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15/12/2015 | FRANCE | N°14/04324

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 décembre 2015, 14/04324


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 DÉCEMBRE 2015



R.G. N° 14/04324



AFFAIRE :



[P] [S]



C/



SA TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Août 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG :

11/02490





Copies exécutoires délivrées à :



AARPI AD HOC AVOCATS



AARPI LHJ avocats





Copies certifiées conformes délivrées à :



[P] [S]



SA TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING



le...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DÉCEMBRE 2015

R.G. N° 14/04324

AFFAIRE :

[P] [S]

C/

SA TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Août 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 11/02490

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI AD HOC AVOCATS

AARPI LHJ avocats

Copies certifiées conformes délivrées à :

[P] [S]

SA TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DÉCEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparant

Assisté de Me Thomas CUQ de l'AARPI AD HOC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SA TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Benoît LHOMME de l'AARPI LHJ avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'appel formé par M. [P] [S] à l'encontre du jugement en date du 29 août 2014 par lequel le conseil de prud'hommes de Nanterre a débouté M. [S] de toutes ses demandes et laissé les dépens à sa charge ;

Vu les conclusions remises et soutenues , à l'audience du 20 octobre 2015 par M. [S] qui sollicite la condamnation de la société TOTAL RAFFINAGE MARKETING au paiement des sommes suivantes :

- 17 951,52 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 1795 € au titre des congés payés afférents au préavis,

- 94 305,47 € au titre de l'indemnité d'ancienneté,

- 360 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,

avec remise de l'attestation Pôle emploi et du certificat rectifiés, sous astreinte et « intérêts moratoires au taux légal » ;

Vu les écritures développées à la barre par la société TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING qui conclut à la confirmation du jugement entrepris et à l'allocation de la somme de 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que M. [S] a été engagé par la société ELF France à compter du 1er septembre 1989, en qualité de cadre ; qu'après une mise à disposition de la société TOTAL DISTRIBUTION il occupait, en dernier lieu, après avoir été régulièrement promu, la fonction d'ingénieur cadre technique position III A2, au sein de la société TOTAL RAFFINAGE MARKETING où il percevait un salaire mensuel de 6000 € environ ;

Que le 8 août 2011 la société TOTAL RAFFINAGE MARKETING a convoqué M. [S] à un entretien préalable, qui s'est tenu le 18 août, à l'issue duquel elle a dispensé M. [S] d'activité, puis, par lettre du 22 août 2011, l'a licencié pour faute grave, en ces termes :

« Nous avons été alertés le 26 juillet dernier par votre Directeur, Monsieur [N] [J], suite à la plainte de son assistante concernant votre comportement.

Selon l'historique très précis rédigé par la victime, vous avez commencé à la poursuivre de vos assiduités en lui adressant des messages sur son téléphone portable dès le 26 mai 2011 et vos agissements sont allés crescendo.

Le 30 juin 2011, vous lui avez demandé de vous rejoindre dans votre bureau où elle a pu découvrir que sa photo issue de l'annuaire téléphonique était en fond d'écran sur votre i-phone. Vous avez d'ailleurs activé votre i-phone, téléchargé un texto que vous lui avez fait lire, dans lequel vous indiquiez notamment que sa photo était en fond d'écran et que cela faisait deux ans qu'elle dormait ainsi chaque nuit à vos côtés.

Alors qu'elle vous avait très sèchement demandé d'arrêter et indiqué que vous n'en deviez rien attendre d'elle, vous n'avez absolument pas modifié votre comportement à son égard, bien au contraire, puisqu'elle recevait un messsage dénué d'ambiguité, particulièrement obscène, dégradant et pervers rédigé sur votre outil professionnel « Communicator », le 26 juillet 2011 10 heures 51.

L'ensemble de ces faits relatés, votre comportement depuis deux mois à son égard ainsi que ce message sont constitutifs de harcèlement sexuel » ;

Que dans le message du 26 juillet, M. [S] s'adressait en ces termes à sa collègue :

« Bonjour mon trésor. La prochaine fois que tu iras chercher le courrier, pourrais tu passer dans mon bureau je souhaiterais vérifier si j'arrive à enlever ta petite culotte avec mes dents. Si j' y arrive, pour te remercier, je te ferai jouir avec ma bouche. Si cela te dit, tu pourras faire l'équivalent, sachant que comme cela fait longtemps que je n'ai pas fait l'amour à une femme, tu risques d'avoir la bouche pleine ».

Que la collègue de M. [S] s'est précipitée dans le bureau de son chef de service qui l'a vu arriver en pleurs et bouleversée - avant d'être placée, pour trois semaines, en arrêt de travail avec prise en charge psychologique et modification de ses poste et lieu de travail ;

Que la matérialité des divers faits ainsi reprochés à M. [S] n'est pas contestée par celui-ci ; qu'il n'est de même pas discuté que quelques instants après la réception du message par sa collègue, l'intéressé s'est déplacé dans le bureau de celle-ci, pour lui demander d'effacer immédiatement ce message, puis, lui a adressé, le 28 juillet, un nouveau courriel dans lequel il expliquait ainsi son comportement :

« il ne s'agissait que d'un délire fantasmagorique de ma part qui n'avait pas vocation à quitter mon « micro » mais en appuyant sur « entrée » dans Communicator, on ne va pas à la ligne...il m'était uniquement destiné, il ne faut pas le prendre pour toi.(...) peut-être peux-tu comprendre que ce genre de délire m'aide à supporter le désert affectif qu'est ma vie en ce moment (...) sois persuadée que je suis sincèrement désolé de cet événement regrettable » ;

Que M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes le 20 septembre 2011 afin de contester son licenciement ; que par le jugement entrepris le conseil l'a débouté de ses demandes, estimant le licenciement pour faute grave fondé et « proportionné eu égard à la nature des faits qui interdisaient tout nouveau contact entre lui et sa collègue » ;

*

Considérant qu'en cause d'appel, comme devant les premiers juges, M. [S] conteste la qualification de harcèlement sexuel, attribuée aux faits qui lui sont reprochés, au motif qu'il n'aurait pas commis d'agissement répétés à connotation sexuelle ; qu'il fait, en outre, valoir que sa situation personnelle, familiale et affective ainsi que la maladie dont il souffre seraient la cause de ce comportement irrationnel, en forme d'exutoire à sa vie trop dure et éprouvante ;

Considérant que ces diverses circonstances invoquées par l'appelant n'ôtent en aucun cas le caractère fautif aux faits incontestables qui lui sont imputés et qui, quelle que puisse être leur qualification juridique, traduisent envers sa collègue, un comportement insistant, évolutif, d'abord, sur le mode léger de la séduction, puis, plus direct, par l'évocation de relations intimes, et enfin violemment agressif, par l'envoi d'un message pornographique, insultant et dégradant ;

Que ces faits sont établis, comme l'est aussi leur effet très préjudiciable pour celle qui les as subis et qui avait, pourtant, dès l'origine, éconduit M. [S] et réitéré auprès de lui le désaccord et le refus que lui inspiraient ses entreprises ;

Considérant que la spécificité des faits, particulièrement attentatoires à la personne et la perturbation objective que ceux-ci étaient de nature à engendrer, tant pour la santé de l'intéressée que pour le fonctionnement de leur service commun, commandaient le prononcé d'une sanction exemplaire ; que celle-ci ne pouvait donc être un simple avertissement, comme M. [S] prétend s'y être attendu lors de l'entretien préalable, en raison de sa carrière longue, exempte jusqu'alors de tout reproche ;

Mais considérant que le licenciement pour faute grave de M. [S] est intervenu sans mise à pied conservatoire ; que l'appelant a seulement été dispensé d'activité au sortir de son entretien préalable le 18 août 2011, alors que sa collègue avait informé des faits, leur supérieur hiérarchique commun, le jour même où ils avaient été commis, le 26 juillet 2011 ;

Considérant que s'il méritait d'être sévèrement sanctionné, il apparaît ainsi que le comportement de M. [S] a pu l'être, sans que celui-ci soit contraint de quitter immédiatement l'entreprise ; que la perte de son emploi consécutive à un licenciement sanctionnait de manière significative le manquement imputable au salarié, tant au regard de la faute commise et de ses conséquences, que du parcours antérieur de M. [S] dans l'entreprise ; que celui-ci ne peut, en effet, être ignoré au moment de l'appréciation de la proportionnalité, entre le licenciement à prononcer et le fait à sanctionner, lorsqu'il s'agit de réprimer, si odieuse soit-elle, une faute au caractère aussi étrange que celle reprochée en l'espèce à M. [S] ;

Considérant que la cour estime, en conséquence, que le licenciement pour faute grave de M. [S] n'est pas justifié et doit être disqualifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Considérant que M. [S] est, dès lors, en droit de prétendre au paiement des indemnités de rupture dont le montant n'est pas contesté ; qu'il convient de condamner la société TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING à lui payer la somme de 17 951,52 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 1795 € de congés payés afférents et la somme de 94 305,47 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

Que la société TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING devra aussi remettre à M. [S], sans que l'astreinte requise ne s'impose, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail, rectifiés conformément au présent arrêt ;

*

Considérant que l'équité commande de laisser à la charge de M. [S] ses frais irrépétibles ; qu'en outre, chacune des parties, succombant en ses prétentions, supportera ses propres dépens ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

REQUALIFIE en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement prononcé contre M. [S] pour faute grave ;

En conséquence,

CONDAMNE la société TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING à payer à M. [S] la somme de 17 951,52 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 1795 € de congés payés afférents, et la somme de 94 305,47 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

ORDONNE à la société TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING de remettre à M. [S] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés, conformes au présent arrêt ;

DÉBOUTE M. [S] du surplus de sa demande ;

LAISSE à la charge de chaque partie ses dépens de première instance et d'appel ainsi que ses frais irrépétibles.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/04324
Date de la décision : 15/12/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/04324 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-15;14.04324 ?
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