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22/10/2015 | FRANCE | N°14/00719

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 22 octobre 2015, 14/00719


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 OCTOBRE 2015



R.G. N° 14/00719

RND/AZ



AFFAIRE :



[M] [L]





C/

SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTION FRANCE(KMBSF)





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE

Section : Encadrement

N° RG

: 13/00198





Copies exécutoires délivrées à :



Me Christian DELUCCA

la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES





Copies certifiées conformes délivrées à :



[M] [L]



SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTION FRANCE(KMBSF)

Pôle Emploi





le : ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 OCTOBRE 2015

R.G. N° 14/00719

RND/AZ

AFFAIRE :

[M] [L]

C/

SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTION FRANCE(KMBSF)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE

Section : Encadrement

N° RG : 13/00198

Copies exécutoires délivrées à :

Me Christian DELUCCA

la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

[M] [L]

SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTION FRANCE(KMBSF)

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Christian DELUCCA, avocat au barreau de NICE

APPELANT

****************

SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTION FRANCE(KMBSF)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Eric SEGOND de la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0172, M. [P] (Salarié)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie BOSI, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 9 juin 2000 prenant effet le 19 juin suivant, monsieur [M] [L] a été engagé par la SA KONICA BUREAUTIQUE, devenue, après fusion avec la société MINOLTA, la SA KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE (ci-après KMBSF), en qualité de chargé de clientèle 1, niveau 4, échelon 1 coefficient 255.

La société KMBSF, qui commercialise du matériel de bureautique, applique la convention collective des industries métallurgiques et connexes de la région parisienne et emploie plus de 11 salariés.

L'article 3 du contrat de travail stipulait une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable calculée selon un plan de rémunération variable (PRV) portant sur l'exercice fiscal allant du 1er avril au 31 mars de l'année suivante.

Plusieurs avenants ont été apportés au contrat de travail de monsieur [M] [L] :

- 09 mars 2001 : chargé de clientèle 3, niveau 5, coefficient 305,

- 10 juillet 2002 : ingénieur commercial 1, niveau 5, échelon 3, coefficient 335,

- 19 juillet 2007 : ingénieur commercial 2, cadre II, indice 100 définissant les conditions de la rémunération variable,

- 13 mai 2008 : ingénieur commercial grands comptes Ile de France 2, indice 100, cadre II.

Les parties sont en désaccord sur le montant du dernier salaire de monsieur [M] [L].

Par lettre recommandée du 17 avril 2013, monsieur [M] [L] a refusé le PRV 2013/2014 en arguant de ' changements très importants quant à la fixation, le calcul et le montant de (sa) rémunération variable ...pénalisent fortement la partie variable de (sa) rémunération qui constitue la part essentielle de (sa) rémunération totale fixe+variable '. Il a demandé à la société KMBSF de continuer à calculer ses commissions et primes selon les modalites fixés à son précédent PRV 2012/2013.

Le 19 avril 2013, la société KMBSF a répondu au salarié que son contrat de travail prévoyait le principe même de cette modification et l'a invité à saisir la juridiction prud'homale, lui précisant qu'elle se plierait à la décision de celle-ci.

De nouveaux échanges de courriers recommandés ont eu lieu entre les parties les 24 avril, 2, 18 et 27 mai 2013 aux termes desquels la société a indiqué au salarié qu'elle lui appliquerait le nouveau PRV en attendant l'issue du litige prud'homal.

Suivant requête enregistrée au greffe le 24 avril 2013, monsieur [M] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Germain En Laye (section Encadrement) aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement d'indemnités de rupture.

Par jugement du 13 janvier 2014, la juridiction prud'homale a débouté monsieur [M] [L] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.

La société KMBSF, par lettre recommandée du 10 décembre 2013 a mis monsieur [M] [L] à pied à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 19 décembre 2013 et, par lettre adressée sous la même forme le 24 décembre 2013, l'a licencié pour faute lourde pour inactivité et refus d'exécuter loyalement ses obligations contractuelles.

Le 27 janvier 2013, monsieur [M] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions transmises au greffe le 1er juillet 2015 et soutenues oralement par son conseil, pour monsieur [M] [L] qui demande à la cour, infirmant le jugement, de :

à titre principal,

- déclarer nuls les alinéas 1 et 3 du contrat de travail, prononcer sa résiliation judiciaire aux torts de la société KMBSF,

- condamner la société KMBSF à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :

* 2 941,92 euros à titre de rappel de salaire correspondant à sa période de mise à pied conservatoire,

* 294 euros au titre des congés payés y afférents,

* 36 774 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 13 677 euros au titre des congés payés y afférents,

* 84 273,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 294 192 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et préjudice vexatoire,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner la société KMBSF à lui payer les sommes susvisées à l'exception de celle pour exécution fautive du contrat de travail, avec intérêts légaux à compter de la saisine,

- condamner la société aux dépens,

Vu les conclusions n°2 transmises au greffe le 9 septembre 2015 et soutenues oralement par son conseil pour la société KMBSF qui demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement et dire sans objet la demande en résiliation judiciaire soutenue postérieurement à un licenciement,

subsidiairement,

- dire injustifiée en fait et en droit la demande de résiliation judiciaire et débouter monsieur [M] [L] de toutes les demandes afférentes,

- dire le licenciement fondé sur une faute lourde,

en conséquence et en tout état de cause,

- débouter monsieur [M] [L] de ses demandes à titre d'indemnité de licenciement, de préavis et des congés payés y afférents ainsi que de sa demande de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour licenciement abusif et exécution fautive du contrat de travail,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu la lettre de licenciement,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

Considérant que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie postérieurement pour des faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement prononcé par l'employeur ;

Que la société KMBSF ayant notifié à monsieur [M] [L] son licenciement le 24 décembre 2013, soit postérieurement à la saisine par ce dernier du conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, il y a lieu de statuer en premier lieu sur celle-ci en examinant les manquements invoqués par le salarié rendant impossible la poursuite du contrat de travail sans qu'il y ait lieu, à ce stade, contrairement à ce que soutient la société, de prendre en considération les griefs qu'elle énonce à l'appui du licenciement ;

Que, plus encore, la société KMBSF est particulièrement malvenue à soutenir devant la cour d'appel que le licenciement prononcé avant que le juge ne statue sur la demande de résiliation judiciaire rend celle-ci sans objet alors que la société a engagé la procédure de licenciement le 10 décembre 2013 et licencié le salarié pour faute lourde, postérieurement à l'audience du bureau de jugement du 18 novembre 2013 sans même attendre l'issue du délibéré prévu le 13 janvier 2014 ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, monsieur [M] [L] soutient que la société KMBSF a modifié sans son accord le mode de calcul de sa rémunération variable, laquelle constitue un élément de son contrat de travail, et qu'une clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle d'un salarié ;

Que le salarié ne disconvient pas avoir accepté les modifications contenues dans les précédents PRV mais parce jusqu'alors elles n'avaient pas eu pour effet de pénaliser la rémunération variable des commerciaux à activité et résultats égaux ou de modifier la structure des PRV ;

Considérant que la société KMBSF ne conteste pas la modification du PRV pour l'exercice 2013/2014 mais objecte qu'il ne s'agit que d'une stricte application du contrat de travail de monsieur [M] [L] qui prévoyait le principe d'une variation de sa rémunération variable qui dépendait en l'espèce de la fixation d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, soulignant que ce dernier peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice, étant admis par ce dernier que les données relatives aux éléments de calcul de sa rémunération variable lui ont bien été communiquées début avril 2013 ;

Considérant que l'avenant du 19 juillet 2007 au contrat de travail de monsieur [M] [L] stipule à l'alinéa du paragraphe intitulé rémunération, consacré à la partie variable :

' Les principes et les modalités de la partie variable sont définis dans le cadre du plan de rémunération dont les conditions sont adaptées à la stratégie et aux objectifs de l'entreprise et dont les modalités précises sont portées à votre connaissance.

L'organisation des ventes, la distribution, la composition des secteurs, l'établissement des listes de client étant du ressort exclusif de la direction, celle-ci se réserve expressément le droit de modifier sa composition dans que cela ouvre le droit à une quelconque indemnité.

La fixation des objectifs n'étant que l'application individuelle de la politique commerciale générale de l'entreprise, leur refus de les accepter constituera un motif réel et sérieux de rupture de contrat.

L'acceptation du contrat de travail comporte l'acceptation d'une remise en cause régulière du plan de rémunération variable.' ;

Considérant qu'il résulte de la comparaison entre le PRV 2012/2013 que monsieur [M] [L] n'avait pas contesté et le PRV 2013/2014 qu'il a expressément refusé :

- que le PRV 2012/2013 stipulait schématiquement :

* A une commission mensuelle sur CA Matériel (hors marge) en cumul trimestriel de réalisation de C,

* B une commission mensuelle sur CA Prestations et Solutions (hors marge) en cumul trimestriel de réalisation de CA,

* C une commission mensuelle sur Marge y compris Focus en cumul trimestriel de réalisation marge et du nombre de matériels couleurs vendus,

* C' une prime annuelle A4 (de 1 000 euros dès réalisation de placements annuels de 120 matériels A4 avec contrat d'entretien obligatoire,

* D une prime mensuelle sur les Placements MFP et Printers,

* E une prime annuelle Productions Printing ;

- que le PRV 2013/2014 prévoyait notamment :

* la disparition de la commission mensuelle sur Prestations en la fusionnant avec la commission mensuelle sur le CA Matériel sous le nouvel intitulé commission mensuelle sur CA Matériel et Prestations, la modification des tranches de CA et des taux de commissionnement,

* la baisse des taux de commissionnement sur les Solutions, désormais isolés, passant de 5% jusqu'à 20 000 euros et de 7% au dessus de 20 000 euros à 6% jusqu'à 60 000 euros et 3% au dessus de 60 000 euros,

* le remplacement par un taux uniforme de 1% des commissions mensuelles sur Marge Serians et de 10% sur Marge y compris Focus qui étaient selon les seuils de CA de 5 , 15 et 18%,

* la suppression des primes annuelles A4,

* la baisse des valeurs dites PKM permettant le calcul de la prime mensuelle sur les Placements MFP et Printers passant de 5, 8 et 12 euros selon les seuils à 3, 5, ,7 et 1,5 euros ;

Que la note intitulée Présentation des PRV DVD FY FY 13-14 que la société KMBSF a soumise le 22 mars 2013 au comité d'entreprise le 22 mars 2013 reprend à la rubrique consacrée aux ingénieurs grands comptes plusieurs modifications relevées par le salarié sur les augmentations de 5% des objectifs CA matériel, solution et marge, la ' légère ' baisse du taux de commission sur CA matériel, la suppression de la prime annuelle A4 ou la baisse nominale des PKM ;

Que monsieur [M] [L] a dressé un tableau comparatif de ses commissions selon les deux PRV dont il ressort qu'avec celui de 2012/2013, il aurait perçu un total de commissions de 59 200,07  euros et 44 375,92 euros avec celui de 2013/2014 soit une perte de 25% en un an ; qu'il n'est pas critiqué quand il affirme que sa rémunération variable représente les 3/4 de sa rémunération totale ;

Que la société KMBSF qui plaide que le nouveau PRV refusé par une poignée de collaborateurs leur était en réalité favorable s'appuie sur une critique chiffrée du tableau précité par monsieur [Q] directeur national des ventes régions qui écrit toutefois que ' la structure de certaines rubriques a évolué... et que d'autres sont apparues ';

Que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise transcrit les inquiétudes des représentants du personnel qui ne donnent pas d'avis favorable au nouveau PRV mais se bornent à remercier la direction pour les informations fournies et à relayer les inquiétudes du personnel sur le changement de culture des commerciaux que représente le 'passage au facturé' et la situation des grands comptes surtout en Ile de France ;

Considérant que les exemples fournis par les deux parties font ressortir que sous couvert de nouvelles modalités de calcul des objectifs relevant du pouvoir de son pouvoir de direction, la société KMBSF a apporté dans le nouveau PRV des modifications d'importance sur la structure même de la rémunération variable du salarié, laquelle constitue un élément de son contrat de travail ;

Considérant qu'il est rappelé qu'un élément du contrat de travail d'un salarié ne peut être modifié sans son accord ;

Que, force est de constater que l'avenant précité tel qu'il est rédigé en termes généraux et imprécis aboutit à ce que le salarié accepte par avance la modification ultérieure de la part variable de sa rémunération ;

Que la société ne pouvait faire application de ces clauses contractuelles pour lui imposer une modification de son contrat de travail remettant en cause la structure de sa rémunération variable ;

Que la société KMBSF ne peut tirer argument de la jurisprudence validant une variation de la rémunération si elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, qu'elle ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et qu'elle n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels alors qu'elle ne remplit pas ces trois conditions cumulatives ;

Qu'en effet l'avenant qui se borne à renvoyer en termes généraux et imprécis à la stratégie et aux objectifs de l'entreprise et non pas à des éléments objectifs indépendants de sa volonté ne peut pas trouver application pour justifier les modifications apportées par le PRV 2013/2014 ;

Considérant que la mise en application par la société KMBSF, dès le mois d'avril 2011, d'un PRV modifiant la structure de la rémunération variable de monsieur [M] [L] sans l'accord de ce dernier, et même malgré son refus exprès, constitue à elle seule un manquement persistant de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail et justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts qui prendra effet à la date à laquelle le contrat de travail a été effectivement rompu, soit le 24 décembre 2013, date de la notification du licenciement, et produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'il n'y a plus lieu à examiner les causes du licenciement pour faute lourde ;

Que sera infirmé en toutes ses dispositions, le jugement ayant débouté monsieur [M] [L] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des demandes subséquentes d'indemnités de rupture ;

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et sur les indemnités de rupture

Considérant que la résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, monsieur [M] [L] peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et à des indemnités de rupture ; qu'il convient de faire droit à ses demandes formulées en application des conditions légales et conventionnelles et de lui allouer les sommes suivantes au vu des pièces versées aux débats :

* 2 941,92 euros à titre de rappel de salaire correspondant à sa période de mise à pied conservatoire, outre 294 euros au titre des congés payés y afférents,

* 36 774 euros à titre d'indemnité de préavis outre 13 677 euros au titre des congés payés y afférents,

* 84 273,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Qu'en application des articles 1153 et 1153-1 du code du travail, ces sommes allouées, de nature salariale, seront productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;

sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Considérant qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, monsieur [M] [L] qui avait au moins deux années d'ancienneté au sein d'une société employant habituellement au moins onze salariés, peut, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;

Qu'eu égard à son âge au moment de son licenciement (50 ans), à son ancienneté dans l'entreprise de plus de 23 ans, du montant de la rémunération de 5 537,96 euros qui lui était versée calculée sur la moyenne des 12 derniers mois précédant la rupture et non pas sur l'année 2012 comme le fait le salarié, à ce qu'il n'a pas retrouvé d'emploi salarié au vu des justificatifs produits sur sa prise en charge par le Pôle emploi du 24 décembre 2013 au 30 juin 2015 et des incidences sur ses droits à la retraite par perte de trimestres de cotisations et enfin à ce que l'employeur lui a imposé à tort et malgré son refus exprès un PRV modifiant son contrat de travail, il convient d'allouer à monsieur [M] [L], en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 85 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que faisant application du pouvoir discrétionnaire accordé par l'article 1153-1 du code civil, la cour fixe le point de départ des intérêts au taux légal assortissant cette créance indemnitaire à compter du jugement entrepris qui aurait dû consacrer son principe ; que le salarié n'allègue ni ne justifie de circonstances permettant de faire remonter cette date à celle de la saisine du conseil de prud'hommes ;

sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société KMBSF aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à monsieur [M] [L] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois ;

Sur les dommages-intérêts distincts pour licenciement abusif et préjudice vexatoire

Considérant qu'alors que la société KMBSF avait invité expressément le salarié à saisir la juridiction prud'homale pour trancher leur différend sur la rémunération variable et s'était engagée à attendre la décision des juges, force est de constater qu'avant même le délibéré prévu le 13 janvier 2014 sur la demande de résiliation judiciaire, elle a entrepris de licencier monsieur [M] [L] pour faute lourde, la sanction la plus élevée dans l'échelle des sanctions disciplinaires privative de toute indemnité avec une mise à pied conservatoire vécue comme humiliante, éléments qui pris ensemble caractérisent les circonstances vexatoires de la rupture ;

Qu'il y a lieu d'allouer à monsieur [M] [L] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi distinct de celui réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ce, avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

Sur les dommages-intérêts distincts pour exécution fautive du contrat de travail

Considérant que monsieur [M] [L] invoque à l'appui de cette demande le changement unilatéral du PRV et son application autoritaire par l'employeur, griefs qui ont déjà été pris en compte dans l'appréciation du bien fondé de la résiliation judiciaire et dans l'évaluation du préjudice réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts distincts de ce chef ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant qu'il apparaît équitable de condamner la société KMBSF, partie perdante tenue aux entiers dépens, à payer à monsieur [M] [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ; que la société KMBSF sera déboutée de cette même demande ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, STATUANT PAR ARRET CONTRADICTOIRE,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye en date du 13 janvier 2014,

STATUANT A NOUVEAU :

DIT qu'il y a lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de monsieur [M] [L] ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de monsieur [M] [L] aux torts de la SA KONIKA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE et dit qu'elle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 24 décembre 2013 ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur le licenciement pour faute lourde de monsieur [M] [L] notifié le 24 décembre 2013 ;

CONDAMNE la SA KONIKA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE à payer à monsieur [M] [L] les sommes brutes suivantes,:

* 2 941,92 euros à titre de rappel de salaire correspondant à sa période de mise à pied conservatoire,

* 294 euros au titre des congés payés y afférents,

* 36 774 euros à titre d'indemnité de préavis outre 13 677 euros au titre des congés payés y afférents,

* 84 273,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;

* 85 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

DEBOUTE monsieur [M] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

ORDONNE le remboursement par la SA KONIKA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à monsieur [M] [L] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois ;

CONDAMNE la SA KONIKA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE à payer à monsieur [M] [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;

DEBOUTE la SA KONIKA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA KONIKA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE aux entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par madame Sylvie BOSI, président, et madame Claudine AUBERT, greffier.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00719
Date de la décision : 22/10/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°14/00719 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-22;14.00719 ?
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