COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 83B
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JUIN 2015
R.G. N° 14/04239
AFFAIRE :
[C] [M]
C/
SA SCHINDLER
Syndicat CGT SCHINDLER IDF
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Référé
N° RG : 14/00083
Copies exécutoires délivrées à :
[C] [M]
SELARL CAPSTAN LMS
Syndicat CGT SCHINDLER IDF
Copies certifiées conformes délivrées à :
[E] [L]
SA SCHINDLER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [C] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par M. [E] [L], délégué syndical ouvrier
APPELANT
****************
SA SCHINDLER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Côme DE GIRVAL de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Syndicat CGT SCHINDLER IDF
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par M. [E] [L], délégué syndical ouvrier
INTERVENANT VOLONTAIRE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 14 Avril 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE
Statuant sur l'appel formé par M. [M] à l'encontre de l'ordonnance de référé en date du 5 septembre 2014 par laquelle le conseil de prud'hommes de Versailles a :
- jugé que M. [M] était valablement représenté à l'instance et que l'intervention volontaire du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France, DR Grand Oust et filiales RCS (ci-après CGT SCHINDLER DR Ile de France) était recevable,
- condamné la société SCHINDLER à payer à son salarié, M. [M], les sommes correspondant aux mises à pied prononcées contre celui-ci, les 25 mai 2009 et les 2 et 4 juillet 2009, avec remise des bulletins de paye afférents,
- condamné la société SCHINDLER à payer aux syndicats CGT SCHINDLER et CGT SCHINDLER Ile de France une indemnité provisionnelle de 1000 € pour défaut d'établissement du règlement intérieur'
- condamné la société SCHINDLER à payer à M. [M] la somme de 300 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure outre celle de 100 €, au même titre, aux deux syndicats précités,
- rejeté les prétentions de M. [M] formées au titre de la mise à pied prononcée le 10 février 2009 et celles des syndicats relatives à la discrimination imputée à la société SCHINDLER.
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 14 avril 2015 :
- par M. [M], tendant à ce que la cour, infirmant l'ordonnance entreprise, condamne la société SCHINDLER à lui payer :
. au titre de la mise à pied du 10 février 2009, exécutée les 17 et 18 février suivant, la somme de 176,13 € à titre de rappel de salaire, outre 17,61 € de congés payés afférents, avec remise sous astreinte du bulletin de paye correspondant,
. 10 000 € d'indemnité provisionnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
. 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;
- par le syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France qui sollicite l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 10 000 € au titre du traitement discriminatoire dont il fait l'objet de la part de la société SCHINDLER et 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;
Vu les écritures développées à la barre par la société SCHINDLER qui, formant appel incident :
- soulève le défaut de capacité à agir du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France,
- invoque l'acquisition de la prescription,
- soutient qu'en tout état de cause les demandes ne relèvent pas des pouvoirs de la juridiction des référés, en l'absence d'urgence et de trouble manifestement illicite
- et sollicite le rejet de toutes les demandes avec allocation en sa faveur de la somme de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que M. [M] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de deux jours notifiée par lettre recommandée du 10 février 2009 ; que cette sanction a été exécutée les 17 et 18 février 2009, le retrait de salaire s'élévant à ce titre à la somme de 176,13 € ;
Que la société SCHINDLER a prononcé à l'égard de M. [M], une nouvelle mise à pied de deux jours le 25 mai 2009 et une troisième mise à pied disciplinaire, de trois jours, le 2 juillet, portée à quatre jours , le 20 juillet 2009 ;
Que le salarié a exécuté ces deux dernières sanctions, comme la première, dans les jours suivants leur prononcé ;
Que le 27 mars 2014, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes, en référé, à l'effet de voir annuler ces trois mises à pied en l'absence de règlement intérieur dans l'entreprise et de voir condamner en conséquence, la société SCHINDLER à lui payer les salaires correspondants ainsi que des dommages et intérêts provisionnels ;
Que par l'ordonnance entreprise, comme rappelé en tête du présent arrêt, le conseil a accueilli la demande pour les deux dernières mises à pied mais a estimé que la prescription était acquise pour la contestation de la mise à pied du 10 février 2009 ; que les premiers juges ont également déclaré recevable l'intervention des syndicats CGT SCHINDLER et CGT SSHINDLER Ile de France et alloué à ceux-ci une indemnité provisionnelle pour défaut d'établissement par la société SCHINDLER d'un règlement intérieur ;
*
Sur la capacité à agir du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France
Considérant que les premiers juges ont estimé qu'était valable l'intervention volontaire, aux côtés de M. [M], du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France ;
Qu'en cause d'appel, pour justifier le défaut de capacité du syndicat, la société SCHINDLER fait valoir un moyen nouveau, tiré du caractère géographiquement limité de la capacité de ce syndicat en vertu de ses dispositions statutaires ;
Considérant que le syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France ne s'explique pas sur ce moyen alors qu 'il n'est pas contesté que M. [M] travaille au sein d'un établissement situé au [Localité 2] ;
Et considérant que les statuts du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France limitent effectivement la mission de cette organisation syndicale aux personnels des directions régionales de la société SCHINDLER de' [Localité 3], du [Localité 1] et des filiales RCS' ;
Que le syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France ne fait valoir aucun argument en réponse à cette objection de la société SCHINDLER ;
Que, dès lors, la cour ne peut que constater l'absence de capacité à agir de l'appelant, puisque M.[M] travaille dans un établissement de la société SCHINDLER situé au [Localité 2], lequel, à défaut de conclusions et justifications contraires de l'appelant, n'apparaît pas faire partie du périmètre géographique où s'exerce la capacité juridique du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France ;
Que l'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce que les premiers juges ont déclaré le syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France, recevable en son action ;
*
Sur les demandes de M. [M]
Considérant que les premiers juges ont à bon droit rappelé que selon l'article L 1321-1 du code du travail, dans le règlement intérieur, l'employeur fixe, notamment '(...) la nature et l'échelle des sanctions' et que pour être licite le règlement intérieur doit indiquer la durée maximale des sanctions ;
Qu'il s'ensuit que le règlement intérieur en vigueur au sein de la société SCHINDLER qui ne prévoit pas de durée maximale pour la mise à pied disciplinaire est illicite et que les mises à pied prononcées dans ces conditions contre M. [M] ainsi que les retenues salariales subséquentes sont constitutives d'un trouble manifestement illicite ;
Que sous réserve de la prescription de ses contestations, examinée ci-après, M. [M] est en droit d'obtenir le versement des salaires qu'il aurait perçus pendant la période de mise à pied et l'obligation pour la société SCHINDLER de payer ces salaires n'est pas sérieusement contestable, de sorte que la saisine de la formation des référés est justifiée ;
Et considérant que les premiers juges doivent aussi être approuvés d'avoir ordonné à la société SCHINDLER de payer à M. [M] les salaires correspondant à ses mises à pied du 25 mai 2009 et des 2 et 4 juillet 2009 - la prescription n'étant pas acquise au jour de la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié, soit le 27 mars 2014 ;
Que si la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l'emploi -promulguée le 16 juin et entrée en vigueur le 17 juin suivant - a réduit de deux à cinq ans les actions visant l'exécution et la rupture du contrat de travail, cette prescription biennale ne saurait être acquise en l'espèce comme le prétend la société SCHINDLER ; qu'en effet, cette loi a prévu que le nouveau délai de deux ans s'applique aux prescriptions en cours au jour de sa promulgation, 'sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée (de cinq ans)prévue par la loi antérieure, applicable à la prescription' ;
Qu'il s'ensuit que jusqu'au 16 juin 2016, peuvent être engagées, sans tomber sous le coup de la prescription, les actions concernant des faits, antérieurs de cinq ans, au plus, à la saisine du conseil de prud'hommes ; que la prescription courant, en l'espèce, du jour des mises à pied contestées - et non, comme le soutient M. [M] de l'arrêt du 26 octobre 2010 rendu par la Cour de cassation, en matière de licéité du règlement intérieur- le conseil de prud'hommes a retenu justement que lors de sa saisine, le 27 mars 2014, l'action en contestation de la mise à pied du 10 février 2009 était prescrite, contrairement à celle des deux autres mises à pied de mai et juillet 2009 ;
Considérant que l'ordonnance entreprise sera confirmée sur ce premier chef de demande M. [M] ;
*
Considérant que la demande en paiement d'un indemnité provisionnelle formée par M. [M] sera écartée, en l'absence de preuve d'un préjudice particulier subi par l'appelant et d'un comportement fautif de la société SCHINDLER qui disposait bien d'un règlement intérieur, mais incomplet; que de ce chef également, la décision des premiers juges sera confirmée ;
Considérant qu'en cause d'appel l'équité commande que chaque partie conserve à sa charge ses dépens et les frais qui n'y sont pas compris ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME l'ordonnance entreprise en ce que le conseil de prud'hommes a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France ;
Statuant à nouveau,
DIT irrecevable l'intervention volontaire du syndicat CGT SCHINDLER DR Ile de France et rejette les demandes formées par celui-ci ;
CONFIRME les autres dispositions de l'ordonnance entreprise ;
DIT que chaque partie conservera à sa charge ses dépens d'appel et les frais qui n'y sont pas compris.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,