COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58A
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 NOVEMBRE 2015
R.G. N° 13/06660
AFFAIRE :
SA SOGECAP
C/
Société civile PEPA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 6
N° RG : 11/05820
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne Laure DUMEAU
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA SOGECAP
RCS 086 380 730
[Adresse 2]
[Localité 2]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Anne Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 40870
Représentant : Me Corinne CUTARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1693
APPELANTE AU PRINCIPAL- INTIMEE INCIDEMMENT
****************
Société civile PEPA
N° SIRET : 483 328 282
[Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 365 - N° du dossier 016809
Représentant : Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0187
INTIMEE AU PRINCIPAL - APPELANTE INCIDEMMENT
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2015, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Carole GIBOT-PINSARD
FAITS ET PROCÉDURE
Le 10 août 2005, la société civile Pepa a souscrit un contrat de capitalisation dénommé Sogecapi Multisupport 760 auprès de la compagnie d'assurance Sogecap par l'intermédiaire de la Société Générale moyennant le versement d'une somme de 2.987.000 euros qu'elle a choisi d'affecter sur le support dit 'Euros'.
En cours d'exécution du contrat, la société Pepa a procédé à des arbitrages qui ont consisté à désinvestir partiellement le support euros pour investir sur des supports financiers en unités de compte.
C'est ainsi que le 10 octobre 2005, elle a effectué un arbitrage en désinvestissant la somme de 500.000 euros du support euros pour l'investir sur des supports en unités de compte (Stradivarius Sélection à hauteur de 60 %, Sogesector Matière Première à hauteur de 20 % et Sogesector Energie à hauteur de 20 %).
Le 29 février 2006, elle a de nouveau arbitré sur son contrat de capitalisation en désinvestissant une somme de 600.000 euros du support euros pour la placer sur des supports en unités de compte (Gestion A pour 500.000 euros, Carmignac Emergent pour 50.000 euros et Simbad Monde pour 50.000 euros).
Puis, le 13 août 2007, elle a effectué deux autres arbitrages :
le premier en désinvestissant la somme de 1.000.000 euros de certains supports en unités de compte et du fonds euros si nécessaire pour la placer sur le support Eagle Note Société Générale,
le second en désinvestissant du support euros la somme de 300.000 euros pour l'investir sur le support Eagle Note Axa.
La société Pepa a également procédé à plusieurs rachats partiels pour un montant total de 2.119.720,38 euros :
- le 8 novembre 2006 pour 220.000 euros,
- le 15 octobre 2008 pour 100.000 euros;
- le 24 mars 2009 pour 368.681 euros, 43.711 euros et 178.721 euros,
- le 10 juillet 2009 pour un montant de 100% du support en euros, soit 1.208.606,15 euros.
Le 29 avril 2011, la société Pepa a fait assigner la société Sogecap devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin, à titre principal, de voir annuler le contrat de capitalisation et de se voir restituer la somme de 650.009 euros, et, subsidiairement, de voir condamner l'assureur à lui verser la somme de 650.009 euros en réparation du préjudice financier résultant du manquement de l'assureur à son obligation pré-contractuelle d'information. Dans ses dernières écritures, ces demandes étaient portées à 867.279 euros à titre principal et 988.483 euros et 325.849 euros à titre subsidiaire.
Par jugement du 28 juin 2013, la juridiction a :
déclaré l'action en nullité irrecevable,
déclaré l'action en responsabilité recevable et bien fondée,
condamné la société Sogecap à payer à la société Pepa la somme de 500.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
ordonné la capitalisation des intérêts,
condamné la société Sogecap à payer à la société Pepa la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
condamné la société Sogecap aux dépens.
Le tribunal a jugé :
que le délai de prescription biennale était applicable à la demande en nullité mais en l'espèce inopposable en l'absence de mention dans le contrat des conditions d'interruption de la prescription, de sorte que c'était la prescription de 5 ans qui devait être mise en oeuvre, laquelle était expirée 5 ans après la conclusion du contrat, soit le 10 août 2010,
pour l'essentiel, que la société Pepa n'avait pas été informée des risques attachés à la souscription d'EMTN en août 2007 et que la société Sogecap avait manqué à son devoir d'information, justifiant sa condamnation à hauteur de 500.000 euros, la preuve n'étant pas rapportée que le dirigeant de la société Pepa était un investisseur averti.
La société Sogecap a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 2 septembre 2015, demande à la cour de :
juger irrecevable la demande nouvelle de nullité des arbitrages des 13 août 2007 formée par la société civile Pepa à l'encontre de Sogecap en cause d'appel,
subsidiairement sur ce point, juger irrecevable comme prescrite cette demande,
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action en nullité du contrat de capitalisation Sogecapi Multisupport 760 irrecevable comme prescrite en application de l'article 1304 du code civil,
en conséquence, débouter la société civile Pepa de son appel incident principal,
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sogecap à payer à la société civile Pepa la somme de 500.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ainsi que la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
juger mal fondées les demandes de la société civile Pepa à l'encontre de la société Sogecap,
débouter la société civile Pepa de toutes ses demandes, fins et conclusions,
condamner la société civile Pepa à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société civile Pepa aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de conclusions du 5 août 2015, la société Pepa demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé prescrite sa demande en nullité du contrat, et statuant à nouveau de ce chef, juger que la société Sogecap a manqué à son obligation légale précontractuelle d'information à l'égard de la société civile Pepa, en conséquence :
Principalement :
prononcer la nullité des arbitrages effectués sur les EMTN Eagle Note Axa et Eagle Note Société Générale,
en conséquence, condamner la société Sogecap à lui restituer la somme de 988 483,80 euros correspondant aux sommes investies sur les EMTN susmentionnés, déduction faite de la somme de 318.016,20 euros restant au terme des EMTN litigieux,
condamner la société Sogecap au paiement de la somme de 325.849,38 euros sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des gains manqués.
A titre subsidiaire :
prononcer la nullité du contrat « Sogecapi Multisupport 760 », pour violation des dispositions d'ordre public des articles L132-5-1 et suivants du code des assurances, subsidiairement pour erreur sur la substance, plus subsidiairement pour réticence dolosive,
condamner la société Sogecap à lui restituer la somme de 867.279,62 euros correspondant aux sommes investies sur le contrat déduction faite des rachats partiels effectués, et au paiement de la somme de 325.849,38 euros sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des gains manqués.
Plus subsidiairement :
juger que la société Sogecap a manqué à son obligation légale précontractuelle d'information et de conseil à son égard,
constater que la société Sogecap a manqué à son obligation légale de protection suffisante de l'épargne investie en lui proposant d'investir sa prime sur des unités de compte non éligibles au contrat de capitalisation,
en conséquence, condamner la société Sogecap au paiement de la somme de 988.483,80 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel consistant en la perte sèche en capital et au paiement de la somme de 325.849,38 euros sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance d'avoir pu réaliser des plus values grâce à un placement sécurisé sur le fonds euros adapté à ses objectifs,
En tout état de cause :
dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal,
dire que les intérêts commenceront à courir à compter de l'acte introductif d'instance,
ordonner la capitalisation des intérêts,
condamner la société Sogecap à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Sogecap aux entiers dépens,
ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).
La société Pepa a de nouveau conclu le 2 septembre 2015, formant les mêmes demandes que celles figurant dans ses précédentes écritures et communiquant trois nouvelles pièces.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé plus amplement détaillé de leur argumentaire, dont l'essentiel sera repris à l'occasion de l'examen des moyens et prétentions qui y sont articulés.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 septembre 2015.
SUR CE,
- Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Par conclusions du 11 septembre 2015, réitérées le 15 septembre 2015, la société Sogecap a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture afin que soient admises aux débats ses dernières conclusions au fond du même jour.
A défaut, elle demande que soient écartées des débats les conclusions et pièces de la société Pepa signifiées la veille de la clôture à 20 h.
La société Pepa, dans des conclusions du 14 septembre 2015, s'est opposée à toutes ces demandes, sollicitant le rejet des conclusions et pièces signifiées le 11 septembre 2015 par la société Sogecap.
Aux termes de l'article 783 du code de procédure civile après l'ordonnance de clôture aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, l'article 874 du même code prévoyant que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
Il n'est pas justifié par la société Sogecap d'une cause grave susceptible de rendre nécessaire la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 3 septembre 2015. Par suite, ses conclusions des 11 et 15 septembre 2015, et les deux pièces (n° 42 et 43) qui les accompagnaient sont irrecevables.
En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer le principe de la contradiction.
Sur la demande formée à titre subsidiaire par la société Sogecap, il convient de rappeler que la société Sogecap avait conclu le 27 mars 2014, que le 2 octobre 2014, le conseiller de la mise en état a avisé les parties que la clôture interviendrait le 3 septembre 2015, et que la société Pepa a cru devoir attendre le 5 août 2015, soit en pleine période de vacances et un mois avant la date prévue pour la clôture, pour signifier ses conclusions en réponse.
La société Sogecap a répliqué les 1er et 2 septembre 2015, soit dans un délai raisonnable au regard de la date à laquelle la société intimée lui avait signifié ses écritures.
En revanche, les conclusions de la société Pepa, signifiées à 20 h 07 le 2 septembre 2015, veille de la clôture, ainsi que les trois nouvelles pièces qui les accompagnaient (n° 93 à 95) doivent être déclarées irrecevables comme tardives.
- Sur la recevabilité de la demande d'annulation des arbitrages de 2007
La société Pepa, sollicitant désormais à titre principal l'annulation des arbitrages de 2007 et à titre subsidiaire seulement l'annulation du contrat souscrit en 2005, il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité de sa demande principale.
Elle fait valoir que les supports Eagle Note Axa et Eagle Note Société Générale sur lesquels elle a placé des fonds en 2007 constituent des EMTN, qu'en proposant de tels supports, l'assureur a violé l'article L 131-1 du code des assurances dans la mesure où ceux-ci n'offrent pas une protection suffisante de l'épargne investie et ne figurent pas sur la liste codifiée à l'article R 131-1 du même code.
Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les articles 565 et 566 précisent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent, et que les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.
La société Pepa soutient que la demande d'annulation des arbitrages tend aux mêmes fins que la demande de nullité du contrat c'est-à-dire la restitution des sommes investies sur le contrat litigieux, et que, de surcroît, elle s'analyse également en une demande qui est l'accessoire ainsi que la conséquence de la demande de nullité du contrat dès lors que l'annulation du contrat entraînera ipso facto celle des arbitrages litigieux.
Cependant, la demande d'annulation de certains arbitrages, qui constituent des actes d'exécution du contrat, ne tend pas aux mêmes fins que la demande d'annulation du contrat, laquelle sanctionne ses conditions de formation et aboutit à son anéantissement. L'annulation du contrat implique d'ailleurs la restitution de la totalité des sommes investies (867.279,62 euros selon la société Pepa), tandis que la seule annulation de deux arbitrages implique la restitution des seules sommes arbitrées (988.483,80 euros selon la société Pepa).
Par ailleurs, la demande d'annulation des arbitrages ne saurait constituer un complément, une conséquence ou un accessoire d'une demande d'annulation du contrat, laquelle implique son anéantissement rétroactif, rendant ainsi précisément sans objet l'annulation de certains actes d'exécution.
En conséquence, la demande nouvelle en cause d'appel d'annulation des arbitrages de 2007 sera déclarée irrecevable.
- Sur la demande d'annulation du contrat
La société Pepa soutient que le contrat qu'elle a souscrit est un contrat de capitalisation, non soumis au délai de prescription de l'article L 114-1 du code des assurances, et relevant de la prescription de trente ans contractuellement prévue.
La société Sogecap soutient, quant à elle, que la prescription applicable à la demande d'annulation du contrat est celle prévue par l'article 1304 du code civil, d'une durée de 5 ans.
Il n'est pas discuté que le contrat en cause est un contrat de capitalisation.
Si le contrat de capitalisation ne peut être considéré comme une opération d'assurance sur la vie, ces deux types d'opération peuvent être pratiqués par les mêmes sociétés et sont soumis à un certain nombre de dispositions communes regroupées dans un chapitre unique du code des assurances intitulé 'les assurances sur la vie et les opérations de capitalisation'. Le législateur a en effet souhaité édicter un régime unique de protection des contractants des sociétés d'assurance sur la vie et des sociétés de capitalisation, ces deux activités relèvent des mêmes obligations en ce qui concerne :
les mentions qui doivent figurer dans le contrat,
les informations qui doivent être transmises au contractant lors de la souscription,
le caractère facultatif du paiement des primes,
l'exercice par le souscripteur de la faculté de rachat,
l'information annuelle à lui communiquer,
sa participation aux bénéfices techniques.
Il est mentionné dans le contrat en cause, sous le titre 'délai de prescription' que 'toute action dérivant du présent contrat est prescrite par un délai de 30 ans à compter de l'événement qui lui donne naissance'.
Aucun élément ne justifie d'écarter ce délai contractuellement fixé, les dispositions de l'article L 111-2 du code des assurances, qui interdisent la modification conventionnelle de la durée de la prescription des actions dérivant d'un contrat d'assurance étant inapplicable au regard de la nature du contrat qui n'est pas un contrat d'assurance.
Ce délai de trente ans, visé au contrat, a été réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 dont les dispositions transitoires prévoient que, si le nouveau délai de 5 ans s'applique aux prescriptions en cours, il ne court qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, de sorte que la société Pepa avait jusqu'au 19 juin 2013 pour engager une action en annulation et que celle-ci, initiée par assignation du 29 avril 2011 est recevable.
L'action en annulation du contrat n'est donc pas prescrite, le jugement sera infirmé de ce chef.
Le contrat de capitalisation en cause, à sa date de conclusion, était notamment soumis aux obligations prévues par les articles L 132-5, L 132-5-1 du code des assurances. Le premier de ces textes, prévoyait que le contrat d'assurance sur la vie et le contrat de capitalisation doivent comporter des clauses tendant à définir, pour assurer la sécurité des parties et la clarté du contrat, l'objet du contrat et les obligations respectives des parties, selon des énonciations précisées par décret en Conseil d'Etat. Le contrat précise les conditions d'affectation des bénéfices techniques et financiers.
Selon l'article L 132-5-1, toute personne physique qui a signé une proposition d'assurance ou un contrat a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours à compter du premier versement. La proposition d'assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation. Elle doit indiquer notamment, pour les plans d'épargne retraite populaire créés à l'article 108 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les valeurs de transfert ou pour les contrats qui en comportent, les valeurs de rachat ainsi que, dans le même tableau, la somme des primes ou cotisations versées au terme de chacune des huit premières années au moins. L'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit, en outre, remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat incluant, lorsque le contrat comporte des garanties exprimées en unités de compte, les caractéristiques principales de ces unités de compte, sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette faculté de renonciation. Le défaut de remise des documents et informations énumérés au présent alinéa entraîne de plein droit la prorogation du délai prévu au premier alinéa jusqu'au trentième jour suivant la date de remise effective de ces documents. Un nouveau délai de trente jours court à compter de la date de réception du contrat, lorsque celui-ci apporte des réserves ou des modifications essentielles à l'offre originelle, ou à compter de l'acceptation écrite, par le souscripteur, de ces réserves ou modifications.
La société Pepa indique que si le non respect de ces dispositions est sanctionné par la prorogation de la faculté de renonciation pour les seules personnes physiques, les personnes morales peuvent quant à elles, pour ce même manquement, solliciter l'annulation du contrat et/ou l'allocation de dommages-intérêts.
La société Sogecap réplique que les manquements aux dispositions de l'article L 132-5-1 du code des assurances ne peuvent être sanctionnés que selon les modalités de ce texte par la prorogation du délai d'exercice de la faculté de renonciation, et non par la nullité du contrat.
L'annulation du contrat souscrit par la société Pepa ne saurait résulter de plein droit du moindre manquement de l'assureur aux exigences résultant des dispositions de l'article L 132-5-1 précité, fussent-elles d'ordre public, dès lors que ce texte ne prévoit pas une telle sanction.
La demande de la société Pepa tendant à voir prononcer l'annulation du contrat de capitalisation souscrit en 2005 sur le seul fondement de la violation des dispositions de l'article L 132-5-1 et suivants du code des assurances est donc mal fondée et sera rejetée.
Par suite, il convient d'examiner sa demande d'annulation en tant que fondée, à titre subsidiaire, sur l'erreur sur la substance, plus subsidiairement sur la réticence dolosive.
La société Pepa reproche à la société Sogecap de ne pas avoir rempli son devoir de conseil en ne s'enquérant pas de rechercher le placement adapté à sa situation et ses attentes, de ne pas lui avoir communiqué les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat conforme aux dispositions des articles L 132-5-1 et A 132-4 du code des assurances et la mention sur le risque prévue par l'article A 132-5.
Il lui appartient de justifier que ces manquements, à les supposer avérés, ont entraîné une erreur sur la substance du contrat.
A cet égard, elle indique qu'elle n'a pas été informée du risque de baisse drastique de la somme investie, qu'elle n'aurait pas signé le contrat si elle l'avait connu et que les informations sur les valeurs de rachat au terme des huit premières années au moins étaient à cet égard primordiales.
Invoquant une erreur qui ne porte en réalité que sur le rendement économique de son placement ou sur une mauvaise perception de l'économie du contrat, laquelle ne constitue pas une erreur sur la substance même de l'objet du contrat, la société Pepa est mal fondée en sa demande d'annulation du contrat sur le fondement de l'erreur.
S'agissant de la réticence dolosive, la société Pepa soutient que la société Sogecap a sciemment omis d'attirer son attention sur les risques inhérents à la souscription d'un tel contrat, et qu'en décidant de ne pas se plier aux exigences du législateur, elle a fait le choix de privilégier sa commercialisation au détriment du souscripteur.
C'est au moment de la conclusion du contrat que la réticence dolosive doit être appréciée, et non postérieurement.
Or, en l'espèce, il résulte des pièces produites que :
dans la demande de souscription, la société Pepa a reconnu avoir reçu au préalable la note d'information de l'annexe relative au contrat, et, également le dernier prospectus simplifié visé par l'AMF ou à défaut la dernière notice d'information visée par la COB pour chaque OPCVM choisie comme unité de compte du contrat,
dans la note d'information dont le gérant de la société Pepa a visé chaque page et signé la dernière, il est indiqué que le souscripteur choisit librement la répartition de ses versements entre les différents supports proposés par le contrat 'et décrits dans l'annexe jointe', soit :
le support euro, dont les garanties sont exprimées en euros, répondant à un souci de sécurité absolue pour le capital investi,
des supports dont les garanties sont exprimées en unités de compte, décrits dans une annexe jointe,
sous le titre 'la disponibilité de votre capital', et s'agissant de la valeur de rachat, il était indiqué dans la note d'information, pour les supports en unités de compte, en caractères gras : Sogecap ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte mais pas sur leur valeur, celle-ci étant sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse en fonction des évolutions des marchés financiers.
Ces informations permettaient à tout souscripteur, fût-il profane, de comprendre que le support en euros préservait la sécurité du placement, tandis que le support en unités de compte n'était pas conciliable avec une garantie de sécurité.
Il convient d'observer en outre que si la société Pepa, qui a souscrit le contrat par l'intermédiaire de la Société Générale, agissant en qualité de courtier, prétend aujourd'hui que son objectif était de préserver la sécurité de son placement, elle n'a pas reçu un conseil inadapté et volontairement erroné lors de la souscription comme elle le soutient puisqu'elle a précisément investi son versement sur un support en euros.
Dans ces conditions, la société Pepa ne rapporte pas la preuve de la commission par la société Sogecap d'un dol lors de la souscription du contrat.
Elle sera donc déboutée de sa demande d'annulation, quel qu'en soit le fondement.
- Sur la demande de dommages-intérêts
La société Pepa fait valoir qu'elle n'a pas été valablement informée des risques du contrat, que la société Sogecap ne lui a pas fourni l'ensemble des informations sur les caractéristiques des supports Eagle Note sur lesquels elle lui a conseillé d'arbitrer en août 2007 et qu'en conséquence elle ne s'est pas rendue compte du caractère complexe de ces EMTN, présentés comme des produits classiques d'investissement, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de comprendre toutes les conséquences attachées à leur souscription. Elle reproche enfin à l'assureur de lui avoir proposé ces EMTN non éligibles selon elle en tant qu'unités de compte, violant ainsi les dispositions de l'article L 131-1 du code des assurances.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société Pepa a été informée dès la souscription de son contrat des deux modalités d'investissement de l'épargne suivant qu'elle était placée sur le support euros répondant à un souci de sécurité absolue ou sur des supports en unités de compte sujets à fluctuation à la hausse ou à la baisse en fonction de l'évolution des marchés financiers.
Dès avant les arbitrages en cause d'août 2007, en octobre 2005 puis février 2006 la société Pepa avait d'ailleurs fait le choix de désinvestir des sommes initialement placées sur le support en euros pour les placer sur des unités de compte, dont les caractéristiques lui avaient été remises à la souscription du contrat ('annexe relative au contrat Sogecapi Multisupport 760').
Par ailleurs, le tribunal a retenu, au soutien de sa condamnation de l'assureur à verser des dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'information, les manquements suivants dans la note d'information : absence des valeurs de rachat sur huit années, absence d'indication relative au régime fiscal, absence de mention des frais de rachat.
Cependant, un tableau du montant minimum de la valeur de rachat sur les supports en unités de compte sur les huit premières années du contrat figurait dans la note d'information paraphée et signée par le gérant de la société Pepa et la société Sogecap ne prélevait aucun frais sur les opérations de rachat. En outre, on cherche vainement le lien de causalité entre l'information relative au régime fiscal (effectivement insuffisante au regard des exigences du code des assurances) et le préjudice tel qu'invoqué par la société Pepa lequel résulte exclusivement de la perte essuyée par son investissement.
Les premiers juges ont également considéré que la société Sogecap n'établissait pas avoir analysé la situation financière de la société Pepa et ses objectifs afin de déterminer les garanties les mieux adaptées à la situation de sa cliente.
Il était mentionné dans la demande de souscription au contrat Sogecapi Multisupport 760 : 'contrat de capitalisation présenté par la Société Générale agissant en sa qualité de courtier d'assurance'.
Or, alors que l'assureur est tenu d'une obligation d'information portant sur les caractéristiques du contrat proposé, le courtier en assurances, mandataire de son client, ici la Société Générale, est tenu d'une obligation de conseil qui consiste à analyser les besoins de son client et à lui proposer les solutions de placement les plus adaptées.
En conséquence, la société Pepa est mal fondée à reprocher à la société Sogecap de ne pas avoir établi un bilan patrimonial destiné à définir ses attentes alors que cette tâche incombait au courtier.
Aucun élément ne permet de considérer que l'objectif premier de la société Pepa était de préserver la sécurité de son placement, et elle ne formule d'ailleurs aucune critique s'agissant des arbitrages qu'elle a réalisés en déplaçant dès 2005 des sommes investies sur le support euros vers des unités de compte, alors pourtant que désinvestissant les sommes placées sur le support en euros à hauteur de 1.100.000 euros, elle avait fait le choix de les réinvestir sur des unités de compte, dont l'annexe descriptive signalait qu'elles présentaient un risque 'élevé', et non pas sur des supports à risque faible ou moyen.
S'agissant des arbitrages, lorsqu'elle a investi sur les EMTN litigieux le 13 août 2007, et contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, la société Pepa a reçu les deux notices décrivant chacun de ces supports (Eagle Note Société Générale et Eagle Note Axa), ainsi que le révèlent la présence de son paraphe sur chacune des pages de ces documents et sa signature sur la dernière page.
Il était indiqué en page de garde de ces notices que ces produits avaient une maturité de 5 ans, que le bonus annuel était de 17 % pour l'Eagle Note Société Générale et de 18 % pour l'Eagle Note Axa, le capital étant '100 % protégé jusqu'à une baisse de 40 % du sous-jacent à maturité', et au titre des avantages, il était mentionné : 'le capital est en risque uniquement dans le cas d'une très forte baisse de l'action Société Générale (ou Axa) à maturité (- 40 %)'.
Figurait en outre dans la description de ces deux EMTN, au titre des inconvénients, en caractères gras et soulignés : 'le capital n'est pas garanti', suivi de cette phrase : 'dans le cas d'une forte baisse de l'action Société Générale (ou Axa), le produit comporte un risque action et ne peut en aucun cas être considéré comme un produit à capital garanti. Le bonus n'est pas garanti'.
A la fin de chacun de ces documents, il était en outre mentionné : 'cette proposition s'adresse à des investisseurs disposant des connaissances et de l'expérience nécessaires pour évaluer les avantages et les risques inhérents au produit proposé..'.
Dans ces conditions, la société Pepa ne saurait soutenir qu'elle n'a pas été informée des risques inhérents à la souscription de ces produits. Si M. [N] n'est certes pas un investisseur qualifié au sens des dispositions du code monétaire et financier, sa qualité de président du directoire de la société anonyme Financière Valentin, de gérant de la SCI Nohuit, et de la SCI Pepa, dont en mai 2006 le capital social a été augmenté pour passer de 1.000 euros à 4.249.000 euros, permet de considérer qu'il possède sans nul doute les facultés nécessaires pour comprendre que les produits ainsi choisis en août 2007 comportaient un risque et l'argument selon lequel il ne souhaitait en prendre aucun s'agissant de placer la trésorerie de la SCI est dénué de portée, puisque cinq mois après avoir investi sur le support en euros, il a procédé à des arbitrages sur des supports en unités de compte, signant ainsi son souhait de ne pas laisser tous ses fonds sur un placement assurant une sécurité absolue.
La société Pepa ne peut pas faire supporter à la société Sogecap la responsabilité de ses choix de gestion, qui, a posteriori, se sont avérés négatifs en raison d'une crise boursière sans précédent.
Enfin, s'agissant de la nature du support des placements litigieux, la société Pepa conteste l'éligibilité des EMTN en tant qu'unités de compte, faisant valoir qu'ils n'offrent pas une protection suffisante de l'épargne, ne figurent pas sur la liste dressée à l'article R 131-1 du code des assurances et ne remplissent pas les critères de négociation sur un marché reconnu.
L'article L.131-1 du code des assurances dispose que « le capital ou la rente garantis peuvent être exprimés en unités de compte constituées de valeurs mobilières ou d'actifs offrant une protection suffisante de l'épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat. ».
Les unités de compte susceptibles d'être introduites dans un contrat d'assurance-vie ou de capitalisation, dites, « éligibles », sont définies précisément aux articles L.131-1 et R.131-1 et R 332-2 du code des assurances.
Au regard de la nature des EMTN en cause il apparaît que ces produits sont assimilables à des obligations, dont la définition est donnée par l'article L.213-5 du code monétaire et financier, dans les termes suivants : « Les obligations sont des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale », la circonstance que les EMTN, qui satisfont à cette définition, constituent des titres de créance complexes n'est pas à elle seule susceptible de les exclure de la catégorie des obligations.
Lorsque l'EMTN est assimilé à une obligation, il peut être proposé en tant qu'unités de comptes dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie ou de capitalisation, sous réserve qu'il soit négocié ou négociable sur un marché reconnu.
Le marché reconnu, au sens de l'article R.332-2, 2° du code des assurances, est défini par le même article, au dernier alinéa du paragraphe 1 : « Les marchés reconnus mentionnés aux 2°, 2° bis, 2° ter et 4° du présent article sont les marchés réglementés des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou les marchés de pays tiers membres de l'OCDE en fonctionnement régulier. Les autorités compétentes de ces pays doivent avoir défini les conditions de fonctionnement du marché, d'accès à ce marché et d'admission aux négociations et imposent le respect d'obligations de déclaration et de transparence ».
En l'espèce, les EMTN en cause ont été admis à la cotation à la bourse de Luxembourg. Le Luxembourg est un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). La bourse de Luxembourg y a reçu un agrément comme marché réglementé.
Les EMTN Eagle Note sont donc bien négociés ou négociables sur un marché reconnu et l'affirmation de la société Pepa selon laquelle ce seul élément ne serait pas suffisant si l'instrument financier n'est pas effectivement susceptible d'être 'négocié', est dépourvue de portée.
Enfin, la société Pepa se contente d'affirmer que l'EMTN 'n'offre certainement pas une protection suffisante de l'épargne investie', sans apporter la moindre preuve au soutien de cette allégation.
En conséquence, il n'est pas démontré par la société Pepa que les EMTN en cause ne pouvaient pas être proposés à la souscription par la société Sogecap.
Aucun manquement à l'origine de la perte financière ou du gain manqué allégué dont la société Pepa sollicite la prise en charge n'a donc été commis par la société Sogecap.
Le jugement sera donc infirmé, la société Pepa étant déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Succombant, la société Pepa sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et versera à la société Sogecap une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
Déclare irrecevables :
les conclusions et pièces 42 et 43 signifiées par la société Sopgecap les 11 et 15 septembre 2015,
les conclusions et les pièces 93 à 95 signifiées par la société Pepa le 2 septembre 2015 à 20 h 07.
Déclare irrecevable la demande d'annulation des arbitrages de 2007 sur les supports Eagle Note Axa et Eagle Note Société Générale,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare recevable la demande d'annulation du contrat de capitalisation souscrit par la société Pepa auprès de la société Sogecap le 10 août 2005,
Déboute la société Pepa de sa demande d'annulation dudit contrat,
La déboute de ses demandes de dommages-intérêts,
Condamne la société Pepa aux dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Pepa à payer à la société Sogecap la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,