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10/11/2015 | FRANCE | N°14/02379

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 novembre 2015, 14/02379


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 14/02379



AFFAIRE :



[E] [P]



C/



SA WENDEL

SA WINVEST CONSEIL





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 13/02625





Copies exécutoires d

élivrées à :



Me Delphine-Lise MARECHAL



SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES





Copies certifiées conformes délivrées à :



[E] [P]



SA WENDEL



SA WINVEST CONSEIL



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NOVEMBRE DEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 14/02379

AFFAIRE :

[E] [P]

C/

SA WENDEL

SA WINVEST CONSEIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 13/02625

Copies exécutoires délivrées à :

Me Delphine-Lise MARECHAL

SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

[E] [P]

SA WENDEL

SA WINVEST CONSEIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant

Assisté de Me Delphine-Lise MARECHAL, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SA WENDEL

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Dominique DE LA GARANDERIE de la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

SA WINVEST CONSEIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

LUXEMBOURG

Représentée par Me Dominique DE LA GARANDERIE de la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 30 Juin 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'appel formé par M. [E] [P] à l'encontre du jugement en date du 31 mars 2014 par lequel le conseil de prud'hommes de Versailles a déclaré M. [P] irrecevable en ses demandes en application du principe de l'unicité d'instance ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 30 juin 2015 par M. [P] tendant à ce que la cour :

- déclare son action recevable

- annule la transaction signée entre lui et les sociétés WENDEL et WINVEST Conseil

- condamne ces sociétés au paiement de diverses sommes :

* à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'indemnités de rupture,

* et de dommages et intérêts pour privation illégale du droit d'exercer les options de souscriptions d'actions WENDEL (plan 2009), perte de chance de pouvoir exercer les options de souscription d'actions WENDEL (plan 2008) et perte de chance découlant de la cession d'actions du 1er avril 2010

- rejette les demandes des sociétés WENDEL et WINVEST et condamne celles-ci au paiement de la somme de 10 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions développées à la barre par les sociétés WENDEL et WINVEST qui sollicitent :

- la confirmation du jugement entrepris au motif que les dispositions de l'article R1452-6 du code du travail sont bien applicables en l'espèce - les intimées opposant, aussi, que la transaction a autorité de la chose jugée, qu'en tout état de cause, la cour, saisie de la nullité de la transction, ne saurait se livrer à l'examen des faits et des preuves comme le demande M. [P] et que, surabondamment, la demande d'annulation de la transaction est dépourvue de fondement

- le renvoi devant le tribunal de commerce de Nanterre de l'examen de la demande de dommages et intérêts concernant « les coinvestissements »

- à titre reconventionnel, la condamnation de M. [P] au paiement des sommes de :

* 150 000 € et de 50 000 € de dommages et intérêts, en faveur respectivement de la société WENDEL et de la société WINVEST, pour déloyauté et absence de bonne foi dans l'exécution de la transaction

* 585 591 € au titre de la violation de l'article 7 de la transaction et 268 000 € en application de l'article 9 avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 11 octobre 2011

Les intimées priant en outre la cour de juger qu'il ne peut y avoir entre elles la solidarité requise par M. [P] et de condamner M. [P] à payer à chacune d'elles la somme de 5000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

SUR LES FAITS ET LA PROCEDURE

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que, selon lettre datée du 15 novembre 2001, la société CGIP -aux droits de laquelle vient la société WENDEL- a engagé M. [P] -avocat et, alors, « senior counsel » à la BNP- en qualité de directeur juridique à compter du 2 janvier 2002; que la rémunération annuelle convenue de M. [P] était d'un montant de 120 000 € bruts, versée en 12 mois, outre l'attribution chaque année d'options de sosucription d'actions « d'un montant au moins égal à 6 mois de sa rémunération brute, la première attribution devant avoir lieu « d'ici juin 2002 » ;

Qu'à compter du 1er janvier 2007, partie de la rémunération (28,60 %) de M. [P] était prise en charge par la société WINVEST Conseil , filiale luxembourgeaoise de la société WENDEL qui le 8 janvier 2009 écrivait M. [P] qu' à compter du 1er janvier 2009 sa rémunération annuelle serait fixée à 200 000 €, M. [P] percevant en outre chaque année une prime d'un montant variable, « pour tenir compte de l'importance du travail fourni », ainsi, d'un montant de 68 000 € pour 2008 ;

Que par nouvelle correspondance du 19 janvier 2009 le président du directoire annonçait à M. [P] que sa rémunération brute annuelle était fixée à 250 000 €, qu'il percevrait une prime de 80 000 € en janvier pour « tenir compte de l'importance du travial fourni au cours des six derniers mois » et qu'enfin, « compte tenu de sa participation à l'équipe de direction du groupe depuis plus de deux ans, il bénéficierait « à titre exceptionnel en 2009 d'un mécanisme de bonus différé de fidélisation qui doublera les primes attribuées au cours de l'année », le calendrier de versement de ce bonus était précisé en annexe de cette correspondance ;

Qu'enfin, à l'issue d'une séance du directoire de la société WENDEL, tenue le 2 avril 2009, le président du directoire, M. [O], informait M. [P], par lettre du même jour, qu'il avait été décidé de lui attribuer 40 000 options, donnant droit à la souscription d'actions WENDEL au prix de 18, 60 € par action, avec cette précision, énoncée par écrit dans une note jointe, que si un licenciement pour faute grave ou lourde était notifié avant le premier anniversaire de la date d'attribution, aucune des options consenties ne serait exerçable ;

Que le 19 juin 2009, la société WENDEL a convoqué M. [P] , par voie d'huissier, à un entretien préalable à licenciement et l'a mis à pied à titre conservatoire dans une lettre du même jour, signée du nouveau président du directoire, M.[N] ;

Que par lettre du 2 juillet suivant, la société WENDEL licenciait M. [P] pour faute grave ; que M. [P] se voyait reproché un « manque de diligence, un manque de transparence et un manque de loyauté manifestés par diverses attitudes », témoignant de sa « volontaire insuffisance professionnelle », avec « invasion de sa vie privée dans ses activités professionnelles » et centrage « de ses préoccupations sur son intérêt personnel et non sur celui de l'entreprise ; »

Que M. [P] contestait ce licenciement par lettre du 9 juillet 2009 où il dénonçait, à travers cette mise en scène orchestrée de son éviction, la volonté, selon lui, de la société de se soustraire au règlement des indemnités et autres sommes qui lui étaient dues à compter du 19 juin 2009 ; qu'il rappelait dans cette correspondance la fidélité et la loyauté qui l'avaient animé envers la société WENDEL pendant 7 ans et qui l'avaient conduit -plusieurs années auparavant « comme d'autres de ses collègues » à participer à un programme de coinvestisssment , aux côtés de la société WENDEL dans le cadre du dossier SOLFUR- et à essuyer un « à un désastre fiscal et financier personnel pour préserver les intérêts de certains hauts dirigeants » ; qu'il imputait la rupture de son contrat de travail aux revendications émises par lui envers la société WENDEL à propos de cette « affaire SOLFUR » ;

Que la société WINVEST -qui , elle aussi, avait licencié M. [P] par lettre du 7 juillet 2009, mais sans énonciation de motif et avec un préavis de trois mois- a établi les documents de fin de contrat, arrêtée au 14 octobre 2009, mentionnant un solde de tout compte de 13 184,68 € en faveur de la société, tandis que ceux concernant le contrat avec la société WENDEL , faisaient état d'un solde de 4506,89 € en faveur de la société WENDEL ;

Que le 9 octobre 2009, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir juger et indemniser son licenciement, selon lui, sans cause réelle et sérieuse ; que M. [P] et les deux sociétés présentement intimées, ont signé un protocole transactionnel le 1er avril 2010 ;

Qu'en exécution de ce protocole, les avocats de M. [P], par lettre du 31 mai 2010 reçue le 2 juin 2010 ont informé le greffe de la cour d'appel de Paris que M. [P] se désistait de son instance et de son action, pendantes devant elle, et le conseil des deux sociétés a écrit le 8 juin 2010 au président de la cour, que celles-ci acceptaient ces désistements ; que la cour d'appel de Paris a dans ces conditios rendu le 31 août 2010 un arrêt donnat acte aux parties de leurs désistements et acceptation respectifs ;

Que néanmoins, dès le 11 juin 2010, M. [P] avait avisé les dirigeants de la société WENDEL qu'il sollicitait la résolution de la transaction, pour défaut de concessions réciproques et violence économique ayant vicié son consentement , avant de saisir à nouveau le conseil de prud'hommes de Paris, le 23 juin 2010, afin d'obtenir la nullité de la transaction ainsi que l'indemnisation de son licenciement et de la perte de chance concernant les options d'actions ;

Qu'enfin, parallèlement à l'instance prudhomale, M. [P] engageait contre la société WENDEL et trois de ses dirigeants, une instance devant le tribunal de commerce de Paris, selon assignation du 10 novembre 2010, à l'effet d'obtenir la condamnation des défendeurs à lui payer la somme de 6 812 153 € à titre de dommages et intérêts , en réparation des divers préjudices consécutifs pour lui à la mise en place des « programmes d'investissement [G] et Solfur » ;

Qu'à la suite de la nouvelle saisine du conseil de prud'hommes , le 23 juin 2010 comme il vient d'être rappelé, le conseil, sur exception soulevée par la société WINVEST Conseil , s'est déclaré teritorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [P] et, sur contredit de la société WINVEST Conseil, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 11 octobre 2012, saisie en définitive d'une requête en dépaysement par la société WINVEST Conseil -M. [P] exerçant à nouveau son activité d'avocat libéral- a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles laquelle, par arrêt du 3 septembre 2013 , a :

- constaté que le contrat de travail signé avec la société WINVEST Conseil était l'accessoire du contrat signé avec la société WENDEL

- prononcé la nullité de la clause attibutive de compétence figurant à l'article 12 du contrat consenti à M. [P] par a société WINVEST Conseil

- rejeté, en conséquence, le contredit

- rejeté la demande d'évocation et renvoyé les parties, pour débats sur le fond, devant le conseil de prud'hommes de Versailles ;

Que c'est ainsi que les trois parties ont comparu à l'audience de jugement du conseil de prud'hommes de Versailles, tenue le 3 février 2014 ;

Qu'aux demandes formées par M. [P], relatives à la nullité de la transaction et aux indemnités diverses sollicitées au titre du licenciement et de la perte des options d'actions, les sociétés WENDEL et WINVEST Conseil ont opposé les fins de non recevoir fondées sur le principe de l'unicité d'instance et sur l'autorité de chose jugée de la transaction et elles ont conclu en tout état de cause à la validité de la transaction ;

Que par le jugement dont appel, le conseil de prud'hommes a retenu la fin de non recevoir tirée de l'unicité d'instance et a déclaré, en conséquence, M. [P], irrecevable en ses demandes, -rejetant également les demandes reconventionnelles des sociétés défenderesses ;

Que quelques mois auparavant, dans un jugement du 17 décembre 2013 le tribunal de commerce de Nanterre, -finalement saisi, après celui de Paris, en application de l'article 47 du code de procédure civile et en raison de la qualité d'avocat inscrit au barreau de Paris, de M. [P] - a débouté M. [P] de toutes ses demandes, après avoir jugé que l'intéressé ne démontrait pas l'existence d'une faute quelconque des défendeurs en relation avec le préjudice allégué -le tribunal, toutefois, allouant,seulement, un euro de dommages et intérêts à la société WENDEL et rejetant les autres demandes reconventionnelles en ces termes : « au vu des circonstances du montage et du bénéfice important que devaient en retirer les trois dirigeants principaux animateurs de l'opération SOLFUR, il n'est pas démontré que l'attitude de M. [P] leur ait causé un préjudice moral nécessitant une réparation même symbolique » ;

*

SUR LA MOTIVATION

Sur l'unicité d'instance

Considérant que les parties ayant conclu, le 1er avril 2010, une transaction relative au licenciement de M. [P] en date du 2 juillet 2009, l'examen des diverses demandes de l'appelant concernant ce licenciement suppose que soit préalablement annulée la transaction litigieuse ;

Qu'en outre, et préalablement à l'examen de la validité de la transaction, il doit être statué sur la recevabilité de l'action engagée par M. [P] tendant à l'annulation de cette transaction au regard du principe de l'unicité d'instance opposé par les sociétés intimées et retenu par les premiers juges pour déclarer M. [P] irrecevable en ses prétentions ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R 1452-6 du code du travail, les parties sont tenues de présenter toutes leurs demandes relatives à un même contrat de travail, dans le cadre d'une seule instance ; qu'il s'ensuit, certes, que sont irrecevables les demandes nouvelles, formées postérieurement au prononcé de la décision statuant sur les demandes initiales des parties, dès lors que le fondement de ces prétentions nouvelles était déjà né ou révélé lors de l'instance prudhomale initiale ;

Que ce principe de l'unicité d'instance n'est toutefois applicable que lorsque la première instance s'est achevée par un jugement au fond ;

Or considérant qu'en l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Paris dont se prévalent les intimées, au soutien de la fin de non recevoir tirée de l'article R 1452-6 précité, s'est borné à constater le désistement de M. [P] sans statuer sur le fond du litige ; que cette décision strictement procédurale ne pouvait, dès lors, faire obstacle à la saisine du conseil de prud'hommes de Paris, par M. [P] le 23 juin 2010, suivie, depuis, de la saisine des cours de Paris puis de Versailles et, enfin, du conseil de prud'hommes de Nanterre, comme rappelé ci-dessus ;

Que les sociétés WENDEL et WINVEST Conseil doivent donc être déclarées mal fondées en leur fin de non recevoir ;

*

Sur la validité de la transaction

Sur les vices du consentement

Considérant que M. [P] sollicite l'annulation de la transaction litigieuse au motif que son consentement aurait été vicié par le dol des intimées et la violence économique dont il a fait l'objet ;

Considérant qu'à ce double titre, M. [P] expose que, par la mise en 'uvre du protocle litigieux, la société WENDEL aurait usé de man'uvres destinées à le placer dans une situation vexatoire et brutale, excluant matériellement toute ressource financière alors que ses employeurs connaissaient sa situation patrimoniale critique consécutive, selon lui, à la perte de 6, 8 millions d'euros, à la suite de l'échec de l'opération de coinvestissement SOLFUR ;

Mais considérant que la situation ainsi décrite correspond à la forme et aux effets de toute procédure de licenciement pour faute grave ; qu'elle n'emporte en elle-même nullement la preuve d'une man'uvre frauduleuse quelconque imputable aux intimées ; que le rappel des faits énoncé par le tribunal de commerce de Nanterre, dans sa décision du 17 décembre 2013, démontre, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des conclusions des parties, que des négociations étaient en cours depuis le mois de juin 2009, entre la société WENDEL et M. [P] ainsi que ses autres cadres ayant participé au programme SOLFUR, quant à l'indemnisation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi à cette occasion ; que la signature - dans ce contexte une année plus tard - de la transaction aujourd'hui attaquée apparaît au contraire avoir été précédée d'un temps de réflexion, exclusif de toute précipitation et contrainte, M. [P] ayant d'ailleurs choisi, d'emblée, le combat judiciaire auquel ses qualités de juriste de haut niveau, bien entouré de surcroît, le prédisposaient favorablement ;

Que ces premiers moyens de nullité invoqués par l'appelant ne sont pas sérieux, de même que s'avère tout aussi excessive, l'allégation, plus prosaïque, de l'état de « survie économique » dans lequel M. [P] se serait trouvé placé du fait de son licenciement -au regard de la situation patrimoniale personnelle de M. [P] établie par les pièces versées aux débats ;

Qu'en définitive, si la rupture de son contrat de travail créait pour M. [P] une situation financière nouvelle, difficile, compte tenu en particulier de la perte de divers avantages, elle n'était pas, en elle-même, de nature à provoquer pour M. [P] une situation préjudiciable qui aurait contraint celui-ci à conclure la transaction du 1er avril 2010 -étant précisé que la man'uvre employée par la société WENDEL n'est pas caractérisée ;

°

Sur les concessions réciproques

Considérant que M. [P] prétend encore que la transaction contestée ne comporterait pas de concessions réciproques ;

Que la société WENDEL n'aurait consenti aucune concession en échange de sa propre renonciation dont il ne définit pas exactement d'ailleurs les contours intégrant néanmoins, incontestablement la présente action prudhomale, expressément visé dans la transaction ;

Considérant que, selon la société WENDEL, ses concessions ont consisté en :

- l'abandon de la notion de licenciement pour faute grave, emportant, en conséquence, le versement au profit de M. [P], de la somme de 62 500 € d'indemnité de préavis, outre 6250 € de congés payés afférents, et de la somme de 69 760 € au titre de l'indemnité de licenciement

- et le versement d'une indemnité transactionnelle de 656 000 € ;

Considérant que, selon M. [P], ces prétendues concessions sont inexistantes car le licenciement prononcé pour faute grave se référait à une insuffisance professionnelle qui n'est pas privative des indemnités de rupture ; que de même l'indemnité transactionnelle qui a été versée par la société WENDEL ne saurait couvrir le préjudice né, pour lui, du fait de son licenciement pour faute grave, de la perte, d'une part, du bénéfice des options de souscription d'actions -attribuées en fonction de son contrat de travail- et, d'autre part, des actions de coinvestissement ; qu'en effet, même en ce cas, son droit d'exercer les options d'actions ou la vente des actions dont il est titulaire , demeure car la perte de ces droits est constitutive d'une sanction pécuniaire illicite ;

Considérant tout d'abord qu'il ressort de la simple lecture de la transaction que la société WENDEL a elle-même reconnu dans cet acte qu'elle avait « omis de payer » (article 1) les éléments de salaire qui étaient dus à son salarié, soit deux bonus de 80 000 €, chacun ; qu'elle ne saurait donc aujourd'hui faire figurer lesdites sommes au nombre de ses concessions puisque celles-ci étaient incontestablement dues à M. [P] ;

Considérant, en revanche, que s'agissant des indemnités de rupture, la société WENDEL fait justement valoir que le règlement des sommes correspondantes peut être pris en compte au titre des contreparties consenties par cette société ; qu'en effet, il ressort des dispositions de la lettre de licenciement que les griefs imputés par la société WENDEL à M. [P] se rapportent à un comportement, plus fautif et volontairement fautif, qu'incompétent de l'appelant ;

Que la société WENDEL soutient donc justement avoir procédé à une concession effective, en renonçant, dans le protocole transactionnnel, à se prévaloir du licenciement pour faute grave et en acceptant, par là-même, de verser les indemnités de rupture -étant rappelé qu'il appartient seulement à la cour, pour vérifier l'existence des concessions contestées, de restituer le cas échéant leur qualification aux faits reprochés mais sans s'immiscer dans le débat de faits et de preuve que la transaction avait pour objet de trancher  ; que, ce faisant, les sociétés intimées ont accepté, en premier lieu, de régler à M. [P] la somme d'environ 200 000 € ;

Considérant qu'au versement de cette somme,la société WENDEL et la société WINVEST Conseil ont également accepté (article 4) d'ajouter, dans la transaction litigieuse, la somme brute de 656 000 € à titre « d'indemnité transactionnelle , forfaitaire et définitive » représentant tous « dommages et intérêts qui pourraient être dus (à M. [P] ) au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail avec la société WENDEL et la société WINVEST Conseil » ;

Considérant que cette somme correspond précisément et notamment au manque à gagner, subi par M. [P] -licencié pour faute grave- du fait de la perte de chance de pouvoir lever les options qui lui étaient attribuées ; qu'ainsi, ne se trouve pas méconnue l'obligation pour l'employeur d'indemniser la perte de chance imposée au salarié, par l'effet de dispositions contractuelles illicites privant celui-ci du bénéfice de ses « stocks options » ; que la seule contestation de M. [P], quant au montant de l'indemnité versée, ne saurait démontrer l'absence de concession imputée aux intimées, ni justifier la nullité du protocole transactionnel requise ;

Considérant, enfin, que s'agissant des actions de coinvestissement de la société WINVEST Conseil , acquises par M. [P] et cédées par celui-ci le 1er avril 2010, jour de la transaction, l'appelant entend voir appliquer le raisonnement qui précède, valable pour la perte des « stock options » ;

Que cependant, si les pièces aux débats démontrent que M. [P] a effectivement cédé les actions en cause le 1er avril 2010, aucun élément ne permet de retenir -comme le prétend l'appelant- que cette cession serait liée à son contrat de travail alors que les intimées soutiennent, au contraire, que cette cession procède de la seule et libre volonté de M. [P] ;

Considérant qu'ainsi c'est au total une somme de 856 000 € que M. [P] a perçu, du fait des concessions faites par les deux sociétés intimées ; que M. [P] ne peut ainsi sérieusement prétendre que les sociétés WENDEL et WINVEST Conseil n'auraient consenti aucune concession ; qu'il apparaît au contraire que ces concessions existent et sont significatives, compte tenu du montant des sommes versées ;

Considérant que la cour ne peut donc que débouter M. [P] de sa demande tendant à l'annulation du protocole transactionnel signé le 1er avril 2010 ;

*

Sur les demandes reconventionnelles

Considérant que les sociétés WENDEL et WINVEST Conseil sollicitent la condamnation de M. [P] à leur payer diverses sommes, en exécution du protocle transactionnel ;

Considérant que les intimées réclament, tout d'abord, à M. [P], la somme respective de 200 000 € de dommages et intérêts pour la société WENDEL et de 50 000 € pour la société WINVEST Conseil, au motif que M. [P] n'a pas observé les dispositions de l'article 7 du protocole, imposant à M. [P] de renoncer « à toute action judiciaire ayant trait aux systèmes d'intéressement ou de co-investissement » ;

Que les intimées précisent, en effet, qu' en saisissant le tribunal de commerce, comme indiqué dans le rappel des faits en tête du présent arrêt, M. [P] a violé cette obligation à renonciation ; que l'appelant a violé, en outre, l'obligation au secret concernant l'opération SOLFUR ; que la sanction de cette inobservation doit êtredonc la restitution de l'indemnité transactionnelle soit 838 890 € au total ou du moins 656 000 € ;

Mais considérant que cette demande des intimées ne saurait prospérer puisqu'aussi bien, la lecture du protocole transactionnel montre que les parties n'ont envisagé dans cet acte que les droits de M. [P], liés à l'exécution ou à la rupture de son contrat de travail, seule, sa qualité de salariée, et non celle d'actionnaire, y étant prise en considération, conformément d'ailleurs à l'appréciation également faite par le tribnal de commerce dans son jugement du 17 décembre 2013 (page10) ;

Que les intimées ne sauraient donc prétendre que M. [P] aurait méconnu les dispositions du protocole afférentes à la renonciation de toute action concernant le programme SOLFUR alors que de telles actions n'étaient pas comprises dans le protocole ; que la violation de l'obligation du secret, mise à la charge de M. [P] par le protocole, n'est, elle, aucunement caractérisée et ne saurait résulter des seules nécessités pour l'appelant de faire valoir ses droits et ses moyens de défense ;

Considérant qu'en définitive, les intimées seront déboutées de leurs demandes reconventionnelles ;

*

Considérant que l'équité commande de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles ; que chacune des parties succombant en ses prétentions conservera, en outre, à sa charge ses propres dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,

Rejette la fin de non recevoir fondée, par les sociétés intimées, sur le principe de l'uncité d'instance ;

Infirme, en conséquence, le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

Déclare M. [P] recevable en sa demande, tendant à obtenir l'annulation du protocole transactionnel en date du 1er avril 2010 ;

Au fond, déboute M. [P] de cette demande ;

Déboute les sociétés WENDEL et WINVEST Conseil de leurs demandes reconventionnelles ;

Dit que chaque partie conservera à sa charge ses frais irrépétibles et ses propres dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02379
Date de la décision : 10/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/02379 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-10;14.02379 ?
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