La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2015 | FRANCE | N°14/03272

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 09 juillet 2015, 14/03272


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



19e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 JUILLET 2015



R.G. N° 14/03272



AFFAIRE :



[H] [U]



C/



SARL [D]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY



N° RG : 13/00722





Copies exécutoires délivrées à :


>la SELARL O.B.P. Avocats







Copies certifiées conformes délivrées à :



[H] [U]



SARL [D]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF JUILLET DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JUILLET 2015

R.G. N° 14/03272

AFFAIRE :

[H] [U]

C/

SARL [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° RG : 13/00722

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL O.B.P. Avocats

Copies certifiées conformes délivrées à :

[H] [U]

SARL [D]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [U]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Comparant en personne, assisté de Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : K0136)

APPELANT

****************

SARL [D]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Mme [L] [T] Responsable des Affaires Sociales en vertu d'un pouvoir spécial en date du 28/05/2015l

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

Le délibéré a été mis par disposition au greffe au jeudi 09 juillet 2015 à 15 heures 00

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat d'apprentissage non versé aux débats du 29 août 2005, monsieur [H] [U] a été embauché par la société [D] pour une durée de 2 ans jusqu'au 31 août 2007, en qualité d'ouvrier professionnel. Les relations contractuelles se sont poursuivies au-delà du terme du contrat d'apprentissage, monsieur [H] [U] étant employé en dernier lieu comme compagnon professionnel, niveau 3, position 1, coefficient 210 de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne applicable au sein de l'entreprise et percevant selon lui une rémunération moyenne de 2 430 € évaluée à 2 028 € par l'employeur.

Par courrier du 3 avril 2012, monsieur [H] [U] a présenté sa démission et a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency le 19 juin 2012 afin d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société employait plus de 11 salariés.

Après radiation et rétablissement de l'affaire, le conseil de prud'hommes de Montmorency, section industrie, a débouté monsieur [H] [U] de l'ensemble de ses demandes par jugement du 24 juin 2014.

Monsieur [H] [U] a régulièrement relevé appel du jugement le 15 juillet 2014.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 29 mai 2015, monsieur [H] [U] demande à la cour de requalifier la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société [D] à lui payer les sommes de :

- 13 730 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 1 373 € au titre des congés payés y afférents,

- 14 580 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 36 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 860 € à titre au titre du préavis, outre 486 € au titre des congés payés y afférents,

- 3 280 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite également la remise d'une attestation pôle emploi rectifiée comportant la mention « licenciement ».

Aux termes de ses écritures transmises le 20 avril 2015, soutenues oralement à l'audience, la société [D] demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience,

SUR CE :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Monsieur [H] [U] soutient avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées à raison d'une par jour en faisant valoir qu'il devait se présenter au siège avant l'heure officielle d'embauche fixée à 8 heures.

La société conteste la demande en soutenant que le passage par le siège de l'entreprise avant l'heure d'embauche n'était pas obligatoire, que la demande de monsieur [H] [U] n'est pas étayée et que ses décomptes comprennent des erreurs.

L'examen de la demande implique de déterminer la durée effective du temps de travail dans l'entreprise et donc le caractère obligatoire ou non du passage des salariés au siège de l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers.

Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

Même si la durée du travail définie par la convention collective en son article 1.8.1 exclut les temps de trajet domicile/chantier ou siège/chantier, la Cour de cassation a précisé que « les salariés tenus de se rendre au siège de l'entreprise avant l'heure d'embauche et après la débauche sur les chantiers afin de prendre et ramener le camion et les matériels, se tiennent à disposition de leur employeur pour participer à l'activité de l'entreprise, ce dont il résulte que cette période de temps devait être rémunérée comme du temps de travail effectif » (12 mars 2002 99-42998)

En l'espèce, il ressort de l'attestation de monsieur [G], charpentier dans l'entreprise, communiquée par le salarié que les employés arrivaient à l'entreprise vers 6h 40 pour prendre un café puis qu'ils prenaient un véhicule vers 6h 45, se rendaient sur les chantiers et que le soir ils devaient charger le véhicule pour le lendemain.

Par ailleurs, une note au personnel de la société [D] en date du 1er octobre 2007 indique que « conscient des efforts de tout le personnel pour contribuer à la bonne marche de l'entreprise en venant au siège de bonne heure afin d'être à 8 heures sur les chantiers, la direction a décidé de compenser cette contribution en augmentant la prime de trajet de 2%. »

Ces éléments sont suffisants pour justifier que le passage au siège avant l'heure d'embauche était obligatoire, d'autant que monsieur [H] [U] a bénéficié à partir du mois d'octobre 2007 de l'augmentation de la prime annoncée par l'employeur en contrepartie de l'effort demandé au personnel.

La cour jugera donc que comme le soutient le salarié, les ouvriers étaient tenus de se présenter au siège de l'entreprise avant l'heure d'embauche.

Monsieur [H] [U] soutient qu'ainsi il a effectué depuis 2007 une heure de travail supplémentaire par jour dont il produit un décompte détaillé année par année, communiqué à l'employeur par lettre recommandée du 10 avril 2013 (p34).

L'article L. 3171'4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

Ainsi la preuve des heures de travail effectué n'incombe spécialement à aucune des parties mais il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Les éléments communiqués par le salarié et notamment le décompte susmentionné sont suffisants pour étayer sa demande et il appartient donc à l'employeur de fournir à la cour les éléments de nature à justifier les horaires réellement accomplis par le salarié.

La société [D] explique que les horaires de travail étaient de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures du lundi au jeudi et de 8 heures à 12 heures/13heures à16 heures le vendredi, soit 39 heures par semaine que monsieur [H] [U] remplissait lui-même ses feuilles de pointage et n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires.

La société verse également aux débats l'attestation d'un salarié selon laquelle de mars 2008 à février 2010, alors que monsieur [H] [U] habitait à [Localité 3], il allait le chercher chez lui avec le véhicule de l'entreprise pour se rendre directement sur les chantiers de sorte que la cour déduira du nombre d'heures réclamées celles prétendument effectuées pendant toute cette période.

En conséquence, sur la base d'une heure supplémentaire par jour, d' un taux horaire de base non contesté de 9,40 euros en 2007 ; 9,60 € en 2008 ; 10,50 € puis 11,25 € en 2010 ; 11,25 € en 2011 et 11,70€ en 2010, du décompte établi par le salarié dans son courrier du 10 avril 2013 et des feuilles de temps versées par l'employeur (pièce 16), la cour fera droit à la demande à hauteur des sommes suivantes :

* 951,75 euros pour l'année 2007,

* 496,80 euros pour l'année 2008,

* 2 573,67 euros pour l'année 2010,

* 3 573,43 euros pour l'année 2011,

* 1 029,88 euros pour l'année 2012.

Le surplus de la demande sera rejetée, l'employeur établissant que monsieur [H] [U] n'était pas tenu à cette période de se rendre au siège avant l'heure d'embauche.

La société [D] devra donc verser à monsieur [H] [U] une somme totale de

8 625,53 euros, au titre du rappel des heures supplémentaires, outre 862,55 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la rupture du contrat de travail :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, la remet en cause en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date où elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

La cour relève que la démission de monsieur [H] [U] a été donnée après qu'il a tenté vainement d'obtenir une rupture conventionnelle de la part de son employeur, qu'il a saisi le conseil de prud'hommes plus de deux mois après avoir adressé sa démission et que l'un de ses collègues de travail, monsieur [O] atteste avoir entendu une conversation avant son départ de l'entreprise en novembre 2010 lors de laquelle monsieur [H] [U] « a demander (sic) à monsieur [D] le paiement de ses heures supplémentaires » et ce dernier lui a indiqué « qu'il était suffisamment payer (sic) et que le « portail bleu était grand ouvert ».

Les éléments versés aux débats par l'appelant sont suffisants pour établir l'existence d'un différend antérieur à la démission rendant celle-ci équivoque de sorte que la démission s'analyse comme une prise d'acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

La cour observe que sur la base des douze derniers mois de salaire précédant le licenciement, la moyenne des salaires prenant en compte le paiement des heures supplémentaires dues au salarié devrait s'établir à la somme de 2 677,03 euros. Le salarié formulant sa demande à hauteur de la somme de 2 430 euros, la cour fixera à ce montant le salaire de référence.

Monsieur [H] [U] travaillant depuis plus de deux ans dans une entreprise comprenant au moins onze salariés peut prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail, laquelle ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Compte tenu de l'ancienneté de monsieur [H] [U] (plus de six ans), de son âge (né en 1990) des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération de ce qu'il justifie de sa situation postérieurement à la rupture du contrat de travail, son préjudice sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 23 000 euros.

L'indemnité de préavis sera fixée conformément à la demande, à la somme de 4 860 euros et la société [D] devra en outre verser à monsieur [H] [U] une somme de 486 euros au titre des congés payés y afférents.

L'indemnité légale de licenciement sera fixée conformément à la demande, à la somme de 3 280 euros.

Sur la demande relative à l'indemnité pour travail dissimulé :

Le litige portant sur la prise en compte des heures supplémentaires précédant l'horaire officiel de travail, la non-déclaration de ces heures parfaitement connue de l'employeur, établit le caractère intentionnel de la dissimulation.

En application de l'article L.8223-1 du code du travail, la société [D] devra verser à monsieur [H] [U] une somme de 13 730 euros à titre d'indemnité forfaitaire.

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le

remboursement par la société [D] aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à monsieur [H] [U] à compter du jour de son licenciement au jour de l'arrêt prononcé et ce dans la limite de 4 mois

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

La société [D], partie perdante condamnée aux dépens, devra indemniser monsieur [H] [U] des frais exposés par lui tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de MONTMORENCY du 24 juin 2014,

Dit que la démission de monsieur [H] [U] s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la société [D] à payer à monsieur [H] [U] les sommes de :

- 8 625,53 euros, au titre du rappel des heures supplémentaires, outre 862,55 euros au titre des congés payés y afférents,

- 13 730 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 860 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 486 euros au titre des congés payés y afférents,

- 3 280 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

Ordonne la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision portant la mention licenciement,

Ordonne le remboursement par la société [D] aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à monsieur [H] [U] à compter du jour de son licenciement au jour de l'arrêt prononcé et ce dans la limite de 4 mois,

Déboute monsieur [H] [U] du surplus de ses demandes,

Condamne la société [D] à payer à monsieur [H] [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [D] aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, avis en ayant été donné préalablement aux parties conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par madame Aude RACHOU président et monsieur Arnaud DERRIEN greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03272
Date de la décision : 09/07/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/03272 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-09;14.03272 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award