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10/09/2015 | FRANCE | N°13/02784

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 10 septembre 2015, 13/02784


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58C



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 13/02784







AFFAIRE :





SA AVIVA VIE



C/



[R] [S]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 11/05443







Expéditions exécut

oires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58C

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 13/02784

AFFAIRE :

SA AVIVA VIE

C/

[R] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 11/05443

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA AVIVA VIE

RCS de Nanterre sous le n° 732 020 805 0138

[Adresse 2]

[Localité 2]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625- N° du dossier 1453913

Représentant : Me Myria SAARINEN RUBNER de l'AARPI LATHAM & WATKINS Association d'Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T09

APPELANTE

****************

Monsieur [R] [S]

né le [Date naissance 1] 1956

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 016596

Représentant : Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0187

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mai 2015, Madame Véronique BOISSELET, Président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON

M. [R] [S] a souscrit un contrat d'assurance-vie en unité de compte multi-supports, nommé 'Selectivaleurs Croissance' le 14 janvier 1993 auprès de la compagnie Abeille Vie devenue par la suite Aviva Vie. Il a investi 203 000 francs, soit 30 947 euros. Ce contrat contenait une clause d'arbitrage à cours connu, qui permettait de passer des ordres d'arbitrage en parfaite connaissance du résultat financier de l'opération.

A la suite du refus opposé par Aviva en décembre 2009 de procéder à un arbitrage vers un support qu'il avait précédemment utilisé, M. [S] a, par acte du 9 février 2010, assigné la société Aviva Vie devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation du préjudice causé par le refus par Aviva d'exécuter ses ordres d'arbitrage.

Par ordonnance du 11 mars 2011, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent et renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 22 mars 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- déclaré M. [S] recevable en son action, la prescription n'étant pas acquise,

- condamné Aviva Vie à rétablir au profit de M. [S] les supports tels qu'ils existaient sur la liste des supports valables jusqu'au 31 décembre 2004 ou des supports équivalents quant à leur composition et leur nombre,

- ordonné une expertise afin d'évaluer le préjudice résultant de la perte de chance d'arbitrer, à compter du 1er juillet 1998, sur les supports éligibles jusqu'au 31 décembre 1994 ou sur des supports équivalents,

- condamné Aviva vie à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aviva Vie a interjeté appel le 10 avril 2013.

Par dernières conclusions signifiées le 11 février 2015, Aviva Vie demande à la cour :

- à titre principal :

- de juger irrecevables les demandes présentées par M. [S] contre elle, la prescription étant acquise,

- à titre subsidiaire :

- de juger qu'Aviva Vie était en droit de modifier les supports proposés à M. [S],

- de constater qu'elle n'a commis aucune faute en modifiant la liste des supports en juillet 1998

à titre infiniment plus subsidiaire :

- confier à l'expert la mission de déterminer si le mécanisme du cours connu a conservé son utilité au regard de la liste de supports disponibles au 1er Juillet 1998 et celle de rétablir l'économie générale d'origine du contrat,

- mettre les frais d'expertises à la charge avancée de M. [S],

- en tout état de cause :

- condamner M. [S] à une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] à payer à Aviva vie la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , et aux dépens, y compris ceux de première instance.

Par conclusions signifiées le 11 février 2015, M. [S] demande à la cour de:

- juger que l'action n'est pas prescrite,

- confirmer le jugement en ce qu'une expertise a été ordonnée,

- débouter Aviva vie de l'ensemble de ses demandes,

- juger que la liste de supports remise à M. [S] en 1997 est contractuelle et doit servir de liste de référence pour évaluer son préjudice dans le cadre des opérations d'expertise,

- juger qu'Aviva vie devra restituer à M. [S] les supports figurant sur la liste de 1997 ou tout support équivalent, étant rappelé que la liste de 1997 offrait à l'arbitrage les supports suivants :

VICTOIRE EPARGNE

VICTOIRE RETRAITE

VICTOIRE GARANTIE

VICTORIEL

OPTION SECURITE

OPTION EQUILIBRE

OPTION PERFORMANCE

VICTOIRE PERFORMANCE

VICTOIRE INTEROBLIG

VICTOIRE PROGRESSION 1

VICTOIRE PROGRESSION

VICTOIRE FRANCE

FONDS DE CROISSANCE AMERICAIN

FONDS DE PAYS EMERGENTS

FONDS OR

VICTOIRE IMMO 1

FINABEILLE COURT TERME

- juger que M. [S] pourra arbitrer par fax et que les frais d'arbitrage seront limités à 1 %,

- préciser que l'expert proposera des éléments d'évaluation du préjudice pour la période postérieure au 19 décembre 2009, et que la liste servant de référence sera celle qui lui a été remise en 1997,

- condamner Aviva Vie à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2015.

SUR QUOI LA COUR :

- Sur la prescription :

Le tribunal a retenu qu'à la date de souscription du contrat, l'article R. 112- 1 du code des assurances, dans sa rédaction alors applicable, astreignait les assureurs à rappeler dans les conditions générales les dispositions régissant la prescription biennale, en sorte que, pour ne l'avoir pas fait, Aviva Vie ne pouvait s'en prévaloir. La prescription trentenaire, seule applicable, n'était pas acquise.

Abeille Vie constituant de toute évidence une entreprise d'assurance, était bel et bien astreinte, aux termes de l'article R. 112-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable lors de la souscription du contrat, à rappeler dans ses conditions générales les dispositions relatives à la prescription, et, ne l'ayant pas fait, a justement été déboutée de sa demande sur le fondement de l'article L. 114-1 du code des assurances.

Aviva est également mal fondée à se prévaloir de la prescription prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, qui n'a vocation à s'appliquer, même entre commerçants et non commerçants, qu'en ce qui concerne les obligations nées de leur commerce. En effet, la souscription, par un particulier, d'un contrat d'assurance-vie ne peut être considérée comme un ensemble d'obligations nées à l'occasion du commerce d'Aviva Vie au sens de ce texte, puisque un contrat d'assurance-vie constitue un contrat civil régi par le code des assurances et non le code de commerce. Il est en outre relevé à bon droit par M. [S] que, la prescription spéciale qui avait vocation à s'appliquer, soit celle prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances, ne pouvant jouer, c'est la prescription de droit commun, et non une autre prescription spéciale, qui doit être retenue.

Il n'est pas contesté que la prescription trentenaire n'est pas acquise, même en la faisant partir de la date à laquelle M. [S] s'est vu proposer l'avenant modificatif, et a eu connaissance de la liste modificative des supports éligibles, soit juin 1998.

Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de l'exception de prescription.

- Sur le fond :

- Sur la faute contractuelle reprochée à Aviva Vie :

Il sera retenu, comme l'a fait le tribunal, que M. [S] s'est vu proposer par lettre du 17 juin 1998 d'Aviva un avenant au contrat, aux termes duquel, moyennant renonciation à la clause d'arbitrage à cours connu, il aurait, entre autres avantages, accès à une liste de supports plus étendue. Etait précisé, dans le même temps, que la liste des supports éligibles en cas de maintien de cette clause serait réduite. Il n'a pas donné suite à cette proposition.

Le tribunal, retenant l'argumentation développée devant lui par M. [S], a retenu que la diversité des supports éligibles et la clause d'arbitrage à cours connu étaient des conditions essentielles de l'engagement de l'assuré, et qu'en réduisant drastiquement la liste des supports éligibles et leur nature (les supports à base d'actions étant remplacés par des produits plus stables à base d'obligations), Aviva Vie avait dénaturé le contrat et manqué à son obligation de bonne foi dans son exécution. Il en a déduit que M. [S] était donc fondé à demander le rétablissement du contrat en ce qui concerne l'intégralité des supports existant sur la liste valable jusqu'au 31 décembre 1994, et à obtenir réparation du préjudice ainsi subi.

Aviva observe à juste titre que tant la lettre que l'esprit du contrat, excluent que la liste des supports éligibles demeure figée. En effet, les dispositions contractuelles ne laissent aucun doute sur ce point, puisque sous la rubrique 'changement de support' il est expressément prévu dans les conditions générales que le remplacement des titres souscrits ne peut se faire que parmi les supports proposés par Abeille Vie, communiqués sur simple demande, et que le tableau des unités de compte disponible lors de la souscription du contrat mentionne expressément qu'il est valable jusqu'au 31 décembre 1993. De même, il est justement rappelé que le bulletin de souscription indique que la liste des supports disponibles est publiée régulièrement. En outre, s'agissant d'un contrat illimité dans le temps, il est inconcevable qu'il ne puisse s'adapter à la conjoncture économique, intégrer de nouveaux supports ou supprimer ceux qui disparaissent. Contrairement à ce que soutient M. [S], Aviva n'avait pas à recueillir son accord pour faire évoluer les supports, et cette faculté ne peut en elle-même être considérée comme abusive. M. [S] est donc mal fondé à soutenir que la liste de supports remise en 1997 est contractuelle, étant observé que l'article A132-4, qui énumère les éléments d'information à fournir au souscripteur, n'en fait nulle mention. La demande d'Aviva Vie, tendant au rejet de la pièce 3 de M. [S], sur laquelle figure cette liste, n'est pas reprise au dispositif de ses écritures, et la cour n'en est donc pas saisie, étant observé que cette pièce est par ailleurs sans intérêt.

En revanche, cette évolution des supports éligibles ne pouvait se faire que dans le respect de l'économie du contrat.

A cet égard, la cour renvoie à l'analyse complète et précise des dispositions contractuelles opérées par le tribunal, et adoptera la conclusion à laquelle elle conduit, à savoir que la combinaison entre la clause d'arbitrage à cours connu et la faculté d'arbitrer vers des supports volatils permettait au souscripteur d'optimiser la rentabilité de son placement en toute sécurité, ce qui démontre en effet que tant la clause d'arbitrage à cours connu que la diversité des supports éligibles constituaient des éléments essentiels du contrat.

Il importe peu que M. [S] n'ait opéré que quelques arbitrages entre la souscription du contrat et 2009, date à laquelle il situe le premier refus d'arbitrage qui lui a été opposé par Aviva.

Pour contester tout abus de la faculté de modification des supports éligibles, Aviva fait valoir qu'au moment où les contrats avec arbitrage à cours connu ont été proposés au public, l'information financière disponible était très limitée. Or les conditions dans lesquelles les souscripteurs pouvaient arbitrer ont totalement changé à la suite de la généralisation de la valorisation quotidienne des supports, de la plus grande pertinence des informations disponibles et de l'augmentation de la volatilité de certains supports, ce qui a provoqué un effet d'aubaine pour une minorité de souscripteurs, qui ont multiplié les aller retours entre supports volatils et supports garantis, transformant leur contrat d'arbitrage à cours connu en un véhicule de spéculation à court terme en contradiction avec l'objectif d'un contrat d'assurance-vie, qui est de constituer une épargne de longue durée. Cette pratique entraînait pour l'assureur des pertes correspondant aux gains des arbitragistes, des frais de transaction plus élevés pour les autres porteurs de parts des fonds, et des contraintes pour les gérants des fonds astreints à conserver un niveau de liquidités plus important au besoin en vendant des actifs qui avaient vocation à être conservés à moyen ou long terme dans une optique de performance. Il a ainsi été porté atteinte, toujours selon Aviva, à l'ordre public économique, ce qui justifiait pleinement les mesures prises en 1998 tendant à supprimer la faculté d'arbitrer à cours connu sur des supports volatils.

Aviva Vie rappelle que l'arbitrage à cours connu conservait tout son intérêt après les restrictions opérées en 1998, et relève qu'après un arbitrage en 1994, M. [S] a opéré entre 2008 et 2009 une douzaine d'échanges avec le support Option Performance qui lui ont permis de faire passer la valeur de son contrat de 294 538,22 euros à 458 878,98 euros, soit une augmentation de 56 %.

Il est cependant ainsi reconnu, aux termes mêmes de cette argumentation, que c'est bien dans le but, entre autres considérations du même ordre, de sauvegarder ses propres intérêts, que la liste des supports à base d'actions éligibles dans le cadre d'un contrat contenant une clause d'arbitrage à cours connu a été réduite par Aviva. Il résulte ainsi d'un procès-verbal d'assemblée générale de l'une de ses filiales de juin 1998 que : 'la majeure partie des contrats ayant été avenantée, le suivi et l'enregistrement des opérations ayant été améliorés, la rentabilité de notre société, tant en brut qu'en net de réassurance, ne devrait pas être affectée par les opérations d'arbitrage'. Il n'est pas contesté cependant que cette rentabilité n'a jamais été en péril.

Or Aviva Vie ne démontre aucunement ni que le maintien d'une offre de supports diversifiée dans le cadre d'un contrat avec arbitrage à cours connu au profit des souscripteurs refusant l'avenant proposé en 1998 l'aurait placée dans une situation économique grave, c'est-à-dire mettant en péril sa propre survie, ou même sa rentabilité, ni qu'elle aurait nui aux autres souscripteurs, en l'absence de données chiffrées précises. Cette preuve aurait-elle par ailleurs été rapportée, il lui incombait de solliciter de ses co-contractants la renégociation du contrat, et non de modifier de manière unilatérale l'offre de supports, afin de priver d'une grande partie de son intérêt le jeu de la clause d'arbitrage à cours connu.

Il a donc été justement retenu que l'atteinte unilatérale portée, à compter de juillet 1998, à la diversité des supports éligibles dans le cadre d'un contrat avec clause d'arbitrage à cours connu, opérée dans le seul intérêt de la partie la plus forte sur le plan économique, et à seule fin de limiter ses coûts, constituait une dénaturation du contrat, et, de la part de cette dernière, un abus de droit fautif engageant sa responsabilité.

- Sur le préjudice :

La nécessité d'une mesure d'expertise n'est pas véritablement contestée. Les dispositions du jugement l'ordonnant seront confirmées, ainsi que ses modalités pratiques, sous réserve des précisions ci-après, étant observé qu'il apparaît plus judicieux de trancher après dépôt du rapport d'expertise le point de savoir si le préjudice est constitué ou non par une perte de chance de procéder à des arbitrages ou par la perte entière des gains correspondants.

Les parties s'opposent sur la liste de référence à prendre en compte, le tribunal l'ayant fixée à celle applicable jusqu'au 31 décembre 1994, M. [S] demandant à ce que ce soit celle de 1997 et Aviva Vie celle applicable à la souscription du contrat.

Compte tenu de la faculté d'Aviva Vie de faire évoluer les supports éligibles, et cette évolution n'étant pas critiquée pour la période antérieure au 30 juin 1998, ce sera la liste de produits éligibles applicable jusqu'au 30 juin 1998 qui devra servir de référence.

Il n'y a pas lieu de demander à l'expert si, compte tenu de la suppression de certains supports volatils, la clause d'arbitrage à cours connu conservait un intérêt. En effet M. [S] ne conteste pas la progression de la valeur de son placement en 2008 et 2009 telle qu'exposée par Aviva Vie, ce qui démontre son intérêt, même postérieurement à la modification de la liste des supports. Il est néanmoins évident que, si les supports sont stables, les possibilités de gains sont moindres, en sorte que l'arbitrage peut devenir trop coûteux compte tenu des frais. Les circonstances du présent litige sont par ailleurs en elles-mêmes la preuve que cette clause avait un intérêt essentiellement parce qu'elle était combinée avec la possibilité de gains important, dûs à la volatilité de certains supports.

En ce qui concerne les frais d'arbitrage, il est constant qu'Aviva les a réduits à 1% à compter de 1995. Néanmoins rien n'établit que cette réduction ait été pérenne, en sorte que le calcul du préjudice devra s'effectuer conformément aux stipulations contractuelles sur ce point. Ce point sera également réservé en ce qui concerne l'exécution future du contrat.

Il résulte des écritures de M. [S] (p. 85) que ce dernier s'est vu refuser une opération d'arbitrage pour la première fois le 18 décembre 2009 seulement, ce qui n'est pas contesté. C'est donc à juste titre que M. [S] demande expressément tant dans les motifs de ses écritures (p. 85) que dans leur dispositif que les investigations de l'expert soient limitées à la période postérieure au 18 décembre 2009. La mission de l'expert fixée par le tribunal sera modifiée sur ce point.

Il sera donc demandé à l'expert d'évaluer, pour la période postérieure au 18 décembre 2009, le préjudice résultant de l'impossibilité de réaliser les arbitrages souhaités vers des titres équivalents à ceux qui étaient disponibles lors de la souscription du contrat, et avant modification substantielle des supports éligibles au 1er juillet 1998, et de la perte de gains ainsi causée. En revanche, la demande tendant à ce que soit également évalué le préjudice résultant de l'impossibilité d'arbitrer davantage sur des supports équivalents à ceux éligibles à la souscription du contrat sera rejetée, comme totalement hypothétique.

Ainsi que relevé par le tribunal, il y aura lieu de tenir compte des habitudes d'arbitrage de M. [S], telles qu'elles se sont manifestées à compter du 18 décembre 2009.

Il sera enfin demandé à l'expert de préciser les supports éligibles à réintégrer, au besoin par équivalence, afin de restaurer l'économie originelle du contrat, et il sera sursis à statuer sur cette demande dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

- Sur les autres demandes :

La demande tendant à ce qu'il soit prévu que les arbitrages à venir pourront s'effectuer par télécopie, qui touche l'exécution future du contrat, sera réservée.

Aviva Vie sera déclarée irrecevable en sa demande fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile, l'amende civile étant à la seule appréciation de la juridiction saisie.

Les dépens et demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en ce que :

M. [S] a été déclaré recevable en ses demandes,

a été rejetée la demande d'Aviva Vie tendant à ce qu'il soit ordonné à M. [S] de produire l'original de la liste des supports qu'il a indiqué avoir reçue en 1997,

il a été jugé qu'Aviva avait commis une faute en dénaturant le contrat souscrit par M. [S] le 31 décembre 2004,

une mesure d'expertise a été ordonnée avant dire droit sur le préjudice,

Infirmant partiellement et statuant à nouveau,

dit qu'il sera sursis à statuer sur la demande tendant à ce qu'Aviva Vie soit condamnée à rétablir au profit de M. [S], au besoin par équivalent, les supports éligibles existants jusqu'au 30 juin 1998, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

dit que l'expert devra fournir au tribunal tous éléments permettant de déterminer, au regard des habitudes d'arbitrage antérieures de M. [S] et des arbitrages vainement sollicités à compter du 18 décembre 2009, le préjudice subi du fait de l'impossibilité d'arbitrer sur les supports existants sur la liste des supports éligibles applicable jusqu'au 30 juin 1998, ou leur équivalent, et ce à compter du 18 décembre 2009 et jusqu'à clôture des opérations d'expertise,

dit que l'expert devra préciser les supports à restituer à M. [S] au besoin par équivalent pour restaurer l'économie du contrat telle qu'elle existait au 30 juin 1998,

dit que les dépens de première instance seront réservés, ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré sur les autres dispositions intéressant l'expertise,

Ajoutant,

Réserve les demandes intéressant l'exécution future du contrat (possibilité d'arbitrer par fax, frais d'arbitrage),

Déboute la société Aviva Vie de sa demande sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

Réserve les dépens d'appel et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour suivi de l'expertise, et afin qu'il soit statué au fond sur les demandes intéressant le préjudice et l'exécution future du contrat.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 13/02784
Date de la décision : 10/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°13/02784 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-10;13.02784 ?
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