COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 NOVEMBRE 2015
R.G. N° 13/08817
AFFAIRE :
SA AXA FRANCE IARD
C/
[M] [T]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 1
N° RG : 11/06613
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Marie-Christine DRAPPIER-VILLARD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 3]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 13000560
Représentant : Me Francis CAPDEVILA, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189
APPELANTE
****************
1/ Mademoiselle [M] [T]
[Adresse 3]
[Localité 2]
2/ Madame [I] [Z] épouse [T]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 4] (78)
de nationalité Française
ci-devant [Adresse 4]
et actuellement [Adresse 5]
3/ MAIF (MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE)
[Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Marie-Christine DRAPPIER-VILLARD, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 66 - N° du dossier 7137
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 08 Octobre 2015, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Julie-Valérie FAURE
FAITS ET PROCEDURE
[R] [Z] est propriétaire d'une maison d'habitation située à [Localité 5], qu'elle occupait, ainsi que la famille [T], composée de sa fille, [I] [Z] épouse [T], de son gendre et de sa petite-fille, [M] [T]. Un incendie a partiellement détruit l'immeuble le 28 octobre 2003. [I] [T] a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la Maif, et [R] [Z], en sa qualité de propriétaire du bien, en a fait de même auprès de la société Axa France.
A la demande de la Maif et des époux [T], le juge des référés a désigné un expert le 24 novembre 2003, lequel a conclu que le feu avait pris naissance dans la chambre du premier étage occupé par [M] [T] et était d'origine accidentelle. Les assureurs ont évalué les dommages à la somme de 321 928 euros.
La société Axa France a indemnisé son assurée à hauteur de 318 703 euros puis a exercé un recours subrogatoire à l'encontre de la Maif, qui a refusé de s'acquitter de la somme demandée.
Par acte du 17 juin 2011, la société Axa France a assigné la Maif, [I] [T] et [M] [T] devant le tribunal de grande instance de Versailles afin que cette dernière soit déclarée responsable de l'incendie et condamnée avec [I] [T] et la Maif à lui verser la somme de 263 591 euros.
Par le jugement entrepris, le tribunal a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande,
- débouté la société Axa France de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Axa France à payer à la Maif, [I] [T] et [M] [T] la somme de 1000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Axa France a interjeté appel de cette décision le 29 novembre 2013.
En substance, le tribunal a jugé que la qualification juridique de prêt à usage donnée par la société Axa France à l'occupation des lieux et qui lui permettait d'opposer à la Maif l'absence de preuve d'un cas fortuit, n'était pas applicable en l'espèce et que la cause de l'incendie étant purement accidentelle, le recours formé contre l'assureur de la famille [T] devait être rejeté.
Dans ses conclusions signifiées le 17 juin 2014, la société Axa France demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Maif de sa fin de non recevoir tirée de la prescription aux termes de l'article 2224 du code civil,
- infirmer le jugement sur tous les autres points,
- constater que le point de départ de l'incendie se situe dans la chambre de [M] [T], partie privative occupée par la famille [T] au titre d'une convention d'occupation gratuite,
- constater que [M] [T] ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère exonératoire,
- En conséquence,
- condamner in solidum [M] [T], [I] [T] et la Maif à lui payer une somme de 263 591 euros en principal, outre les intérêts à compter de la date de l'assignation,
- A défaut,
- condamner la Maif seule à lui payer la somme de 263 591 euros en principal, outre les intérêts à compter de la date de l'assignation,
- déclarer la décision à intervenir opposable à [I] [T] et [M] [T],
- débouter la Maif, [I] [T] et [M] [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum tout succombant à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum tout succombant aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Axa France fait pour l'essentiel valoir que les membres de la famille [T] occupaient une partie bien délimitée de l'immeuble qui a fait l'objet d'un prêt à usage, de telle sorte qu'elle est fondée à exercer un recours subrogatoire contre leur assureur par application de l'article L 121-12 du code des assurances, le point de départ de l'incendie étant la chambre de [M] [T] et que la preuve d'une cause étrangère ou d'une absence de faute de sa part n'était pas rapportée.
Dans ses conclusions signifiées le 12 juillet 2014, la Maif, [I] [T] et [M] [T] demandent à la cour de :
- débouter la société Axa France de toutes ses prétentions dirigées à leur encontre,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner la société Axa France à payer une indemnité de procédure de 1 500 euros à chacune des intimées ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Maif, [I] [T] et [M] [T] affirment que la société Axa France ne peut valablement invoquer le bénéfice de l'article L121-12 du code des assurances alors qu'elle est l'assureur de Mme [Z], ascendante de [M] [T]. Ils soutiennent par ailleurs que le contrat souscrit par [I] [T] exclut de la garantie 'responsabilité civile' les dommages et préjudices subis par les ascendants et descendants du sociétaire vivant ou séjournant au foyer du sociétaire.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2015.
SUR QUOI, LA COUR
Il y a lieu de constater que le rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action n'est contesté par personne et est donc définitivement tranché.
Aux termes de l'article L121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. Toutefois, par dérogation à ces dispositions, l'assureur n'a aucun recours notamment contre les enfants, descendants, ascendants et plus généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l'assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes.
Il est de principe que l'immunité édictée par le dernier alinéa de l'article précité ne bénéficie qu'aux personnes visées au texte et ne fait pas obstacle à l'exercice, par
l'assureur qui a indemnisé la victime, de son recours subrogatoire contre l'assureur de responsabilité de l'une de ces personnes.
C'est en conséquence à tort que la Maif entend voir rejeter le recours subrogatoire formé par la société Axa France sur le fondement de ces dispositions.
La société Axa France fonde son action sur les articles 1302 et 1880 du code civil, affirmant que l'immeuble dont son assurée est propriétaire est divisé en plusieurs parties dont une partie privative à l'usage exclusif de la famille [T], partie dans laquelle le feu a pris naissance.
A la suite du tribunal, la cour observe que la qualification juridique de prêt à usage avancée par l'appelante suppose que le premier étage, lieu du siège de l'incendie, soit considéré indépendamment du reste de l'immeuble et doive faire l'objet d'une restitution spécifique. Or, la description que donne l'expert de l'immeuble démontre qu'il n'est pas découpé en logements mais occupé indivisément et surtout que le rez de chaussée fait l'objet d'une occupation commune par tous ceux qui résident sous ce même toit. Dans le cadre d'une occupation familiale, qui voit trois générations cohabiter, il n'est pas anormal que des règles de vie, tacites ou explicites, aient organisé les conditions d'occupation des différentes parties de l'immeuble élevé sur trois niveaux sans que pour autant il faille en déduire que les parties ont conclu un prêt à usage dont les caractéristiques ne correspondent pas à ce mode d'occupation de l'immeuble.
Il en résulte une impossibilité matérielle de considérer de façon distincte et isolée le corps certain qui fait l'objet du prêt à usage.
C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la qualification juridique de commodat et par voie de conséquence l'application des règles particulières qui le gouvernent, spécialement l'obligation faite à l'emprunteur de rapporter la preuve qu'il n'a pas commis de faute ou que la chose a disparu par suite d'un cas fortuit.
L'expert a conclu que l'importance des dégâts dans la chambre de [M] [T] et le fait que Mme [Z] ait découvert l'incendie dans cette pièce -alors que Mme [Z] se trouvait seule dans la maison- ne laissent aucun doute sur le lieu où le feu a pris. Selon l'expert, l'incendie résulte d'une défaillance du téléviseur qui aurait implosé, hypothèse qui n'a pu toutefois être vérifiée, le mobilier garnissant la chambre ayant été jeté avec les gravats par les sapeurs-pompiers. L'expert a relevé que lorsque Mme [Z] a constaté l'incendie dans la chambre de sa petite fille, elle a quitté la pièce pour appeler les secours et a omis de fermer la porte de cette pièce, ce qui a favorisé la propagation de l'incendie.
L'incendie a donc une cause purement accidentelle.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il débouté la société Axa France de son recours subrogatoire et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.
La société Axa France sera tenue de verser à la Maif, à [I] [T] et [M] [T] la somme de 1 000 euros chacune en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel.
La société Axa France sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Axa France à payer à la Maif, à [I] [T] et [M] [T] la somme de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Axa France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,