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10/12/2015 | FRANCE | N°13/08674

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 10 décembre 2015, 13/08674


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63A



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 DECEMBRE 2015



R.G. N° 13/08674





AFFAIRE :





[S] [F] (AJ)



C/



[I] [O]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 12/05213







Expéditions exécu

toires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julie PRIEUX

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 DECEMBRE 2015

R.G. N° 13/08674

AFFAIRE :

[S] [F] (AJ)

C/

[I] [O]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 12/05213

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julie PRIEUX

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [F]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Julie PRIEUX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 9

Représentant : Me Pierre POEY-LAFRANCE, Plaidant, avocat au barreau de VANNES, substituant Me Julie PRIEUX, avocat au barreau de VERSAILLES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2013/014719 du 20/05/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

1/ Monsieur [I] [O]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2] (78)

de nationalité Française

Centre du Rachis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20130712

Représentant : Me Georges LACOEUILHE de l'AARPI LACOEUILHE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0105

INTIME

2/ CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20130905

Représentant : Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R295

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Octobre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carole GIBOT-PINSARD

-------------

Le 4 février 2003, M. [F], 39 ans, peintre en bâtiment, a fait une chute sur son lieu de travail qui lui a causé d'importantes douleurs lombaires. Les traitements médicamenteux prescrits n'ont produit aucun effet. Il a consulté le docteur [O], neurochirurgien, qui a diagnostiqué une spondylolisthésis et estimé que, compte tenu des douleurs du patient, seule une intervention chirurgicale était susceptible de le soulager. Le 14 décembre 2004, le docteur [O] a opéré M. [F]. Néanmoins l'état du patient ne s'est pas amélioré. Le 22 novembre 2006, M. [F] a subi une deuxième opération pratiquée par le docteur [N], puis une troisième, le 29 novembre 2006, et enfin une quatrième le 11 juin 2007.

Par ordonnance du 21 octobre 2009, le juge des référés de Nanterre a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [Y], auquel a été adjoint, selon ordonnance du 8 janvier 2010, le docteur [A].

Les experts ont déposé leur rapport en juillet 2010.

Par actes des 2 et 3 mai 2012, M. [F] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre le docteur [O] et la CPAM de [Localité 3] en réparation du préjudice causé par le manquement du praticien à son devoir d'information.

Par jugement du 5 septembre 2013, le tribunal a :

- débouté M. [F] de ses demandes,

- débouté la CPAM de [Localité 3] de ses demandes,

- condamné M. [F] aux entiers dépens,

- débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par acte du 22 novembre 2013, M. [F] en a relevé appel et prie la cour, par dernières conclusions du 14 août 2013, de':

- juger que le docteur [O] a manqué à son devoir d'information,

à titre principal :

- ordonner une expertise médicale délocalisée, aux frais du docteur [O],

à titre subsidiaire :

- condamner le docteur [O] à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte portée à sa dignité et à l'intégrité de son corps,

en tout état de cause :

- condamner le docteur [O] à lui payer la somme de 2 110 euros à titre de remboursement de ses frais de médecin conseil,

- condamner le docteur [O] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 28 mai 2014, le docteur [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner M. [F] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,

à titre subsidiaire :

- désigner tel expert compétent en neurochirurgie aux fins de se prononcer sur son éventuel manquement à son devoir d'information,

- juger que les frais d'expertise seront à la charge de l'appelant,

à titre infiniment subsidiaire :

- juger que le seul préjudice en lien avec son défaut d'information réside en un préjudice moral dont l'indemnisation ne pourra excéder 1 000 euros.

Dans ses dernières conclusions du 4 avril 2014, la CPAM demande à la cour de :

- lui donner acte qu'elle s'associe pleinement à la demande d'expertise délocalisée sollicitée par la victime,

- réserver ses droits dans l'attente de l'expertise à venir,

à titre subsidiaire, si la perte de chance était retenue par la cour :

- évaluer le pourcentage de perte de chance et condamner le docteur [O] à l'indemniser à hauteur du pourcentage de perte de chance,

- réserver ses droits dans l'attente du chiffrage de sa créance,

dans tous les cas :

- condamner le docteur [O] à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2015.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a retenu qu'aucun manquement au devoir d'information n'était caractérisé, le patient ayant pu, lors de la seconde réunion d'expertise à laquelle il était présent, expliquer avec ses mots l'opération qui lui avait été décrite par le docteur [O]. Il a en outre relevé que, compte tenu des souffrances endurées, le patient n'avait d'autre choix que d'accepter l'intervention proposée, aucune autre alternative ne pouvant être envisagée. Il en a tiré la conséquence que M. [F] n'établissait pas la perte de chance de refuser l'intervention en cause.

M. [F] rappelle que ce n'est qu'au bout de la 4ème intervention que son état s'est amélioré, et considère que ce seul fait démontre la faute du docteur [O]. A tout le moins, il ne l'a pas informé des risques afférents à l'intervention initiale, soit une pseudarthrose et d'autres interventions chirurgicales. Il fait également valoir que le principe de la contradiction n'a pas été respecté au cours des opérations d'expertise, et que les conclusions de l'expert ne sont pas pertinentes, notamment sur le manquement au devoir d'information, indiquant que les choix thérapeutiques criticables opérés par le docteur [O] auraient pu être différents s'il avait correctement informé son patient.

Le docteur [O] s'oppose à une nouvelle expertise, et conteste toute faute.

***

- Sur la demande de nouvelle expertise :

Il résulte des propres écritures de M. [F] qu'il a été assisté par un médecin conseil au cours de la seconde réunion d'expertise, et que toutes les pièces produites aux experts lui ont finalement été communiquées. Il n'explicite d'ailleurs pas les raisons pour lesquelles, alors que l'expertise a été ordonnée le 21 octobre 2009, il n'a pu se faire assister à la première réunion d'expertise, fixée au 25 mars 2010. Par ailleurs un pré-rapport a été établi, et son conseil a donc pu établir un dire, auquel il a été expressément répondu par les experts. M. [F] ne précise d'ailleurs pas le ou les points sur lesquels il aurait eu à se plaindre d'un défaut de réponse des experts, ou qu'il n'aurait pas été mis en mesure de débattre.

Il y a lieu enfin de souligner le caractère détaillé des investigations des experts, et en particulier leurs réponses expresses et précises sur les aspects techniques de l'intervention critiqués par le médecin conseil de M. [F].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a été jugé qu'aucun manquement au principe de la contradiction n'était démontré, et en ce que l'expertise existante a été jugée suffisante pour la parfaite information de la juridiction appelée à statuer.

- Sur la faute reprochée au docteur [O] :

Les experts retiennent que le choix du type d'intervention fait par le docteur [O] n'est pas criticable. Ils précisent que le seul élément en faveur d'une pseudarthrose chez le patient après la première intervention ne résulte que des constatations du docteur [N], que la survenue de cette affection après ce type d'intervention n'est pas une situation rare, pouvant aller jusqu'à 20 % selon certains auteurs, et qu'en outre le patient avait fait une nouvelle pseudarthrose après l'intervention du docteur [N] par double voie, avec fracture des vis. Ils en concluent que, sur le plan technique, aucune faute dans le choix thérapeutique ou le suivi post-opératoire n'est caractérisée contre le docteur [O]. Enfin, ils ajoutent que la survenue d'une pseudarthrose après ce type d'intervention ne constitue pas une conséquence anormale au regard de l'état de santé du patient.

Sur dire de M. [F] reprenant les critiques de son médecin conseil, tenant à un avivement insuffisant et à l'utilisation de greffons de mauvaise qualité, ils ont écarté expressément ces griefs et réaffirmé que le choix de la technique et des modalités opératoires faits par le docteur [O] était en accord avec l'état de l'art au moment des faits.

Compte tenu des réponses précises apportées par les experts sur ces points, le tribunal a justement retenu que n'était démontrée aucune faute technique de la part du docteur [O].

- Sur le défaut d'information :

Les experts rappellent que M. [F] a reconnu avoir reçu une note d'information sur le spondylolisthésis, et qu'il a par ailleurs admis que le docteur [O] lui avait expliqué les objectifs de l'intervention (libération de la racine nerveuse, réduction, fixation). Ils soulignent que l'information apportée au patient ne peut pas être exhaustive car elle serait incompréhensible, et que la signature à cette occasion d'un document par le patient ne constitue aucunement une obligation. Ils ajoutent que, compte tenu du nombre et de la complexité des techniques chirurgicales envisageables dans la situation du patient, une description exhaustive de ces techniques n'était pas envisageable.

La cour retiendra donc, comme le tribunal, que l'information apportée au patient sur l'intervention elle-même a été suffisante.

S'agissant des risques d'échec de l'opération, ou de la nécessité d'autres interventions, il ne peut être reproché au docteur [O] de ne pas les avoir détaillés à son patient, ces derniers étant peu fréquents et une intervention, quelle qu'elle soit, comportant toujours un tel risque, même minime, ce qui est connu du grand public. En outre l'état de santé de M. [F], qui endurait depuis près de deux ans des douleurs insupportables résistantes à tout traitement médicamenteux, lui interdisait, en toute hypothèse de s'y soustraire. Il doit d'ailleurs être observé que M. [F] a subi trois autres interventions qu'il ne critique pas, à la suite de la réitération d'une fracture des vis maintenant le dispositif mis en place par le docteur [N], difficulté comparable à celle survenue après la première intervention, l'arthrodèse mise en place ne s'étant pas fixée.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que n'était démontrée aucune perte de chance de ne pas subir les dommages liés à la première intervention, et les trois autres opérations.

La demande formée à titre subsidiaire par M. [F] au titre du préjudice moral lié à l'atteinte à sa dignité et à l'intégrité de son corps, indépendamment de toute perte de chance de se soustraire à l'intervention initiale, ne pourra davantage prospérer, les éléments produits à la cour lui permettant de retenir que cette information a, en l'espèce, été suffisante.

- Sur les autres demandes :

Aucune considération d'équité ne justifie en l'espèce l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

M. [F], qui succombe en son appel, en supportera les dépens, avec recouvrement direct.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qui concerne la charge des dépens de première instance, et le rejet des demandes d'indemnités de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne M. [F] aux dépens d'appel , avec recouvrement direct.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 13/08674
Date de la décision : 10/12/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°13/08674 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-10;13.08674 ?
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