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05/11/2015 | FRANCE | N°14/00769

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 05 novembre 2015, 14/00769


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88D



5e Chambre





OF



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 14/00769

R.G. N° 14/00874



AFFAIRE :



SA COLAS

C/

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-région parisienne









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2

013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 10-00633





Copies exécutoires délivrées à :



la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE



UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIAL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88D

5e Chambre

OF

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 14/00769

R.G. N° 14/00874

AFFAIRE :

SA COLAS

C/

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-région parisienne

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 10-00633

Copies exécutoires délivrées à :

la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-région parisienne

Copies certifiées conformes délivrées à :

SA COLAS

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA COLAS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Damien DECOLASSE de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701 substituée par Me Virginie SEQUIER, avocat au barreau de , vestiaire : 1701

APPELANTE

****************

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-région parisienne

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par M. [J] [U] en vertu d'un pouvoir général

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

Par jugement en date du 09 décembre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine (ci-après, le TASS) a notamment:

. confirmé la décision de la commission de recours amiable (CRA) de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) d'Ile de France, venant aux droits de l'Urssaf de Paris-région parisienne, ayant elle-même confirmé le redressement opéré par l'Urssaf, pour un montant total de cotisations et majorations de 464 220 euros au titre de l'année 2003, à l'encontre de la société Colas SA (ci-après, 'Colas' ou 'la société'), sauf en ce qui concerne le chef de redressement n° 6, relatif au fractionnement des congés (pour un montant de cotisations de 37 437 euros) ;

. fait droit à la demande reconventionnelle en paiement de l'URSSAF, sauf sur le chef de redressement n° 6, soit un total de 423 040 euros (dont 38 458 euros de majoration de retard) ; et

. dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Cette décision a été notifiée le 13 janvier 2014.

Par acte enregistré en date du 06 février 2014, la société Colas SA a relevé appel de cette décision (14/00769).

Par acte enregistré en date du 12 février 2014, l'Urssaf a relevé appel du jugement en ce qu'il a exclu du redressement le chef n°6 (14/00874).

Vu les conclusions déposées en date du 17 septembre 2015 pour la société COLAS SA, ainsi que les pièces y afférentes, et celles déposées pour l'URSSAF le 20 août 2015, ainsi que les pièces y afférentes, y compris celles déposées le 17 septembre 2015, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 17 septembre 2015,

FAITS ET PROCÉDURE

Il convient, pour une bonne administration de le justice, de joindre les dossiers inscrits au rôle sous les numéros 14/00769 et 14/00874 sous le seul numéro 14/00769.

Les faits et la procédure peuvent être présentés de la manière suivante :

Par courrier en date du 15 mars 2005, le directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a adressé une lettre, dans les termes suivants :

« Je vous informe que le groupe COLAS a été inscrit par (l'Acoss) au plan de contrôle nationale des URSSAF pour 2005, conformément aux dispositions de l'article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale. L'ACOSS assurera à ce titre la coordination du prochain contrôle, qui sera piloté par l'URSSAF de [Localité 7].

Dans la mesure où le groupe COLAS entre relation avec plusieurs URSSAF, la mise en place d'un contrôle concerté permettra d'assurer la simultanéité des opérations, l'unicité des méthodes de contrôle mises en 'uvre et la simplification du déroulement de la procédure de vérification ».

L'Urssaf des Pyrénées orientales a ainsi effectué, à partir du 20 mai 2005, un contrôle du « Groupe » Colas, sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2003.

A la suite de ce contrôle, l'Urssaf des Pyrénées orientales a adressé à la société, le 13 octobre 2006, une lettre d'observations, comprenant plusieurs chefs de redressement, pour un montant total de 422 019 euros.

Le 13 novembre 2006, la société Colas SA adressait une lettre de réponse à l'Urssaf des Pyrénées orientales.

Par courrier en date du 28 novembre 2006, l'Urssaf des Pyrénées orientales informait la société qu'elle maintenait l'ensemble des chefs de redressement, pour le même montant.

Le 13 décembre 2006, la société a signé l'accusé de réception de la mise en demeure par l'Urssaf de [Localité 5] de payer cette somme, en outre celle de 42 201 euros à titre de majorations.

Le 18 décembre 2006, l'Urssaf de [Localité 5] adressait à la société une lettre confirmant les observations faites à la suite du contrôle opéré.

Le 08 janvier 2007, la société a saisi la CRA, contestant la validité de la procédure de contrôle comme les chefs et le montant du redressement.

Par décision du 11 janvier 2010, notifiée le 1er février 2010, la CRA a rejeté les demandes de Colas.

Le 27 mars 2010, la société a saisi le TASS qui a statué par la décision dont appel.

Devant la cour, la société Colas SA développe des arguments relatifs à la procédure, à la délivrance de la lettre d'observations de l'Urssaf, aux chefs de redressement retenus.

S'agissant de la procédure, la société fait notamment valoir que :

. l'Urssaf des Pyrénées orientales n'avait pas compétence géographique, la société Colas ayant son siège dans le département des Hauts de Seine et qu'aucune des dérogations possibles (protocole de versement en lieu unique ' VLU ; délégation de compétences dans le cadre d'une convention de réciprocité spécifique ; délégation de compétences dans le cadre d'une convention générale de réciprocité) ne peut être retenue ; qu'en toute hypothèse, l'Urssaf n'établit pas que la convention générale de réciprocité qu'elle invoque serait antérieure au commencement des opérations de contrôle, qu'au surplus elle n'a pas date certaine ; que les documents successivement produits par l'Urssaf, s'agissant d'une convention spécifique, sont « parfaitement irréguliers » ;

. le « groupe COLAS » ne dispose d'aucune existence propre et ne renvoie juridiquement à aucune entité déterminée ;

. qu'en toute hypothèse, l'Urssaf n'établit pas que la convention spécifique de réciprocité qu'elle invoque serait antérieure au commencement des opérations de contrôle, la CRA n'ayant elle-même fait référence qu'à une convention générale.

S'agissant de la lettre d'observations, la société Colas SA relève que ce document est particulièrement succinct, que le simple rappel des règles de droit n'est pas suffisant, que la lettre ne répond pas aux arguments développés par Colas, qu'ainsi la société n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits, en violation du principe du contradictoire. Alors que la société avait répondu, par courrier du 13 novembre 2006, aux observations, l'Urssaf avait répliqué « de manière lapidaire ».

S'agissant des différents chefs de redressement :

. chef n°2 : trophée sécurité : il s'agit de « primes d'une centaine d'euros environ (') attribuées aux salariés responsables » en matière de sécurité, dans le cadre d'un trophée sécurité organisé par la société Colas SA « au sein de plusieurs de ses filiales » ; « il s'avère que ces primes sont versées à des salariés dont COLAS SA n'est pas l'employeur ». « (A)ucune des personnes bénéficiaires de la prime Trophée Sécurité n'était un salarié de COLAS en 2003 ».

. chef n°6 : indemnité de fractionnement de congés payés : la société « verse à certains de ses salariés des indemnités de fractionnement de congés payés (qui) ont pour objet d'indemniser le salarié des dépenses supplémentaires résultant du fractionnement par l'employeur de sa période de congés ». Dès lors que le fractionnement est décidé en vue d'assurer la bonne marche de l'entreprise, et non pour des convenances personnelles, ces indemnités constituent une « charge de caractère spécial inhérente à l'emploi ». Le TASS a d'ailleurs écarté ce chef de redressement ;

. chef n°8 : avantage en nature véhicule : la société souligne que les véhicules concernés ne lui appartiennent pas, qu'elle ne « met aucun véhicule à disposition de ses salariés » : il « s'agit de véhicules fournis à certains salariés par une association loi de 1901 dénommée Association des Utilisateurs de Véhicules (AUV) », créée par des salariés. L'AUV est « propriétaire d'un important parc de véhicules de tourisme dont elle assume notamment les frais d'entretien, met des véhicules de tourisme à la disposition de ses sociétaires, ces derniers versant dans ce cadre une cotisation annuelle à l'association. Le montant de cette cotisation est fonction de la puissance fiscale du véhicule qui leur est fourni ». La société n'est pas propriétaire des véhicules et les salariés peuvent les utiliser à des fins tant professionnelles que personnelles. « (S)euls les kilomètres parcourus par les sociétaires de l'association pour les besoins de l'activité de COLAS SA sont facturés à cette dernière » (souligné dans l'original des conclusions), selon des barèmes conformes à ceux publiés par l'administration fiscale. La « société ne fournit aucun avantage en nature 'véhicule' aux intéressés ».

A titre subsidiaire, la société indique que l'Urssaf a procédé à une taxation forfaitaire de ce chef, pour un montant de 93 700 euros (calculé sur la base de 12% du coût d'achat des véhicules utilisés). Or, la société n'a pas fait obstacle au contrôle et adressé un courrier à l'Urssaf, en date du 17 février 2006, mentionnant : « (L'AUV) ne vous ayant pas communiqué les éléments demandés par votre courrier du 16 janvier 2006, nous nous sommes rapprochés de nos collaborateurs présents à ce jour dans l'entreprise ou à ce sujet. Vous trouverez ci-joint, un tableau détaillant le montant des participations payées par adhérents à l'AUV et la puissance fiscale du véhicule utilisé pour l'année 2003 (') » et annonçant à l'Urssaf que la société lui remettrait une copie des factures correspondant aux seuls kilomètres parcourus mensuellement, pour l'année 2003, payées par Colas. La société soutient ainsi avoir fourni toutes les pièces sollicitées par l'Urssaf qui étaient en sa possession.

A titre infiniment subsidiaire, la société demande de rapporter l'assiette de ce chef de redressement de 233 986 euros à (233986-93700=) 140 286 euros et donc le redressement à la somme de 45 046 euros.

Enfin, la société souligne que les « statuts de l'Association ne conditionnent (...) pas l'adhésion à une quelconque appartenance à la société COLAS SA ».

La société Colas SA conclut ainsi : à la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement n° 6 ; à l'infirmation du jugement sur toutes les autres dispositions ; et,

. à titre principal, à la nullité du contrôle et du redressement opérés par l'Urssaf ;

. à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision de la CRA, de la mise en demeure « et, plus généralement, (du) redressement entrepris » ;

. à titre infiniment subsidiaire, à ce que le montant du redressement au titre du chef n° 8 (avantages en nature véhicules) soit ramené de 75 133 euros à 45 046 euros ; et,

en tout état de cause, condamner l'Urssaf aux éventuels dépens.

L'Urssaf soutient en particulier que le contrôle en cause s'est déroulé dans le cadre d'une convention de réciprocité spécifique, telle que prévue par les articles L. 225-1 et D. 213-1, D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale.

Le directeur de l'Acoss a adressé, le 15 mars 2005, une lettre informant le « Président du Groupe COLAS de l'inscription de ce groupe au plan de contrôle national des Urssaf pour 2005 ».

S'agissant de la date de la convention, aucun texte n'impose à l'Acoss de la faire enregistrer.

La notion de 'groupe', qui « peut être défini comme étant un ensemble d'entreprises appartenant à des personnes physiques ou morales, juridiquement distinctes et indépendantes les unes des autres, dont l'activité est contrôlée par une institution (société mère), qui par l'intermédiaire d'un ou plusieurs dirigeants, détient sur chacune d'elles un certain pouvoir financier, de gestion et d'administration économique ». L'Urssaf fait référence, dans ses écritures, à l'ordonnance n°2011-1328 du 20 octobre 2011, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen, ainsi qu'à l'obligation, en matière de licenciement, de rechercher l'adaptation ou le reclassement du salarié dans l'ensemble du groupe auquel appartient l'entreprise ; les articles L. 233-16 et suivants du code de commerce fixent les modalités de consolidation des comptes des sociétés qui contrôlent d'autres sociétés et l'obligation d'établir un 'rapport sur la gestion du groupe'.

L'Urssaf relève que la société peut d'autant moins contester l'existence du 'Groupe' qu'elle se « positionne comme une holding » et communique « sur l'existence du groupe », évoquant notamment le président directeur général de Colas SA comme président du groupe et un total de 66 500 collaborateurs dans le groupe.

La lettre de l'Acoss avait ainsi été adressée, à M. [C], président du conseil d'administration de la société Colas SA, l'informant que « (d)ans la mesure où le groupe COLAS entre en relation avec plusieurs URSSAF, la mise en place d'un contrôle concerté permettra d'assurer la simultanéité des opérations ».

Enfin, la convention spécifique de réciprocité a été signée le 31 mars 2005, tandis que le premier avis de contrôle n'a été adressé à la société que le 11 mai 2005, elle est donc bien antérieure.

S'agissant de la validité de la lettre d'observations, l'Urssaf a respecté les termes de l'article R. 243-59 alinéas 3 et suivants du code de la sécurité sociale. La lettre indique en particulier les différents chefs de redressement eu égard aux textes en vigueur au moment de la situation contrôlée et le mode de calcul comprenant les bases retenues pour chaque redressement, les taux de cotisations et le montant des cotisations et/ou contributions chiffrées. Aucun texte n'oblige l'Urssaf à joindre à la lettre une liste nominative des salariés concernés, par exemple, non plus que le mode de calcul appliqué pour évaluer les chefs de redressement.

S'agissant de la réplique à la réponse de la société, les dispositions de l'article R. 243-59 alors applicables n'exigeaient pas « de l'inspecteur du recouvrement qu'il réponde formellement aux observations de l'employeur dans le délai de 30 jours, mais lui fait seulement obligation de respecter ce délai de 30 jours avant de transmettre » son procès-verbal accompagné de la réponse de la société.

Sur le fond, l'Urssaf souligne, s'agissant du chef de redressement n°2, que la société a attendu d'interjeter appel pour produire une liste de salariés, avec le nom de leur employeur supposé, laquelle ne peut plus être vérifiée.

S'agissant du chef n°6, l'Urssaf reproche au TASS de ne pas avoir recherché si la société apportait la preuve que les allocations forfaitaires pour fractionnement de congés payés avaient été utilisées conformément à leur objet. Cette allocation « a pour objet d'indemniser le salarié des dépenses supplémentaires résultant du fractionnement, à la demande de l'employeur, de sa période de congés ». Elle n'est « susceptible d'être déduite de l'assiette de cotisations, que si la preuve de son utilisation conformément à son objet est apportée », ainsi que l'a jugé la Cour de cassation. L'employeur doit prouver que le salarié est contraint d'engager des frais supplémentaires pour se rendre deux fois ou plus sur son lieu de vacances et produire les justificatifs correspondants à hauteur du montant de l'indemnité versée. En l'espèce, la société n'avait pas apporté ces éléments.

S'agissant du chef n°8, l'Urssaf considère qu'il est « indifférent que l'avantage en nature soit octroyé directement ou par l'intermédiaire d'un tiers d'un tiers dès lors que cette octroi est opéré en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise concernée ». En l'espèce, l'avantage en nature est avéré et les inspecteurs du recouvrement avaient déduit le montant de la cotisation versée par les bénéficiaires dans leurs calculs. L'Urssaf souligne, entre autres, qu'aucun justificatif probant des kilomètres parcourus à titre professionnel n'avait été produit et que les salariés bénéficiaires possèdent une carte fournie par l'entreprise avec laquelle ils règlent l'intégralité des frais de carburant, de lavage et de petites fournitures.

L'Urssaf demande ainsi à la cour de confirmer la décision de la CRA du 11 janvier 2010 et d'accueillir sa demande reconventionnelle pour condamner la société Colas SA au paiement des cotisations et majorations de retard pour un montant de 464 220 euros, dont 42 201 euros de majorations de retard, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003, sous réserve des majorations de retard complémentaires calculées au complet règlement des cotisations.

SUR CE

Sur la régularité des opérations de contrôle

Sur la compétence de l'Urssaf des Pyrénées orientales

Il est acquis, au vu des conclusions et des explications des parties, que la dérogation à la compétence territoriale des Urssaf résulterait, dans le cas d'espèce, d'une délégation de compétences prenant la forme d'une convention spécifique de réciprocité, conformément aux dispositions des articles L. 225-1-1 et D. 213-1-2 du code de la sécurité sociale, s'agissant d'un contrôle concerté.

Il n'y a dès lors pas lieu de discuter de l'existence d'un protocole de versement en lieu unique ni d'une convention générale de réciprocité, quand bien même c'est à cette dernière que la CRA aurait fait référence dans sa décision.

La société Colas SA soulève que l'Urssaf a d'abord présenté une convention spécifique signée par le directeur de l'Urssaf de [Localité 5], puis un second document, signé par le directeur de l'Urssaf des Pyrénées orientales et remet en cause la date à laquelle ces documents auraient été signés.

La cour observe que les conclusions de la société entretiennent une confusion entre le 'caractère certain' de la date de signature de la convention de réciprocité et la connaissance qu'aurait eue la société de son existence préalablement au contrôle.

Sur ce point, la cour note qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la convention de réciprocité spécifique soit portée à la connaissance de la société contrôlée.

En revanche, il est certain que cette convention doit avoir été signée avant que les opérations de contrôle ne commencent.

En l'espèce, la convention produite par l'Urssaf (sa pièce 6) porte la date du 31 mars 2005. Cette convention dresse, en son article 1, la liste des « participants » : Urssaf de [Localité 7], [Localité 3], [Localité 4], [Localité 2], [Localité 6], [Localité 5] et [Localité 8].

Elle se lit notamment : « L'organisme du recouvrement de [Localité 7], représenté par son directeur, donne délégation spécifique de ces compétentes à toutes les unions pour le recouvrement des cotisations sociales et d'allocations familiales visées à l'article 1 de la présente convention de contrôle du Groupe COLAS, pour la durée du contrôle concerné », la mention « [Localité 7] » ayant été remplie de manière manuscrite.

L'article 3, portant acceptation de délégation, se lit : « Réciproquement, l'organisme du recouvrement accepte les délégations de compétences réalisées dans le cadre du contrôle concerté du Groupe COLAS données par les autres unions de recouvrement concernées ».

Cette convention porte, en page 2/2, la mention manuscrite des « Pyrénées Orientales », de la ville « [Localité 7] », du prénom et du nom du 'Directeur' : [G] [R] » et une signature.

La date est dactylographiée.

La société en tire argument pour considérer que cette date a été apposée à un autre moment que celui qu'elle indique et n'est pas certaine.

La cour observe que, sur sa demande, le conseil de la société a indiqué qu'aucune procédure en faux n'a été engagée par la société ; qu'aucune surcharge ou autre n'apparaît sur le document en cause ; qu'il s'agit à l'évidence d'un document pré-rempli destiné à être, pour les précisions nécessaires (ville, Urssaf concernée, lieu, nom du directeur) complété de manière manuscrite ; que la circonstance que la date est dactylographiée est dès lors sans conséquence aucune et qu'il est même normal qu'elle soit alignée sur le reste du texte, dans la même typographie.

Il est, certes, juste de relever que la délégation spécifique concernant l'Urssaf de Paris-région parisienne (pièce 7 de l'Urssaf) est entièrement dactylographiée, seule la signature étant manuscrite.

Mais, compte tenu du contexte de ce contrôle et du nombre d'Urssaf concernées, cela n'a rien de surprenant dès lors que, compte tenu du lieu du siège social de la société Colas SA dans le ressort de l'Urssaf de [Localité 5] et de la taille de cette union, cette convention constitue le document-maître sur la base duquel les autres conventions sont adressées aux différences unions concernées.

Il n'est en tout cas pas possible d'en inférer que le document objet de la pièce 6 serait un faux fabriqué pour les besoins de la cause.

La cour dit les conventions de réciprocité portant délégation spécifique de compétence dans le cadre du contrôle concerté du Groupe Colas régulières.

Sur la notion de 'Groupe'

La société Colas SA considère que le 'Groupe' n'a aucune existence propre et ne renvoie juridiquement à aucune entité déterminée.

La cour observe, à titre préliminaire, que ces conclusions doivent être analysées dans le contexte de l'époque du contrôle (2005) et non à la lecture de textes (entre autres, l'ordonnance 2011-1238, citée par l'Urssaf) ou de circonstances postérieures (les impressions de page du site internet de « COLAS » ou de publications du Groupe comme 'Routes'), pour pertinentes qu'elles semblent : il y est régulièrement fait référence au 'Groupe Colas', que ce soit pour vanter sa position de « leader de la construction », ses « 66 500 collaborateurs » ou présenter les « directions du GROUPE COLAS », dont le président-directeur général est M. [S] [Y], et qui dressent la liste de différentes directions générales, notamment la direction générale des routes de France, sur laquelle apparaissent plusieurs sociétés (Colas Centre-Ouest, Colas Est, Smac, etc').

En revanche, il résulte des termes mêmes des conclusions de la société Colas SA qu'elle est la société « holding » des sociétés de ce que, dès lors, il n'est possible que de nommer le Groupe Colas.

En tout état de cause, aux termes de l'article L. 233-16 du code de commerce, tel que modifié par la loi 2003-706 du 1er août 2003 :

I. - Les sociétés commerciales établissent et publient chaque année à la diligence du conseil d'administration, du directoire, du ou des gérants, selon le cas, des comptes consolidés ainsi qu'un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci, dans les conditions ci-après définies.

II. - Le contrôle exclusif par une société résulte :

1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ;

2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet.

III. - Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord.

IV. - L'influence notable sur la gestion et la politique financière d'une entreprise est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise. (souligné par la cour)

De plus, dès un arrêt du 30 avril 2003, la Cour de cassation avait admis l'existence d'un 'groupe' (en relation avec un accord instituant une représentation syndicale de groupe).

En outre, la loi n°2004-391 du 04 mai 2004 a organisé le régime de la convention et de l'accord de groupe (articles L. 2232-30 et suivants du code du travail). L'article L. 2232-31 du code de ce code utilise d'ailleurs l'expression de « entreprise dominante ».

Dans le courant de l'année 2005, plusieurs lois (de programmation pour la cohésion sociale ; pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; pour la réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise) ont expressément fait référence à la notion d'accord de 'groupe'.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société, la notion de 'groupe' était, juridiquement, préexistante au contrôle concerté décidé par l'Acoss.

Dans le cas particulier, la société Colas ne peut contester avoir été, à l'époque, à la tête d'un groupe éponyme.

Outre qu'elle se définit elle-même comme une 'holding', la société Colas SA, ainsi qu'il résulte de ses propres écritures et pièces, recrute et rémunère non seulement ses propres salariés, mais également, nomme de nombreux cadres dirigeants des différentes sociétés qui composent l'ensemble des entreprises 'Colas', tous placés sous l'autorité de son président directeur général, organise tant la politique nationale qu'internationale des sociétés dont elle est l'entreprise dominante, outre que, ainsi que le présent litige l'atteste, elle dépense diverses sommes en faveur de salariés appartenant à ces entreprises.

La cour note, au surplus, que la société n'allègue pas que l'une quelconque des entreprises contrôlées n'aurait pas fait partie du 'groupe' tel que retenu par l'Urssaf.

Enfin, la cour note, ainsi qu'il sera plus abondamment discuté ci-après (chef de redressement n°8), que la société Colas SA assume le paiement de la taxe sur les véhicules pour tous les véhicules 'AUV' utilisés à des fins professionnelles par « (ses) salariés », alors que, des pièces qu'elle produit, il apparaît que nombre des salariés en cause sont salariés d'autres entités que la société Colas SA.

La cour dira donc le contrôle régulier.

Sur le respect du contradictoire

La société Colas SA soutient que l'Urssaf n'aurait pas respecté le contradictoire, compte tenu des termes insuffisamment précis de la lettre d'observations et de la réplique sommaire faite à la réponse qu'elle avait adressée sur ces observations.

La cour ne peut ici reprendre la lettre d'observations, en date du 13 octobre 2006, dans son entier (elle est longue de 33 pages) mais y renvoie expressément en tant que de besoin. Il convient de rappeler ici que cette lettre doit se lire en relation avec la lettre du directeur de l'Acoss, en date du 15 mars 2005 qui avait informé le président directeur général de la société de ce qu'un contrôle coordonné du groupe Colas allait intervenir.

Aux termes de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la lettre doit comprendre, « s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés ». Dans cette perspective, la lettre d'observations, après avoir indiqué l'objet du contrôle, doit fournir : la liste des documents consultés (elle figure en page 3/33) ; les observations faites au cours du contrôle (chaque chef de redressement comprend : un rappel des textes ; une rubrique intitulée 'principes généraux', laquelle peut comprendre des éléments relatifs aux modes d'évaluation ' cf. en particulier le chef de redressement n°8, en cause ici ; une rubrique 'constatation des faits', une rubrique 'conclusion', qui comporte le montant du redressement envisagé et la façon dont le calcul a été opéré pour y parvenir).

Aucune disposition ne fait obligation à l'Urssaf de fournir des informations détaillées sur le mode de calcul ni de dresser la liste des salariés concernés par un chef de redressement.

La société a certes répliqué de manière argumentée (pièce 9 de la société), précisant contester « tous les chefs de redressement y compris ceux pour lesquels (elle n'était) pas en mesure à ce stade d'apporter une réponse ». Mais la précision de ses réponses, notamment sur les chefs 2, 6 et 8, montre que les motifs du redressement envisagé lui sont parfaitement compréhensibles.

La réplique de l'Urssaf : « (s)ur l'ensemble des motifs, nous prenons note de votre désaccord ; cependant nous constatons que vos arguments ne remettent pas en cause nos positions et maintenons nos observations telles qu'initialement formulées » est certes sommaire. L'Urssaf ajoute cependant que « (c)oncernant les chiffrages, que vous contestez également, les éléments que vous avez produits à l'appui de votre courrier sont trop incomplets pour pouvoir être pris en compte », à quoi la société n'a apporté aucun nouvel élément.

La société Colas SA n'est ainsi pas fondée à alléguer une violation du principe du contradictoire dans la procédure de redressement suivie.

Sur le fond

A titre préliminaire, la cour relève que la société Colas SA ne conteste pas la totalité des chefs de redressement retenus par l'Urssaf dans la lettre d'observations du 13 octobre 2006, mais seulement trois d'entre eux, les chefs 2 (primes du Trophée Sécurité),6 (indemnités de fractionnement de congés payés) et 8 (avantage en nature véhicule).

Sur le chef de redressement n°2 : 'Trophée Sécurité'

Ce trophée, dont la société indique ' rien ne permet de mettre cette affirmation en cause ' qu'il est destiné à récompenser des actions menées, en partenariat avec la Cnamts, dans le domaine de la sécurité au travail, est organisé « au sein de plusieurs (des) filiales » de la société Colas SA et donne lieu au versement de primes aux salariés le méritant, d'un montant, selon les pièces fournies par Colas, de 153 euros.

Pour étayer sa contestation du redressement, la société souligne qu'elle n'est l'employeur d'aucun des salariés concernés.

Il demeure, d'une part, que ces primes doivent être considérées comme des rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et donc, doivent être intégrées dans l'assiette des cotisations sociales.

D'autre part, la circonstance que l'employeur direct des salariés concernés serait une « filiale » (pour reprendre l'expression de la société ; cf. aussi sa pièce 21-4) et non la société elle-même est indifférente, dès lors que, comme il a été indiqué plus haut, le contrôle a concerné le 'Groupe Colas' dans son ensemble et que la société Colas SA se revendique comme société holding de ce groupe.

Enfin, la société Colas SA ne produit, comme le TASS l'avait justement relevé, aucun règlement relatif à l'attribution de ces primes.

Ainsi, dans le cadre du trophée, c'est la société et elle seule qui décide de l'attribution de la prime en cause et, dans ce cadre, exerce le pouvoir de direction et de contrôle du salarié.

Pour le trophée, la société Colas SA se trouve donc être 'employeur' du salarié au sens de la loi et doit, de ce fait, assumer les cotisations sociales correspondantes.

La cour confirmera le jugement entrepris sur ce point.

Sur le chef de redressement n°6 : indemnités de fractionnement de congés payés

Selon la société Colas SA, aux termes de la convention collective des entreprises de travaux publics, la société est tenue de verser au salarié qui fractionne ses congés à la demande de l'entreprise une indemnité égale aux 8/100ème de la rémunération mensuelle et de lui accorder deux jours de congés supplémentaires. Ce point n'est pas contesté par l'Urssaf (ses conclusions page 11/33).

La société produit 14 attestations de salariés (sa pièce 16) à l'appui de sa réclamation, ainsi qu'une lettre de l'Urssaf des Pyrénées orientales, datée 20 décembre 1995, disant pouvoir admettre l'exclusion des 'allocations forfaitaires pour fractionnement des congés payés'.

La cour observe, en premier lieu, que la société ne précise pas quelle convention serait applicable et à quel salarié, sachant que la convention collective nationale des travaux publics, au sens strict, est postérieure aux faits en cause ici.

En deuxième lieu, la cour admet, puisque ce n'est pas contesté par l'Urssaf, à la fois que les dispositions invoquées soient applicables et qu'il puisse exister diverses raisons pour lesquelles l'entreprise aura pu solliciter de divers collaborateurs un fractionnement de leurs congés.

En troisième lieu, la cour considère que rien ne permet d'écarter la possibilité pour la société d'apporter la preuve de ce fractionnement au moyen d'attestations. La cour estime ainsi que les attestations produites peuvent servir à cette fin.

En quatrième lieu, la cour note que le TASS a statué, pour donner raison à la société, par référence à l'article 4.1.3 de la convention collective des cadres des travaux publics (IDCC 2409), laquelle n'est pas applicable en l'espèce, comme datant du 1er juin 2004.

En l'espèce, la cour doit relever que les attestations soumises sont particulièrement vagues, plusieurs ne précisant pas même que la personne signataire est salariée de la société Colas.

Si tous les signataires affirment avoir dû fractionner leurs congés « 2002-2003 » et avoir dû en conséquence exposer des frais supplémentaires, aucune ne précise la moindre date à laquelle les congés en cause auraient été pris, ni le motif pour lequel le fractionnement serait intervenu, ni le moindre montant de frais qui aurait été exposé.

En d'autres termes, ces attestations sont trop vagues pour pouvoir être considérées comme ayant une force probante, d'autant que la société ne soumet aucun élément d'aucune sorte quant aux dates de congés en cause.

Par ailleurs, à supposer même que la société n'ait pas à fournir de justificatif de « la contrainte de trajets supplémentaires », pour reprendre l'expression du TASS, il demeure que la société ne fournit aucun justificatif d'aucune sorte quant aux personnes concernées par le fractionnement , alors même que les sommes en cause (un total de 116 591 euros) suffit à démontrer que ce sont bien plus de 14 salariés qui seraient concernés par ces indemnités de fractionnement. La société ne fournit pas un seul justificatif de frais supplémentaires engagés par un salarié.

La cour doit dès lors considérer ces indemnités de fractionnement de congés payés comme un complément de rémunération et à ce titre, soumises à cotisations.

La cour infirmera donc le TASS sur ce point et confirmera le redressement opéré à hauteur de la somme de 37 437 euros (hors majoration de retard).

Sur le chef de redressement n°8 : avantage nature véhicule

La société conteste faire bénéficier ses salariés d'un avantage en nature au titre des véhicule qu'ils utilisent, puisqu'ils « n'appartiennent pas à la société qui ne met aucun véhicule à disposition de ses salariés », étant fournis par une association loi de 1901, l'association des utilisateurs de véhicule (AUV).

L'Urssaf considère qu'il est indifférent que l'avantage en question soit fourni directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, dès lors qu'un véhicule est mis à disposition d'un salarié pour un usage qui n'est pas exclusivement professionnel.

La cour observe que les statuts de l'AUV (pièce 24 de la société) indiquent qu'elle a pour objet « dans un but de solidarité, de défendre les intérêts de ses adhérents dans les rapports qu'ils entretiennent avec leurs employeurs ou avec quelconque tiers et concernant l'utilisation professionnelle des véhicules qu'ils possèdent ou dont ils se sont assurés la disposition ». L'article 5 des statuts précise que « des cotisations pourront être versées par les membres à première demande des administrateurs. En outre, les ressources de l'Association seront constituées par l'ensemble des remboursements de frais, qui seront versés par les entreprises ou sociétés qui emploient des utilisateurs de véhicules, chaque fois que ces véhicules seront utilisés pour les besoins de leur travail. A l'aide de ces ressources, l'Association fera son affaire, pour le compte de ses adhérents, des règlements de factures de location et des différents factures d'entretien et de réparation concernant les véhicules de ses membres ».

La seule lecture de ces articles tend à indiquer que les salariés membres de l'AUV peuvent bénéficier dans des conditions hyper privilégiées, grâce à leurs employeurs, de véhicules qu'ils peuvent utiliser à des fins autres que professionnelles (les statuts ne prévoient même pas que les cotisations sont obligatoires, ne fixent pas leur montant).

L'article 11 des statuts éclaire la réalité de l'objet de la société : « Dans le but de regrouper le maximum d'utilisateurs, l'Association Centrale réunit plusieurs Associations secondaires parmi lesquelles (') » - suit une longue liste d'AUV qui, toutes sont relatives à des sociétés et établissements du Groupe Colas -, « auxquelles pourront s'adjoindre d'autres associations secondaires et locales ».

Il est également permis de relever que l'un des trois signataires de la mise à jour des statuts au 25 janvier 2001 est M. [K] [D], secrétaire général de Colas.

Enfin, sur le principe, il convient de rappeler qu'un avantage en nature doit être pris en compte au titre de la rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, quand bien même il aurait été versé ou fourni par un tiers, dès lors que cet octroi est fourni en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise concernée.

La liste des salariés membres de l'AUV concernés par le redressement et fournie par la société (ses pièces 20 et 23) indique les montants des cotisations annuelles versées par les intéressés.

Le montant de la cotisation est à mettre en relation avec la puissance fiscale du véhicule utilisé par le salarié.

Il est acquis aux débats que l'Urssaf, pour procéder au redressement en cause ici, a déduit le montant des cotisations.

Pour apprécier la situation, il convient tout d'abord de rappeler que le véhicule dont dispose un salarié au travers de ce mécanisme lui permet d'assurer tant ses déplacements professionnels que ses déplacements personnels.

Il faut ensuite noter que le salarié dispose d'une carte de carburant, fournie par l'employeur, qui permet également de payer le lavage et les petites fournitures.

Il est également constant que la société verse à l'AUV les sommes qu'elle estime correspondre à l'utilisation professionnelle du véhicule, pour chacun des salariés concernés. A cet égard, la cour relève que les « tarifs de fixation maximum conseillés pour 2003 » font l'objet d'une note confidentielle (pièce 23 de la société) adressée par l'association centrale des utilisateurs de véhicules, diffusée à toutes les AUV des « établissements secondaires », qui conseille à ces dernières de les « ajuster en fonction de (leur) budget ». En d'autres termes, les factures d'AUV aux établissements du Groupe Colas ne sont pas établies selon les nécessités de leur trésorerie mais selon les directives données par le Groupe.

Il est symptomatique que les statuts (article 5) de l'association centrale aient indiqué que les membres pourraient être appelés à verser des cotisations et non devraient le faire : une AUV pourrait ainsi fournir en totale gratuité un véhicule à un salarié, lequel pourrait l'utiliser, sans limite, pour ses besoins personnels.

De plus, le montant des cotisations versées par les salariés ne saurait en aucune manière suffire au paiement d'une location longue durée, ou du remboursement d'un prêt, pour l'achat d'un véhicule de la catégorie correspondante (à titre d'exemple : cotisation de 1 500 euros pour un véhicule de 152 CV de puissance ; un des salariés peut même bénéficier d'un tel véhicule pour une contribution de 750 euros par an).

A l'audience, la défense de la société n'a pu ni fournir un seul exemple de membre d'AUV qui ne serait pas salarié du Groupe Colas ni contester qu'une AUV, pour pouvoir survivre, devait recevoir de Colas, sous une forme ou sous une autre, des subventions, le total de la contribution du salarié et des indemnités kilométriques, au sens strict, versées par la société, ne pouvant suffire à couvrir les charges de l'association.

D'ailleurs la société effectue une déclaration relative à la taxe sur les véhicules de tourisme (TVTS) et paie cette taxe à hauteur de 50% du parc automobile considéré.

Enfin, la société n'a fourni aucun justificatif concernant soit sa part de prise en charge de carburant et autre petit entretien soit les kilomètres effectivement parcourus à titre professionnel. La société ne peut ainsi prétendre que les factures qu'elle règle servent exclusivement à rembourser les kilomètres effectués par un salarié dans le cadre de son activité professionnelle, selon le barème retenu par l'administration fiscale.

Ainsi, les cadres adhérents à l'association bénéficient de l'avantage résultant de la prise en charge par la société du véhicule qu'ils utilisent.

Dès lors que, comme la cour l'a précisé plus haut, l'Urssaf déduit de cet avantage le montant de la contribution de chaque salarié, le redressement opéré est fondé tant dans son principe que dans son montant.

Contrairement à ce qu'elle affirme dans ses conclusions et ainsi que la cour vient de le préciser, la société n'a pas fourni, sur ce point, l'ensemble des documents dont elle dispose (ou devrait disposer pour justifier de sa position) à l'Urssaf. Celle-ci était donc fondée à recourir à une taxation forfaitaire et il n'existe aucune raison de diminuer le montant du redressement comme le demande la société.

La cour confirmera donc le jugement dont appel en ce qui concerne le chef de redressement n°8.

Sur les dépens

La société sollicite la condamnation de l'Urssaf aux éventuels dépens.

La cour ne peut que rappeler que la procédure devant les juridictions sociales est exempte de dépens et débouter la société de sa demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

Ordonne la jonction des dossiers inscrits au rôle sous les numéros 14/00769 et 14/00874 sous le seul numéro 14/00769 ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf du 11 janvier 2010 notifiée le 1er février 2010 ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a infirmé cette décision de la commission de recours amiable sur le chef de redressement n°6 ;

Statuant à nouveau,

Confirme la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf en ce qu'elle a rejeté la contestation de la société Colas SA portant sur le chef de redressement n°6 (indemnités de fractionnement de congés payés) ;

Condamne en conséquence la société Colas SA à payer :

. au titre des cotisations afférentes à l'ensemble des chefs de redressement, la somme de 422 019 euros ;

. au titre des majorations de retard provisoires, la somme de 42 201 euros ;

Rappelle que des compléments à ces majorations sont susceptibles d'être calculés jusqu'au complet paiement des cotisations ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00769
Date de la décision : 05/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°14/00769 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-05;14.00769 ?
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