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02/07/2015 | FRANCE | N°14/02910

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 02 juillet 2015, 14/02910


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 JUILLET 2015



R.G. N° 14/02910



AFFAIRE :



[H] [V]



C/



SAS AVOCENT FRANCE ...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 12/01695





Copies exécutoires dÃ

©livrées à :



Me Martine VALOT FOREST

la SCP BAKER & MAC KENZIE





Copies certifiées conformes délivrées à :



Pierre BELLIER



SAS AVOCENT FRANCE, Société AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUARTERS, Société AVOCENT IRLANDE, Société EMERSON NETWORK PO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 JUILLET 2015

R.G. N° 14/02910

AFFAIRE :

[H] [V]

C/

SAS AVOCENT FRANCE ...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 12/01695

Copies exécutoires délivrées à :

Me Martine VALOT FOREST

la SCP BAKER & MAC KENZIE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Pierre BELLIER

SAS AVOCENT FRANCE, Société AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUARTERS, Société AVOCENT IRLANDE, Société EMERSON NETWORK POWER, Société EMERSON NETWORK POWER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUILLET DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [V]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant en personne, assisté de Me Martine VALOT FOREST, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : B0883)

APPELANT

****************

SAS AVOCENT FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Pierre DIDIER de la SCP BAKER & MAC KENZIE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : B445)

Société AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUARTERS

4991

[Adresse 4]

ETATS-UNIS

Représentée par Me Pierre DIDIER de la SCP BAKER & MAC KENZIE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : B445)

Société AVOCENT IRLANDE

Shannon Industrial Estate, Shannin, CO. Clare

IRLANDE

Représentée par Me Pierre DIDIER de la SCP BAKER & MAC KENZIE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : B445)

Société EMERSON NETWORK POWER

[Adresse 1]

[Adresse 5]

ETATS-UNIS

Représentée par Me Pierre DIDIER de la SCP BAKER & MAC KENZIE,

avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : B445)

Société EMERSON NETWORK POWER

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre DIDIER de la SCP BAKER & MAC KENZIE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : B445)

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Avril 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

Le délibéré a été mis par disposition au Greffe au jeudi 18/06/2015 puis prorogé par mise à disposition au Greffe au jeudi 02 juillet 2015 à 15 heures 00

EXPOSE DU LITIGE :

Le groupe EMERSON est un groupe international divisé en cinq branches dont l'une, la division EMERSON NETWORK POWER est spécialisée dans la protection et l'optimisation des infrastructures pour les datacenters, les réseaux de communications, les établissements de santé et les installations industrielles.

La société AVOCENT a intégré le groupe EMERSON en 2009 et dépend de la division EMERSON NETWORK POWER. Elle est elle-même divisée en trois zones géographiques, Amériques (nord et sud), APAC (Asie et Pacifique) et EMEA ( Europe, Moyen Orient, Asie).

La SAS AVOCENT FRANCE a pour objet social la fourniture de tout service marketing, de business développement, administratif, de supports de prévente et de vente et de support d'OEM pour les produits AVOCENT. Elle fait partie de la zone EMEA, elle-même divisée en trois zones (Europe du Nord, Europe Centrale et Europe du Sud)

Suivant contrat à durée indéterminée du 19 juin 2006, à effet au 28 août 2006, monsieur [H] [V] a été engagé par la société AVOCENT France SARL, aux droits de laquelle se trouve la SAS AVOCENT FRANCE depuis le 28 juillet 2010, en qualité de «Country Manager France Benelux», statut cadre, classification 180 III B de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable à la relation de travail.

À compter du mois de juin 2011, monsieur [H] [V] a accédé aux fonctions de directeur Europe du Sud, en charge à ce titre de la France, du Benelux, de l'Espagne, du Portugal et de l'Italie. Dans le dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle s'élevait à 16 593,29 euros selon le salarié, 10 593,29 euros selon l'employeur.

Dans le cadre de ses fonctions, il dépendait du vice-président EMEA qui supervisait les trois zones de l'EMEA, monsieur [Q] [S], lui même salarié par une autre société AVOCENT.

Par lettre du 25 janvier 2012 lui notifiant sa mise à pied conservatoire, monsieur [V] a été convoqué une première fois à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 février 2012.

Par lettre recommandée du 1er février 2012, monsieur [V] a été à nouveau convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé cette fois au 15 février 2012.

Par lettre recommandée du 2 février 2012, monsieur [V] a finalement été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est effectivement tenu le 15 février 2012.

Par lettre recommandée du 8 mars 2012, monsieur [V] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique.

Contestant la validité et le bien fondé de son licenciement, monsieur [H] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, qui par jugement du 5 juin 2014 a :

- estimé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 8500 € et condamné la SAS AVOCENT FRANCE à payer à monsieur [H] [V] les sommes de :

* 15 000 € au titre du préjudice subi par les conditions de son licenciement,

* 7 134,87 euros au titre du rappel de commissions pour le premier trimestre de l'année 2012,

* 34 009 euros au titre des commissions dues pour le reste de l'année 2012,

* 10 821 euros au titre du « consistency bonus » 2012,

* 1 082 euros au titre des congés payés y afférents,

* 5 346 € à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

- dit que les créances salariales sont productives d'intérêts à compter du 23 juillet 2012,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté monsieur [H] [V] du surplus de ses demandes.

Monsieur [H] [V] a régulièrement relevé appel partiel du jugement le 16 juin 2014 et par exploits des 31 décembre 2014, 27 janvier 2015 et 10 février 2015 a fait assigner devant la cour les sociétés AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUATERS, AVOCENT IRLANDE, EMERSON NETWORK POWER et EMERSON ELECTRIC NETWORK POWER ([Localité 4] et [Localité 3]).

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 17 avril 2015, monsieur [H] [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS AVOCENT FRANCE à lui payer les sommes de :

* 15 000 € au titre du préjudice subi en raison des conditions du licenciement,

* 7 134,87 euros au titre des commissions du premier trimestre 2012,

* 34 009 € au titre des commissions du reste de l'année 2012,

* 10 821 € au titre du « consistency bonus »,

* 1 082 € au titre des congés payés y afférents,

* 5 346 € au titre de rappel de l'indemnité légale de licenciement,

- l'infirmer pour le surplus et :

- prononcer la nullité de son licenciement pour motif économique,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés AVOCENT FRANCE, AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUATERS, AVOCENT IRLANDE et EMERSON NETWORK POWER ([Localité 4] et [Localité 3]) à lui payer la somme de 381 358,88 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement en application de l'article

L. 1235'11 du code du travail ;

- subsidiairement, les condamner conjointement et solidairement à la même somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause, les condamner conjointement et solidairement à lui payer les sommes de :

* 63 559,98 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement,

* 63 559,98 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 42 373,20 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,

* 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison des conditions dans lesquelles est intervenu le licenciement,

* 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir .

Aux termes de leurs conclusions transmises le 15 avril 2015, soutenues oralement à l'audience, les sociétés AVOCENT FRANCE, AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUATERS, AVOCENT IRLANDE et EMERSON NETWORK POWER ([Localité 4] et [Localité 3]) demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS AVOCENT FRANCE à payer à monsieur [H] [V] la somme de 15 000 € au titre du préjudice subi en raison des conditions du licenciement, de le confirmer pour le surplus, de débouter monsieur [H] [V] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à verser à chacune des 5 sociétés la somme de

1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience,

Vu la lettre de licenciement,

SUR CE :

L'appelant sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes pour les chefs de condamnation relatifs aux :

- commissions du premier trimestre 2012,

- commissions du reste de l'année 2012,

- « consistency bonus »,

- congés payés y afférents,

- rappel de l'indemnité légale de licenciement,

tous points qui ne sont pas remis en cause par les sociétés intimées lesquelles ne forment pas appel incident de ces chefs.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ces points.

Sur la nullité du licenciement :

Monsieur [H] [V] soutient que le licenciement est nul dans la mesure où il existait une situation de co emploi entre la SAS AVOCENT FRANCE et les sociétés AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUATERS, AVOCENT IRLANDE et NETWORK POWER, raison pour laquelle il les a mises en la cause, que de ce fait l'effectif de l'employeur s'élevant à plus de 50 salariés et son licenciement s'inscrivant dans le cadre d'un licenciement collectif intéressant plus de 10 salariés, un plan de sauvegarde de l'emploi aurait dû être élaboré et le comité d'entreprise consulté.

Il soutient que la SAS AVOCENT FRANCE n'est en réalité qu'une société de façade qui n'a aucun pouvoir de direction et de décision de sorte qu'elle dépend totalement de la société AVOCENT IRLANDE et des autres sociétés intimées.

La SAS AVOCENT FRANCE et les autres sociétés contestent la notion de co emploi en faisant valoir que les liens les unissant sont la conséquence du fait qu'elles appartiennent au même groupe, le groupe Emerson.

La situation de co emploi se caractérise par une confusion d'intérêts, d'activité et de direction entre des sociétés d'un même groupe.

En l'espèce, monsieur [H] [V] fait valoir que son contrat a été signé par madame [O] [J], DRH de AVOCENT IRLANDE, que les intervenants dans la procédure de licenciement dépendaient tous de la société AVOCENT IRLANDE, que ce soit le président de la SAS AVOCENT FRANCE, monsieur [Y] [R], également vice-président AVOCENT IRLANDE, monsieur [M] [S] dont il dépendait directement, qui a mené l'entretien préalable et qui était membre du comité de direction de AVOCENT Irlande ou encore monsieur [N] [U], DRH d'AVOCENT Irlande.

La cour observe que la direction des ressources humaines de la SAS AVOCENT FRANCE n'est effectivement pas assurée par celle-ci mais par une autre société du groupe dans la mesure où d'une part le contrat de travail de monsieur [H] [V] a été signé par madame [O] [J], laquelle d'après le profil Linkedln communiqué par monsieur [V] travaille au sein de la société EMERSON NETWORK POWER, où d'autre part les courriers de recherche de reclassement émanent de monsieur [N] [U], vice-président d'EMERSON NETWORK POWER, d'après le profit Linkedln également communiqué aux débats et que tous deux étaient les correspondants de monsieur [V] pour le paiement de ses primes, ainsi que l'établissent les échanges de mails versés aux débats.

Par ailleurs, le supérieur hiérarchique de monsieur [H] [V], monsieur [Q] [S], directeur de la zone EMEA, n'était pas salarié de la SAS AVOCENT FRANCE, mais d'une autre société du groupe, laquelle n'est pas identifiée avec certitude, monsieur [H] [V] indiquant seulement sans en justifier, qu'il s'agissait d'AVOCENT ALLEMAGNE.

Cependant cette gestion du personnel par une société distincte de celle qui est l'employeur, n'est pas suffisante en soi pour établir le co emploi allégué par le salarié, étant précisé que le lien avec la société AVOCENT IRLANDE n'est pas établi par d'autres éléments que des adresses figurant sur des profils linkedln, des captures d'écran sans valeur probante ou des documents rédigés en anglais, non traduits en français et par conséquent non recevables devant la cour, étant rappelé au surplus que les membres de la DRH de la société mère ne sont pas des étrangers pour le personnel de la filiale.

Monsieur [H] [V], pour démontrer la confusion de direction et d'activités entre les différentes sociétés, s'appuie également sur l'attestation de monsieur [S], vice-président de la zone EMEA dont il dépendait, non traduite en français, dont il indique dans ses écritures qu'il précise qu'il recevait ses instructions directement de AVOCENT IRLANDE OU EMERSON NETWORK POWER MANAGEMENT.

La cour relève que ces allégations qui ne sont étayées par aucune pièce précise en dehors d'un mail non traduit en français émanant de monsieur [F] [A] dont la qualité n'est pas justifiée en dehors d'un profil Linkedln qui fait état de sa qualité de « VP sales EMEA » « Emerson network Power » adressé à monsieur [S] comme à d'autres ne sont pas suffisantes pour démontrer qu'AVOCENT FRANCE n'avait aucune autonomie dans sa gestion opérationnelle et administrative, aucune indépendance financière, que son dirigeant n'avait aucun pouvoir effectif et était entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe.

En effet, s'agissant de monsieur [Y] [R], président de la SAS AVOCENT FRANCE au moment du licenciement, la cour relève que les allégations de monsieur [V] sur ses liens avec AVOCENT IRLANDE ne sont pas suffisamment justifiées dès lors que la fiche linkedln communiquée rédigée en anglais de surcroit et non traduite, qui fait état du titre de vice-président de monsieur [R] d'une société AVOCENT basée en Irlande n'est même pas datée et que même si on les supposait existants, ces liens, en l'absence de tous autres éléments concrets sur l'absence d'autonomie de la SAS AVOCENT FRANCE ne seraient pas suffisants pour établir le co emploi.

Enfin les arguments de monsieur [V] sur l'utilisation du logo EMERSON sont inopérants pour démontrer le co emploi allégué, s'agissant d'un élément de communication du groupe.

Aucun des éléments versés aux débats n'est suffisant pour établir qu'au-delà de la nécessaire coordination entre les entreprises d'un même groupe, l'une quelconque des sociétés intimées se livre à une ingérence directe ou indirecte dans la conduite de l'activité économique et sociale de la SAS AVOCENT FRANCE entraînant sa perte d'autonomie industrielle commerciale et administrative.

Le co emploi ne sera pas retenu par la cour et la demande de nullité du licenciement sera rejetée.

Sur le bien fondé du licenciement :

Monsieur [H] [V] conteste le bien fondé de son licenciement en faisant valoir d'une part que les motifs économiques invoqués par la SAS AVOCENT FRANCE ne sont pas justifiés et d'autre part en invoquant l'absence de reclassement sérieux.

Pour avoir une cause économique, le licenciement doit, ainsi que le dispose l'article L 1233-3 du code du travail, être prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités. La réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Par ailleurs en application de l'article L 1233-4 du même code, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient et dont l'activité permet la permutabilité du personnel ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être personnelles, écrites et précises.

En l'espèce, sur le reclassement, la SAS AVOCENT FRANCE affirme n'avoir eu aucun poste à proposer à monsieur [H] [V] et verse aux débats les mails adressés par [N] [U] à [I] [K] -dont la qualité n'est pas justifiée- les 10 février 2012, les mails de recherche effectuées par ce dernier auprès de diverses personnes au sein de la zone EMEA qui établissent que les recherches n'ont pas été étendues au-delà de cette zone alors que le groupe EMERSON est un groupe mondial de sorte que la SAS AVOCENT FRANCE ne justifie pas avoir effectué de façon loyale et sérieuse la recherche de reclassement qui lui incombait.

Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire de rechercher le bien fondé des motifs économiques invoqué par monsieur [H] [V] dès lors que la sanction à la défaillance de l'employeur dans l'un ou l'autre de ces domaines est la même.

Sur les conséquences du licenciement :

Monsieur [H] [V] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de

381 358,88 euros à titre de dommages-intérêts.

Salarié depuis plus de deux ans dans une société employant moins de onze salariés, monsieur [V] peut prétendre à l'indemnisation du préjudice né du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1232-5 du code du travail. Compte tenu de son ancienneté (plus de cinq ans) de son âge (né en 1958), des circonstances de son licenciement, du montant de sa rémunération, de ce qui est justifié de sa situation actuelle, son préjudice sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le non respect des critères d'ordre ;

Monsieur [H] [V] étant le seul de sa catégorie concerné par le licenciement, les critères d'ordre n'avaient pas à être appliqués, la demande d'indemnisation sera rejetée.

Sur le non respect de la priorité de réembauche :

En application de l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.

Monsieur [H] [V] justifie avoir informé la SAS AVOCENT FRANCE de sa volonté de faire valoir sa priorité de réembauche par lettre recommandée du 16 mars 2012, ce qui n'est pas contesté et soutient que malgré de nouvelles embauches en octobre 2012 et mars 2013 la SAS AVOCENT FRANCE ne lui a fait aucune proposition.

Monsieur [V] soutient qu'ainsi ont été engagés un « channel manager » et deux « commercial grands comptes » par la SAS AVOCENT FRANCE et communique leur profil linkedln pour justifier ses allégations qui sont contestées par les sociétés intimées.

Le registre d'entrée du personnel de la SAS AVOCENT FRANCE que celle-ci verse aux débats est incomplètement communiqué » et ne mentionne que des entrées au 1er septembre 2010, dès lors elle n 'établit pas avoir respecté son obligation, alors qu'en en étant débitrice , elle doit supporter la charge de la preuve.

Il sera fait droit à la demande en son principe et la SAS AVOCENT FRANCE comprenant moins de onze salariés, le préjudice de monsieur [H] [V] sera suffisamment réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros.

Sur la demande de dommages intérêts en raison des conditions vexatoires du licenciement:

Monsieur [H] [V] ayant été mis à pied à titre conservatoire dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, le préjudice de monsieur [H] [V] sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande spécifique sur non respect de l'obligation de reclassement :

La sanction du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement étant de dénuer le licenciement de cause réelle et sérieuse, monsieur [H] [V] qui ne justifie pas d'un préjudice distinct et a déjà été indemnisé de ce chef verra sa demande spécifique rejetée.

Sur l'exécution provisoire :

La présente décision n'étant pas susceptible d'un recours suspensif, la demande est sans objet.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

La SAS AVOCENT FRANCE, partie perdante condamnée aux dépens devra indemniser monsieur [H] [V] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros.

L'équité ne commande pas en revanche de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des sociétés appelées en la cause par monsieur [V].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS AVOCENT FRANCE à payer à monsieur [H] [V] les sommes de :

- 7 134,87 euros au titre du rappel de commissions pour le premier trimestre de l'année 2012,

- 34 009 euros au titre des commissions dues pour le reste de l'année 2012,

- 10 821 euros au titre du « consistency bonus » 2012,

- 1 082 euros au titre des congés payés y afférents,

- 5 346 € à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2012 et capitalisation des intérêts,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS AVOCENT FRANCE à payer à monsieur [H] [V] les sommes de :

- 120 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison des conditions du licenciement,

Déboute monsieur [H] [V] du surplus de ses demandes et de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUATERS, AVOCENT IRLANDE et EMERSON NETWORK POWER ([Localité 4] et [Localité 3]),

Déclare sans objet la demande d'exécution provisoire présentée par monsieur [H] [V],

Condamne la SAS AVOCENT FRANCE à payer à monsieur [H] [V] le somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des sociétés AVOCENT BUSINESS UNIT GLOBAL HEADQUATERS, AVOCENT IRLANDE, EMERSON NETWORK POWER ([Localité 4] et [Localité 3]),

Condamne la SAS AVOCENT FRANCE aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, avis en ayant été donné préalablement aux parties conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par madame Aude RACHOU président et monsieur Arnaud DERRIEN greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02910
Date de la décision : 02/07/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/02910 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;14.02910 ?
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