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05/11/2015 | FRANCE | N°13/02022

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 05 novembre 2015, 13/02022


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 13/02022



AFFAIRE :



[X] [W]





C/

SA ARUBA (EUROPE) LIMITED

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F10/02577


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Copies exécutoires délivrées à :



Me Véronique ATLAN

Me Pierre DIDIER





Copies certifiées conformes délivrées à :



[X] [W]



SA ARUBA (EUROPE) LIMITED, SA ARUBA NETWORKS







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ NOV...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 13/02022

AFFAIRE :

[X] [W]

C/

SA ARUBA (EUROPE) LIMITED

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F10/02577

Copies exécutoires délivrées à :

Me Véronique ATLAN

Me Pierre DIDIER

Copies certifiées conformes délivrées à :

[X] [W]

SA ARUBA (EUROPE) LIMITED, SA ARUBA NETWORKS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Véronique ATLAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0046 - N° du dossier 100525

APPELANT

****************

SA ARUBA (EUROPE) LIMITED

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pierre DIDIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0445

SA ARUBA NETWORKS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Pierre DIDIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0445

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,

Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,

Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,

Greffier, lors des débats : Madame Amélie LESTRADE,

Par jugement du 5 avril 2013, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section Encadrement) a :

- mis hors de cause la société ARUBA NETWORKS,

- dit que la procédure de licenciement observée à l'encontre de Monsieur [X] [W] est régulière,

- dit que le licenciement de Monsieur [W] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [W] de sa demande indemnitaire présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse incluant l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

- débouté Monsieur [W] de sa demande présentée au titre du préjudice moral lié aux agissements d'harcèlement et aux conditions de rupture du contrat de travail,

- débouté Monsieur [W] de ses demandes d'indemnisation présentées au titre du manque à gagner sur les options sur titres ARUBA et au titre de la perte de revenu sur la valeur des actions gratuites,

- dire que la clause de non sollicitation du contrat de travail de Monsieur [W] est nulle,

- renvoyé au 1er juillet 2013 devant le juge départiteur :

. la fixation du montant de l'indemnité à verser par la société ARUBA (EUROPE) LIMITED à Monsieur [W] au titre de la nullité de la clause de non sollicitation et la décision sur la demande d'ordonnancement de l'exécution provisoire de la condamnation,

. le montant de la somme à allouer à Monsieur [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la notification de la décision vaudra convocation à l'audience de départage,

- condamné la société ARUBA (EUROPE) LIMITED, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens.

Par déclaration d'appel adressée au greffe le 7mai 2013 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur [X] [W] demande à la cour de :

vu les articles L. 1221-1, 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail,

- dire que la société ARUBA NETWORKS et ARUBA( EUROPE ) LIMITED ont la qualité de co-employeurs,

- dire irrégulière la procédure de licenciement mise en oeuvre par les sociétés ARUBA NETWORKS et ARUBA (EUROPE) LIMITED, par courriers recommandés successifs en date des 8 juin 2010 et 15 juin 2010,

vu les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la société ARUBA (EUROPE) LIMITED en date du 3 juillet 2010 présenté le 7 juillet 2010,

vu les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail,

- dire qu'il a subi des agissements répétés de harcèlement moral pour le contraindre à démissionner et que sa résistance a été sanctionnée par la notification immédiate de son licenciement,

en conséquence,

- infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré nulle la clause de non sollicitation stipulée au contrat de travail,

le réformer et, statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés ARUBA NETWORKS et ARUBA (EUROPE) LIMITED à lui payer les sommes suivantes :

. 623 548 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, incluant l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

. 155 887 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant des faits de harcèlement et de la rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail pour un montant de 155 887 euros,

. 360 456 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de la perte de revenus subie sur la valeur des actions gratuites ARUBA type ' Restricted stock units ' provoquée par la rupture du contrat de travail à effet du 7 octobre 2010,

- condamner in solidum les sociétés ARUBA NETWORKS et ARUBA (EUROPE) LIMITED aux entiers dépens et au paiement de la somme de 16 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société ARUBA NETWORKS et la société ARUBA (EUROPE ) LIMITED demandent à la cour de :

- confirmer le jugement,

- mettre hors de cause la société ARUBA NETWORKS,

- dire que les demandes de Monsieur [W] sont mal fondées,

- débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demande,

- condamner Monsieur [W] à leur verser à chacune la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [W] aux dépens éventuels de première instance comme d'appel.

LA COUR,

qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties à leurs écritures et à la décision déférée,

Considérant que Monsieur [X] [W] a été embauché par la société ARUBA WIRELESS NETWORKS, société de droit américain, par contrat du 7 novembre 2003, à effet au 1er novembre 2003, en qualité de directeur général FRANCE-EUROPE DU SUD ;

Que, le 5 octobre 2004, Monsieur [W] a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec la société ARUBA (EUROPE) LIMITED, filiale britannique de la société ARUBA WIRELESS NETWORKS ; que ce contrat rappelait que Monsieur [W] avait été embauché par la société ARUBA WIRELESS NETWORKS par lettre du 7 novembre 2003 et précisait que, du fait du développement et des besoins du groupe ARUBA, il avait été convenu entre les deux sociétés qu'il serait transféré au sein de la succursale française de la société UK afin d'exercer ses fonctions européennes dans les meilleures conditions possibles ;

Qu'il prévoyait également qu'il annulait et remplaçait tous les contrats et/ ou lettre d'embauche signés antérieurement et que l'ancienneté de Monsieur [W]serait prise en compte à partir du 1er novembre 2003 ;

Qu'en dernier lieu, Monsieur [W] percevait une rémunération moyenne mensuelle brute de 25 981,18 euros ;

Que Monsieur [W] a été convoqué par lettre recommandée avec avis de réception du 8 juin 2010 à un entretien préalable fixé le 17 juin 2010 ;

Que, par courrier du 14 juin 2010, Monsieur [W] a contesté la régularité de la convocation, affirmant que la décision de le licencier était prise depuis un mois, et indiquant que le délai accordé ne lui permettait pas de se faire assister par une personne extérieure à l'entreprise ;

Que par courrier du 15 juin 2010, la société ARUBA (EUROPE) LIMITED invoquant des problèmes de santé à repousser la date de l'entretien préalable au 24 juin 2010 ;

Que Monsieur [W] a été licencié par lettre du 3 juillet 2010 ainsi libellée :

' (...)

Cette décision résulte principalement du comportement inacceptable que vous avez eu dans l'exercice de vos fonctions de Directeur Général ' France et Europe du Sud (SEUR).

En effet, au cours des derniers mois, et plus particulièrement depuis novembre 2009, la Société s'est aperçue que votre comportement et vos performances ne correspondaient pas à un cadre occupant des fonctions telles que les vôtres et travaillant à votre niveau. Nous avons réalisé que vous possédiez de nombreuses lacunes, aussi bien en management qu'en communication, tant en interne qu'en externe.

L'exercice de vos fonctions repose sur 4 axes essentiels : l'animation d'équipes de ventes au niveau Europe du Sud, une grande implication dans les différentes ventes conduites en SEUR, les relations avec nos différents partenaires Europe du Sud et enfin, une grande collaboration avec le reste du groupe Aruba.

Or, nous avons pu constater des manquements très importants sur chacun de ces points.

Ainsi, tout d'abord, en ce qui concerne l'animation des équipes de ventes au niveau SEUR, nous avons été informés de votre comportement tyrannique, voire proche du harcèlement, à l'égard de celles-ci.

Ainsi, il nous a par exemple été indiqué que vous interdisiez aux différents membres de votre équipe toute communication avec d'autres personnes du groupe Aruba, et que, de plus, vous interdisiez même aux vendeurs situés en Espagne et en Italie de communiquer avec les autres vendeurs en Europe.

De plus, de nombreux emails indiquent que vos équipes n'arrivent pas à communiquer comme il se doit avec vous, mais que vous réagissez de manière trop autoritaire et directive, à la limite du « tyrannique » pour les questions soulevées. Par exemple, parmi de très nombreux emails, dans un email du 6 mai, vous indiquez « tu me verras contraint de sanctionner le prochain dérapage ou non-respect de mes guidelines » ou encore dans un email du 8 octobre « tu lis mon mail et appliques le process mes instructions. C'est tout, pas de pollution, pas de polémique », ou enfin dans un autre email « mes guidelines sont toujours clairs, pourquoi cette nouvelle déviation ' ». Enfin, un des membres de votre équipe vous répond par email du 22 avril : « As said many times, your managing method is not good for me by making noise and bad pressure ' what do you want to say by 'last reminder'. Do you want to say that I'm a delinquent like months ago' ».

Vous maintenez ainsi sur les membres de votre équipe une pression continue et une absence de soutien qui ne leur permet pas d'exercer leurs fonctions dans les conditions optimales et qui n'est pas acceptable à votre niveau de fonction. Vous avez ainsi refusé par exemple de prévalider une BSA car « la journée a été assez longue » et vous ne vouliez en parler que le lendemain, quand bien même la date d'échéance de cette affaire importante était le soir même.

Les membres de votre équipe vous décrivent ainsi, dans un email du 9 novembre 2009, comme étant « trop brutal, trop coercitif, dans un contexte qui ' par ailleurs- ne le requiert pas. (') Les gens ne seraient pas aussi nerveux et terrifiés par toi. La hantise de tout le monde est de devenir ta target et de subir les humiliations que tu as fais subir à [Z] devant tout le monde. Le départ de [C] n'est donc qu'un symptôme de l'atmosphère qui règne dans l'équipe et de la peur » ou encore « l'équipe ne sait pas toujours sur quel pied danser avec [vous]. Sans parler des crises de colère ou d'autorité ' ».

Ces différents échanges d'email montrent que la communication entre vous et le reste de votre équipe est désormais rompue, ce qui ne permet pas de travailler dans des conditions normales de travail, mais se situe à la limite du harcèlement.

En ce qui concerne vos autres fonctions, et notamment votre implication dans les différentes ventes conduites en Europe du Sud et les relations avec nos différents partenaires français, il existe là encore de nombreux problèmes. De tels problèmes ont ainsi failli coûter à Aruba la perte de ses plus gros partenaires. Ainsi, par exemple dans un email du 10 juin, il est indiqué « les premiers RDV faits avec lui à mon arrivée chez Aruba m'ont vite appris qu'il fallait que je fasse sans lui et que je l'écarte du business (') il a bien failli nous faire perdre le deal à cause d'un conflit personnel avec le patron d'agence OBS ». [Y], dans une discussion du 15 juin 2010 nous indique ainsi que vous n'êtes « pas capable de gérer la situation du channel en France et de redresser la barre ». De même, OBS nous a expressément demandé que le rdv se déroule sans [X].« les soucis ente Aruba et OBS sont liés à des problèmes de personnes, et si nous voulons

avancer et tourner la page, il serait nécessaire d'affranchir OBS de tout lien avec [X]. »

D'autres emails illustrent également les problèmes relationnels que vous pouvez avoir avec les partenaires d'Aruba : « C'est inutile de m'envoyer ce type de mail langue de bois. Si c'est pour me prendre la tête, c'est réussi. (') Inutile de nous attendre fin novembre à Amsterdam. »

Ces différents problèmes démontrent que vous avez ainsi perdu la confiance aussi bien de vos partenaires que de vos équipes mais également de la direction interne d'Aruba. Dès que nous avons eu connaissance de ces différents problèmes, nous avons tenté d'améliorer la situation au travers de nombreuses réunions, tant téléphoniques que physiques, aussi bien avec [R] [O] qu'avec moi-même. Nous avons ainsi passé du temps à travailler avec vous afin de discuter de la meilleure manière de vous aider à améliorer vos fonctions et de remédier à cette situation.

Afin de vous aider à mieux appréhender la situation, nous avons mis en place un processus d'évaluation à 360°. Celui-ci a révélé la disparité entre la perception que vous aviez de vos qualités professionnelles et celles des personnes avec lesquelles vous travaillez. Quand nous avons tenté de discuter avec vous de celle-ci, vous avez répondu que cette évaluation ne reflétait pas la réalité. Vous n'avez dès lors pas cherché à modifier votre comportement et à trouver les solutions qui s'imposaient.

Enfin, nous avons constaté que vous n'effectuiez que très peu de réunions avec les clients, et ce, malgré votre fonction de Directeur Général ' France et Europe du Sud. Or, la direction des ventes fait partie intégrante de vos fonctions et nécessite une plus grande présence sur le terrain et un plus grand contact avec nos clients et partenaires.

Cependant, vous ne reconnaissez pas vos difficultés et ne cherchez donc pas à améliorer la situation actuelle. Ainsi, malgré tous nos entretiens, même si vous avez montré une volonté d'améliorer la situation à la fin d'année 2009, celle-ci n'a pas perduré et nous n'avons pas constaté d'amélioration dans l'exercice de vos fonctions.

Lorsque nous avons tenté une nouvelle fois de discuter avec vous de la situation actuelle afin de comprendre quelles étaient vos attentes, étant donné que vous ne faisiez pas le moindre effort pour résoudre les problèmes, vous n'avez pas manifesté la volonté de résoudre cette situation, mais au contraire avez considéré que le fait, pour la Société de vouloir résoudre les problèmes, impliquait nécessairement votre démission, ce qui n'était pas du tout l'objectif de cet entretien, bien au contraire.

Toute cette situation a engendré un climat de confiance détériorée entre vous et les autres membres de la Société, aussi bien en ce qui concerne vos subordonnés qu'en ce qui concerne votre hiérarchie, qui ne nous ont pas laissé d'autre choix que de vous convoquer à un entretien.

Contrairement à ce que vous nous avez indiqué au cours de notre entretien, et après avoir longuement réfléchi à cette possibilité, nous ne pensons pas que vous aviez été victime d'une « machination », ni que la direction de la Société avait été « manipulée » par les salariés.

Au cours de notre entretien, nous avons essayé de trouver une solution à la situation actuelle. Cependant, vos explications ne nous ont pas permis de trouver une issue qui permettrait de résoudre les difficultés actuelles.

Au regard de ce qui a été exposé, nous n'avons dès lors pas d'autre choix que de vous licencier.(...) ' ;

Considérant, sur la situation de co-employeur de la société ARUBA NETWORKS, qu'une situation de coemploi est caractérisée par l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa filiale ;

Que Monsieur [W] ne communique aucun élément démontrant l'existence, entre les deux sociétés, d'une confusions d'intérêts, d'activité et de direction ;

Que Monsieur [W] a été lié contractuellement dans un premier temps à la société ARUBA NETWORKS ; que le nouveau contrat signé avec la société ARUBA (EUROPE) LIMITED le 7 novembre 2004 a expressément prévu qu'il remplaçait le précédent tout en reprenant l'ancienneté du salarié au 1er novembre 2003 ;

Que ce contrat expliquait le transfert de Monsieur [W] par le développement du groupe ARUBA en Europe et le fait qu'il exercerait ses fonctions européennes dans de meilleures conditions en étant transféré au sein de la succursale française de la société britannique ;

Que Monsieur [W] conservait la même fonction de directeur général-France et Europe du Sud et continuait de devoir rendre compte à Monsieur [I], vice-président commercial EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) ;

Que l'ensemble des pièces versées au débat démontre que le supérieur immédiat de Monsieur [W], qui exerçait au quotidien l'autorité et qui a d'ailleurs été le signataire des convocations et de la lettre de licenciement, était Monsieur [E] [J], salarié de la société ARUBA (EUROPE) LIMITED ;

Qu'il importe peu que certains documents dont le salarié a été destinataire soient au nom de la société ARUBA NETWORKS et que Monsieur [J] ne figure pas sur l'organigramme communiqué par Monsieur [W], cet organigramme étant celui de l'organisation des ventes européennes en juillet 2010 sur lequel ne figurent que les salariés des diverses sociétés du groupe ARUBA intervenant dans le processus de vente ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis la société ARUBA NETWORKS hors de cause ;

Considérant, sur le licenciement, qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être motivé par des faits objectifs matériellement vérifiables et justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Qu'en l'espèce, la société ARUBA (EUROPE) LIMITED reproche à Monsieur [W] des méthodes de management tyranniques à l'encontre de son équipe et un comportement inadapté à l'égard de ses partenaires commerciaux ;

Que Monsieur [W], principalement, soutient que son employeur est mal fondé à lui reprocher d'avoir adopté des méthodes de management que lui-même préconisait ;

Que, s'agissant du comportement managérial de Monsieur [W], les témoignages, contenus dans les attestations fournies par l'employeur au soutien de ses griefs, ne peuvent être considérés, sans éléments objectifs de nature à pouvoir suspecter leur sincérité, comme étant faits par complaisance au seul motif qu'ils émanent de personnes ayant des liens avec l'employeur ;

Que Monsieur [D], ingénieur, témoigne de ce que jusqu'au départ de son manager [C] [M], qui faisait tampon entre lui et Monsieur [W], il a été relativement épargné mais qu'ensuite tout a changé et qu'il a constaté que la situation ' ressemblait étrangement à Louis XIV et sa cour, avec en prime un monarque qui était devenu complètement déconnecté du business qui à chaque fois qu'il avait l'opportunité de rencontrer un client se lançait dans un monologue interminable ' ;

Que Monsieur [Z] [F], responsable commercial ayant travaillé sous l'autorité de Monsieur [W] jusqu'à son départ, atteste longuement, notamment, avoir été contraint de réaliser des tâches de secrétariat pour Monsieur [W] alors que cela n'était pas dans ses attributions, au détriment du temps qu'il pouvait consacrer au reste de son travail, avoir été souvent mis en difficulté au cours de réunions commerciales quand Monsieur [W] lui coupait la parole, lui disant que les sujets abordés n'étaient pas intéressants, s'être vu imposer des reports très pointilleux sur la forme, Monsieur [W] reprenant sans cesse ses mails sur la forme, et commentant de façon permanente son travail ;

Qu'il précise que Monsieur [W] le mettait en garde contre ses collègues expliquant qu'ils se plaignaient de lui derrière son dos et qu'il s'était rendu compte que Monsieur [W] agissait de cette manière avec tous les collègues ;

Que Monsieur [T] [H], territory manager pour l'Espagne, témoigne de ce que Monsieur [W] imposait ses propres codes de fonctionnement en prétendant qu'il s'agissait des codes de l'entreprise ; qu'ainsi il avait interdit à ses collaborateurs de contacter directement [R] ( Manager Europe de ARUBA NETWORKS) alors que celui-ci leur avait dit qu'il souhaitait des contacts directs ;

Que Madame [A], ingénieur commercial, décrit les clivages inutiles que créait Monsieur [W], précisant que dès qu'un salarié partait en congé il devenait sa cible, faisant ses collaborateurs complices de ses critiques ;

Que ces témoignages sont confirmés par le ton employé par Monsieur [W] dans les mails adressés à Monsieur [F] :

' Tu lis mon mail et appliques le process et mes instructions. C'est tout, pas de pollution, pas de polémique. Time is essence ! Je commence à perdre patience sérieusement sur plusieurs dossiers. Focuser closing et pragmatique ' , ' Non, Lis mon mail et réfléchis deux fois avant de créer encore un pb, pollution et perte de temps en m'envoyant ce type de demande ' ; ' Assez de noeuds au cerveau et mail de 20 lignes ...sur des consignes qui sont limpides ' ;

Que ce grief est établi ;

Que, s'agissant du comportement avec les partenaires, Monsieur [F] témoigne de ce que Monsieur [W] n'écoutait pas les clients, monopolisait le discours, arrivait en retard et répondait à ses mails devant le client alors même que celui-ci continuait de parler ;

Que Madame [A] atteste que Monsieur [W] était très dur avec les revendeurs, les critiquait ouvertement à tel point que ceux-ci demandaient à ce qu'il ne soit pas présent au rendez-vous ; qu'elle ajoute qu'avec les clients il était correct mais ' à côté de la plaque ', prenant la parole sans la rendre ;

Que Monsieur [B], territory manager pour l'Italie, témoigne de ce qu'à chaque réunion avec les clients extrêmement importants Monsieur [W] faisait preuve d'indifférence et d'une attention très limitée ce qui donnait une image très négative ;

Que Monsieur [H] atteste qu'à l'un des rendez-vous avec un partenaire important au lieu d'écouter son partenaire Monsieur [W] a tapé sur son Iphone en permanence, que le dirigeant commercial a été choqué et lui a demandé pourquoi son patron avait voulu le voir si c'était pour ne rien avoir à faire de ce qu'il disait ; qu'il précise qu'il a ensuite tout fait pour éviter d'être accompagné par Monsieur [W] ; qu'il indique qu'à la suite d'un rendez-vous avec Telefonica les dirigeants l'ont appelé pour se plaindre de l'attitude inacceptable de Monsieur [W] en lui demandant qu'il ne l'accompagne plus lors des visites ;

Que Monsieur [G], président de la société EXER DATACOM atteste des relations difficiles qu'il entretenait avec Monsieur [W] et des pressions que celui-ci exerçait pour que sa société cesse ses relations commerciales avec la société RUCKUS alors que c'était le CEO d'ARUBA lui-même qui avait conseillé ce rapprochement ; qu'il ajoute que Monsieur [W] a cessé ses menaces quand il a envisagé de faire remonter le problème au niveau des autorités européennes ;

Que les témoignages produits par Monsieur [W] émanant de personnes qui n'ont pas travaillé avec lui au sein de la société ARUBA (EUROPE) LIMITED ne sont pas pertinents ;

Que les excellents résultats commerciaux dont Monsieur [W] se prévaut ne peuvent justifier un comportement managérial inadapté ;

Qu'enfin, il est établi que Monsieur [W] a été alerté à plusieurs reprises, notamment par Monsieur [J], mais aussi par Madame [A], sur son comportement ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de l'espèce en estimant que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

Considérant, sur la procédure de licenciement, que Monsieur [W] soutient que la décision de le licencier avait été prise avant sa convocation à l'entretien préalable ;

Que les mails échangés entre Monsieur [W] et Monsieur [J] au mois de mai 2010 démontrent que celui-ci a insisté pour que le salarié accepte une rupture à l'amiable ; qu'en effet il lui a proposé de travailler ' ensemble sur une trame financière de départ pour que tu sois libéré au 15 juin et reste salarié d'ARUBA jusqu'au 15 janvier par exemple ' ;

Que cette démarche préalable à la procédure de licenciement ne suffit pas à établir que la décision de licenciement était déjà prise ; qu'elle constituait une alternative à l'engagement d'une éventuelle procédure de licenciement ;

Que dès lors qu'il a été démontré que la société ARUBA (EUROPE) LIMITED était l'unique employeur de Monsieur [W], celui-ci est mal fondé à se prévaloir du défaut de qualité du signataire des convocations à l'entretien préalable, Monsieur [J] salarié de la société ARUBA (EUROPE) LIMITED ;

Qu'en revanche, dès lors que l'entretien préalable a été repoussé à l'initiative de l'employeur et non à la demande du salarié, le délai de 5 jours ouvrables devant séparer la réception de la convocation de la date de l'entretien devait être respecté ;

Que la convocation du 15 juin 2010 ayant été présentée à Monsieur [W] le vendredi 18 juin pour un entretien fixé au 24 juin 2010, le délai de 5 jours n'a pas été respecté ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la procédure de licenciement était régulière  ;

Qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail dès lors que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse il sera alloué à Monsieur [W] la somme de 10 000 euros ;

Considérant, sur les dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant des faits de harcèlement moral et de la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail, que s'agissant du harcèlement moral, aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que Monsieur [W] se prévaut uniquement des pressions qu'aurait exercées Monsieur [J] à partir du 16 mai 2010 pour qu'il quitte l'entreprise ;

Que les mails versés au débat établissent qu'effectivement Monsieur [J] a proposé à Monsieur [W] par mail du 29 mai 2010 d'étudier les conditions financières de son départ et qu'il a réitéré avec insistance cette proposition par mail des 31 mai et 1er juin, affirmant que cette solution serait la meilleure et que s'il ne l'acceptait pas il ne pourrait plus l'aider ;

Que ces échanges de mails très limités en nombre et dans le temps, ayant le même objet, ne constituent pas des agissements répétés permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ;

Que le harcèlement moral n'est pas établi ;

Que Monsieur [W] est mal fondé à soutenir que son licenciement a été provoqué par sa résistance à des faits de harcèlement ;

Que dès lors qu'il a été jugé que son licenciement était justifié Monsieur [W] ne peut se prévaloir des termes de la lettre de licenciement, qui n'étaient ni injurieux ni diffamatoires, pour soutenir que la rupture a été brutale et vexatoire ;

Que dans la mesure où il était dispensé de l'exécution de son préavis, la circonstance que son remplacement ait été annoncé dans le magazine ' Global Security Mag On line ' du mois de juillet 2010 n'était pas vexatoire, pas plus que ne l'était la demande de remise immédiate de son matériel ;

Que, quand bien même Monsieur [W] justifie en produisant un certificat médical avoir été soigné, à partir du mois d'août 2010, pour un état dépressif sévère, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'avait été victime ni de harcèlement moral ni d'une rupture brutale et vexatoire et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Considérant, sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts pour manque à gagner sur les options sur titres ARUBA et les dommages et intérêts compensatoires de la perte de revenus subie sur la valeur des actions gratuites ARUBA type 'restricted stock units ', que dès lors qu'il a été jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de ses demandes de ces chefs ;

Considérant qu'il est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés non compris dans les dépens ; qu'elles seront déboutées de leurs demandes de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement,

Et statuant à nouveau,

Condamne la société ARUBA (EUROPE) LIMITED à payer à Monsieur [X] [W] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

Confirme pour le surplus le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ARUBA (EUROPE) LIMITED aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Martine FOREST-HORNECKER, président et Madame Amélie LESTRADE, greffier stagiaire en préaffectation.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 13/02022
Date de la décision : 05/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°13/02022 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-05;13.02022 ?
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