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09/07/2015 | FRANCE | N°14/03143

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 09 juillet 2015, 14/03143


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 JUILLET 2015



R.G. N° 14/03143



AFFAIRE :



[P] [C]



C/



SAS GILEAD SCIENCES





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE

Section : Commerce

N° RG : F14/00457





Copies exécutoires dél

ivrées à :



Me Fatima MEKHETTECHE

la LLP FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP





Copies certifiées conformes délivrées à :



[P] [C]



SAS GILEAD SCIENCES







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF JUILLET DEUX MILLE QUI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JUILLET 2015

R.G. N° 14/03143

AFFAIRE :

[P] [C]

C/

SAS GILEAD SCIENCES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE

Section : Commerce

N° RG : F14/00457

Copies exécutoires délivrées à :

Me Fatima MEKHETTECHE

la LLP FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP

Copies certifiées conformes délivrées à :

[P] [C]

SAS GILEAD SCIENCES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [P] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparante en personne, assistée de Me Fatima MEKHETTECHE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : C0978)

APPELANTE

****************

SAS GILEAD SCIENCES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Gwen SENLANNE du LLP FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : J007)

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Aude RACHOU, Président chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

Le délibéré a été mis par disposition au greffe au jeudi 09 juillet 2015 à 15 heures 00.

Madame [B] [C] a été embauchée le 9 août 2007 à effet du 9 septembre 2007 par la SAS Gilead Sciences en qualité de responsable affaires scientifiques selon contrat à durée indéterminée moyennant une rémunération annuelle qui était de 75.000 € brut sur douze mois.

La convention collective applicable est celle de l'industrie pharmaceutique.

La société emploie au moins onze salariés.

Le 22 juin 2012, la société Gilead Sciences, reprochant à sa salariée d'avoir présenté des notes de frais sans rapport avec sa fonction entre juin 2009 et juin 2011, l'a convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception pour le 6 juillet 2012 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juillet 2012, la société a notifié à madame [C] son licenciement pour cause réelle et sérieuse la dispensant de l'exécution de son préavis qui lui a été payé.

Le 31 décembre 2012, elle saisissait le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt (section encadrement) qui, par jugement du 2 juin 2014, a :

- dit que le licenciement de madame [C] était dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Gilead Sciences à lui payer :

* 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 32.870,16 € en paiement des 1286 actions non exercées à la date du licenciement,

* 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixé le salaire à 9.344,90 €,

- dit que les intérêts légaux seront calculés selon les dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

- ordonné le remboursement par la société Gilead Sciences aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à la salariée à compter du jour de son

licenciement au jour de l'arrêt prononcé et ce dans la limite de deux mois,

- débouté la salariée du surplus de ses demandes.

Madame [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 2 juillet 2014.

La société Gilead Sciences a régulièrement interjeté appel de cette décision le 3 juillet 2014.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 26 mai 2015.

Aux termes de ses conclusions du 13 mai 2015 soutenues oralement à l'audience, madame [C] demande à la cour la confirmation de la décision en ce qu'elle a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et son infirmation pour le surplus.

Elle sollicite la condamnation de la société Gilead Sciences à lui payer :

* 139.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires et humiliantes,

* le paiement des heures supplémentaires ainsi que l'indemnisation des temps de trajet, dépassant le temps de trajet habituel pour les années 2008 à 2012 incluse,

* 69.500 € de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 231.936 € au titre de la perte de chance de lever les options consenties,

* 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

avec capitalisation des intérêts légaux au jour de la saisine.

Aux termes de ses conclusions du 26 mai 2015 soutenues oralement à l'audience, la société Gilead Sciences demande à la cour l'infirmation de la décision et le débouté de la salariée, outre 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle conclut :

- en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la fixation du salaire de référence à la somme de 9.391,81 € et des dommages et intérêts dus à la somme de 56.347,26 € représentant six mois de salaire,

- à la fixation à un montant symbolique de la somme due au titre des heures supplémentaires et des temps de trajet,

la salariée étant en tout état de cause déboutée de sa demande relative au travail dissimulé.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 26 mai 2015 ;

Vu la lettre de licenciement ;

SUR CE :

Sur le licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Considérant que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

Considérant que la société Gilead Sciences reproche à madame [C] d'avoir :

- demandé le remboursement :

*de frais engagés pendant ses congés payés,

*de fleurs,

* de matériel non pris en charge par la société,

- présenté :

* des factures identiques en vue d'obtenir un double remboursement,

* des frais de repas en dehors de ses déplacements professionnels ;

Considérant que la salariée soulève la prescription des faits invoqués à l'appui du licenciement, les frais visés ayant été transmis, contrôlés, validés et payés entre décembre 2009 et juillet 2011;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Considérant que l'employeur soutient n'avoir eu connaissance exacte de la réalité, la nature et l'ampleur des faits reprochés à madame [C] qu'à la suite d'une enquête interne diligentée entre avril et juin 2012 ;

qu'il précise que contrairement à ce que conclut madame [C], les notes de frais n'étaient pas contrôlées attentivement par les managers qui ont été par ailleurs sanctionnés pour ce motif et qu'en toute hypothèse, les notes de frais ont été validées par des personnes dépourvues de pouvoir de sanction ;

Mais considérant d'une part que la lettre de licenciement débute comme suit :

' ... En effet, suite à une enquête interne, nous avons découvert que vous aviez présenté des notes de frais relatives à des dépenses sans rapport avec l'exercice de vos fonctions en contravention avec les règles applicables au sein de la société. ... ' ;

que la société Gilead Sciences ne verse aux débats aucun élément sur cette enquête interne ni sur les dates à laquelle elle a été diligentée ;

que d'autre part, la salariée produit :

- des extraits du procès verbal de la réunion du comité d'entreprise en date du 12 juin 2012 se référant à la question des notes de frais, les élus constatant que cette question génère du stress pour les employés, voire davantage, et la direction répondant qu'il ya eu une prise de conscience du salarié validant les notes de frais qui engage sa responsabilité car les deux tiers de celles ci n'étaient pas vérifiés

- des extraits du procès verbal de la réunion du comité d'entreprise en date du 11 juillet 2012 au cours duquel ' les élus demandent un point sur l'audit des notes de frais qui vient d'avoir lieu : qui a réalisé l'audit ' Pays concernés ' Conséquences ' Pourquoi les salariés n'ont ils pas été informés que cet audit avait eu lieu '

[I] [H] précise que c'est une étude approfondie des notes de frais (NdF) car la direction s'est aperçue qu'il y avait des anomalies. Ont été concernés les notes de frais des 3 dernières années dont les montant étaient le plus élevés donc principalement aux ventes, marketing et médical. Cette étude a été réalisée par [W] [G] et [I] [H].

F [N] demande à quel moment la décision a été prise de faire un audit

[I] [H] répond: au cours du premier trimestre 2012. ... ' ;

qu'il résulte de ces rappels que s'il est avéré que l'employeur n'avait pas une connaissance pleine et entière au premier trimestre 2012 des faits reprochés à la salariée, il n'en reste pas moins qu'il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'il n'en a pas eu connaissance moins de deux mois avant le 22 juin 2012, date de la convocation à l'entretien préalable, l'extrait cité du procès verbal du comité d'entreprise faisant état d'une prise de décision d'effectuer un contrôle au cours du premier trimestre 2012 et la cour ne disposant d'aucun élément pour savoir à quelle date l'employeur a eu connaissance des résultats de cette enquête;

qu'en conséquence, les faits étant prescrits, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et la décision confirmée de ce chef par substitution de ses motifs ;

Considérant que la salariée bénéficie d'une ancienneté de pratiquement cinq ans dans une société employant au moins onze salariés ;

qu'elle peut prétendre à une indemnité égale au minimum à six mois de salaire ;

que les parties s'opposent sur le montant du salaire moyen à retenir ;

que la société Gilead Sciences le fixe à 9.391 € et la salariée à 11.583 € ;

qu'eu égard aux pièces versées aux débats, la cour observe que ce salaire moyen qui doit être calculé sur les douze derniers mois précédant le licenciement soit de juillet 2011 à juin 2012, s'élève à la somme de 9.338,95 €, l'employeur retenant comme base de calcul les mois d'août 2011 à juillet 2012 et la salariée incluant l'intéressement et la participation qui n'entrent pas dans la base de calcul ;

que sera néanmoins retenue la somme de 9.391 € proposée par l'employeur ;

que la salariée était âgée de 51 ans au moment de son licenciement ;

qu'elle a ensuite effectué des missions pour la CPAM ainsi que de médecin scolaire pour une rémunération moindre et a suivi un master à l'école des Sciences Politiques à [Localité 2] ;

que depuis 2015, elle effectue du portage salarial ;

qu'au vu de ces éléments, il lui sera alloué 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la décision étant confirmée de ce chef ;

Considérant que la salariée n'établit pas que son licenciement soit intervenu dans des circonstances vexatoires et humiliantes justifiant l'allocation de dommages et intérêts ;

Sur les heures supplémentaires :

Considérant que madame [C] conclut que l'horaire de travail contractuellement conclu était de 39 heures hebdomadaires, avec deux jours de RTT mensuels pour compenser le dépassement de la durée légale du travail de 35 heures ;

qu'aucune convention de forfait ne lui était applicable et qu'elle relevait en conséquence du droit commun relatif aux heures supplémentaires ;

Considérant que la société Gilead Sciences conclut aux mêmes fins ;

qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner les arguments de la salariée sur ce point, étant acquis qu'elle relève du régime de droit commun ;

Considérant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, mais qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Considérant que la salariée verse aux débats un audit interne à l'entreprise prévoyant des feuilles d'activité faisant par exemple apparaître qu'en février 2010, elle avait travaillé 27,1 jours au lieu de 20 jours, en mars 2010 : 27,73 jours au lieu de 21 jours, ses agendas ainsi qu'un tableau Excel récapitulant les heures effectuées selon elle ;

que ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, ce qu'il fait d'ailleurs ;

que ce dernier souligne en effet la fausseté des décomptes opérés en pointant les incohérences entre les éléments portés sur l'agenda, récapitulés sur le tableau et les demandes en remboursement de notes de frais démontrant qu'à une date précise, la salariée était dans un autre lieu géographique ;

mais considérant que ces erreurs non contestées, madame [C] soutenant qu'elle a, en fin d'année, travaillé à la fois sur son agenda 2009 et sur celui 2010, ne sont pas de nature à entamer la crédibilité des tableaux et relevés produits par ses soins, étant observé qu'il appartient à l'employeur de vérifier et superviser le temps de travail de sa salariée en l'absence de forfait cadre et que ses considérations sur l'emploi du temps proposé par madame [C] sont insuffisantes à remettre en cause les affirmations de cette dernière, la cour étant dans l'impossibilité de vérifier la réalité des contestations élevées au regard des éléments produits ;

qu'en conséquence, il sera fait droit à la demande sauf à retrancher les jours suivants :

30 novembre, 1er, 2, 7, 8 et 11 décembre 2009 et 3 mars 2010, dates pour lesquelles les indications diffèrent entre le tableau Excel et les agendas de l'intéressée, soit les sommes de : * 12.261 € bruts et 1.226 € bruts de congés payés afférents pour l'année 2008,

* 14.331,84 € bruts et 1.433,18 € bruts de congés payés afférents pour l'année 2009,

* 27.660,57 € bruts et 2.766,05 € bruts de congés payés afférents pour l'année 2010,

* 20.638 € bruts et 2.063 € bruts de congés payés afférents pour l'année 2011,

* 11.000 € bruts et 1.100 € bruts de congés payés afférents pour l'année 2012.

Sur l'indemnisation des temps de trajet :

Considérant que le contrat de travail de la salariée prévoyait des déplacements sur la France entière, celle ci effectuant, en dehors de ces missions, du télé travail à son domicile à [Localité 1] dans un premier temps puis à [Localité 2] ;

Considérant que le temps de trajet n'est pas un temps de travail effectif et peut donner lieu en cas de durée excessive à une contrepartie financière ou en temps de repos ;

Considérant qu'à défaut de convention ou d'accord collectif du travail et en l'absence de décision unilatérale de l'employeur pour déterminer cette contrepartie, ce dernier s'expose au paiement de dommages et intérêts ;

qu'enfin, la part prise sur l'horaire de travail pour se rendre au lieu de mission ne doit entraîner aucune réduction de rémunération ;

qu'en l'espèce, compte tenu de la spécificité de l'activité de madame [C] et des documents produits par ses soins, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que ses temps de trajet n'étaient pas inclus dans son temps de travail et rémunérés comme tels, la cour observant en outre que contrairement à ce qu'elle conclut les éléments mathématiques ne risquent pas d'être aisément vérifiés dans la mesure où ils ne sont pas produits ;

que madame [C] sera déboutée de sa demande de ce chef ;

Sur le travail dissimulé :

Considérant, sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé, que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'une telle intention ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ;

Considérant que la société Gilead conclut à juste titre qu'eu égard à l'autonomie dont disposait la salariée dans son travail, ses déplacements fréquents et son travail à domicile et au fait que celle ci ne lui a jamais adressé de quelconques relevés d'heures effectuées en sus, l'intention requise pour l'application des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail n'est pas établie, la cour retenant la négligence non intentionnelle de l'employeur ;

que la salariée sera déboutée de sa demande de ce chef ;

Sur la perte de chance de lever les actions attribuées :

Considérant que madame [C] demande dédommagement de sa perte de chance de lever les actions attribuées ;

qu'elle est fondée à solliciter la fixation de ce préjudice apprécié au jour de l'audience ;

que les actions ayant été automatiquement doublées par l'entreprise, elle a été privée du bénéfice de ses 1 286 actions multipliées par deux, soit un total de 2 572 actions d'un montant unitaire de 259.463 $(231.936 €) ;

Considérant que la société Gilead Sciences conclut en toute hypothèse au débouté de la demande relative au doublement des actions, madame [C] étant sortie des effectifs de la société au terme de son préavis le 19 novembre 2012, le doublement concernant les actions détenues au 7 janvier 2013 ;

que le dédommagement pour les 1286 actions doit s'apprécier en une indemnité calculée en fonction de la perte de chance subie et non pas en une indemnité correspondant à la valeur totale des dites actions ;

Mais considérant que du fait du licenciement intervenu, madame [C] a été privée d'une part de la possibilité de bénéficier du doublement des actions survenu peu de mois après son départ de l'entreprise et de l'autre de lever les 1 286 actions en sa possession ;

qu'en effet, la société Gilead Sciences ne peut soutenir que la salariée n'a pas droit au bénéfice du doublement des actions au motif qu'elle n'appartient plus aux effectifs de la société du fait du caractère sans cause réelle et sérieux du licenciement intervenu ;

mais que néanmoins, cette perte doit s'apprécier en une perte de chance non pas, comme pour les autres actions dont elle avait la possession de les réaliser financièrement ; mais comme une perte de chance de profiter du doublement de celles ci ;

que cette privation doit être calculée en fonction des dates prévues pour la première levée d'option possible en tenant compte du cours de l'action et du risque inhérent à toute opération boursière pour les 1 286 actions et en fonction de la chance qu'aurait eue madame [C] de bénéficier du doublement de celles ci ;

qu'eu égard à ces éléments et aux données chiffrées produites, il sera alloué à madame [C] une somme de 40.000 € ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Gilead Sciences aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à madame [C] à compter du jour de son licenciement au jour de l'arrêt prononcé et ce dans la limite de deux mois, la décision étant confirmée de ce chef ;

que le conseil de prud'hommes a convenablement fixé le montant de l'indemnité due sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

que la décision sera confirmée de ce chef ;

Par Ces Motifs

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirmant la décision sur les heures supplémentaires et la levée des actions non exercées à la date du licenciement et statuant à nouveau,

Condamne la société Gilead Sciences à payer à madame [B] [C] :

- au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents les sommes de :

* 12.261 € bruts et 1.226 € bruts pour l'année 2008,

* 14.331,84 € bruts et 1.433,18 € bruts de congés payés afférents pour l'année 2009,

* 27.660,57 € bruts et 2.766,05 € bruts de congés payés afférents pour l'année 2010,

* 20.638 € bruts et 2.063 € bruts pour l'année 2011,

* 11.000 € bruts et 1.100 € bruts pour l'année 2012,

- au titre de la perte de chance de la levée d'option et du bénéfice du doublement de celles ci la somme de 40.000 € de dommages et intérêts.

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a dit le licenciement de madame [B] [C] sans cause réelle et sérieuse par substitution de ces motifs et condamné la société Gilead Sciences à payer à la salariée la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à la salariée à compter du jour de son licenciement au jour de l'arrêt prononcé et ce dans la limite de deux mois et l'a déboutée du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Gilead Sciences aux dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Aude RACHOU, Président et par Monsieur Arnaud DERRIEN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03143
Date de la décision : 09/07/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/03143 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-09;14.03143 ?
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