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03/11/2015 | FRANCE | N°15/01295

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 03 novembre 2015, 15/01295


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 15/01295



AFFAIRE :



[A] [L] [U] [J]



C/



SARL LA-TEAM-GS







Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 09 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : Commerce

N° RG : 13/769





Copies exécutoir

es délivrées à :



Me Florence LEGRAND



SCP CABINET ALPHA CONSEIL





Copies certifiées conformes délivrées à :



[A] [L] [U] [J]



SARL LA-TEAM-GS



le :

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 15/01295

AFFAIRE :

[A] [L] [U] [J]

C/

SARL LA-TEAM-GS

Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 09 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : Commerce

N° RG : 13/769

Copies exécutoires délivrées à :

Me Florence LEGRAND

SCP CABINET ALPHA CONSEIL

Copies certifiées conformes délivrées à :

[A] [L] [U] [J]

SARL LA-TEAM-GS

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [A] [L] [U] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Alexandre GRUAT substituant Me Florence LEGRAND, avocat au barreau de PONTOISE

DEMANDEUR AU CONTREDIT

****************

SARL LA-TEAM-GS

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante en la personne de M. [R] [Z], co-gérant

Assistée de Me Benjamin ECHALIER de la SCP CABINET ALPHA CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

EXPOSE DU LITIGE

En juin 2012 Mr [J] est contacté par Mrs [H] et [Z] qui, avec Mme [F], souhaitaient créer la SARL LA TEAM GS, en vue de l'ouverture d'un magasin situé à [Localité 3] (95) sous l'enseigne GIFI ; tous les quatre signaient un mandat de gérance avec la société GIFI MAG le 30 août 2012.

Par la suite Mrs [H], [Z] et [J], ainsi que Mmes [F] et [B], devenaient les cinq associés et cogérants de la SARL LA TEAM GS, au vu des statuts signés le 21 septembre 2012.

Mrs [H] et [Z], gérants majoritaires, proposaient à Mr [J] d'avoir le statut de directeur-adjoint.

Mr [J] acceptait leur proposition et devenait acquéreur de 15 % du capital de la société, moyennant la somme de 1200 €; il commençait à travailler dans le magasin, selon ses dires à compter du 16 septembre 2012, avec des horaires de travail importants (il aurait travaillé 50h par semaine), moyennant une rémunération de 1750 €/mois, fixée selon un acte en date du 24 septembre 2012, signé par les cinq gérants et associés.

Doutant de son affiliation à un régime de sécurité sociale, il sollicitait de Mr [H] la communication des statuts et des documents sociaux de la société, ce que ce dernier refusait, malgré sa demande formée par lettre du 15 mars 2013.

Ayant finalement appris qu'il n'était pas affilié au régime RSI, comme le lui avait indiqué Mr [H], il insistait à nouveau auprès de ce dernier, qui en réponse lui retirait les clés du magasin, lui précisant qu'il serait révoqué, révocation qui intervenait à compter du 24 avril 2013 selon la décision de l'assemblée générale de la société LA TEAM GS du même jour.

Selon l'extrait Kbis du Registre du Commerce et des Sociétés au 20 juin 2013, un des 5 associés initiaux, Mme [F] n'est plus gérante depuis sa démission le 18 janvier 2013), et 5 autres gérants se sont ajoutés aux 3 restant après la révocation de Mr [J] (Mrs [H] et [Z], et Mme [B]).

C'est dans ce contexte que le 27 septembre 2013, Mr [J] saisissait le Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY, aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et de paiement de diverses indemnités au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 9 février 2015, dont Mr [J] a formé contredit, le Conseil s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce, estimant que la signature par Mr [J] d'un contrat de cogérance excluait l'existence d'un contrat de travail, sans autre motivation.

Selon des conclusions écrites et oralement soutenues à l'audience du 7 septembre 2015,

- Mr [J] a conclu à l'infirmation du jugement, sollicitant le renvoi de l'affaire devant le Conseil des Prud'hommes compétent, afin qu'il soit statué sur ses demandes, reprochant au Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY de ne pas avoir examiné la question de fond (le lien de subordination) dont dépendait sa compétence, alors que ce lien serait établi par le fait qu'il recevait les ordres et directives de Mr [H] lequel lui imposait ses horaires de travail et lui interdisait l'accès au bureau et documents de la société.

- La société LA TEAM GS conclut à la confirmation du jugement, sollicitant la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soutenant que Mr [J] avait un comportement perturbant le fonctionnement de la société ce qui avait justifié sa révocation, et que le fait qu'il ait signé un contrat de cogérance excluait l'existence d'un contrat de travail.

Elle estime donc que ce conflit entre associés doit le cas échéant se régler devant le Tribunal de Commerce.

MOTIFS DE LA DECISION

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail est effectuée.

Dans l'espèce, la question de la compétence dépendant de la question de fond, il importe de rechercher si la situation concrète de Mr [J] correspondait à la situation du salarié dans un contrat de travail, nonobstant le fait qu'il ait signé un mandat de gérance avec les 4 autres associés gérants à l'égard de la société GIFI MAG, et qu'il soit cogérant de la société LA TEAM GS, étant précisé que le cumul entre le mandat social et un contrat de travail est possible, si Mr [J] exerçait des fonctions techniques distinctes de son mandat social et se trouvait dans un lien de subordination (Cass 29 avril 2009).

Il appartient à ce dernier, qui invoque l'existence d'un contrat de travail, d'en rapporter la preuve.

Le fait que Mr [J] ait travaillé et perçu une rémunération n'est pas contesté, à la différence du lien de subordination qui constitue le coeur du litige.

Le fait qu'il exerçait des fonctions techniques distinctes de son mandat social est établi, puisqu'il devait s'occuper de la réception des marchandises et qu'il pouvait travailler en rayon ou dans le réserve, comme cela résulte de l'ensemble des pièces et conclusions des parties.

Le lien de subordination est caractérisé par le fait de recevoir des ordres ou/et des directives pour l'accomplissement de son travail, de se voir imposer des horaires de travail et un contrôle de son activité, susceptibles d'entraîner des sanctions en cas de manquements.

En raison de l'existence de 5 cogérants selon les statuts, et en l'absence de production de tout écrit sur la répartition des attributions de chacun dans le fonctionnement de la société, il sera recherché quelle était la fonction réelle de chacun, et en particulier des attributions respectives de Mr [H] et Mr [J].

Il ressort des statuts que Mr [H] avait reçu mandat des 4 autres gérants de conclure toutes opérations commerciales ou autres, de procéder aux ouvertures de comptes bancaires et d'accomplir toutes formalités nécessaires, notamment juridiques et administratives.

Selon l'acte du 24 septembre 2012, les cinq associés gérants ont décidé de la rémunération de chacun, la rémunération de Mr [H] étant de 3500 €/mois, celle de Mr [Z] de 2500 €/mois, celle de Mme [F] de 1900 €/mois, celle de Mr [J] de 1750 €/mois et celle de Mme [B] de 1500 €/mois, sans qu'il soit précisé le rôle de chacun dans la société LA TEAM GS.

La prééminence de Mr [H] apparaît clairement dans le fonctionnement de la société, puisqu'il était le gérant avec la plus forte rémunération et l'associé détenant le nombre de parts sociales le plus élevé (33 sur 100), qu'il effectuait, de par le mandat général donné par les autres gérants, les actes les plus importants pour le fonctionnement de la société, et qu'il présidait l'assemblée générale du 24 avril 2013 au cours de laquelle Mr [J] a été révoqué.

C'est en outre lui qui a repris les clés du magasin des mains de Mr [J] le 4 avril 2013, et qui lui a fait savoir qu'il était envisagé sa révocation, au vu de ses comportements perturbant le fonctionnement de la société, comme cela ressort des échanges de lettres entre Mr [J] et la société LA TEAM GS.

Cette prééminence de Mr [H] dans les actes de gestion et le fonctionnement de la société n'est qu'un élément d'appréciation par rapport à la preuve du lien de subordination et ne suffit pas en elle- même à établir ce lien.

Par ailleurs, Mr [J] prétend ne pas avoir pu obtenir une copie des statuts et des justificatifs tant des déclarations sociales que de son affiliation à une mutuelle, en produisant la lettre recommandée en date du 15 mars 2013 qu'il a adressée à la société LA TEAM GS.

Il soutient aussi que c'est en raison de ces demandes gênantes et vaines que les deux gérants , Mrs [H] et [Z], décisionnaires au sein de la société - comme détenant ensemble la majorité (65/100) des parts sociales - l'aurait révoqué.

Par lettre du 12 avril 2013, Mr [H] répondait à Mr [J] qu'il avait le statut de dirigeant, en tant que cogérant, ce qui impliquait qu'il devait cotiser au régime RSI des travailleurs indépendants, point qui est contredit dans l'acte du 24 septembre 2012 susvisé, lequel indique que la société LA TEAM GS prendra en charge les cotisations sociales de base et complémentaires afférentes aux rémunérations de chaque gérant.

Ces éléments, qui mettent en évidence une source de conflits entre les gérants et un manque de loyauté de la part de Mr [H] sur la prise en charge des cotisations sociales des gérants, n'établissent pas en eux-même le lien de subordination de Mr [J] à l'égard de Mr [H].

Mr [J] produit six attestations de témoins qui précisent ce qui suit :

- Selon Mme [X] et Mr [D] [J], respectivement mère et frère de Mr [J], ce dernier travaillait uniquement à la réserve (où sont stockées les marchandises) et ses horaires étaient souvent modifiés au dernier moment par texto ;

- Mr [K] déclarait avoir vu [A] [J] au magasin GIFI de [Localité 3] se faire commander par son cousin Mr [Z] de balayer les locaux un jour de décembre 2012 ;

- Mr [I] déclarait avoir vu début 2013 au magasin GIFI de [Localité 3] un homme grand et hâlé ordonner à [A] [J] de 'se manier et de nettoyer sur un ton vexatoire' ;

- L'attestation de Mme [N] vient corroborer les deux attestations susvisées, en indiquant qu'elle avait constaté début 2013, en venant voir [A] [J] au magasin GIFI de [Localité 3], que ce dernier se faisait traiter comme un simple salarié ;

- Mr [U] [J], père de Mr [A] [J], déclarait s'être présenté à la caisse dudit magasin, demandant à voir le gérant [A] [J], et il lui avait été répondu que le gérant était Mr [H].

Si trois des attestations émanent de membres de la famille de Mr [J], elles n'en demeurent pas moins circonstanciées, et dans la mesure où elles sont corroborées par les trois autres attestations et non attaquées pour faux, il convient de les prendre en compte.

Ces attestations établissent que Mr [J] n'était pas libre de ses horaires de travail et obéissait aux ordres de l'un ou l'autre des deux gérants ayant la majorité des parts sociales, à savoir Mrs [H] et [Z].

Mr [J] produit également un planning hebdomadaire non daté, mais nécessairement postérieur à fin janvier 2013, vu l'absence sur ce planning de Mme [F] [Y] démissionnaire le 18 janvier 2013 et la présence des 4 nouveaux gérants, et qui fait état des horaires de travail et des temps de travail de chaque gérant et chaque salarié : 35 h pour les 7 à 10 salariés, entre 45 et 56 h pour les 5 à 7 gérants.

Le fait d'être astreint au respect d'horaires de travail, ce que la société LA TEAM GS ne contredit pas, n'est pas compatible avec l'indépendance d'un associé gérant.

L'argument de la société LA TEAM GS, selon lequel les gérants auraient défini ensemble les plannings, n'est d'ailleurs appuyé par aucune pièce, et se trouve contredit par les attestations susvisées (fréquent changement d'horaires imposé à Mr [J]).

En revanche, il est certain que leur domaine d'intervention était distinct, Mr [H] assumant la gestion commerciale administrative et juridique de la société (selon le mandat des autres gérants), tandis que Mr [J] devait s'occuper de la réception des marchandises et du quai des arrivages, mais également de réaliser ponctuellement et non chaque matin, comme la société le soutient, les 'versements banque' ; sur ce point elle produit des documents intitulés 'dépôts d'espèces, centralisation de recette', en date des 15, 28, 30 et 31 janvier 2013, démontrant que Mr [J] a effectué ces 4 jours- là les versements à la banque de la recette journalière du magasin; cette tâche ponctuelle ne saurait démontrer que Mr [J] pouvait consulter les comptes et avait de manière permanente la signature sur les comptes de la société.

Ses fonctions subalternes dans le fonctionnement de la société sont confirmées par son salaire qui se situe en 4ème position parmi les gérants, Mr [H] ayant un salaire deux fois plus élevé.

Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, à savoir la prééminence de Mr [H] dans la création et le fonctionnement de la société, son rôle décisif dans la révocation de Mr [J], le rôle subalterne de Mr [J] tant dans la nature technique et limitée de ses fonctions que dans les modalités de l'exercice de ses fonctions (soumis à des ordres et à la modification de ses horaires de travail au gré des autres gérants), il apparaît que Mr [J] se trouvait dans un lien de subordination caractérisant la relation salariée.

Il en résulte que l'existence d'un contrat de travail entre Mr [J] et la société LA TEAM GS, concomitamment avec le mandat social de Mr [J], emporte la compétence du Conseil des Prud'hommes.

Le jugement du Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY sera donc infirmé, et le contredit accueilli, la Cour renvoyant le jugement de l'affaire devant ledit Conseil.

Le contredit étant accueilli, il convient de débouter la société LA TEAM GS de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux frais de contredit.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement du Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY en date du 9 février 2015 ;

FAIT DROIT au contredit formé par Mr [J] ;

DIT que le Conseil de Prud'hommes était compétent pour statuer sur le litige entre Mr [J] et la société LA TEAM GS, vu l'existence d'un contrat de travail ;

RENVOIE le jugement de l'affaire devant le Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY pour qu'il soit statué sur les demandes indemnitaires de Mr [J], et dit que le greffe de cette chambre transmettra l'affaire audit Conseil avec une copie de la présente décision ;

DÉBOUTE la société LA TEAM GS de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et met à sa charge les frais de contredit.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/01295
Date de la décision : 03/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/01295 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-03;15.01295 ?
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