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08/09/2015 | FRANCE | N°14/03412

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 08 septembre 2015, 14/03412


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 14/03412



AFFAIRE :



[K] [V]



C/



SAS BROCADE FRANCE







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 13/00055





Copies exécutoires

délivrées à :



SCP RENAUD & ASSOCIES



LLP DLA PIPER FRANCE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[K] [V]



SAS BROCADE FRANCE



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La c...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 14/03412

AFFAIRE :

[K] [V]

C/

SAS BROCADE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 13/00055

Copies exécutoires délivrées à :

SCP RENAUD & ASSOCIES

LLP DLA PIPER FRANCE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[K] [V]

SAS BROCADE FRANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [V]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe RENAUD de la SCP RENAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'EVRY

APPELANT

****************

SAS BROCADE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie SCHINDLER du LLP DLA PIPER FRANCE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie FETIZON, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 29 mai 2009, M. [K] [V] était embauché en qualité de cadre-responsable des ventes pour le secteur IBM en contrat à durée indéterminée par la société SAS BROCADE, spécialisée dans la vente de matériels de haute technologie pour les réseaux informatiques.

Il signait deux avenants salaires à son contrat de travail les 1er mars 2010 et 28 mars 2011.

La convention collective applicable est la convention SYNTEC.

Le 7 janvier 2013, M. [V] saisissait le conseil de prud'hommes de Boulogne Boulogne-Billancourt afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le conseil des prud'hommes rendait un jugement le 12 juin 2014 qui :

- fixait le salaire moyen mensuel brut de M. [V] à 14 109,98 euros

- disait n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail

- disait n'y avoir lieu à requalification de la rupture du contrat de travail de M. [V], en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- déboutait M. [V] de toutes ses demandes.

M. [V] a interjeté appel de cette décision.

Il demande l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et notamment de :

- constater que l'employeur a violé ses obligations contractuelles en toute déloyauté, à son préjudice, alors qu'il était candidat à la désignation du CHSCT, durant la période de protection de 6 mois

- constater que l'employeur a décidé de considérer qu'il avait démissionné, tenant pour acquise la rupture du contrat de travail en période de protection, sans autorisation de l'inspection du travail, pour tenter de justifier le délit d'entrave qu'il avait commis et qui est de nature, sous réserve d'une décision pénale, d'entraîner la nullité des actes de rupture avec toutes conséquences de droit

sous réserve de la décision pénale,

- dire et juger que le contrat de travail s'est donc poursuivi tout au long de l'année 2013 et jusqu'à la date du bureau de jugement et en tirer les conséquences à tous égards

- voir fixer le salaire mensuel moyen de 14 166,66 euros (fixe et variable)

- en conséquence voir condamner la SAS BROCADE à lui verser les sommes de :

* 170 000 euros au titre de rappels de salaires de mars 2013 à mars 2014 et les congés payés afférents

* 42 500 à titre de préavis et les congés payés afférents

* 22 627,30 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement avec les intérêts de droit et la capitalisation à compter de la citation en justice du 7 janvier 2013

* 170 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS BROCADE conclut à la confirmation du jugement attaqué et demande la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Il est constant qu'aucune copie de plainte pénale n'est produite au dossier ; en conséquence, la demande tendant à voir attendre le prononcé de la décision pénale est écartée.

Sur le dernier salaire moyen de M. [V] :

M. [V] demande la fixation de ce dernier à la somme de 14166,66 euros.

La SAS BROCADE demande la confirmation du jugement et ne fait pas d'observation sur cette demande.

Le conseil de prud'hommes a fixé à la somme de 14 109,98 euros ce dernier salaire en tenant compte de la moyenne des 12 derniers mois. Il ressort des feuilles de salaires produites par M. [V] datée du mois de décembre 2012 que le cumul brut annuel s'élevait à 169 319,79 euros soit 14 109,98 euros. Cette somme est donc retenue et le jugement, confirmé.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

M. [V] soutient qu'il a subi une rétrogradation de la part de son employeur qui s'inscrit dans une politique de réduction systématique de la masse salariale. Cette rétrogradation consistait en une modification d'emploi qu'il a refusée et qui a entraîné petit à petit sa mise à l'écart de l'équipe dès novembre 2012, occasionnant ainsi une baisse de sa rémunération variable fixée en fonction de ses performances. En outre, la société BROCADE a annulé ses stock options dès le 13 janvier 2013, marquant ainsi une volonté de rupture manifeste du contrat de travail.

M. [V] fait valoir que contrairement aux affirmations de la société intimée, le courrier adressé le 7 janvier 2013 n'est pas une démission et qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail compte tenu de la rupture imposée par l'employeur qui refusait de lui redonner ses fonctions initiales. De ce fait, cette rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à réparation.

La SAS BROCADE fait valoir qu'elle souhaitait faire évoluer favorablement le salarié en lui proposant le poste de « Named Account Manager » lui permettant de développer les ventes auprès de ses clients finaux, la rémunération de M. [V] restant inchangée. La SAS BROCADE reconnaît cependant qu'une erreur de plume est apparue sur un bulletin de salaire mais cette erreur a été réparée. La SAS BROCADE soutient que le courrier du 28 janvier 2013 s'analyse en une démission non équivoque, le salarié insistant sur l'urgence de la situation compte tenu d'un poste trouvé à l'extérieur et rendant impossible l'accomplissement d'un quelconque préavis.

Il ressort des pièces du dossier que dès le 12 novembre 2012, M. [V] s'est plaint par mail de graves difficultés dans l'exercice de son contrat de travail, soutenant que l'avenant proposé à son contrat de travail dont il ne lui a pas été possible de disposer d'une copie, modifiait les aspects essentiels de ce dernier en terme de fonction et de responsabilité et de salaire et soulignait que cet avenant proposé devait être « lu et signé en séance ». M. [D] atteste de ce que « à partir du mois de décembre 2012 et au mois de janvier 2013, [K] [V] n'avait plus d'activité ni de tâche à accomplir chez BROCADE. Bien que quotidiennement à son bureau, il s'est peu à peu retrouvé seul », de plus, les commerciaux ne le sollicitaient donc plus, son activité s'est brutalement arrêtée au mois de décembre 2012 ». Ce salarié, lui aussi ingénieur avant ventes, souligne le silence pesant et une forme d'isolement autour de [K] [V]. Enfin, il indique qu'il a appris qu'un poste était à pourvoir au même moment et qu'un commercial, [K] [L], était en cours de recrutement.

M. [J] [F] [T], directeur général de BROCADE, écrit au contraire que le refus du salarié de prendre le poste proposé avait été sans incidence sur son intégration au sein de la société et qu'il s'est conformé aux instructions données par sa hiérarchie et a lancé des recherches pour recruter un remplaçant à M. [V] tout en continuant à impliquer ce dernier à ses réunions commerciales alors qu'il ne recevait plus d'instructions de son amie manager, Madame [X]. Cependant, cette personne atteste aussi de ce que que le poste proposé à M. [V] n'affectait ni la structure ni le montant de son salaire et que ce poste n'a pas été accepté par le salarié malgré de nombreux échanges entre début novembre et fin décembre 2012. Il vient contredire l'affirmation d'isolement soutenu par M. [D] qui témoigne de l'isolement et de la mise à l'écart de ce salarié tout en soulignant qu' aucune de ses prérogatives ne lui ont été retirées.

La lettre datée du 7 janvier 2013 reprend tous les griefs formulés à l'encontre de la société BROCADE en visant notamment le délit d'entrave à son encontre et différentes mesures de rétorsion, comme le refus d'accès aux contrats signés ainsi qu'au décompte de commissions, le privant de la possibilité de vérifier les sommes dues au titre de son salaire variable depuis le mois de mai 2012 ; le salarié précise bien, que cette lettre est une « prise d'acte de la situation qui lui est faite ; à l'évidence, le comportement de la société à son égard caractérise une volonté de rompre le contrat de travail sans respecter la loi ni les procédures prévues en pareil cas ».

Ce courrier fait ainsi référence à un certain nombre de faits qui amène la salarié à saisir le conseil de prud'hommes afin de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, tout en indiquant que cette lettre a pour effet de suspendre la relation de travail entre eux afin de « ne pas venir pour ne rien faire » et « régler les dernières affaires restantes ». un second courrier daté du 28 janvier 2013 réitère les griefs déjà formulés précédemment, M. [V] notant « que depuis deux mois, il fait l'objet de manipulations indignes du groupe et que les atteintes à ce qui fait l'essentiel de son contrat ne cessent de se multiplier ».

Les termes de ces lettres ne constituent en rien une démission non équivoque et témoignent d'une volonté de rupture des relations contractuelles reposant sur des griefs circonstanciés , portant notamment sur le poste proposé en interne par la maison mère américaine ayant pour conséquence, selon l'appelant, un périmètre de travail totalement réduit et corrélativement, une rémunération bien moindre donc une modification importante de son contrat de travail. En outre, M. [V] a écrit à sa hiérarchie en novembre 2012 qu'en sa qualité de candidat aux élections du CHSCT, la société avait l'intention de le « virer ».

Par ailleurs, il ressort des écritures des parties que M. [V] a été embauché dès le mois de janvier 2013 par une société tiers, la société NETGEAR en qualité de Directeur Régional France, de façon concomitante avec le courrier invoqué en date du 7 janvier 2013. En effet, le profil LINKELIN de ce dernier mentionne « Regional Director France NETGEAR February 2013 present (2 months), embauche qui nécessite à ce haut poste de responsabilité, des relations antérieures pour finaliser la nouvelle embauche. Les mails produits du 28 novembre font mentionnent l'existence de discussions avec l'avocat d'[K] [V] pour négocier les termes d'un accord de règlement confidentiel pour le départ de l'appelant, compte tenu de son statut de salarié protégé et de ses exigences financières et ils ne sont que le reflet d'une tentative de négociation d'un départ inéluctable pour le salarié.

M. [T] vient attester dans un second temps et contrairement à sa première attestation de ce qu'il a été effectivement proposé au salarié un poste de Named Account Manager responsable des comptes client au sein de son équipe commerciale au lieu et place de son précédent rôle chez BROCADE et que, dès le départ, ce salarié a refusé ce poste qui ne correspondait ni à ses attentes ni à son expérience ni à son parcours chez BROCADE. Il ajoute que : « ma hiérarchie en a convenu dès le départ et il est normal que M. [V] n'ait jamais accepté cette offre ».

Ainsi, le supérieur hiérarchique de M. [V] reconnaît que ce dernier ne pouvait que refuser le poste proposé qui ne correspondait pas à ses attentes et à son expérience, notamment au sein de la société BROCADE.

Cependant, la contradiction entre les deux attestations de M. [T] ne permet pas de conforter l'existence d'une modification substantielle du contrat de travail justifiant la résiliation judiciaire sollicitée. Enfin, aucune autre pièce du dossier ne vient caractériser l'existence d'une modification de poste entrainant des conséquences notamment sur la rémunération de M. [V]. Dans ces conditions, au vu des éléments produits, la cour ne peut que rejeter l'affirmation d'une démission de la part de M. [V] tout en rejetant la demande de résiliation du contrat de travail.

Il s'est agi en réalité d'une prise d'acte de rupture du contrat, imputable à M. [V] qui doit produire les effets d'une démission.

Sur les rappels de salaires :

M. [V] sollicite des rappels de salaires pour la période de mars 2013 à mars 2014 à hauteur de 170 000 euros sans toutefois en expliquer le motif et le calcul dans ses écritures cette demande étant dans son quantum la même que celle sollicitée au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ces conditions, au vu des seuls éléments produits, cette demande est écartée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

La partie qui succombe doit supporter les éventuels dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette toutes les autres demandes ;

Laisse les dépens de première instance à la charge de l'appelant.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03412
Date de la décision : 08/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/03412 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-08;14.03412 ?
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