HV]
[Adresse 21]
[Adresse 55]
Représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [AR] [CN]
[Adresse 18]
[Adresse 45]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [FV] [ZI]
[Adresse 49]
[Adresse 40]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Monsieur [LO] [OD]
[Adresse 3]
[Adresse 42]
Comparant
Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
APPELANTS
****************
SAS ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL
[Adresse 7]
[Adresse 66]
Représentée par Me Amandine GONCALVES de l'AARPI FIDERE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
SA ALCATEL LUCENT
[Adresse 7]
[Adresse 66]
Représentée par Me Amandine GONCALVES de l'AARPI FIDERE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
SAS GFI INFORMATIQUE TELECOM anciennement QUATORZELEC
[Adresse 6]
[Adresse 70]
Représentée par Me Léa DUHAMEL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS
Société GFI INFORMATIQUE
[Adresse 6]
[Adresse 70]
Représentée par Me Léa DUHAMEL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
****************
Syndicat CGT ALCATEL-LUCENT VILLARCEAUX
[Adresse 76]
[Adresse 63]
Représentée par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES
FEDERATION GENERALE DES MINES ET DE LA METALLURGIE CFDT
[Adresse 34]
[Adresse 39]
Non comparante - Non représentée
PARTIES INTERVENANTES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BÉZIO, président, et Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
****************
EXPOSE DU LITIGE
La société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL- spécialisée dans la conception de produits et services relatifs aux nouvelles technologies de la communication- appartient au groupe ALCATEL LUCENT; dotée d'un comité central d'entreprise (CCE), de comités d'établissements (CE) et comités d'hygiène de sécurité et des conditions de travail pour ses 8 sites en FRANCE, elle compte 5400 salariés.
Afin de faire face aux difficultés économiques du groupe, la direction a annoncé en 2013 puis 2014 deux Plans de Sauvegarde de l'Emploi (PSE), celui de 2014 dénommé'»plan shift'» prévoyant la fermeture de 3 sites ([Localité 4], [Localité 2] et [Localité 3]), la cession de certaines activités du site d'[Localité 1], et la filialisation du site d'EU.et devant s'accompagner de 495 suppressions de postes et 496 mobilités.
Le PSE shift a été validé par la DIRECCTE le 19 juin 2014, mais en raison du refus de ce plan par la majorité des salariés concernés par les mobilités, la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL a décidé la cession de certaines activités, notamment des activités «'Customer Expérience'», «'Payment'» et «'Operation Support System'», à la société GFI dans le cadre d'une «'externalisation'» avec partenariat, consistant en :
- un transfert au 1er janvier 2015 des trois activités susvisées avec ses 120 contrats de travail au sein de la société QUATORZELEC, appartenant à 100% à la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL ;
- un contrat de prestations de services aux termes duquel cette dernière s'engage à acheter à la société QUATORZELEC des prestations de services correspondant à un chiffre d'affaires minimum garanti et dégressif sur 3 ans ;
- une cession de tous les titres de la société QUATORZELEC à la société GFI ;
- un développement de ces activités cédées dans le cadre d'un partenariat avec la société GFI.
Initialement cette cession d'activités ne concernait que des salariés des sites de TOULOUSE et d'ORVAULT, mais elle a été étendue au site de VILLARCEAUX début septembre 2014, provoquant des inquiétudes chez les salariés de ce site.
Le 21 novembre 2014 une pétition était néanmoins signée en faveur de cette cession par 68 des 120 salariés concernés.
Le CHSCT du site de VILLARCEAUX, le 26 novembre 2014, décidait d'avoir recours à une expertise, et ne rendait pas d'avis le 15 décembre 2014, dans l'attente du rapport définitif du cabinet ISAST désigné comme expert.
Dans le cadre de la procédure d'information - consultation, le CCE et le Comité d'établissement concerné rendaient, après avoir eu connaissance du pré- rapport d'expertise du cabinet ISAST, un avis positif le 17 décembre 2014.
Par acte d'huissier du 1er décembre 2014, la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et le syndicat CGT ALCATEL LUCENT VILLARCEAUX assignaient à jour fixe la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL et la société ALCATEL LUCENT devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE aux fins d'interruption du transfert de l'activité«'Operation Support System'» à la société QUATORZELEC.
La société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL faisait assigner en intervention forcée la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT.
Par jugement du 19 février 2015, dont les demandeurs ont formé appel, le TGI déboutait la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et le syndicat CGT ALCATEL LUCENT VILLARCEAUX de leurs demandes, les condamnant in solidum à payer chacune à la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le TGI a estimé que la procédure d'information-consultation du CCE et du CE avait été régulière, et que l'avis du CHSCT régulièrement informé n'était pas requis; il a jugé que les 3 activités transférées formaient un ensemble cohérent et pouvaient fonctionner dans une structure indépendante donc étaient autonomes, ce qui justifiaient l'application de l'article L.1224-1.
Cette procédure parallèle au fond est examinée à la même audience que la présente procédure au fond; les parties et les demandes n'étant pas identiques, les deux procédures sont jugées séparément.
La procédure objet du présent arrêt est exposée comme suit :
Par assignation en référé devant le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 9 décembre 2014 émanant de 40 salariés de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL, à l'égard de cette dernière, de la société ALCATEL LUCENT et de la société QUATORZELEC, instance à laquelle les syndicats CGT ALCATEL LUCENT VILLARCEAUX et la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT (sur assignation en intervention forcée de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL) se trouvaient parties intervenantes, lesdits salariés demandaient principalement au Conseil de constater l'absence d'unité économique autonome des activités«'Customer Expérience'», «'Payment'» et «'Operation Support System'», l'absence d'application de l'article L.1224-1 du code du travail, et la suspension de la cession de ces activités ou la remise en état à la situation antérieure.
Le Conseil, par ordonnance du 9 janvier 2015, dont les salariés ont formé appel, les déboutait de leurs demandes, estimant ne pas avoir à statuer en l'état, en raison d'une part de son absence de connaissances techniques sur la question de l'existence d'une unité économique autonome (nécessitant l'avis d'un expert), et d'autre part de l'attente de l'avis du CCE sur la cession litigieuse devant intervenir le 17 décembre 2014, mais aussi de la saisine du TGI au fond.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions des parties, respectivement signifiées les 29 octobre 2015 pour l'audience du 3 novembre 2015, exposant ce qui suit :
Les 40 salariés anciennement employés par la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL et le syndicat CGT ALCATEL LUCENT VILLARCEAUX intervenant volontaire, concluent à l'infirmation de l'ordonnance de référé, en invoquant le trouble manifestement illicite, priant la Cour :
- à titre principal, et pour la première fois en appel, d'annuler les consultations du CCE et du CE de VILLARCEAUX, en raison de leur irrégularité vu l'absence d'avis du CHSCT, et en conséquence d'annuler le transfert du contrat de travail des salariés tant que les institutions représentatives n'ont pas été régulièrement consultées et remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant le transfert ;
- à titre subsidiaire de constater l'absence d'unité économique autonome des activités«'Customer Expérience'», «'Payment'» et «'Operation Support System'», leur maintien au sein de la société GFI n'étant réalisable qu'en raison des liens d'interdépendances entretenus par le cédant, la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL, avec les activités transférées auprès du cessionnaire la société GFI ;
- de juger que le transfert litigieux ne peut emporter l'application de l'article L.1224-1 du code du travail,
Et en tout état de cause :
- de faire cesser le trouble manifestement illicite en ordonnant à la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL de réintégrer les 40 salariés en son sein, sous astreinte de 10 000 € par personne et par jour, en se réservant le cas échéant la liquidation de l'astreinte ;
- de condamner les sociétés intimées à leur payer à chacun la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts provisionnels pour exécution déloyale du contrat de travail, outre le montant de leur «'bonus corporate'», sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, et la somme de 5 000 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de déclarer l'arrêt opposable à la société QUATORZELEC devenue GFI INFORMATIQUE TELECOM.
Ils soutiennent que les délais de consultation du CCE n'étaient pas expirés au moment de la cession intervenue début janvier 2015, et que le CHSCT avait prévu de rendre son avis une fois déposé le rapport intégral de l'ISAST; ils estiment que la direction de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL, en conditionnant la réalisation d'une expertise décidée par le CHSCT à la poursuite de la consultation du CCE, a épuré l'avis du CHSCT de toute sa substance et l'expertise de toute utilité.
La société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL et la société ALCATEL LUCENT, ci- après les sociétés intimées concluent à la confirmation de l'ordonnance, vu l'absence de trouble manifestement illicite et vu l'existence d'une contestation sérieuse, et au débouté des appelants en toutes leurs demandes, priant la Cour de constater l'application de l'article L.1224-1 du code du travail et le caractère non contractuel et non garanti du«'bonus corporate'», sollicitant aussi la condamnation solidaire des appelants à leur payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles soutiennent que l'examen de l'opération de cession étant à la fois complexe mais approuvée par une majorité de salariés, cela exclut la compétence du juge des référés, juge de l'évidence.
Elles estiment avoir satisfait aux obligations d'information/consultation des institutions représentatives du personnel (CCE, CE), faisant valoir que le CHSCT a été valablement consulté et n'a pas émis d'avis; si les motifs de cette absence d'avis et le pré- rapport n'ont pas été transmis au CCE dans le délai de 7 jours au moins, ce non respect du délai ne saurait invalider l'avis du CCE, faute de texte le prévoyant; elle affirme en outre que la consultation du CHSCT et le rapport de l'ISAST n'avaient pour vocation qu'à analyser les conséquences de la cession, le CHSCT n'étant pas compétent en matière de cession.
En tout état de cause, elles font observer que les trois activités cédées formaient une entité économique autonome, tant au niveau des salariés transférés que des moyens corporels et incorporels mis à disposition de la société cessionnaire.
La société GFI INFORMATIQUE TELECOM (anciennement société QUATORZELEC), intervenante volontaire, conclut aux mêmes fins que les sociétés intimées.
Elle précise que le transfert des trois activités est cohérent avec sa stratégie d'acquisition d'activités depuis plusieurs années dans un but de recentrage sur la France par une offre de proximité et une démarche de spécialisation technologique, notamment dans le domaine des télécommunications.
Elle fait valoir que la cession de ces activités s'est effectuée dans des conditions intégrant son engagement de ne pas licencier les salariés transférés pendant 3 ans, en parallèle avec l'engagement de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL à maintenir pour 3 ans un volume d'activité dans le cadre d'un contrat de prestations de services; le seul changement social a consisté en un changement de convention collective, les salariés étant désormais soumis à la convention collective dite SYNTEC; enfin, la société GFI a organisé rapidement des élections professionnelles comme elle s'y était engagée, et des négociations ont été organisées pour l'adaptation des statuts sociaux.
La Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, assignée en intervention forcée de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL en première instance, n'a pas conclu.
MOTIVATION DE LA DECISION
Selon l'article R 1455- 6 du code du travail le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, les appelants contestent à titre principal la régularité des consultations du CCE et du CE de VILLARCEAUX au sujet de la cession à la société GFI des trois activités susvisées, puis à titre subsidiaire la validité de la cession du fait du caractère non autonome des-dites activités, avec pour objectif d'obtenir l'annulation de cette cession et du transfert des contrats de travail.
Le trouble manifestement illicite consisterait en une application erronée des dispositions légales relatives à l'information-consultation du CCE en cas de cession et au transfert des contrats de travail dans le cadre de la cession.
Sur la validité de l'information/consultation du CCE au sujet du projet de cession
Les salariés appelants et le syndicat CGT intervenant volontaire invoquent à la fois des irrégularités dans les délais et sur le fond, estimant que le CCE a été insuffisamment informé en raison de l'absence d'avis du CHSCT.
Néanmoins, ils sont seulement recevables à contester la régularité de la procédure de consultation du comité et non la qualité de l'information fournie à ce dernier.
L'article L. 4612-8 du code du travail énonce que 'le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail'.
Selon l'article L. 4614-12, ' le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé ...en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8".
Par ailleurs, selon l'article L 2323-6 du code du travail, le comité d'entreprise, dont le CCE exerce les attributions économiques dans le cadre du groupe ALCATEL LUCENT, est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion, et la marche générale de l'entreprise et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle.
L'article L.2323-27 du code du travail dispose que'«' le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. A cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. Il bénéficie du concours du CHSCT dans les matières relevant de sa compétence; les avis de ce comité lui sont transmis.
Dans l'espèce, il est établi chronologiquement les éléments suivants :
- le CCE de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL a été informé du projet de transfert des trois activités à compter du 9 septembre 2014, puis une réunion s'est tenue le 21 octobre 2014, et
- le Comité d'établissement de VILLARCEAUX a été informé de ce projet le 23 octobre 2014,
- l'expertise ordonnée par le CCE en septembre 2014 a été rendue par le cabinet SYNDEX en décembre 2014, complétant son information;
- Le CHSCT de VILLARCEAUX faisait une alerte le 12 novembre 2014 au sujet des risques psycho- sociaux induits par le projet d'externalisation;
- le CHSCT de VILLARCEAUX réuni le 26 novembre 2014, décidait d'avoir aussi recours à une expertise, et ne rendait pas d'avis le 15 décembre 2014, dans l'attente du rapport définitif du cabinet ISAST désigné comme expert, dont la mission couvrait aussi une analyse des risques psycho-sociaux;
- le CCE, après avoir eu connaissance du pré- rapport d'expertise du cabinet ISAST et du rapport du cabinet SYNDEX, rendait un avis positif le 17 décembre 2014 sur le projet d'externalisation des trois activités«'Customer Expérience'», «'Payment'» et «'Operation Support System'» vers le groupe GFI, tout en exigeant que le projet soit éclairci et que soient améliorées les conditions et garanties des salariés transférés, suivant ainsi les préconisations du cabinet ISAST.
En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, l'avis du CHSCT était nécessaire sur le projet de cession, vu le changement des conditions d'emploi (lieu de travail notamment)et de l'organisation du travail découlant principalement du changement d'employeur et de convention collective, et du fait que d'une part les salariés des sites de TOULOUSE- COLOMIERS (Haute Garonne) et ORVAULT (Loire Atlantique) qui allaient être fermés, allaient travailler sur le site de VILLARCEAUX (Val d'Oise) à partir d'octobre 2015; d'autre part, des salariés de VILLARCEAUX allaient être transférés sur le site de VELIZY( Yvelines), ce qui modifiait les trajets domicile/travail.
Sur le fondement de l'article L.2323-27 l'irrégularité de la procédure de consultation préalable du CHSCT par le CCE dans le cadre de la propre consultation de ce dernier, peut être invoquée dans la présente procédure, soit par le CCE, le comité d'établissement VILLARCEAUX ou le CHSCT VILLARCEAUX, soit par toute personne physique - comme les salariés de VILLARCEAUX - ou morale - comme un syndicat - ayant intérêt à agir.
L'article R 2323-1 du code du travail dispose que le délai de consultation du comité d'entreprise, et ici le CCE, qui est en l'espèce de 3 mois - délai maximum prévu dans le cas d'espèce où il y a saisine du CHSCT- court à compter de la date à laquelle l'employeur a communiqué les informations prévues par le code du travail pour cette consultation et cette information , sauf accord entre le CCE et la direction; en l'espèce, la procédure d'information- consultation a commencé le 9 septembre 2014, date à laquelle l'employeur a communiqué le projet de cession dans son dernier état et le CCE a décidé d'une expertise confiée au cabinet SYNDEX. ce délai expirait donc le 9 décembre 2014 pour le CCE; de fait, et en accord avec la direction de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL, ce délai a été dépassé puisque tant le CHSCT que le CCE se sont réunis postérieurement à cette date, le premier ne donnant pas d'avis le 15 décembre et le second émettant un avis le 17 décembre, un consensus étant trouvé pour exiger que le CCE puisse avoir communication du pré- rapport du cabinet d'expertise mandaté par le CHSCT, le rapport d'expertise sollicité par le CCE étant lui déposé par le cabinet SYNDEX en temps voulu.
Par ailleurs, il n'est pas prévu par les textes que le défaut d'avis du CHSCT pourraient invalider l'avis du CCE, à moins que soit établie la déloyauté de l'employeur dans la mise en oeuvre de l'ensemble de la procédure d'information- consultation des institutions représentatives du personnel et qu'aucune information et consultation du CHSCT n'ait eu lieu, ce qui n'a pas été le cas.
En effet, tant le CHSCT que le CCE ont pris connaissance du pré- rapport d'expertise du cabinet ISAST, lequel donne déjà une analyse circonstanciée en 28 pages du processus de cession tel que perçu par les salariés.
Lors de sa réunion du 15 décembre 2014 , le CHSCT VILLARCEAUX n'a pas donné son avis, indiquant attendre le rapport complet du cabinet ISAST, une fois que les salariés seraient transférés à la société GFI. C'est ainsi que le CHSCT, sans rendre son avis, a fait en sorte que le pré- rapport soit transmis au CCE, afin que ce dernier puisse s'appuyer dessus pour rendre son avis.
Finalement, le 2 juin 2015, le CHSCT a donné un avis négatif sur la manière dont le projet de cession a été annoncé, en particulier aux salariés de l'établissement de VILLARCEAUX, et sur ces modalités de réalisation par la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL et la société GFI.
Cependant, les salariés appelants et le syndicat CGT intervenant soutiennent que la direction a court-circuité l'avis du CHSCT, le rapport d'expertise final d'ISAST devenant sans intérêt pour le CCE et le Comité d'établissement VILLARCEAUX qui avaient déjà rendu leur avis sans avoir été suffisamment informés, car ils ne disposaient que du pré- rapport du cabinet ISAST.
De son côté la direction de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL invoque l'accord du CHSCT pour qu'un pré- rapport soit remis rapidement, afin que le CCE puisse avoir des éléments pour donner son avis le 17 décembre 2014.
Or, il ressort bien de la lettre du CHSCT en date du 12 décembre 2014 (pièce 27) que ce dernier était d'accord pour ces modalités de recueil d'avis du CCE sur la base d'un pré- rapport.
Aux termes de sa déclaration du 17 décembre le CCE déclare avoir été informé du nouveau projet de cession le 9 septembre 2014, avoir reçu des documents d'information de la direction, outre l'expertise économique du cabinet SYNDEX et le pré- rapport du cabinet ISAST, qui l'ont conduit à une «'prise de décision réfléchie et tranchée'» privilégiant l'emploi dans un souci de réalisme, et ce malgré les inquiétudes soulignées par les deux expertises et l'opposition d'un tiers des salariés concernés.
Le CCE destinataire naturel des documents d''information fournis par l'employeur s'est ainsi estimé lui- même suffisamment informé pour rendre son avis et les salariés appelants n'ont pas qualité pour apprécier le contenu de ces informations.
En conséquence, il apparaît que le CCE a été régulièrement informé et consulté au sujet de la cession projetée et que le trouble manifestement illicite n'est pas établi, de sorte que les demandes des appelants et du syndicat CGT inntervenant seront rejetées.
Sur la validité du transfert des contrats de travail dans le cadre de l'article L.1224-1 du code du travail
En application de l'article L.1224-1 du code du travail, en cas de cession de tout ou partie d'une entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de cette modification de la situation juridique de l'employeur subsistent et sont transférés au nouvel employeur, dès lors que ce transfert concerne une entité économique autonome poursuivant un objectif propre et une activité avec un personnel dédié et un transfert des éléments corporels et incorporels d'exploitation.
Les appelants invoquent l'absence d'unité économique autonome des activités«'Customer Expérience'», «'Payment'» et «'Operation Support System'», faisant valoir que les conditions d'application de l'article L.1224-1 ne sont pas réunies.
Or, depuis la cession effective réalisée en janvier 2015 il y a environ un an, l'activité s'est bien poursuivie, de sorte que la condition de poursuite d'activité est remplie.
Par ailleurs, il ressort du rapport d'expertise du cabinet SYNDEX, désigné par le CCE, que les activités transférées ne correspondent pas nécessairement chacune à des entités autonomes, notamment en raison de leurs interfaces avec d'autres services et notamment les équipes internationales; toutefois, il est souligné qu'elles constituent un ensemble de compétences complémentaires et interdépendantes, en particulier du point de vue de la société GFI cessionnaire, qui y voit un ensemble cohérent dans le cadre de sa stratégie, laquelle implique l'atteinte d'une masse critique en termes d'activité et de nombre de salariés transférés.
Enfin, dans le cadre de la cession, tous les outils spécifiques aux trois activités ont été transférés (plate- forme technique, matériel informatique, droit d'utilisation des logiciels, mobilier), avec maintien de l'organisation interne des équipes; seuls les locaux ne sont pas transférés pour que les contrats soient maintenus dans le même bassin d'emploi.
Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas manifeste que le transfert des contrats de travail s'est réalisé hors des conditions légales, mais qu'au contraire il existe de nombreux éléments tendant à établir le respect de ces conditions.
Dès lors, en l'absence de trouble manifestement illicite, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de ce chef et aux demandes subséquentes en réintégration et en dommages et intérêts.
Sur les demandes de «'bonus corporate'» (demande nouvelle)
La société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL a instauré un plan de rémunération variable basé sur l'atteinte de trois séries d'objectifs: les objectifs de l'entreprise (objectif CORPORATE à hauteur de 40% du KPI ou «'free cash flow'»), des services (objectifs BUSINESS KPI 1 et 2, à hauteur de 40%) et de chaque salarié (objectif individuel à hauteur de 20%).
Les salariés contestent le non versement du bonus CORPORATE au titre de l'exercice 2014 sur le fondement du trouble manifestement illicite, alors que la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL soutient qu'ils ont perçu une partie des bonus au titre du BUSINESS KPI 1 et 2 et du KPI individuel, considérant que l'objectif KPI CORPORATE qui n'a pas été atteint ne serait pas dû et qu'en tout état de cause les conditions de versement de cette prime pouvaient être modifiées à tout moment par l'entreprise, et que l'indicateur relatif au KPI ou «'free cash flow'» aurait été artificiellement surévalué.
Le mode de rémunération d'un salarié étant un élément substantiel du contrat de travail, il doit être clairement fixé et ne peut être modifié de manière unilatérale par l'employeur, sans que l'accord du salarié soit recueilli.
Une prime variable fixée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur constitue un élément de salaire obligatoire, que l'employeur ne peut écarter de manière discrétionnaire.
En l'espèce, la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL, dans une note de 7 pages de Mme [NH], prise en application d'une décision du conseil d'administration en décembre 2013, a fixé pour l'année 2014 et pour tous les salariés, les conditions précises d'attribution des primes, selon le plan ABP («'achievement bonus plan'»); elle ne peut donc s'exonérer de son versement si les conditions de sa perception sont atteintes.
Dans cette note, il y est notamment indiqué que le bonus CORPORATE, qui a un «'poids'» de 40% dans le score global de performance, est déterminé en fonction d'un seuil d'atteinte (ou seuil de performance allant jusqu'à 150%) du KPI ou «'free cash flow'», lequel KPI est établi début 2015.
Il se calcule en multipliant le bonus cible par le score global de performance.
Il est précisé à la fin de cette note qu'en cas de circonstances exceptionnelles, seul le conseil d'administration et le directeur général du groupe ont la capacité, à leur entière discrétion, de modifier l'enveloppe budgétaire définie dans le plan ABP, la société se réservant le droit d'amender ou résilier l'une des dispositions de ce plan à tout moment, y compris et non limité à la prise en compte de circonstances exceptionnelles, précisant que la société ne fait aucune promesse à l'égard de ce plan et des plans des années subséquentes.
Or, cette stipulation générale constitue une condition potestative entraînant la nullité de cette clause qui n'est donc pas opposable aux salariés.
Par ailleurs, selon une note de Mr [HO] envoyée par mail à tous les salariés le 9 février 2015, ce dernier reconnaît bien l'atteinte de l'objectif CORPORATE fixé en décembre 2013 dans le cadre du plan ABP, mais indique que le comité exécutif et le conseil d'administration ont considéré que l'objectif KPI défini l'année 2014 ne reflétait pas la performance opérationnelle réelle de l'entreprise et n'était donc par atteint, de sorte qu'il ne donnerait lieu à aucun versement de bonus à ce titre.
Les salariés contestant cette position par l'intermédiaire des syndicats, la direction a finalement proposé l'annulation du bonus CORPORATE en contrepartie d'une augmentation salariale significative en 2015, avec l'engagement des parties à renoncer à toute action en justice, comme cela ressort du projet d'accord produit, demeuré au stade de simple projet; c'est ainsi que la direction a implicitement admis que sa décision de non versement de ce bonus était contestable.
Au vu de ces éléments, les conditions de perception de ce bonus ayant été fixées préalablement par la direction, et le bonus cible étant largement atteint, la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL ne peut s'exonérer de son versement, sauf circonstances exceptionnelles, ce dont elle ne rapporte pas la preuve.
Comme l'indique les appelants, le KPI CORPORATE pour 2014 a atteint - 420 M€ selon le rapport SYNDEX, alors que le KPI CORPORATE cible avait été fixé selon les seuils suivants selon une note (pièce 17 des appelants) :
seuil mincibleseuil max
niveau d'atteinte du KPI :- 630M€- 575M€- 305M€
score de performance : 80 % 100 % 150 %
Le score de performance du KPI CORPORATE étant compris entre la cible et le seuil maximum, il est donc de 128,70% selon un calcul par interpolation linéaire exposé par les appelants, qui n'est pas contesté par la société et que la cour retient.
Chaque salarié est donc éligible à un bonus KPI CORPORATE de 51,48% calculé comme suit:
bonus cible X ( 128,70 x 40%).
Le bonus cible (à objectifs atteints) de chaque salarié est fixé en fonction d'un pourcentage de son salaire brut annuel fixé en fonction de sa position dans la classification de la convention collective de la métallurgie, qui en 2014 était aux niveaux suivants :
positions II et IIIA : 5 %
position IIIB :15 %
position IIIC :20 %.
Ces éléments de calcul étant certains, et le non versement du bonus CORPORATE, partie variable du salaire, constituant un trouble manifestement illicite, il convient de faire droit aux demandes des salariés, en condamnant la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL à leur verser ce bonus ' pour les montants listés en page 63 de leurs conclusions- à titre provisionnel , sous astreinte de 100 € par salarié et par jour de retard à compter d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Il n'y a pas lieu, en équité, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de premier instance et d'appel seront mis à la charge de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME l'ordonnance entreprise, disant n' y avoir lieu à référé sur l'applicabilité ou non des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail concernant le transfert des contrats de travail des salariés de la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL à la société GFI ;
Et y ajoutant :
DIT n' y avoir lieu à référé sur les demandes relatives à la consultation du CCE et du CE de VILLARCEAUX ;
CONDAMNE la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL à payer aux 40 salariés susvisés le montant du bonus CORPORATE pour l'année 2014, tel que précisé ci-après, sous astreinte de 100 € par salarié et par jour de retard à compter d'un mois suivant la notification du présent arrêt :
[SL] [UT] 332,20 €
[JH] [DG] 1 426,41 €
[ST] [GZ] 438,76 €
[R] [KD] 325,40 €
[BN] [OL] 568,18 €
[XI] [AC] 273,20 €
[QL] [XX]
[PP] [YM] 532,81 €
[VI] [UE] 376,68 €
[ML] [GK] 153,67 €
[PW] [KS] 518,15 €
[Z] [RP] 597,22 €
[XB] [CR] 898,07 €
[TP] [RA] 299,46 €
[LW] [MS] 476,45 €
[R] [SE] 636,14 €
[QE] [IZ] 351,97 €
[BN] [AN] 868,41 €
[LH] [ID] 752,59 €
[WT] [CC] 280,62 €
[LO] [PH] 408,80 €
[BC] [ZX] 189,81 €
[WE] [TA] 510,11 €
[JO] [MD] 202,00 €
[AR] [MD] 508,57 €
[XI] [EZ] 765,87 €
[FG] [IK] 158,30 €
[LO] [IS] 438,76 €
[BC] [TI] 080,77 €
[NW] [VX] 521,54 €
[ZQ] [RW] 600,93 €
[ST] [FO] 606,18 €
[ZB] [VP] 150,27 €
[ML] [VP] 619,77 €
[BC] [ER] 680,00 €
[VI] [OS] 095,44 €
[PA] [HV] 956,75 €
[AR] [CN] 495,60 €
[FV] [ZI] 239,54 €
[LO] [OD] 587,33 €
REJETTE les autres demandes des parties ;
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à la société GFI INFORMATIQUE TELECOM, anciennement société QUATORZELEC ;
CONDAMNE la société ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL aux dépens de premier instance et d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,