COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
5e Chambre
ML
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 DECEMBRE 2015
R.G. N° 14/01429
AFFAIRE :
SAS CTR
C/
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-région parisienne
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 12-00571/N
Copies exécutoires délivrées à :
Me Franck BUREL
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-région parisienne
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS CTR
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS CTR
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Franck BUREL, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1406 substitué par Me Marjolaine GIVORS, avocat au barreau de LYON
APPELANTE
****************
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-région parisienne
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par M. [A] [P] (Inspecteur du contentieux) en vertu d'un pouvoir général
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Mariella LUXARDO, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,
La société CTR qui exerce une activité de conseils en entreprise, a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette par l'Urssaf, sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.
Le 4 octobre 2011, l'URSSAF d'Ile de France lui a notifié une lettre d'observations qui a été contestée par la société CTR sur le point n°5, l'URSSAF ayant considéré que les sommes versées aux anciens salariés au titre d'une clause de non-concurrence ne pouvaient ouvrir droit à la réduction de la loi Fillon, codifiée à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
Par lettre du 17 janvier 2012, l'URSSAF a mis en demeure la société CTR de payer la somme de 112 137 € après déduction de la réduction, dont 12 750 € de majorations de retard. La société CTR a réglé la somme de 91 628 € au titre des années 2009 et 2010 le 17 janvier 2012, considérant que la régularisation opérée au titre de l'année 2008 était couverte par la prescription.
Le 14 février 2012, la société CTR a saisi la commission de recours amiable.
Le 22 octobre 2012, la commission de recours amiable a fait droit à la requête sur les cotisations réclamées au titre de l'année 2008 mais rejeté la contestation concernant l'application de la réduction Fillon.
Par jugement du 20 janvier 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine a :
- constaté que la prescription est acquise pour les cotisations portant sur l'année 2008,
- débouté la société CTR de sa demande d'annulation du redressement,
- confirmé le redressement à hauteur de 32 894 €.
La société CTR a relevé appel de cette décision.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société CTR demande à la cour de :
- réformer le jugement du 20 janvier 2014,
A titre principal,
- annuler la redressement du 4 octobre 2011 et la mise en demeure du 17 janvier 2012,
- condamner l'URSSAF au remboursement de la somme de 91 628 € avec intérêts capitalisés,
A titre subsidiaire,
- dire que l'URSSAF n'est pas fondée à refuser le bénéfice de la réduction Fillon sur les indemnités de non-concurrence,
- condamner l'URSSAF au remboursement de la somme de 32 894 € avec intérêts capitalisés,
- la condamner au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF d'Ile de France demande à la cour de confirmer en intégralité le jugement du 20 janvier 2014.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions écrites.
SUR CE,
Sur la demande en nullité de la mise en demeure
La société CTR soulève à titre principal l'irrégularité de la procédure au motif que la mise en demeure du 17 janvier 2012 vise pour partie les cotisations de l'année 2008 couvertes par la prescription, de sorte qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale qui imposent de donner au débiteur une indication précise de la nature et de l'étendue des sommes à payer.
En réplique, l'URSSAF fait valoir que la mise en demeure comporte les mentions obligatoires prévues par la loi, la déduction des sommes réclamées pour l'année 2008 n'affectant pas sa validité.
Il ressort en effet de l'examen de la pièce versée aux débats, que la mise en demeure du 17 janvier 2012 est conforme aux dispositions légales en ce qu'elle porte à la connaissance de la société CTR, le motif du recouvrement, à savoir le redressement notifié le 7 octobre 2011, le montant global de la dette, et les sommes détaillées par période de référence, dissociant les années 2008, 2009 et 2010.
La présentation détaillée des causes de la mise en demeure, a d'ailleurs permis à la société CTR de faire un paiement partiel le 17 janvier 2012, en déduisant les sommes réclamées au titre de l'année 2008, couvertes par la prescription.
La légitimité de cette déduction n'a pas eu pour effet d'entacher l'acte d'une irrégularité, les sommes exigibles au titres des années 2009 et 2010, qui ne sont pas couvertes par la prescription de 3 ans, figurant distinctement dans la mise en demeure.
Il s'ensuit que le moyen de nullité n'est pas fondé.
Sur l'application de la réduction Fillon
La société CTR considère que les indemnités de non-concurrence versées aux anciens salariés qui ont quitté l'entreprise, doivent bénéficier de la réduction Fillon car ces indemnités constituent des rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, et suivent le même régime que les salaires : établissement de bulletins de paie, application de la CSG-CRDS, garantie de l'AGS, droit à l'indemnité de congés payés, impôt sur le revenu. Elle oppose à l'URSSAF que la réduction Fillon n'est pas expressément limitée aux sommes versées en contrepartie d'un travail effectif.
En réponse, l'URSSAF fait valoir que la réduction Fillon n'est pas applicable aux indemnités de non-concurrence car elles sont versées postérieurement à la rupture du contrat de travail, qu'elles ne correspondent pas à un travail effectif fourni par le salarié, alors que la réduction Fillon suppose une corrélation avec la durée du travail, impossible en cas de rupture du contrat.
Il ressort de ces explications que l'URSSAF ne conteste pas la nature juridique de salaire des indemnités de non-concurrence mais elle subordonne l'application de la réduction Fillon à la condition que les sommes éligibles à cette réduction, soient versées en contrepartie d'un travail effectif.
L'URSSAF reconnaît la nature de rémunération de ces indemnités puisqu'elle les soumet au paiement des cotisations et contributions. Mais elle considère que depuis la loi TEPA applicable à compter du 1er octobre 2007, le coefficient de réduction est fonction du rapport entre le SMIC et la rémunération mensuelle du salarié, suivant la formule définie par l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale. Elle estime que puisque l'indemnité de non-concurrence est versée après la rupture du contrat, aucun montant de SMIC ne peut être déterminé.
Elle ajoute qu'en excluant partiellement les heures complémentaires et supplémentaires, les temps de pause, d'habillage et de déshabillage, la loi a défini un lien incontournable entre le travail effectif et le calcul de la réduction.
Or, la référence au temps de travail effectif ne se présente pas comme une condition d'application de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, puisque ce texte organise également les règles de calcul de la réduction.
Les éléments invoqués par l'URSSAF, référence au SMIC, aux heures complémentaires et supplémentaires, et aux temps de pause et d'habillage, ont été intégrés par les lois de finances postérieures à la loi du 1er juillet 2003, dans le but de modifier les règles de calcul de la réduction, mais sans soumettre le dispositif à des conditions d'application supplémentaires, tenant à l'exécution d'un travail effectif.
En particulier, si la loi du 19 décembre 2007 a écarté les temps de pause, d'habillage et de déshabillage, il ne peut être déduit de cette modification des règles de calcul de la réduction, un principe général d'exclusion des sommes qui ne seraient pas versées en contrepartie d'un temps de travail effectif.
Les indemnités de non-concurrence, dont la nature de salaire n'est pas contestée, ont pour objet de compenser la perte de rémunération supportée par les salariés auxquels elles sont opposables.
Cette perte de rémunération est définie par référence au dernier salaire versé aux salariés, intégrant le cas échéant la moyenne des heures supplémentaires, ou les temps de pause dont l'exclusion doit s'appliquer dans les mêmes conditions qu'en cas de poursuite de l'activité dans l'entreprise.
De même, la référence au SMIC par les articles L. 241-13 et D. 241-7 du code de la sécurité sociale, ne fait pas obstacle au calcul de la réduction, de la même manière que pour les salaires, en prenant pour base de référence, l'année correspondant au versement des indemnités.
Le tribunal a rejeté la contestation de la société CTR en s'appuyant sur un document interne de l'URSSAF qui exclut les indemnités de non-concurrence de la réduction alors que ce document a pour objet de présenter l'interprétation des URSSAF. Ce document est d'ailleurs distinct, contrairement à ce qui été visé par le tribunal, de la lettre circulaire du 31 janvier 2007 du ministre délégué à la sécurité sociale qui ne se prononce pas sur l'exclusion de ces indemnités.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que le recours de la société CTR est bien-fondé.
Le jugement du 20 janvier 2014 sera par suite réformé dans ce sens.
L'URSSAF devra rembourser à la société CTR les sommes payées sur la base de ce calcul erroné, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2012, date de la saisine de la commission de recours amiable.
L'URSSAF devra en outre payer une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,
Infirme le jugement du 20 janvier 2014 en ce qu'il a rejeté la contestation de la société CTR portant sur le bénéfice de la réduction Fillon aux indemnités de non-concurrence versées aux anciens salariés de la société,
Statuant à nouveau,
Dit que la réduction Fillon est applicable aux cotisations et contributions calculées sur les indemnités de non-concurrence versées aux anciens salariés de la société,
Condamne l'URSSAF d'Ile de France à rembourser à la société CTR la somme de 32 894 € au titre de la réduction Fillon sur les années 2009 et 2010,
Dit que cette somme produit des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2012,
Condamne l'URSSAF d'Ile de France à payer à la société CTR la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,