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17/09/2015 | FRANCE | N°14/03401

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 17 septembre 2015, 14/03401


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES













19ème chambre



ARRET N° 433/2015



contradictoire



DU 17 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 14/03401



AFFAIRE :



[K] [R]





C/

SAS SYSTEMES TECHNOLOGIQUES D'ECHANGE ET DE TRAITEMENT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG :

13/03012





Copies exécutoires délivrées à :



Me David METIN

Me Emmanuel WALLE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[K] [R]



SAS SYSTEMES TECHNOLOGIQUES D'ECHANGE ET DE TRAITEMENT







le : 23-09-2015

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

19ème chambre

ARRET N° 433/2015

contradictoire

DU 17 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 14/03401

AFFAIRE :

[K] [R]

C/

SAS SYSTEMES TECHNOLOGIQUES D'ECHANGE ET DE TRAITEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/03012

Copies exécutoires délivrées à :

Me David METIN

Me Emmanuel WALLE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[K] [R]

SAS SYSTEMES TECHNOLOGIQUES D'ECHANGE ET DE TRAITEMENT

le : 23-09-2015

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [R]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANT

****************

SAS SYSTEMES TECHNOLOGIQUES D'ECHANGE ET DE TRAITEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Mme [V] [X] (RRH) en vertu d'un pouvoir général et assistée de Me Emmanuel WALLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E241,

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 02 Juin 2015, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur [C] [E]

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [K] [R] a été embauché le 2 novembre 2011 par la société STET en qualité de pilote bancaire statut cadre, position 2.1 coefficient 115 selon contrat à durée indéterminée moyennant une rémunération mensuelle de 2.833,33 € brut.

La convention collective applicable est la convention nationale collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils dite Syntec

La société emploie au moins onze salariés.

A compter du 7 janvier 2013, la société STET a mis en place des horaires de travail de 7h à 15h45 par roulement une semaine sur trois du fait d'un nouveau contrat souscrit avec la communauté bancaire belge.

Le 26 avril 2013, la société STET a délivré à monsieur [R] un avertissement pour s'être retiré du dispositif des horaires 7h-15h45 soudainement et sans motif.

Par la suite, le salarié a bénéficié d'arrêts de travail.

Le 30 septembre 2013 monsieur [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) aux fins d'annulation de l'avertissement du 26 avril 2013 et de résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Par jugement du 12 juin 2014, le conseil de prud'hommes a annulé l'avertissement du 26 avril 2013 et l'a débouté du surplus de ses demandes.

Monsieur [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 7 juillet 2014.

Le 4 novembre 2014, la société STET a convoqué son salarié par lettre recommandée avec accusé de réception remise en mains propres pour le 17 novembre 2014 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2014, la société a notifié à monsieur [R] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Aux termes de ses conclusions du 2 juin 2015 soutenues oralement à l'audience, il demande à la cour l'infirmation de la décision en ce qu'elle a jugé infondée sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, de résilier le contrat de travail du fait du harcèlement moral subi, de dire nulle la rupture intervenue et de condamner la société STET à lui payer :

- 30.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 30.000 € de dommages et intérêts pour nullité du licenciement

- 9.000 € d'indemnité de préavis

- 900 € de congés payés y afférents

- 9.000 € de dommages et intérêts du fait de la détérioration de l'état de santé du salarié

et subsidiairement de la condamner à lui payer ces sommes sur le fondement de la nullité du licenciement ou sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite en outre et en tout état de cause la condamnation de la société STET à lui payer :

- 30.000 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat

- 9.000 € de dommages et intérêts pour défaut de mise à disposition aux salariés du document unique d'évaluation des risques

- 5.964 € au titre de la contrepartie du respect de la clause de non concurrence, outre le respect de celle ci sous astreinte jusqu'au mois de novembre 2015

- 1.085 € de dommages et intérêts pour versement tardif du salaire de novembre 2014

- 2.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 28 mai 2015 soutenues oralement à l'audience, la société STET demande à la cour de dire irrecevable la demande relative à l'allocation de dommages et intérêts fondée sur la clause de non concurrence comme nouvelle en cause d'appel et la confirmation de la décision, outre la condamnation de monsieur [R] à lui payer 2.000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 2 juin 2015 ;

Vu la lettre de licenciement ;

SUR CE :

Sur la résiliation judiciaire :

Considérant que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement , le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que, si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ;

considérant que monsieur [K] [R] conclut à la résiliation judiciaire de son contrat de travail du fait de sa modification unilatérale et du harcèlement moral subi ;

- sur la modification unilatérale du contrat de travail :

considérant que monsieur [R] a été embauché en qualité de pilote bancaire et effectuait jusqu'au 7 janvier 2013 des horaires de 9h15 à 18h ;

considérant qu'à compter du 7 janvier 2013, il a été mis en place l'horaire suivant de 9h15 à 18h et une semaine sur trois en alternance de 7h à 15h45 ;

considérant que monsieur [R] soutient d'une part que son contrat de travail ne prévoyant aucun horaire fixe, cette absence d'horaires constituait un élément déterminant du dit contrat qui ne pouvait être modifié sans son accord et que d'autre part les institutions représentatives du personnel n'ont pas été consultées d'autant que cet aménagement des horaires concernait une douzaine de salariés ;

* sur la modification unilatérale des horaires :

considérant que la société STET conclut au débouté de la demande de résiliation sur ce fondement exposant que, devant intervenir dans les échanges interbancaires de la communauté belge à compter du 18 février 2013, elle a adapté les horaires de travail de la douzaine de cadres relevant des modalités ' réalisation de mission ' pour répondre à ce nouveau marché, les premières opérations belges commençant à 7h05 ;

qu'elle soutient que le contrat de travail de monsieur [R] n'a pas été modifié du fait de ce changement d'horaires qui relève, sauf contractualisation, du pouvoir de direction de l'employeur ;

considérant que, comme le conclut à juste titre, la société STET, le changement d'horaires relève du pouvoir directionnel de l'employeur ;

qu'en l'espèce, le contrat de travail de monsieur [R] prévoit expressément que :

' A la date d'embauche, la mission générale proposée au salarié est axée sur le pilotage des flux bancaires à travers le système Core, notamment [...]

Cette mission peut être évolutive, notamment pour répondre aux contraintes stratégiques, commerciales ou organisationnelles de la Société. ' ;

que le salarié est donc mal fondé à soutenir que l'absence d'horaires imposés dans son contrat constituerait un élément déterminant de celui ci ;

* sur la consultation des institutions représentatives du personnel :

considérant que l'article L. 2323-27 du code du travail dispose que :

' Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération.

A cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. Il bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce comité lui sont transmis. ' ;

que l'article L. 2323-29 prévoit particulièrement que le comité d'entreprise est consulté sur la durée et l'aménagement du temps de travail ;

considérant qu'en l'espèce, la société STET a dès le mois de décembre 2012, soit antérieurement à la mise en place des nouveaux horaires prévoyant une alternance une semaine sur trois, fait part aux délégués du personnel et au CHSCT de la mise en place de ces nouveaux horaires à compter de janvier 2013 pour permettre le traitement des opérations belges en production depuis février 2013, précision faite qu'il s'agissait d'un régime transitoire ;

considérant que durant l'année 2013, ce régime transitoire a perduré et qu'en définitive, le projet de modification des plages horaires de travail a figuré à l'ordre du jour de la réunion du comité d'entreprise du 14 janvier 2014 ;

que le CHSCT, consulté le 16 janvier 2014, a rendu un avis favorable sur ce projet lors de sa réunion du 1er avril 2014 ;

considérant qu'il résulte de ces éléments que d'une part, contrairement à ce que conclut la société STET, la consultation des institutions représentatives du personnel était nécessaire, s'agissant d'un changement des horaires de travail avec introduction d'un principe d'alternance, la cour observant par ailleurs que la société s'y est soumis ;

que d'autre part, la période ' transitoire ' selon la société s'est prolongée de manière excessive durant pratiquement une année, alors que dès le 13 février 2013, les salariés sont avertis du changement d'horaires prévu jusqu'au 31 mars 2013 puis prorogé sans délai précis et sans qu'aucune modification intérieure du règlement de la société n'intervienne ;

qu'enfin, si la fixation des horaires relève bien du pouvoir directionnel de l'employeur, encore faut il que celui ci respecte au minimum un délai de prévenance et que la période dite transitoire n'excède pas un délai raisonnable sous peine de priver d'effectivité toute information et consultation des institutions représentatives du personnel ;

qu'en conséquence, cette décision était irrégulière et inopposable au salarié et justifie la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

- sur le harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en application de l'article L. 1152-3 toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Considérant que monsieur [R] soutient avoir :

- subi une pression continuelle et inacceptable à la suite de son refus du dispositif des nouveaux horaires

- subi des humiliations, des brimades et un dénigrement de son état de santé

- avoir connu une altération de sa santé mentale et une dégradation de ses conditions de travail en relation directe avec l'imposition de ces nouveaux horaires;

qu'il verse aux débats plusieurs attestations de salariés de l'entreprise auprès desquels il se serait confié et/ou qui auraient assisté à des échanges verbaux entre lui et madame [U], directrice des relations humaines, notamment une attestation de madame [B] selon laquelle madame [U] lui a dit ' il faudrait arrêter de fréquenter [K] [R] ' ;

qu'il produit également des mails établissant l'insistance de madame [U] à lui faire passer des visites médicales supplémentaires aux fins selon elle de préciser l'avis d'aptitude avec restriction rendu au vu de la fiche de poste ;

Considérant que les faits ainsi établis par monsieur [R], pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, il incombe à la société STET de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant que si l'introduction de ces nouveaux horaires est uniquement due au traitement par la société STET de la communauté bancaire belge, il n'en reste pas moins que le 24 avril 2013, monsieur [R] a fait connaître à son employeur qu'il exerçait son droit de retrait, ne supportant pas psychiquement cette organisation de son travail ;

que le 26 avril 2013, il lui était notifié un avertissement, contesté par courrier du 29 avril 2013 ;

que le 30 avril 2013, monsieur [R] a bénéficié d'un arrêt de travail ;

qu'à son retour d'arrêt de maladie, le médecin du travail a indiqué le 2 mai 2013 ' vu ce jour à sa demande. Une reprise sera possible qu'en ... ' le travail tôt le matin (avant 9h) ' ;

que le 15 mai 2013, le médecin du travail lui a délivré un avis d'aptitude avec restriction ' pas de travail matinal avant huit heures ' ;

considérant que la société STET n'a pas contesté cet avis qui lui a été régulièrement notifié ;

qu'il est constant qu'à la suite de cet avis médical, l'employeur a cherché par tous moyens à soumettre le salarié à une nouvelle visite médicale au motif que l'avis du 15 mai 2013 avait été formulé sans considération des caractéristiques techniques du poste de monsieur [R] ;

que ce dernier a refusé de se rendre à ces visites médicales prévues les 21 mai et 22 juillet 2013;

que l'insistance de l'employeur est démontrée notamment par les mails de madame [U] en date du 17 mai 2013 et celui du 21 mai 2013, adressé à [O] [J], [Z] [G], [H], dans lequel elle écrit :

' Chers Tous,

Je suis absente ce jour car souffrante, pouvez vous vous assurer que [K] passe sa deuxième visite médicale ou bien que le médecin du travail nous indique la bonne démarche.

En effet, elle a rendu un avis d'aptitude sans connaître les contraintes du poste de pilote bancaire. A savoir, un roulement sur une équipe de 3 personnes sur les horaires que vous connaissez.[...]' ;

considérant que le 22 juillet 2013, madame [J] [O] a envoyé au salarié une nouvelle convocation à une visite médicale pour le 24 juillet 2013 ;

que ce dernier a demandé par mail du 23 juillet le motif de cette convocation ;

que madame [U] lui a répondu le même jour en lui indiquant que le motif est inscrit sur la fiche d'aptitude remise pour présentation au médecin du travail ;

que monsieur [R] a répliquer en retour pour dire qu'il ne se rendrait pas à cette visite médicale;

que madame [U] lui a demandé de motiver son refus ;

que le 24 juillet monsieur [R] écrit :

' Je ne souhaite pas répondre à cette nouvelle convocation.

Il s'agit en effet de la 3ème en moins de 3 mois et je la considère ' sans motif fondé '.

A l'issue de la première visite (en date du 15 mai 2013), le médecin du travail avait rendu un diagnostic qui me déclarait apte avec restrictions ' pas de travail matinal avant 8 heures'. Pour mémoire, cet avis vous avait été remis le jour même.

Je suis choqué par votre volonté manifesté et répété de toujours vouloir me nuire. C'est pourquoi, je vous demande solennellement Madame de bien vouloir cesser vos pressions morales à mon encontre tout en me laissant continuer à exercer mon travail dans un environnement serein et propice à la concentration. ' ;

que le 24 juillet 2013, selon les attestations de madame [I] [B], de madame [S] [A] et de monsieur [G] [Z], madame [U] a cherché à faire pression sur monsieur [R] pour qu'il se rende à cette visite médicale ;

que les témoins parlent de posture agressive tant verbale que physique, de forte insistance, de manifestation d'énervement et d'agacement; que par la suite, madame [U] est revenue en lui disant sur un ton mielleux que cette demande d'aller à la visite médicale était faite pour son bien ;

que monsieur [G] [Z] précise que ' [K] se retrouvait dans un état nerveux et de stress très prononcé alors qu'il est d'un naturel calme et posé.

Les propos étaient véhéments et la conversation tendue.

Ce jour là je suis sorti de l'espace de travail car j'estimais ne pas avoir ma place en tant qu'employé sur un problème qui concernait le domaine privé. En ma qualité de DUP j'ai même demandé à [S] de m'accompagner car ceci nous perturbait dans notre travail. ' ;

qu'il indique également avoir tenté un rôle de médiateur en vain car madame [U] lui a en définitive déclaré ' de toute façon si cela continue je vais me mettre en mode Warrior et il n'obtiendra rien du tout; ' ;

qu'il résulte du rappel de ces éléments que si la société STET conclut à juste titre que d'une part le changement d'horaire est dû à des données objectives étrangères à tout harcèlement, que de l'autre, elle n'a connu les difficultés de son salarié qu'en avril 2013, ce dernier ne démontrant pas avoir averti son employeur antérieurement, et qu'enfin l'avis d'aptitude avec restriction n'a pas été pris au vu de la fiche de poste de l'intéressé, il n'en reste pas moins qu'elle a usé à son encontre de pratiques déloyales et répétitives pour l'obliger à se soumettre à un nouvel examen médical et pallier sa carence sur l'absence de recours contre la décision médicale du 15 mai 2013, la DRH allant jusqu'à déclarer à une de ses collègues, madame [B], ' il faudrait arrêter de fréquenter [K] [R] ', pratiques qui ont engendré en définitive un avis d'inaptitude dans l'établissement du fait de l'épuisement du dit salarié ;

qu'en conséquence, ces éléments pris dans leur ensemble suffisent à établir l'existence du harcèlement moral dont a été victime monsieur [R] sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les autres arguments développés ;

considérant qu'eu égard au harcèlement subi et à ses circonstances, il sera alloué 3.000 € de dommages et intérêts au salarié ;

considérant que la résiliation judiciaire, étant prononcée notamment du fait du harcèlement moral subi par le salarié, produit les effets d'un licenciement nul avec effet au 20 novembre 2014 ;

considérant que les parties s'accordent pour fixer à 3.000 € le montant du salaire de monsieur [R];

considérant que le salarié est en droit d'obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

qu'en l'espèce, il sera alloué à monsieur [R] une somme de 18.000 €, eu égard à son âge et à sa formation ;

que l'indemnité de préavis sera fixée à 9.000 € outre les congés payés afférents de 900 € ;

considérant que monsieur [R], nonobstant l'avis médical constatant la dégradation de son état de santé du fait des horaires matinaux imposés, a dû en outre subir des pressions de la part de son employeur visant à le soumettre à d'autres avis médicaux pour remettre en cause cet avis, la société n'ayant pas exercé de recours dans les délais prévus ;

que cette pression est de nature à lui ouvrir droit à des dommages intérêts spécifiques que la cour fixe à 1.000 € ;

Sur le non respect de l'obligation de sécurité de résultat :

Considérant que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité ;

considérant qu'en l'espèce, le salarié reproche à juste titre le manquement de la société STET à ce titre ;

qu'en effet, contrairement à ce que celle ci conclut, elle a d'une part mis en place la nouvelle organisation sans concertation préalable et d'autre part, une fois connue la situation du salarié, ne l'a pas accompagné mais bien au contraire a exercé des pressions qui ont en définitive entraîné un avis d'inaptitude le 27 septembre 2014 du fait de la détérioration de son état de santé ;

que monsieur [R] est bien fondé à demander des dommages et intérêts de ce chef que la cour arbitrera à la somme de 1.000 € ;

Sur l'absence de mise à disposition du document unique :

Considérant que monsieur [R] reproche à la société l'absence de document unique d'évaluation des risques et sollicite des dommages et intérêts pour n'avoir pu obtenir ce document ;

mais considérant que le document est tenu à la disposition notamment des travailleurs avec avis indiquant les modalités d'accès de ceux ci à ce document affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ;

qu'en l'espèce, à la demande de monsieur [R] de lui transmettre le document unique, la société STET lui a régulièrement répondu que le document unique est tenu à la disposition des travailleurs et consultable au service Rh de la société ;

qu'en effet, aucune disposition n'oblige l'employeur à communiquer ce document au salarié pris individuellement ;

que la société a par ailleurs fait une réponse similaire au CHSCT ;

que le salarié sera débouté de sa demande de ce chef ;

Sur l'inexécution de bonne foi du contrat de travail :

Considérant que monsieur [R] reproche à son employeur la violation de la clause de non concurrence et un retard dans le versement de son salaire ;

* sur la clause de non concurrence :

Considérant que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel ;

que la demande est donc recevable ;

considérant que le contrat de travail de l'intéressé incluait une clause de non concurrence d'une durée de douze mois avec contrepartie financière ;

considérant que cette clause était prévue ' en cas de rupture du contrat de travail quelle qu'en soit la cause ' ;

que la société n'ayant pas notifié au salarié, dans le délai d'un mois suivant la notification de la rupture intervenue le 20 novembre 2014, sa volonté de le libérer de cette interdiction de concurrence, l'indemnité afférente à la clause est due ;

qu'il sera fait droit à la demande de monsieur [R] en paiement de cette indemnité à hauteur de 5.964 € arrêtée au jour de l'audience ;

considérant qu'à défaut pour la société STET d'avoir dénoncé cette clause selon les modalités contractuelles prévues, elle sera tenue au paiement de son intégralité sous réserve de son respect par le salarié, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

qu'en revanche, il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts fondée sur le non respect de cette clause, en l'absence de tout préjudice complémentaire démontré ;

* sur le retard dans le paiement du salaire :

Considérant que monsieur [R] soutient à tort que le paiement de son salaire du mois de novembre 2013 lui aurait été versé le 16 décembre 2013 lors de l'établissement du solde de tout compte ;

qu'en effet la pièce 72 visée par l'appelant qu'il intitule ' solde de tout compte ' et qui est en réalité le bulletin de salaire du mois de novembre 2014 fait apparaître un paiement de 8.128,12 € relatif à la période du 1er novembre au 21 novembre 2014 avec mention ' payé par chèque le 30 novembre 2014 ' ;

Considérant que la société STET sera déboutée de sa demande relative aux manquements allégués de monsieur [R] à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, succombant devant la cour en ses prétentions ;

considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur [R] les frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

qu'il convient de lui allouer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Par Ces Motifs

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire

infirmant la décision déférée et statuant à nouveau

Rejette l'irrecevabilité soulevée par la société STET

Résilie le contrat de travail conclu entre la société STET et monsieur [K] [R]

Dit que cette résiliation produira les effets d'un licenciement nul du fait du harcèlement moral dont a été victime le salarié

Condamne la société STET à payer à monsieur [K] [R] les sommes de :

- 3.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 18.000 € de dommages et intérêts pour nullité du licenciement

- 9.000 € à titre d'indemnité de préavis

- 900 € de congés payés y afférents

- 1.000 € de dommages et intérêts pour la détérioration de son état de santé

- 1.000 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat

- 5.964 € au titre de l'indemnité due en contrepartie du respect de la clause de non concurrence arrêtée au jour de l'audience

- 2.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les sommes allouées seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société devant le bureau de conciliation pour les créances de nature salariale et à compter de la mise à disposition de la présente décision pour les créances de nature indemnitaire avec capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil

Dit que la société STET est tenue de respecter les engagements contractuels prévus au titre de la clause de non concurrence faute de l'avoir dénoncée dans les délais sous réserve du respect de celle ci par le salarié

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Condamne la société STET aux dépens de la procédure de première instance et d'appel

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par madame Aude RACHOU, Président et par monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03401
Date de la décision : 17/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/03401 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-17;14.03401 ?
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