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17/09/2015 | FRANCE | N°14/03739

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 17 septembre 2015, 14/03739


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES











19ème chambre



ARRET N° 445/2015



contradictoire



DU 17 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 14/03739



AFFAIRE :



[Y] [Z]





C/

SAS MODIS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS DATAVANCE INFORMATIQUE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

RG : 12/00655





Copies exécutoires délivrées à :





Me Adeline DASSONVILLE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[Y] [Z]



SAS MODIS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS DATAVANCE INFORMATIQUE







le : 23-09-2015

RÉPUBLIQU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

19ème chambre

ARRET N° 445/2015

contradictoire

DU 17 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 14/03739

AFFAIRE :

[Y] [Z]

C/

SAS MODIS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS DATAVANCE INFORMATIQUE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/00655

Copies exécutoires délivrées à :

Me Adeline DASSONVILLE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Y] [Z]

SAS MODIS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS DATAVANCE INFORMATIQUE

le : 23-09-2015

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne

APPELANT

****************

SAS MODIS FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS DATAVANCE INFORMATIQUE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Adeline DASSONVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1019, substituée par Me Pauline CARROILLO, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat à durée déterminée du 5 décembre 2007, monsieur [Y] [Z] a été engagé par la société DATAVANCE INFORMATIQUE comme assistant juridique pour la période du 4 au 31 décembre 2007 en raison d'un accroissement d'activité temporaire de l'entreprise.

À compter du 1er janvier 2008 et suivant contrat à durée indéterminée du 31 décembre 2007 il a été engagé par cette même société comme juriste de droit social, statut cadre, position 1.2 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils, dite Syntec applicable au sein de l'entreprise, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 666€ pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures.

Par courrier du 31 décembre 2007 l'employeur attribuait au salarié une prime de 1 000 euros payable au 31 décembre 2008.

Le contrat comprenait une clause de non-concurrence d'une durée de douze mois à compter du départ du salarié de l'entreprise.

Par lettre recommandée du 24 mars 2009, monsieur [Y] [Z] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 31 mars 2009 puis s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée datée du 29 avril 2009, présentée le 2 mai 2009, la date d'envoi de la lettre faisant litige entre les parties.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, monsieur [Y] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 10 août 2009 afin d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaires pour heures supplémentaires non réglées et une « indemnité de non-concurrence ».

Parallèlement, monsieur [Y] [Z] avait saisi en référé le conseil de prud'hommes de Nanterre, lequel par ordonnance du 13 novembre 2009 a condamné la société DATAVANCE INFORMATIQUE à lui verser à titre de provision les sommes de 1 500 € au titre de l'indemnité de clause de non-concurrence, 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement des heures supplémentaires et d'indemnité de congés payés pour jours de fractionnement.

Par arrêt de la cour d'appel du 9 novembre 2010, la société DATAVANCE INFORMATIQUE a été condamnée à payer à monsieur [Y] [Z] les sommes provisionnelles de 2 000 € à valoir sur le préjudice lié à la clause de non-concurrence et de 246 € à valoir sur le rappel de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2009 sur 1 500 euros et à compter du jugement pour le surplus, outre 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MODIS FRANCE est venue aux droits de la société DATAVANCE INFORMATIQUE à la suite d'une opération de fusion à effet au 1er janvier 2012.

Par jugement du 24 juin 2014, intervenant après radiation et rétablissement de l'affaire sollicité le 15 mars 2012, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, a :

- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société MODIS FRANCE à payer à monsieur [Y] [Z] les sommes de :

-246,15 euros à titre de salaires pour jours de fractionnement, cette somme devant être compensée par celle déjà versée au titre de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 novembre 2010,

-2 000 euros à titre d'indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise à disposition du jugement,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sur l'indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence,

- débouté monsieur [Y] [Z] de toutes ses autres demandes,

- débouté la société MODIS FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

- condamné monsieur [Y] [Z] aux dépens.

Monsieur [Y] [Z] a régulièrement relevé appel partiel du jugement le 28 juillet 2014.

Aux termes de ses écritures, transmises le 10 février 2015, soutenues oralement par lui-même à l'audience, monsieur [Y] [Z] demande à la cour de condamner la société MODIS FRANCE à lui payer les sommes de :

- 32 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 16 000 € à titre d'indemnité pour licenciement brutal,

- 16 000 € à titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi par le harcèlement effectué,

- 2 793,22 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 279,32 euros au titre des congés payés y afférents,

- 389,18 euros à titre d'indemnité pour retard de paiement des heures supplémentaires,

- 16 000 € à titre d'indemnité de non-concurrence,

- 246,15 euros au titre des jours de fractionnement,

- 592,59 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Il sollicite également la condamnation de l'employeur à lui remettre sous astreinte de 90 € par jour de retard :

* ses bulletins de paie pour la période courant de décembre 2007 à mai 2009,

*une attestation ASSEDIC.

Il sollicite enfin « l'exécution provisoire de l'intégralité du jugement » et « l'intérêt légal ».

Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience du 5 juin 2015 et soutenues oralement, la société MODIS FRANCE demande à la cour de :

- rectifier l'erreur matérielle comprise dans le jugement en ce qu'il omet de préciser que la somme de 2 000 € accordée à monsieur [Y] [Z] à titre d'indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence est compensée par celle déjà versée par la société DATAVANCE INFORMATIQUE aux droits de laquelle intervient la société MODIS FRANCE en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 novembre 2010,

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer à monsieur [Y] [Z] les sommes de :

- 246,15 euros à titre de salaires pour jours de fractionnement,

- 2 000 € à titre d'indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise à disposition du jugement,

- débouter monsieur [Y] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à lui restituer, outre les sommes provisionnelles versées en exécution de la procédure de référé les sommes de 2000 € pour le préjudice lié à la clause de non-concurrence, 246 € pour le fractionnement des congés payés, 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner monsieur [Y] [Z] à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience,

Vu la lettre de licenciement,

SUR CE :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur [Y] [Z] soutient que le licenciement a fait suite à une dégradation importante de ses conditions de travail en raison d'une part du harcèlement moral que lui faisait subir sa responsable hiérarchique laquelle ne lui donnait pas de consignes ou alors volontairement imprécises ou incompréhensibles, pratiquait de la rétention d'information, lui attribuait des tâches humiliantes dépourvues de sens par rapport à sa fonction, lui impartissait des délais impossibles à tenir, bouleversait ses plannings et lui infligeait des critiques incessantes, des brimades et des humiliations, l'ensemble ayant eu des conséquences sur son état de santé et d'autre part en raison de la systématisation d'un management agressif et brutal utilisé à dessein pour le pousser à la démission ou à la faute.

Monsieur [Y] [Z] fait état des faits suivants :

- Sa supérieure hiérarchique, madame [D] [R], lui a adressé le 20 avril 2009 une demande sur le retour d'une salariée en congé parental et lui a reproché une réponse inadéquate qu'induisait pourtant selon lui l'imprécision de sa question.

- Il ne recevait pas régulièrement les convocations pour le comité d'entreprise.

- Elle lui demandait de solliciter des renseignements dont elle disposait déjà, ainsi que l'établit l'échange de mails du 21 et 22 octobre 2008 à propos des adresses mails des membres du comité d'entreprise, des délégués du personnel et des membres du CHSCT ou l'échange du 29 avril 2009 à propos de l'avenant du contrat de travail d'un salarié.

- Elle ne répondait pas à ses demandes.

- Elle lui a demandé de livrer les bagages personnels d'un salarié, ou de faire les valises d'un autre, tâches humiliantes n'entrant pas dans ses attributions.

- Elle bouleversait ses plannings de travail en lui demandant de travailler dans l'urgence sur un sujet, ainsi le 17 avril 2009 elle a décidé de programmer une réunion sur les élections professionnelles dont le premier tour avait lieu le 5 mai 2009 alors qu'il avait programmé un état des lieux sortant pour un appartement loué par la société qu'il a dû décommander, de même que le 4 mai 2009 il a dû arrêter son travail pour mettre à jour un tableau.

- Elle lui faisait subir des critiques incessantes des brimades et des humiliations.

- Elle mettait en doute les réponses juridiques qu'il lui apportait notamment une fois à propos des élections professionnelles une autre fois à propos d'un congé parental d'éducation ou menaçait son avenir professionnel dans la société ainsi qu'en atteste un salarié de l'entreprise monsieur [A] [M].

- Il a présenté un arrêt de travail du 6 au 13 mars 2009 mentionnant un syndrome anxio-dépressif réactionnel et s'est vu prescrire des médicaments,

- Le service des relations humaines dirigées par madame [D] [R] a connu un « turn over » important avec des salariés en CDI qui n'ont pas supporté leurs conditions de travail (monsieur [W] madame [U], madame [E] qui conteste son licenciement, une stagiaire qui a quitté la société prématurément (madame [Q] [N]) et une personne en contrat de professionnalisation qui n'a pas supporté le comportement agressif de sa supérieure (madame [H] [I])

- Le médecin du travail dans son rapport annuel en 2008 a fait état de souffrance au travail pour deux salariées du service des relations humaines (p 248) et a saisi le CHSCT en la personne de monsieur [M], délégué du personnel par courrier du 22 décembre 2008 (p 249) mentionnant le cas de ' deux ou trois jeunes femmes '.

- Monsieur [A] [M], atteste avoir été témoin des importants mouvements de personnel dans le service dirigé par madame [R] et avoir recueilli les doléances de plusieurs salariés.

La cour observe que si certains des faits allégués par le salarié ne sont pas établis dans la mesure où ils ne sont justifiés par aucune pièce communiquée aux débats, tels que l'absence de convocations pour les réunions du comité d'entreprise, l'absence de réponses à ses demandes, les critiques incessantes, les brimades et les humiliations que sa supérieure lui ferait subir, en revanche, pour le surplus, les faits sont établis et pris dans leur ensemble laissent présumer des agissement de harcèlement moral dont il appartient à l'employeur de démontrer qu'ils n'en sont pas constitutifs et sont justifiés par des éléments qui y sont objectivement étrangers.

La cour relève que la formulation de demandes imprécises qui ne peuvent qu'induire une réponse inadaptée, l'employeur ne pouvant valablement soutenir qu'il suffisait de chercher dans le dossier de la salariée dont il était question pour comprendre le sens de la question posée ; les demandes formées sur des éléments déjà en possession de la supérieure que l'employeur explique par la surcharge de travail de sa DRH ; la demande faite au salarié de vider un appartement mis à disposition des collaborateurs de l'entreprise sans aucun lien avec les fonctions de juriste de monsieur [Y] [Z], que l'employeur reconnaît mais qualifie d'anecdote ; la remise en cause à plusieurs reprises des affirmations du salarié dans son domaine de compétence que la rigueur alléguée par l'employeur ne suffit pas à justifier ; le climat de souffrance au travail dénoncé par le médecin du travail en 2008, confirmé par le délégué du personnel [A] [M], comme par les nombreux départs du service des relations humaines auquel appartient le salarié que la société ne conteste pas et dont atteste également madame [E] ; les menaces faites par la supérieure de monsieur [Y] [Z] de compromission de son avenir dans la société s'il ne changeait pas ses dates de vacances dont atteste monsieur [M] suffisent à caractériser le harcèlement moral que l'ensemble des faits établis par le salarié laissait présumer, en l'absence de démonstration par l'employeur de ce qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étranger à tout fait de harcèlement

Sur les dommages intérêts pour harcèlement moral :

Le préjudice subi par monsieur [Y] [Z] en raison du harcèlement moral dont il a été victime sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les heures supplémentaires :

Monsieur [Y] [Z] soutient avoir accompli entre le 6 décembre 2007 et le 27 mai 2009, 127,08 heures supplémentaires, au-delà de son horaire de travail de 9 heures à 17h50 du lundi au jeudi et de 9 heures à 15h20 le vendredi tel qu'il était affiché dans l'entreprise et détaille dans ses écritures la liste des heures supplémentaires dont il réclame le paiement en communiquant des mails professionnels adressés en dehors de son temps de travail.

La société MODIS FRANCE indique que monsieur [Y] [Z] avait accès à sa messagerie professionnelle depuis son domicile, conteste avoir demandé à son salarié d'exécuter des heures supplémentaires, souligne que certains messages communiqués ont été imprimés après la fin d'exécution du préavis, à des heures ou des jours où monsieur [Y] [Z] était chez lui et précise que les heures mentionnées sur certains messages sont erronées, les réponses étant adressées à des heures antérieures à celles des demandes.

Au vu des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, monsieur [Y] [Z] calcule les heures supplémentaires dont il réclame le paiement à partir des courriels envoyés depuis sa messagerie professionnelle et étaie ainsi suffisamment sa demande même si l'employeur démontre de son côté qu'il avait la possibilité d'utiliser sa messagerie professionnelle à partir de son domicile comme en atteste son directeur informatique dès lors que la proximité des heures d'envoi des messages avec la fin de la journée de travail et celle des demandes et des réponses suffit à établir l'activité professionnelle de monsieur [Y] [Z] au siège social de l'entreprise.

Il sera par conséquent fait droit à la demande, l'employeur n'apportant aucun élément de nature à contredire les allégations du salarié quant à ses horaires et la société MODIS FRANCE sera condamnée à verser à monsieur [Y] [Z] une somme de 2 793,22 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 279,32 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Monsieur [Y] [Z] sollicite également une somme de 389,18 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé l'absence de paiement des heures supplémentaires puisque celles-ci n'ont pu rentrer en compte pour le calcul de ses allocations de retour à l'emploi versées par les ASSEDIC. Il ne justifie cependant pas du montant qu'il a perçu à ce titre et par conséquent de son préjudice et sa demande sera donc rejetée.

Sur la clause de non-concurrence :

La clause de non concurrence insérée au contrat prévoit que le salarié « s'engage à ne pas travailler sous quelque statut que ce soit, directement ou par personne interposée chez les clients de DATAVANCE INFORMATIQUE pour lesquels monsieur [Y] [Z] est intervenu. Cette interdiction sera valable pendant une période de douze mois à compter de la date de son départ de la société. Cette clause est limitée à [Localité 3] et à la région parisienne. »

Monsieur [Y] [Z] soutient que dans la mesure où la clause de non-concurrence ne prévoit pas expressément la possibilité pour l'employeur d'y renoncer unilatéralement cette renonciation ne peut se faire qu'avec son accord, lequel n'a pas été obtenu. Il soutient que de ce fait la renonciation est nulle et sollicite en conséquence une indemnité de 6 % de sa rémunération mensuelle en réparation de son préjudice.

La société MODIS FRANCE s'oppose à la demande en faisant valoir que monsieur [Y] [Z] ne justifie d'aucun préjudice.

Le contrat de travail ne donnant pas à l'employeur la possibilité de renoncer unilatéralement à la clause de non concurrence, la renonciation faite par la société MODIS FRANCE n'est pas opposable au salarié. Comme elle ne prévoit pas de contrepartie financière, et que monsieur [Y] [Z] n'entend pas se prévaloir de la nullité de la clause, son application lui cause nécessairement un préjudice qui sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros.

Sur le paiement des jours de fractionnement :

Monsieur [Y] [Z] sollicite une somme de 246,15 € et la confirmation du jugement au titre du paiement des jours de fractionnement auxquels il soutient avoir droit en application de l'article L.3141-19 du code du travail pour avoir pris ses congés de façon fractionnée .

La société MODIS FRANCE s'oppose à la demande en faisant valoir que seul le fractionnement des congés payés sollicité par l'employeur peut donner lieu à l'acquisition de jours de congés supplémentaires alors qu'en l'espèce, le fractionnement a été sollicité par le salarié.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, les jours supplémentaires sont dus que le fractionnement soit à l'initiative du salarié ou de l'employeur de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

Monsieur [Y] [Z] soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où il est intervenu irrégulièrement dès lors que la date d'envoi de la lettre de licenciement n'est pas certaine et que par conséquent la sanction disciplinaire est intervenue plus d'un mois après le jour de l'entretien préalable. Par ailleurs, sur le fond, il conteste les faits qui lui sont reprochés et soutient que la cause réelle du licenciement procède d'un harcèlement moral ayant eu des répercussions sur son état de santé et d'un motif économique.

La société MODIS FRANCE soutient que la lettre de licenciement a été envoyée dans les délais, que les reproches formés à l'encontre de monsieur [Y] [Z] sont fondés et conteste tout fait de harcèlement moral.

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Il résulte de l'article L. 1332'2 du code du travail dans sa version en vigueur au moment du licenciement qu'une sanction disciplinaire ne peut intervenir moins d'un jour franc ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable.

En l'espèce, la lettre de licenciement ayant été reçue par le salarié le 2 mai, elle a nécessairement été envoyée avant et dès lors que le premier mai est un jour férié et chômé et que l'employeur justifie par un relevé informatique que le courrier a été adressé le 30 avril 2009 l'irrégularité soulevée sera rejetée.

Sur le bien fondé du licenciement :

Le harcèlement moral étant caractérisé, le licenciement de monsieur [Y] [Z] qui en est l'ultime conséquence est dénué de cause réelle et sérieuse, conformément à la demande qui est présentée et confirmée à l'audience sur interrogation de la cour, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les griefs formés par l'employeur étaient justifiés.

Sur les conséquences du licenciement :

Monsieur [Y] [Z], employé depuis moins de deux ans dans une entreprise comprenant au moins onze salariés peut prétendre à l'indemnisation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-5 du code du travail. Compte tenu de son âge au moment du licenciement, (né en 1983) de son ancienneté dans l'entreprise (embauché en décembre 2007) du montant de sa rémunération, de ce qu'il justifie de sa situation postérieure au licenciement, son préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Monsieur [Y] [Z] réclame également une somme de 16 000 euros en raison du caractère brutal du licenciement, cependant il ne justifie pas de la brutalité alléguée et sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Sur l'indemnité de licenciement :

Monsieur [Y] [Z] sollicite une somme de 592,59 euros en complément de la somme qui lui a été versée par l'employeur en soutenant que l'indemnité conventionnelle de licenciement lui est due bien qu'il n'ait pas les deux ans d'ancienneté exigés par la convention collective dès lors que la condition d'ancienneté doit s'apprécier en fonction de ce que prévoit l'article R. 1234-2 du code du travail.

L'employeur s'oppose à la demande en soutenant que monsieur [Y] [Z] a été rempli de ses droits et ne peut prétendre au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement dès lors qu'il n'a pas les deux ans d'ancienneté requis.

Monsieur [Y] [Z] ne peut prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement puisqu'il ne remplit pas les conditions d'ancienneté exigées expressément par l'article 18 de la convention collective. Il ne peut non plus prétendre à une indemnité panachée entre les dispositions légales et les dispositions conventionnelles et a en conséquence été rempli de ses droits par l'attribution de l'indemnité légale de licenciement et sera en conséquence débouté de sa demande.

Sur les documents sociaux et les bulletins de salaire :

La société MODIS FRANCE devra remettre à monsieur [Y] [Z] les bulletins de salaire et les documents sociaux conformes à la présente décision, sans toutefois qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte.

Sur les intérêts au taux légal :

Les intérêts au taux légal seront dus à compter du 20 mars 2012 date de la réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes s'agissant des créances de nature salariale et à compter de la présente décision s'agissant des créances de nature indemnitaire.

Sur l'exécution provisoire :

La demande relative à l'exécution provisoire sera rejetée, la présente décision n'étant pas susceptible d'un quelconque recours suspensif de son exécution.

Sur la demande de rectification matérielle :

La demande de rectification d'erreur matérielle sera rejetée, aucune compensation n'ayant à être ordonnée pour l'exécution d'une condamnation au fond par rapport à une condamnation par provision, s'agissant au surplus du même créancier et du même débiteur.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

La société MODIS FRANCE, condamnée aux dépens devra indemniser monsieur [Y] [Z] des frais exposés par lui tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a condamné la société MODIS FRANCE à payer à monsieur [Y] [Z] la somme de 246,15 euros à titre de salaire pour jours de fractionnement,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de monsieur [Y] [Z] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société MODIS FRANCE à payer à monsieur [Y] [Z] les sommes de

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros à titre de dommages -intérêts pour harcèlement moral,

- 2 793,22 euros à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires, outre 279,32 euros au titre des congés payés y afférents,

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la clause de non concurrence,

Dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter du 20 mars 2012 s'agissant des créances de nature salariale et à compter de la présente décision s'agissant des créances indemnitaires,

Ordonne la remise des bulletins de salaire et des documents sociaux conformes à la présente décision,

Déboute monsieur [Y] [Z] du surplus de ses demandes,

Déboute la société MODIS FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la société MODIS FRANCE à payer à monsieur [Y] [Z] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Condamne la société MODIS FRANCE aux dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par madame Aude RACHOU, Président et par monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03739
Date de la décision : 17/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/03739 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-17;14.03739 ?
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