COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63A
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 05 NOVEMBRE 2015
R.G. N° 11/05688
AFFAIRE :
[S] [V] épouse [F]
C/
SA CLINIQUE CLAUDE BERNARD
...
Décisions déférées à la cour :
Ordonnance rendue le 18/04/2008 par le magistrat chargé du contrôle des expertises (N°CE: 0/518 ) et Jugement rendu le 31 Mai 2011 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° chambre : 1
N° RG : 07/09441
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Franck LAFON
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS
Me Catherine LEGRANDGERARD
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
Me Pierre GUTTIN
Me Christophe DEBRAY
Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [S] [V] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2] (95)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 8]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20110667
Représentant : Me Christian BOUSSEREZ, Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 89
APPELANTE
****************
1/ SA CLINIQUE CLAUDE BERNARD
[Adresse 9]
[Adresse 9]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
2/ Monsieur le Docteur [B], [M] [Y]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 N° du dossier 310558
Représentant : Me Alaïna VARASSE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Angélique WENGER de l'AARPI BURGOT CHAUVET et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R1230
INTIMES
3/ CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF)
[Adresse 1]
[Adresse 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Catherine LEGRANDGERARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 391
INTIMEE
4/ Monsieur le Docteur [E] [G]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
5/ SA LA MEDICALE DE FRANCE
N° SIRET : B 582 068 698
[Adresse 3]
[Adresse 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1149320
Représentant : Me Stéphane GAILLARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R075
INTIMES
6/ Monsieur le Docteur [Q] [K]
[Adresse 9]
Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 11000666
Représentant : Me Marie-Christine CHASTANT MORAND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0072
INTIME
7/ Monsieur le Docteur [X] [L]
[Adresse 9]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 11000601
Représentant : Me Dominique MARCOT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 100
INTIME
8/ Madame le Docteur [N] [J]
[Adresse 9]
Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 Représentant : Me Emmanuelle KRYMKIER D'ESTIENNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0537
INTIMEE
9/ CPAM DU VAL D'OISE
[Adresse 10]
[Adresse 2]
[Adresse 7]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ASSIGNEE EN DECLARATION D'ARRET COMMUN
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2015, Madame Véronique BOISSELET, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Carole GIBOT-PINSARD
------------------
Mme [S] [V] épouse [F], 33 ans, a été hospitalisée le 2 décembre 1997 à la clinique [T] [I] (la clinique) où elle était suivie par le docteur [K], obstétricien, en vue du déclenchement de son accouchement. Elle a mis au monde son enfant par voie basse et après épisiotomie, mais une hémorragie est survenue, laquelle n'a pu être jugulée que par embolisation des artères utérines. Le lendemain elle a présenté plusieurs complications, avec notamment une insuffisance rénale fonctionnelle, des troubles de la conscience et une ischémie du pied gauche.
Estimant que les séquelles qu'elle conserve ont été provoquées par la faute des médecins et de la clinique, elle a demandé, au contradictoire de la clinique, du docteur [G] et de son assureur, la Médicale de France, la désignation d'un expert, qu'elle a obtenue par ordonnance du 15 février 2000. Les opérations ont été étendues aux docteurs [K], [Y] et [L], ainsi qu'à la Cramif, puis au docteur [J]. L'expert, après divers incidents, a déposé son rapport le 1er février 2010.
Mme [F] a assigné au fond, par actes des 27 et 30 novembre et 10 décembre 2007, la clinique, les docteurs [G], [K], [L], [Y], et [J], la Médicale de France et la Cramif devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de les voir déclarer responsables des préjudices causés et a sollicité l'annulation du rapport d'expertise sur le fondement, notamment, d'une violation du principe de la contradiction constituée par le fait que l'avis du sapiteur, le professeur [D] ne figurait pas dans le rapport.
Par jugement du 31 mai 2011, le tribunal de grande instance de Pontoise a débouté Mme [F] de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à chacun des défendeurs la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur appel de Mme [F], la cour, a, par arrêt du 6 juin 2013 :
- confirmé le jugement sur le rejet de la demande d'annulation du rapport d'expertise,
- ordonné la réouverture des débats,
- invité l'expert à communiquer aux parties la teneur de l'avis du sapiteur le docteur [D], et à établir un complément de rapport des seuls chefs des points soumis au professeur [D],
- sursis à statuer sur les demandes au fond relatives aux responsabilités encourues, à l'organisation d'une nouvelle expertise confiée à un collège d'expert et à des dommages et intérêts pour procédure abusive formée par les docteurs [G] et [J], ainsi que par la Médicale de France,
- débouté Mme [F] de sa demande d'annulation de l'ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises du 18 avril 2008,
- réservé les dépens et les frais d'expertise,
- déclaré l'arrêt commun à la Cramif,
- rappelé la nécessité, pour l'appelante, d'assigner la CPAM du Val d'Oise ou tout tiers payeur ayant exposé des débours, et de réassigner la Cramif, défaillante, et qui verse une pension d'invalidité, et également de produire aux débats un relevé du montant de leurs créances définitives et actualisées.
Le complément de rapport d'expertise a été déposé le 29 octobre 2014.
Par dernières écritures du 31 août 2015, Mme [F] demande à la cour de :
- rejeter les demandes du docteur [G] tendant à voir déclarer irrecevable l'appel de Mme [F] et à voir rejeter les conclusions de cette dernière,
- annuler le rapport d'expertise du docteur [O] au motif qu'il ne disposait pas, au moment de son rapport de l'avis de son sapiteur, le professeur [D],
- déclarer la clinique et les docteurs [G], [K], [B], [Y], [L], et [J] responsables in solidum des séquelles qu'elle présente à la suite des soins pratiqués, et les condamner à réparer les préjudices en découlant,
- désigner un collège d'expert composé d'un neurologue, d'un ophtalmologiste, d'un orthopédiste, d'un anesthésiste réanimateur et d'un gynécologue obstétricien, ayant pour mission notamment de :
dire si les soins pratiqués ont été diligents, attentifs, adaptés et conformes aux données actuelles de la science,
dire si les praticiens ont commis une faute et la caractériser,
évaluer les préjudices subis,
- surseoir à statuer sur l'indemnisation du préjudice dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- déclarer l'arrêt opposable à la Cramif,
- débouter les intimés de toutes leurs demandes reconventionnelles,
- les condamner à lui payer une indemnité de procédure de 25 000 euros et aux dépens.
Par conclusions du 13 août 2015, le docteur [G], radiologue, et la Médicale de France demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- constater que Mme [V] a reconnu devant le tribunal qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au docteur [G], et que son appel est donc mal fondé et abusif,
- la condamner à leur payer chacun la somme de 10 000 euros pour procédure abusive, ainsi que celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Par conclusions des 10 septembre 2015, pour le docteur [Y], anesthésiste et la clinique, 4 août 2015 pour le docteur [J], anesthésiste, 28 août 2015 pour le docteur [K], obstétricien, et 28 août 2015 pour le docteur [L], anesthésiste, et auxquelles est expressément fait référence pour l'exposé complet de leurs moyens, les intimés sollicitent la confirmation du jugement et des indemnités de procédure, ainsi, pour certains, que des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par conclusions du 30 juillet 2015, la Cramif expose que sa créance, au titre de la pension d'invalidité 2ème catégorie servie à Mme [F], est de 336 315, 79 euros, demande la condamnation du ou des responsables à lui rembourser cette somme qui devra être imputée sur les PGPF, l'incidence professionnelle et le DFP reconnus à la victime, ainsi qu'une indemnité réglementaire de 1 037 euros.
La CPAM du Val d'Oise a été assignée le 26 août 2015.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2015 .
SUR QUOI, LA COUR :
Le rejet de la demande d'annulation du rapport d'expertise à la suite de manquements allégués au principe de la contradiction reprochés au docteur [O] est devenu définitif, sauf en ce qui concerne l'avis du professeur [D].
- Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise fondée sur des irrégularités affectant l'avis du professeur [D] :
Il résulte de l'exposé détaillé des opérations d'expertise que le professeur [D] était présent lors de la réunion du 2 juin 2004, au cours de laquelle il a notamment examiné Mme [F]. S'il est vrai qu'il n'a, dans un premier temps, pas rédigé d'écrit distinct de celui du docteur [O], il résulte tant du rapport de ce dernier que de celui finalement rédigé le 17 septembre 2014, qui ne constitue que la synthèse d'éléments insérés dans le rapport initial, que ces deux experts se sont concertés tout au long des opérations d'expertise, en sorte que l'absence de contribution écrite du professeur [D] préalable au dépôt du rapport du docteur [O] ne constitue en l'espèce qu'une irrégularité purement formelle, largement réparée par le complément d'expertise ordonné, qui a comporté une réunion commune entre les parties, l'expert et son sapiteur, puis la communication de la synthèse écrite de ses travaux par le professeur [D].
Par ailleurs, une ultime réunion des parties et de l'expert, en présence du sapiteur a été organisée, en sorte que les parties ont été mises en mesure de formuler tous dires et observations et ont reçu réponse.
Aucune atteinte au principe de la contradiction n'étant ainsi démontrée, la demande d'annulation du rapport d'expertise sur ce fondement sera rejetée.
- Sur la demande de nouvelle expertise :
Les critiques de l'appelante sur la prétendue incompétence du docteur [O] en raison de sa spécialité inadaptée au litige ont été définitivement écartées par la cour dans son arrêt du 6 juin 2013.
Le rapport du docteur [O], extrêmement précis et détaillé, permet à la cour de statuer en l'état sans nouvelle expertise sur le principe de la responsabilité. Par ailleurs, l'évaluation du préjudice corporel subi par la patiente ne se conçoit que si, en un premier temps, est retenue la responsabilité d'un ou plusieurs des intimés. La demande de nouvelle expertise, en tant qu'elle a pour objet d'évaluer le préjudice corporel subi, sera donc examinée après celle de la responsabilité des intimés.
- Sur le fond :
Il est expressément fait référence à la chronologie des faits telle que reconstituée par l'expert et rappelée par le tribunal, ainsi qu'à celle des opérations d'expertise, également rappelée.
Les griefs formés contre les médecins et la clinique sont les suivants :
de façon générale : de n'avoir pas pris la mesure de la gravité de l'état de Mme [F],
- choix contestable opéré entre l'embolisation et la chirurgie,
- traitement insuffisant du choc hémorragique, conduisant à une perte de chance de ne pas voir se constituer des lésions cérébrales, l'insuffisance et le retard de la compensation des pertes sanguines expliquant la constitution de telles lésions irréversibles,
- administration de traitements inadaptés (Nalador, dopamine).
- les griefs formulés contre les docteurs [K] et [G] :
Mme [F] reproche d'abord au docteur [K] un choix qu'elle qualifie de contestable entre une chirurgie ayant pour objet la ligature des vaisseaux hypogastriques ou une hystérectomie d'hémostase ainsi que l'administration de Nalador, et en second lieu au docteur [G] sa participation à la décision d'embolisation.
Sur ces points l'expertise a apporté les réponses suivantes :
Le professeur [W], dans son rapport demeuré inachevé, intégralement reproduit par le docteur [O], expose que Mme [F] a présenté une hémorragie de la délivrance, laquelle fait partie des complications majeures et classiques de l'accouchement et constitue un risque vital. L'embolisation utérine est connue pour être une alternative permettant, dans la mesure de son succès, de tarir l'hémorragie tout en évitant l'hystérectomie, présentant ainsi l'avantage de préserver la fécondité. Le choix entre ces deux solutions alternatives incombe à l'obstétricien et non au radiologue conduit à réaliser l'embolisation. Ce même expert souligne que la conduite du geste d'embolisation n'appelle aucune critique, et qu'il a au contraire permis de sauver la vie de Mme [F].
Le docteur [O] partage cette opinion et rappelle que l'hémorragie du post-partum demeure la principale cause de décès maternelle, avec 9 à 13 décès pour 100 000, dont 20 % seulement auraient été évitables. En ce qui concerne le docteur [G], il conclut que l'embolisation était indispensable et urgente, et correspondait au meilleur état de l'art à l'époque. Il souligne à la fois la rapidité d'exécution et sa grande qualité, et rappelle qu'elle a permis de sauver la vie de la patiente.
Force est de constater que Mme [F] n'explicite pas les raisons objectives pour lesquelles une solution autre que celle finalement retenue eût été préférable, étant rappelé que le docteur [O] souligne, sans être contredit sur ce point, que la rapidité de mise en oeuvre d'une solution chirurgicale, ses risques et inconvénients étaient tout à fait comparables à ceux de l'embolisation pratiquée, laquelle a été justement préférée comme moins mutilante chez une jeune femme primipare. Il doit en outre être soulignée que le docteur [G], joint alors qu'il était à l'extérieur, s'est immédiatement rendu disponible et a été en mesure de pratiquer l'intervention 25 minutes seulement après avoir été prévenu, en sorte qu'aucun retard dans la mise en oeuvre de cette intervention n'est démontré.
Il est en outre justement relevé par l'expert que les manoeuvres de sauvetage mises en oeuvre, à savoir trois révisions utérines, préalablement et justement mises en oeuvre avant que soit envisagée l'embolisation ont elles aussi et légitimement pris un certain temps, en sorte que le délai entre le déclenchement de l'hémorragie, soit 15 mn après l'accouchement à 16 h 05, et l'embolisation, pratiquée en moins de 30 mn entre 18 h 10 et 19 h 10 ne peut être considéré comme critiquable.
Enfin, en ce qui concerne l'injection par voie intra-murale de Nalador (injection directe par voie intra-utérine), les experts observent que ce produit a été préconisé dans les hémorragies post-partum postérieurement, et que la voie exclusive intra-veineuse a été préconisée seulement après décembre 1997. Ils ajoutent que l'usage de la voie intra-murale pouvait à l'époque se comprendre dans des circonstances d'urgence médicale gravissime et exceptionnelle, menaçant le pronostic vital. Le docteur [A], consulté par Mme [F], convient d'ailleurs que cette injection était justifiée en son principe.
Ainsi, aucune faute ne peut être retenue contre les docteurs [K] et [G].
- sur les griefs formés contre les docteurs [Y] et [J] :
Mme [F] leur reproche le traitement insuffisant du choc hémorragique dans la période de post-partum immédiat, c'est-à-dire l'absence de prise en compte des troubles de la conscience, et de la défaillance multiviscérale développée dans les suites immédiates de l'hémorragie.
Le docteur [Y] est intervenu en qualité de médecin anesthésiste lors du déclenchement de l'accouchement, a posé la péridurale et a assisté le docteur [K] jusqu'à la délivrance. Il était également présent lors de la survenue de l'hémorragie, et a pris les premières mesures, soit un remplissage vasculaire du soluté de Ringer et du Lesteril, ainsi qu'une commande urgente de sang.
Ce seul rappel chronologique suffit à faire écarter sa responsabilité, puisque l'ensemble des griefs formulés par Mme [F] porte sur la période postérieure.
La prise en charge par le docteur [J], médecin anesthésiste réanimateur, a été limitée à l'intervention en radiologie interventionnelle, pendant l'exécution de l'embolisation. Il est établi que ce médecin a administré 2 culots globulaires O+ à la patiente, en sorte que son taux d'hémoglobine n'est jamais descendu en-dessous de 7, 9 g/dl, c'est-à-dire a toujours été au-dessus du taux de 7 g/dl alors d'usage pour que soit préconisée une transfusion, en sorte qu'aucune insuffisance des apports transfusionnels n'est démontrée. Il est en outre justement rappelé que les faits se situent à une date à laquelle ces apports étaient strictement limités en raison du retentissement de l'affaire dite 'du sang contaminé'. L'expert ajoute que le docteur [J] a transfusé la patiente de façon systématique devant une hémorragie importante (conformément aux recommandations de l'époque), avant même de disposer des résultats de l'hématogramme, effectué à sa demande avant l'embolisation.
Les experts considèrent enfin que la nécessité d'une perfusion de plasma frais congelé et celle d'une intubation n'est pas démontrée, et aucun avis technique argumenté n'est fourni sur ce point.
Enfin, le fait que la patiente ait encore été sous l'effet de l'anesthésie liée aux révisions utérines, et soit ainsi apparue comme somnolente exclut qu'il puisse être reproché au docteur [J] de ne pas avoir posé le diagnostic de troubles de la conscience.
La responsabilité du docteur [J] a ainsi été justement écartée.
- sur les griefs formulés contre le docteur [L] et le personnel soignant de l'unité de réanimation de la clinique :
Mme [F] leur reproche une absence de surveillance des constantes vitales, un traitement symptomatique et attentiste de l'insuffisance rénale, une extravasation de la dopamine sur le pied droit à l'origine des lésions du pied droit, un défaut de surveillance d'une perfusion distale, ayant conduit à des lésions artérielles.
Ce reproche s'appuie essentiellement sur l'absence de tous documents écrits concernant la prise en charge de la réanimation. Il est cependant légitime de rappeler qu'à la date des faits, soit décembre 1997, l'accent n'était pas encore mis sur la nécessité d'une traçabilité des soins. En outre, le fait qu'une plus grande préoccupation soit apportée aux soins à mettre en oeuvre plutôt qu'à leur enregistrement exact ne peut être critiqué. Enfin, il y a encore lieu de rappeler qu'à l'époque, les instruments de surveillance des patients, s'ils étaient pourvus de système d'alarme, ne comportaient pas de dispositif d'enregistrement, en sorte que le reproche d'absence de traçabilité n'est pas pertinent.
Le traitement de l'insuffisance rénale ne peut par ailleurs être qualifié d'attentiste, dans la mesure où deux diurétiques ont été immédiatement administrés, et ont provoqué la diurèse attendue.
En ce qui concerne la perfusion de dopamine, l'hypothèse d'une extravasation a été formulée par le premier expert, le professeur [W], qui privilégie l'hypothèse d'un spasme distal survenu dans un contexte de bas débit circulatoire, majoré par une perfusion de dopamine compliquée d'une extravasation. Néanmoins, le docteur [O] souligne que cette hypothèse n'est pas démontrée, et que, quand bien même elle le serait, le médicament administré étant indispensable à la survie de la patiente, il n'y aurait aucune faute. Il précise que les troubles vasculaires du pied ne peuvent être imputés à une éventuelle migration indésirable du spongel (matériel gélatineux utilisé pour obstruer les artères de l'utérus), mais davantage à un caillot qui a pu être dissous par l'héparine. En revanche, contemporains des défaillances du foie et des reins, ils peuvent résulter de l'état de choc secondaire à l'hémorragie utérine, ce qui était également envisagé par le professeur [W]. Aucune faute, ni du docteur [L], ni du personnel de la clinique n'est ainsi démontrée sur ce point précis.
Sur un plan plus général, le docteur [O] conclut que les lésions encéphaliques ainsi que leur aspect sur les examens d'imagerie sont caractéristiques de lésions hypoxiques (résultant d'une insuffisance d'apport d'oxygène au cerveau), parfaitement explicables par la chute du débit artériel cérébral et l'effondrement du taux d'hémoglobine consécutifs à l'état de choc secondaire à l'hémorragie utérine cataclysmique de la patiente. Il considère que l'hypothèse la plus probable est que cette hypoxie s'est produite essentiellement au début de l'hémorragie avant embolisation, et alors que les manoeuvres de sauvetage tentaient, initialement sans succès, de faire cesser l'hémorragie. Ainsi, et ce point de vue est partagé par les trois experts, les importantes séquelles présentées par Mme [F] résultent fondamentalement de l'accident hémorragique qui a failli emporter sa vie et non des conséquences d'une défaillance de sa prise en charge médicale. Ainsi l'imputabilité des dommages aux fautes alléguées n'est pas non plus démontrée.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'a été rejetée la demande tendant à voir déclarer les docteurs [K], [G], [Y], [J] et [L], ainsi que la clinique [T] [I] responsables des séquelles de l'accident hémorragique subi le 2 décembre 1997 par Mme [F].
La demande d'expertise portant sur l'évaluation du préjudice subi est donc sans objet.
- Sur les autres demandes :
La responsabilité des médecins mis et cause et de la clinique n'étant pas retenue, la demande de la Cramif ne peut qu'être rejetée. Le présent arrêt lui sera déclaré commun.
Les circonstances de la cause ne permettent pas de caractériser contre Mme [F] un abus dans la défense de ses intérêts, et les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive seront rejetées.
En revanche, l'équité commande que Mme [F] contribue aux frais de procédure exposés par les intimés devant la cour, à hauteur de 1 000 euros chacun, les dispositions du jugement entrepris sur ce point, ainsi que sur les dépens de première instance étant par ailleurs confirmées.
Mme [F] supportera également les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Déboute Mme [F] de ses demandes tendant à l'annulation du rapport d'expertise en raison de l'absence d'avis écrit du professeur [D] avant la rédaction du rapport du docteur [O], et tendant la désignation d'un collège d'experts aux fins d'une nouvelle expertise,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les intimés de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Mme [F] à payer la somme complémentaire en cause d'appel de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile respectivement au docteur [K], au docteur [G] et à la société Médicale de France unis d'intérêts, au docteur [Y] et à la clinique [T] [I] unis d'intérêts, au docteur [J] et au docteur [L],
Déboute la Cramif de toutes ses demandes,
Condamne Mme [F] aux dépens d'appel, avec recouvrement direct,
Déclare le présent arrêt commun à la CRAMIF et à la CPAM du VAL d'OISE.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président, et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,