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26/11/2015 | FRANCE | N°12/03695

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 26 novembre 2015, 12/03695


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B



5e Chambre







OF



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 12/03695



AFFAIRE :



SAS USP NETTOYAGE en la personne de son représentant légal

C/

[J] [D]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Juin 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 10/01547





Copies

exécutoires délivrées à :



la SCP LASSERI SCETBON ET ASSOCIES



Me Claudia SOGNO



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS USP NETTOYAGE



[J] [D],









le :

REPUBLIQUE FRAN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

5e Chambre

OF

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 12/03695

AFFAIRE :

SAS USP NETTOYAGE en la personne de son représentant légal

C/

[J] [D]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Juin 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 10/01547

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP LASSERI SCETBON ET ASSOCIES

Me Claudia SOGNO

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS USP NETTOYAGE

[J] [D],

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS USP NETTOYAGE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Valérie SCETBON GUEDJ de la SCP LASSERI SCETBON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0346 substituée par Me Benjamin WIART, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0346

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Claudia SOGNO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0145

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Service contentieux général

[Adresse 3]

représentée par Mme [Q] [X] (Inspecteur du contentieux) en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

FAITS ET PROCÉDURE,

Les faits et la procédure peuvent être présentés de la manière suivante :

M. [J] [D] a été engagé par la société USP Nettoyage en qualité d'ouvrier spécialisé suivant plusieurs contrats de travail écrits à durée déterminée, puis à durée indéterminée, à temps plein, à compter du 10 février 1998. Il avait pour tâche le nettoyage extérieur des wagons de voyageurs de la SNCF.

Le 23 mars 2001, M. [D] a été déclaré inapte à ce poste par le médecin du travail.

Le 06 avril 2006, M. [D] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine (CPAM) une demande de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle.

Par lettre en date du 03 octobre 2006, la caisse lui a répondu que sa maladie ne figurait pas parmi celles figurant aux tableaux de maladies professionnelles et que, par ailleurs, son état n'étant pas stabilisé, la caisse ne pouvait saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

M. [D] a déclaré une maladie professionnelle le 25 juillet 2007. Un certificat médical daté du 19 juillet 2007 était joint à cette déclaration, lequel vise une « bronchiolite oblitérale consécutive à l'emploi de produits acides ».

Par lettre en date du 26 octobre 2007, la CPAM a avisé la société USP Nettoyage qu'une décision définitive n'avait pu être arrêtée quant au caractère professionnel et indiquait qu'un délai complémentaire d'instruction de trois mois était nécessaire.

Le 10 janvier 2008, la caisse a informé la société que l'instruction du dossier était terminée et que la décision serait prise le 21 janvier 2008.

Le 21 janvier 2008, la décision de la caisse était notifiée à la société.

Le 18 août 2008, la CPAM informait la société que l'instruction du dossier était terminée et que la décision serait prise le 29 août 2008.

Le 29 août 2008, la caisse primaire a notifié à M. [D] une décision de refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle et a adressé à la société USP Nettoyage le double de cette notification.

Le 27 novembre 2008, M. [D] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 23 février 2009, la CPAM informe la société que le dossier de M. [D] est adressé au CRRMP et de ce que la société a la possibilité de prendre connaissance des pièces administratives dans un délai de 10 jours ouvrés.

Le 5 juin 2009, la CPAM a informé la société USP Nettoyage de la fin de l'instruction du dossier de M. [D] et d'une décision à intervenir le 19 juin 2009.

Par décision en date du 19 juin 2009, et sur avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France, la CPAM a pris en charge l'affection déclarée au titre de la législation professionnelle.

Par lettre datée du même jour, la CPAM a informé la société USP Nettoyage de ce que cette « nouvelle décision annule et remplace la précédente notification, adressée à l'intéressé(e) par laquelle je lui faisais pat d'un refus. Le double de cette notification vous avait été adressé pour information. Si toutefois vous estimez devoir contester cette décision, vous devez adresser votre réclamation motivée, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception, à la commission de recours amiable ('.) ».

Le 07 juillet 2009, la CPAM a transmis à la société USP Nettoyage copie de l'ensemble des pièces concernant M. [D].

Par courrier en date du 30 septembre 2009, Monsieur [D] a invoqué la faute inexcusable de son employeur et a sollicité la majoration de la rente allouée ainsi que la réparation de ses préjudices.

Par courrier en date du 29 juillet 2010, la société a contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle.

Par une requête en date du 11 octobre 2010, M. [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine (ci-après, TASS).

Par jugement du 19 juin 2012, notifié le 3 juillet 2012, le TASS :

s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de révision du taux d'incapacité de M. [D] et a incité ce dernier à saisir le tribunal du contentieux de l'incapacité ;

a déclaré opposable à la société USP Nettoyage la maladie professionnelle déclarée par M. [D] le 19 juillet 2007 ;

a dit que cette maladie professionnelle était la conséquence de la faute inexcusable de la société USP Nettoyage ;

a ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise médicale (Dr [R]) ;

a alloué à M. [D] une provision de 7000€ à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

[']

La société USP Nettoyage a interjeté appel de ce jugement, et les parties ont été convoquées à l'audience du 20 mars 2014.

La société appelante demandait à la cour de dire à titre principal, qu'elle n'avait pas commis de faute inexcusable, et à titre subsidiaire, de constater que la décision de refus de prise en charge du 29 août 2008 revêtait un caractère définitif. A titre infiniment subsidiaire, la société sollicitait de la cour qu'elle constate d'une part, qu'elle n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses observations et, d'autre part, l'absence de preuve quant au lien de causalité entre la pathologie déclarée par M. [D] et les fonctions qu'il exerçait.

La cour d'appel de céans (autrement composée), dans un arrêt en date du 27 mars 2014, a confirmé le jugement rendu par le TASS en ce qu'il avait :

dit que la décision de refus de prise en charge de la CPAM du 29 août 2008 n'avait pas de caractère définitif à l'égard de la société USP Nettoyage ;

dit que la CPAM avait respecté son obligation d'information.

La cour a par ailleurs désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'[Localité 1] (CRRMP) afin qu'il donne son avis sur l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie déclarée par M. [D] et les fonctions qu'il a exercé au sein de la société USP Nettoyage.

La cour a par ailleurs sursis à statuer sur les demandes de M. [D] lesquelles portaient sur :

une majoration de la rente allouée à 950 euros ;

la fixation de ses préjudices, tels que résultant du rapport d'expertise judiciaire du Dr [R], c'est-à-dire :

Concernant les préjudices patrimoniaux :

21 174 euros au titre de la perte de gains professionnels

32 475,64 euros au titre de l'assistance à tierce personne avant consolidation

208 821,60 euros au titre du préjudice professionnel

67 537,44 euros au titre de l'assistance à tierce personne après consolidation

Concernant les préjudices extra-patrimoniaux :

49 542 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

20 000 euros souffrances endurées

248 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

3000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

5000 euros au titre du préjudice d'agrément

18 000 euros au titre du préjudice sexuel

Par courrier reçu au greffe social le 23 mars 2015, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région centre a transmis son avis, lequel établit l'origine professionnelle de la maladie déclarée par M. [D]. Le comité retient en effet « l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée par M. [D] et les fonctions qu'il a exercé (sic) au sein de la société Usp nettoyage ». Le comité fait par ailleurs état d'un taux d'incapacité permanente partielle supérieur à 25%.

L'affaire a été renvoyée à l'audience du jeudi 1er octobre 2015.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société USP Nettoyage demande à la cour de réformer le jugement du 19 juin 2012 rendu par le TASS des Hauts de seine.

A titre principal, la société demande à la cour de dire qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable et de débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, la société sollicite la cour de constater que la décision de refus de prise en charge du 29 août 2008 revêtait un caractère définitif et de déclarer la décision de prise en charge de la CPAM inopposable à la société.

A titre infiniment subsidiaire, USP Nettoyage demande à la cour de constater qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour faire valoir utilement ses observations et n'a été rendue destinataire de l'ensemble des pièces que postérieurement à la décision de prise en charge ; en conséquence, déclarer la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle inopposable et, à tout le moins, constater que la CPAM ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre la pathologie déclarée par M. [D] et les fonctions qu'il exerçait au sein de la société.

A titre plus infiniment subsidiaire, la société soutient que le rapport d'expertise établi par le Docteur [R] est nul et sollicite une nouvelle expertise.

A titre encore plus infiniment subsidiaire :

Juger que la majoration de la rente ne peut être calculée que sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 67%

Débouter M. [D] :

. de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice professionnel

. de sa demande d'indemnisation au titre de l'assistance à tierce personne tant avant qu'après consolidation

. de sa demande d'indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire

. de sa demande au titre du déficit fonctionnel permanent

. de sa demande au titre du préjudice d'agrément

Rapporter l'indemnisation au titre du préjudice esthétique à la somme de 500 euros

Ramener l'indemnisation au titre du préjudice sexuel à la somme de 2 000 euros

Dire que la CPAM devra faire l'avance de toutes les sommes à M. [D]

Débouter M. [D] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [D] demande à la cour de :

. confirmer le jugement du 19 juin 2012 en toutes ses dispositions ;

. condamner in solidum la société USP Nettoyage et la CPAM à indemniser M. [D] de l'intégralité de ses préjudices découlant de la maladie professionnelle dont il est atteint ;

. porter la rente majorée à son maximum légal ;

. rejeter la demande de désignation d'un nouvel expert ;

. condamner in solidum la société et la CPAM à verser à M. [D] les sommes de :

* préjudices patrimoniaux temporaires :

21 174 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels

32 475 euros au titre de l'assistance à tierce personne temporaire

* préjudices patrimoniaux permanents :

433 425,60 euros (avant déduction de la créance définitive de la CPAM)

67 537,64 euros au titre de l'assistance à tierce personne après consolidation

*préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

49 542 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

20 000 euros au titre des souffrances endurées

*préjudices extrapatrimoniaux permanents :

248 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

5 000 euros au titre de préjudice d'agrément

3 000 euros au titre du préjudice esthétique

18 000 euros au titre du préjudice sexuel

. condamner la société à rembourser à la CPAM toutes les sommes versées par cette dernière à M. [D] en indemnisation des préjudices nés de sa maladie professionnelle

. condamner la société à payer à M. [D] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine, soulignant en particulier que le certificat médical initial étant daté du 19 juillet 2007, aucune indemnité ne peut être servie pour des préjudices antérieurs à cette date, conclut à la confirmation de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [D] le 19 juillet 2007 ; à ce qu'il lui soit donné acte qu'elle s'en rapporte sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; à ce que, dans l'hypothèse où cette faute serait retenue :

. lui donner acte qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur le montant de la majoration de la rente, dans les limites de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

. rejeter la demande de réparation des préjudices liés à la perte de gains professionnels, à la tierce personne après consolidation, au préjudice professionnel après consolidation, au déficit fonctionnel permanent et au préjudice d'agrément ;

. limiter l'indemnisation concernant la tierce personne avant consolidation et le déficit fonctionnel temporaire et ce, en fonction de la date de la maladie professionnelle et de la date de consolidation fixée par la caisse ;

. ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du pretium doloris et du préjudice sexuel ;

. donner acte à la caisse qu'elle s'en rapporte sur l'indemnisation du préjudice esthétique ;

. donner acte à la caisse de que les sommes allouées au titre des préjudices personnels et de la majoration de rente seront versées directement par la caisse qui en récupérera le montant auprès de la société USP Nettoyage.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

I- Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [D]

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'est présumée d'origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Cet article poursuit en indiquant que « si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé (25%).

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire »

En l'espèce, M. [D] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine, le 25 juillet 2007, une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'une « bronchiolite oblitérale consécutive à l'emploi de produits acides », joignant un certificat médical initial en date du 19 juillet 2007.

Cette maladie a été prise en charge par la caisse le 19 juin 2009 après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France (CRRMP), lequel a estimé que l'exposition professionnelle à des produits acides peut entraîner l'apparition de bronchiolite oblitérante chronique et qu'en l'espèce, l'exposition professionnelle à des produits acides confirmée par l'enquête administrative, la chronologie des manifestations et les données bibliographiques permettent de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par M. [D].

Par arrêt du 27 mars 2014, la cour de céans a ordonné la consultation d'un second comité, le CRRMP d'[Localité 1], qui a également retenu l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée par M. [D] et les fonctions qu'il a exercé au sein de la société USP Nettoyage.

La société USP Nettoyage fait valoir que la caisse a d'abord dénié à la maladie de M. [D] un caractère professionnel, par décision du 29 août 2008, dont elle n'a jamais reçu notification. Dès lors que cette décision n'avait pas été critiquée dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, elle était définitive et la caisse n'était ainsi pas « recevable à revenir sur sa décision initiale ».

Sur ce point, la cour doit observer que les rapports entre la caisse et un salarié sont indifférents aux rapports entre la caisse et l'employeur de ce salarié.

En l'espère, rien n'imposait à la caisse de notifier à la société la décision du 29 août 2008, laquelle, à supposer qu'elle ait eu un caractère définitif, n'aurait pu l'avoir acquis qu'à l'égard de M. [D].

De plus, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à une caisse de sécurité sociale de modifier son interprétation des circonstances liées à une déclaration de maladie professionnelle.

La décision du 19 juin 2009 de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de M. [D] a été prise après avis du comité de régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 2].

La société, ainsi qu'elle en convient elle-même, a reçu communication des éléments du dossier concernant M. [D] le 07 juillet 2009, tandis qu'elle avait reçu avis de la fin de l'instruction du dossier par la caisse, le 05 juin 2009.

Cette décision a été notifiée à la société USP Nettoyage. 

La société n'a à aucun moment contesté la décision du 19 juin 2009 avant que M. [D] n'ait entamé une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Toutefois, le tribunal des affaires de sécurité sociale ayant expressément statué sur l'opposabilité à la société de la prise en charge par la caisse de la maladie de M. [D] à titre professionnel et la cour, dans une composition différente, ayant ordonné la saisine d'un second CRRMP, la société est fondée à le contester.

L'avis du deuxième CRRMP quant à « l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée par M. [D] et les fonctions qu'il a exercé (sic) au sein de la société Usp nettoyage » est dépourvu de toute ambiguïté.

La société n'apporte aucun élément de nature médical ou autre qui permette de remettre en cause cette constatation du CRRMP d'[Localité 1].

Par conséquent, la cour ne pourra que confirmer la décision de la CPAM des Hauts de seine ayant accordé à M. [D] le bénéfice des dispositions de la législation professionnelle pour la pathologie déclarée le 19 juillet 2007.

II- Sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société USP Nettoyage

A l'appui de son appel, la société USP Nettoyage fait valoir que la preuve de sa faute inexcusable n'est pas rapportée, cette dernière ne pouvant avoir conscience du danger auquel avait été exposé M. [D] et à tout le moins, ayant pris les mesures appropriées pour préserver la santé et la sécurité de son salarié.

M. [D] met en exergue la conscience par la société USP Nettoyage du danger encouru par l'utilisation répétée de produits nocifs, sans qu'aucune protection respiratoire adaptée ne lui soit fournie ; cette conscience du danger s'illustrant de surcroît par des conditions de travail contraires aux règles de sécurité et la violation délibérée des prescriptions de la médecine du travail.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié (la conscience étant appréciée par rapport à un employeur normalement diligent) et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance de la maladie professionnelle.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droits d'en apporter la preuve.

La conscience du danger qui caractérise la faute inexcusable de l'employeur s'apprécie in abstracto et renvoie à l'exigence de prévision raisonnable des risques, laquelle suppose de prendre les mesures nécessaires à la préservation du salarié dudit danger. Cette conscience du danger peut également résulter de la réglementation en matière de sécurité au travail.

Ainsi, l'exercice de certaines activités implique nécessairement que l'employeur avait, ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié.

D'ailleurs, l'obligation de sécurité impose à l'employeur de mettre en place des dispositifs de nature à prévenir tout risque dans l'utilisation d'un matériel ou de produits présentant des dangers, que leur utilisation soit périodique ou exceptionnelle.

En l'espèce, Monsieur [D] devait utiliser des produits de nettoyage pour nettoyer l'extérieur des trains, les quais et enlever les graffitis des wagons. Il est constant que le produit dont il se servait principalement (mais, au vu des éléments soumis à l'attention de la cour, pas exclusivement) était le 'Bacorex M'. La société souligne que ce produit était « directement fourni par le maître d''uvre du chantier, la SNCF » et n'était jamais utilisé à l'état pur mais dilué à 5% ou 10%.

Le produit était projeté à l'aide d'une lance d'une longueur de deux mètres environ ; les opérations de nettoyage avaient lieu, selon la société, à l'air libre.

La cour doit noter ici qu'il est indifférent que le produit en cause ait été fourni par la SNCF : c'est à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et l'intégrité physique ou morale de ses salariés.

La cour note par ailleurs que, si la fiche de données de sécurité du produit 'Bacorex M' ne fait pas mention de risque lié à l'utilisation à l'air libre, cette fiche classe expressément ce produit comme « nocif », prévoit le port d'équipement de protection individuelle (EPI), d'un appareil respiratoire « si risques de vapeurs », de gants et de lunettes.

Ces seules mentions suffisent à alerter sur la toxicité du produit.

Certes, M. [D] était doté de gants, lunettes et bottes et travaillait à l'air libre.

En revanche, il ne disposait que d'un bleu de travail.

De plus, ainsi qu'il est constant, l'utilisation d'une 'lance' pour nettoyer les wagons multipliait le risque de projections. Le tribunal a d'ailleurs utilisé l'expression de « nuage de Bacorex », qui traduit, de manière pertinente, l'ambiance dans laquelle M. [D] devait accomplir son travail.

En tout état de cause, M. [D] n'a reçu aucune formation ni aucune information concernant l'utilisation du produit utilisé, étant laissé dans l'ignorance de sa dangerosité.

De plus, la société USP Nettoyage ne fournit aucune preuve de la réalisation d'une évaluation des risques professionnels quant au poste occupé par M. [D], laquelle fait pourtant partie des responsabilités incombant à tout chef d'entreprise.

Enfin, la société ne conteste pas les attestations des salariés selon lesquelles, postérieurement à la maladie de M. [D], les personnes affectées au nettoyage extérieur des trains ont bénéficié de protections respiratoires. La cour relève, sur ce point, que le tribunal n'a pas manqué de souligner que les deux responsables du site sur lequel travaillait M. [D] eux-mêmes estimaient qu'il n'était pas nécessaire de remettre des masques protecteurs aux ouvriers.

La cour dira que la maladie professionnelle dont est affecté M. [D] résulte de la faute inexcusable de son employeur.

III - Sur la majoration de la rente allouée à M. [D]

M. [D] sollicite de la cour de céans, une majoration de la rente allouée à la somme de 950€, correspondant à une fraction de 70% de son salaire mensuel moyen égal à 1350€.

En effet, par décision datée du 14 avril 2012, la caisse a informé M. [D] que son taux d'incapacité permanente partielle était porté à 70% à compter du 26 décembre 2011.

La société USP Nettoyage réplique que la majoration de la rente d'incapacité permanente ne pourrait être calculée à son égard que sur la base d'un taux de 67%, dès lors que la demande de révision du taux d'incapacité permanente partielle formée par M. [D] n'a pas été contradictoire.

Les articles L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale prévoient que lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, la victime ou ses ayants droits ont droit à une majoration des indemnités qui leur sont dues.

L'alinéa 3 de l'article L. 452-2 du code susvisé précise que « lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée n'excède pas la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité ».

La cour rappellera que la fixation du taux de majoration relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, cette appréciation pouvant être influencée par la gravité des fautes ayant concouru au dommage.

Aussi, conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale susvisées, la majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'une maladie professionnelle consécutifs à la faute inexcusable de son employeur sera calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle-ci reste atteinte, et doit donc suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime.

En conséquence, sera retenu pour le calcul de la majoration de la rente allouée à M. [D] le taux de 70% d'incapacité permanente partielle, fixé par décision du 14 avril 2012 ; la rente majorée s'élève à la somme de 945€.

III- Sur l'indemnisation sollicitée par M. [D]

M. [D] sollicite de la cour de céans une évaluation des préjudices telle que résultant du rapport d'expertise judiciaire du Dr [R], c'est-à-dire :

Concernant les préjudices patrimoniaux :

21 174€ au titre de la perte de gains professionnels

32 475,64€ au titre de l'assistance à tierce personne avant consolidation

208 821,60€ au titre du préjudice professionnel

67 537,44€ au titre de l'assistance à tierce personne après consolidation

Concernant les préjudices extra-patrimoniaux :

49 542€ au titre du déficit fonctionnel temporaire

20 000€ souffrances endurées

248 000€ au titre du déficit fonctionnel permanent

3000€ au titre du préjudice esthétique permanent

5000€ au titre du préjudice d'agrément

18 000€ au titre du préjudice sexuel.

Sur l'expertise du Dr [R] et sur la date de consolidation

La société USP Nettoyage sollicite tout d'abord, quant à elle, la nullité de l'expertise effectuée par le Dr [R], la fixation d'une date de consolidation ne faisant pas partie des missions imparties à ce dernier.

La cour rappellera qu'aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 du code de procédure civile au technicien commis. Tel est le cas où l'expert a excédé la mission impartie.

En conséquence, le motif tiré du dépassement par le Dr [R] des missions qui lui étaient confiées demeure inopérant.

Par ailleurs, l'article R. 433-17 du code de la sécurité sociale dispose que dès réception du certificat médical, la caisse primaire fixe, après avis du médecin-conseil, la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure.

En l'espèce, la caisse a fixé la date de consolidation de M. [D] au 19 juillet 2007 et cette date n'est pas en elle-même contestée par la société USP Nettoyage.

Elle ne correspond cependant pas à la réalité de la situation, telle que l'a décrite de Docteur [R] dans son rapport et telle qu'elle résulte des différents documents soumis à l'examen de la cour.

Par ailleurs, si la mission confiée à l'expert ne comportait pas expressément la fixation de la date de consolidation, il appartenait en revanche à l'expert de fixer cette date, ne serait-ce que pour répondre aux questions posées, ne seraient-ce que celles des « séquelles » ou celles de « la durée du déficit fonctionnel temporaire », laquelle ne peut être déterminée, par définition, sans cette donnée.

La date de consolidation retenue par l'expert est le 15 novembre 2012, date à laquelle il a procédé à l'examen contradictoire de M. [D].

La cour observe qu'il résulte du tableau dressé par l'expert (pages 7 et 8 du rapport) que « l'aggravation s'est faite par paliers » (en gras dans le rapport) et que rien ne permet d'écarter comme date raisonnable la date de consolidation fixée par l'expert.

La cour retiendra donc comme date de consolidation le 15 novembre 2012.

Sur l'évaluation des préjudices

Conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, «  la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation ».

Par sa décision du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a énoncé que :

« Considérant, en outre, qu'indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l'employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale; qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».

Ainsi, M. [D] peut prétendre à la réparation de chefs de préjudice qui ne sont pas couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Il en va ainsi du déficit fonctionnel temporaire, qui n'est pas couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire. Quant au préjudice sexuel, il constitue désormais un chef de préjudice qui peut donner lieu à réparation à part entière.

En revanche, la victime ne peut pas prétendre à la réparation des chefs de préjudice dont la réparation est assurée, en tout ou partie, par les prestations servies au titre du livre IV du code de la sécurité sociale tels que les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales ou du déficit fonctionnel permanent, dont la réparation est assurée par la rente et la majoration dont elle est assortie en cas de faute inexcusable. Il en va de même pour le besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation, lequel est indemnisé dans les conditions prévues à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, de sorte que ce préjudice est couvert, même de manière restrictive, par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En conséquence, les demandes formulées par M. [D] au titre de la perte de gains professionnels, de l'assistance à tierce personne après consolidation, du déficit fonctionnel permanent, et du préjudice d'agrément seront rejetées.

a) Sur l'assistance à tierce personne (avant consolidation)

Cette indemnisation est liée à l'assistance permanente d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches, et plus généralement, les actes de la vie courante.

En l'espèce, M. [D] sollicite la somme de 32 475,64 € au titre de ce préjudice.

La CPAM des Hauts de Seine indique que M. [D] ne peut prétendre à indemnisation de ce chef pour la période antérieure au 19 juillet 2007, date du certificat médical initial.

La cour indiquera à ce titre que le point de départ de l'indemnisation d'une maladie professionnelle se situe au jour des premiers examens médicaux mentionnant l'existence de la maladie et non au jour des certificats médicaux postérieurs, établissant le lien entre la maladie et l'activité professionnelle du salarié.

Aussi, le rapport d'expertise distingue trois périodes allant de mars 2001 à décembre 2011 et durant lesquelles, l'incapacité fonctionnelle de M. [D] a évolué graduellement.

La cour considère que le taux horaire de 11,53 euros retenu par la défense de M. [D], soit 249,80 euros par mois, incluant les congés payés, est adapté à la situation en Île de France.

Il sera donc alloué à M. [D] la somme de 32 475, 30 euros décrite comme suit :

de mars 2001 à juin 2005 : (249,81 x52 mois =) 12 990,12 euros

de juillet 2005 à juin 2008 : (249,81 x36 mois =) 8 993,16 euros

de juillet 2008 à décembre 2011: (249,81 x42 mois =) 10 492,02 euros

b) Sur la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle

La victime peut prétendre à une indemnisation du fait de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, dès lors qu'elle justifie d'un préjudice certain, distinct de celui résultant de son déclassement professionnel qui est réparé par la rente.

La notion de promotion suppose la démonstration par le demandeur de ce que, du fait de l'accident, il a été privé de l'accession à une situation professionnelle plus favorable, qu'il était sur le point d'obtenir, et qu'il a été privé de cette chance en raison directe de l'accident.

Il appartient donc au salarié victime d'établir en quoi l'accident litigieux lui a fait perdre la chance d'une telle possibilité de promotion professionnelle.

En l'espèce, l'expert relève que l'affection dont souffre M. [D] a, tout d'abord entraîné son changement de poste de travail en mars 2001, son reclassement à un emploi sédentaire en juillet 2008 (étant observé que M. [D] a cessé toute activité professionnelle depuis mars 2005), puis son licenciement en novembre 2008, date à partir de laquelle il a cessé toute activité professionnelle.

M. [D] souligne, de surcroît, qu'il bénéficiait compte tenu de son âge soit 40 ans, d'importantes perspectives d'évolution et de promotion professionnelle.

Toutefois, M. [D] ne justifie pas de diplôme ou de prévisions de carrière, mais uniquement de son âge qui lui laissait espérer une évolution professionnelle. Il n'apporte aucune précision concrète quant aux chances sérieuses de promotion avant l'accident, étant rappelé que la simple impossibilité d'exercer le métier antérieur à la maladie ne constitue pas une perte de promotion professionnelle.

Sa demande de ce chef ne peut donc être accueillie.

c) Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle, totale ou partielle, que va subir la victime jusqu'à sa consolidation. Il peut correspondre aux périodes d'hospitalisation de la victime mais également à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique.

En l'espèce, M. [D] sollicite la somme de 49 542€ au titre de ce préjudice, lequel se fonde sur l'évaluation faite par le Dr [R] prenant en compte trois périodes distinctes allant de mars 2001 à décembre 2011.

Le rapport du Dr [R] indique en effet que le taux d'incapacité a été variable au cours du temps, estimable à 30-40% de mars 2001 à juillet 2005, puis de 50-60% de juillet 2005 à juin 2008, puis de 65-70% de juillet 2008 à décembre 2011.

La caisse considère en revanche que cette évaluation a été réalisée à partir de bases erronées dans la mesure où le point de départ de l'indemnisation en maladie professionnelle ne peut être antérieur au 19 juillet 2007, date du certificat médical initial, et ne peut être postérieure à cette même date, date de consolidation de son état.

Comme évoqué précédemment, le point de départ de l'indemnisation d'une maladie professionnelle se situe au jour des premiers examens médicaux mentionnant l'existence de la maladie et non au jour des certificats médicaux postérieurs, établissant le lien entre la maladie et l'activité professionnelle du salarié.

Par conséquent, il sera alloué à M. [D] la somme de 46 506 euros décrite comme suit :

de mars 2001 à juin 2005 : (690 [indemnité forfaitaire égale à la moitié du SMIC] x 52 mois x 35 % =) 12 558 euros

de juillet 2005 à juin 2008 : (690x36x55% =) 13 662 euros

de juillet 2008 à décembre 2011: (690x42x70% =) 20 286 euros

d) Sur les souffrances endurées

Il sera rappelé que l'indemnisation de ce préjudice vise les souffrances endurées pendant la période traumatique et jusqu'à la consolidation, les souffrances postérieures ' permanentes ' relevant du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, M. [D] indique souffrir, du fait de sa maladie professionnelle, de difficultés respiratoires importantes qui engendrent, outre une incapacité quotidienne croissante et des douleurs chroniques, un risque élevé sur le plan chirurgical. Il sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 20 000 euros.

Aux termes du rapport d'expertise du Dr [R], il est établi que les souffrances physiques, psychiques ou morales rapportées peuvent être évaluées à « moyen-assez important soit 4-5/7 ». L'expert précise que M. [D] se trouve « physiquement très diminué », se trouve exclu de la vie professionnelle. La cour relève que M. [D] était jeune (36 ans au moment où la maladie s'est déclarée) et a cessé toute activité professionnelle à l'âge de 40 ans.

Ainsi, l'indemnisation de ce préjudice de M. [D] sera fixée à la somme de 8 000 euros.

e) Sur le préjudice esthétique

Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime.

En l'espèce, M. [D] indique avoir subi une prise de poids conséquente du fait des différents traitements médicaux qui lui ont été prescrits, cette prise de poids variant de manière répétée.

Le rapport du Dr [R] évalue le préjudice esthétique de M. [D] à très léger'léger, soit 1-2/7.

En conséquence, la demande de M. [D] relative à l'indemnisation de son préjudice esthétique sera ramenée à la somme de 1500€.

f) Sur le préjudice d'agrément

La cour indiquera que ce chef de préjudice s'entend de l'impossibilité totale ou partielle de pratiquer des activités sportives ou de loisirs pratiquées avant l'accident ou la maladie.

Les difficultés quotidiennes d'habillage, de toilette, de ménage n'entrent pas dans ce cadre et sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel définitif après consolidation. La définition large d'atteintes portées aux joies usuelles de l'existence a été abandonnée.

Or, en l'espèce, M. [D] indique qu'il « ne peut plus monter les escaliers, jouer au football avec son enfant, faire des courses seul, marcher plus que quelques pas ».

M. [D] ne rapporte pas la preuve d'une activité habituelle et régulière à des activités de loisirs ou sportives. En revanche, il se trouve privé d'activités aussi ordinaires que la marche, ce qui lui cause nécessairement un préjudice dans la vie quotidienne, y compris dans son environnement familial.

Par conséquent, la demande de M. [D] quant à l'indemnisation d'un préjudice d'agrément à hauteur de 5000 euros peut être accueillie, mais de façon limitée, et son préjudice à cet égard sera fixé à la somme de 2 000 euros.

e) Sur le préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant la sphère sexuelle.

Il existe à ce titre trois types de préjudice sexuel dont le préjudice morphologique lié à l'atteinte des organes sexuels suite au dommage subi ; le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte du plaisir, impossibilité physique de réaliser l'acte) ; et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté de procréer.

M. [D] sollicite l'indemnisation de son préjudice sexuel à hauteur de 18 000 euros en invoquant des troubles sexuels liés à son essoufflement.

La caisse entend soulever les termes du rapport d'expertise indiquant que la maladie professionnelle déclarée par M. [D] n'a eu aucun impact sur sa fertilité ni sur sa morphologie et estime le préjudice sexuel de ce dernier à « moyen / assez important soit 4-5/7 ».

M. [D] sollicite à ce titre une somme de 18 000 euros.

Compte tenu de son âge, quand bien même il est constant que la maladie professionnelle n'a eu aucun impact sur sa fertilité (il a eu deux enfants depuis), la gêne respiratoire éprouvée justifie l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 5 000 euros.

Sur le paiement des sommes allouées

A toutes fins, la cour rappellera que la majoration de la rente et les sommes allouées ci-dessus à M. [D] seront versées directement par la caisse primaire d'assurance maladie qui pourra en récupérer l'intégralité du montant auprès de la société USP Nettoyage en sa qualité d'employeur.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

M. [D] demande la condamnation de la société USP Nettoyage aux entiers dépens.

La cour ne peut que rappeler que la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est exempte de dépens.

Cependant, les frais d'expertise ne sont pas compris dans ces dépens et sont, vu les circonstances de l'espèce, à la charge de l'employeur.

S'agissant de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pénale, la cour observe que M. [D] a déjà obtenu à ce titre une somme de 3 000 euros en première instance.

Il est juste de condamner la société USP Nettoyage à lui payer une somme de 1 500 euros en cause d'appel sur ce fondement et de débouter la société de sa demande à cet égard.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

Confirme la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine ayant accordé à M. [D] le bénéfice des dispositions de la législation professionnelle pour la pathologie déclarée le 19 juillet 2007 ;

Dit que la maladie professionnelle dont souffre M. [D] résulte de la faute inexcusable de son employeur, la société USP Nettoyage ;

Fixe à 70% le taux pour la majoration de la rente allouée à M. [D] ;

Retient la date de consolidation fixée aux termes de l'expertise du Dr [R], soit le 15 novembre 2012 et fixe l'indemnisation des préjudices subis par M. [D] de la manière suivante :

32 475,30 euros au titre de l'assistance à tierce personne avant consolidation ;

46 506 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

8 000 euros au titre des souffrances endurées ;

1 500 euros au titre du préjudice esthétique ;

2 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

5 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

Dit que la majoration de la rente et les sommes allouées ci-dessus à M. [D] seront versées directement par la caisse primaire d'assurance maladie qui pourra en récupérer l'intégralité du montant auprès de la société USP Nettoyage en sa qualité d'employeur ;

Condamne la société USP Nettoyage à payer à M. [D] la somme de 1500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens, en ce non compris les frais d'expertise, qui sont à la charge de l'employeur ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 12/03695
Date de la décision : 26/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°12/03695 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-26;12.03695 ?
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