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18/06/2015 | FRANCE | N°14/02726

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 juin 2015, 14/02726


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES











19ème chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 18 JUIN 2015



R.G. N° 14/02726



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE





C/

[L] [J]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Mai 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F 10/03023

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Copies exécutoires délivrées à :



Me Florence GUARY

Me Alexis MORAT





Copies certifiées conformes délivrées à :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



[L] [J]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

19ème chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 18 JUIN 2015

R.G. N° 14/02726

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

C/

[L] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Mai 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : F 10/03023

Copies exécutoires délivrées à :

Me Florence GUARY

Me Alexis MORAT

Copies certifiées conformes délivrées à :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

[L] [J]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT JUIN DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 1]

[Adresse 4]

représentée par Me Florence GUARY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R271 - N° du dossier 20100071 substituée par Me Aude MARTIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 271 - N° du dossier 20100071

APPELANTE

****************

Madame [L] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

comparante en personne, assistée de Me Alexis MORAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0637

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

L'arrêt a été mis en délibéré par mise à disposition au greffe au jeudi 4 juin 2015 puis prorogé au jeudi 18 juin 2015

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 3 février 2004, madame [L] [J] a été engagée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine (CPAM 92) en qualité de médecin du travail, 'niveau 11 A-coefficient de carrière 576-10% d'avancement conventionnel de base'.

Les parties sont opposées sur la dernière rémunération brute de madame [J] que l'employeur fixe à 5 076,62 euros et la salariée à 5 362,64 euros en y intégrant 40 points de compétence et des primes.

La CPAM 92 emploie habituellement au moins 11 salariés et applique aux relations contractuelles la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 février 2010, madame [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Madame [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 14 septembre 2010 aux fins de voir requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement nul et d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail et au titre de sa rupture.

Par jugement rendu le 23 mai 2014, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section Encadrement, statuant en sa formation de départage, a :

- dit que la rupture du contrat de travail devait être qualifiée de licenciement nul en raison des fautes commises par l'employeur, la CPAM 92, à l'encontre de madame [J],

- condamné la CPAM 92 à lui payer les sommes de :

. 30 459,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 3 045,97 euros au titre des congés payés sur préavis,

. 15 229,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2010,

. 30 459,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

. 60 919,44 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur du médecin du travail,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- fait application de l'article L. 1235-4 du code du travail à hauteur d'un mois d'indemnité,

- ordonné la remise de l'attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail dans le délai d'un mois de la notification du jugement et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard en se réservant la liquidation de l'astreinte,

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- fixé la moyenne des trois derniers mois salaire à 5 076,62 euros,

- condamné la CPAM 92 au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La CPAM 92 a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration adressée au greffe le 10 juin 2014.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 8 avril 2015 par son conseil, la CPAM 92 demande à la cour de :

- dire qu'elle n'a commis aucune faute de nature à lui imputer la rupture du contrat de travail et que la prise d'acte de la rupture de celui-ci par madame [L] [J] doit produire les effets d'une démission,

- infirmer le jugement des chefs de condamnation et le confirmer pour le surplus,

- condamner madame [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions n°2 déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, madame [L] [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail était justifiée en raison des manquements graves commis par son employeur et devait produire les effets d'un licenciement nul compte tenu de la violation du statut protecteur attaché au médecin du travail,

- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

à titre principal,

- dire qu'elle aurait dû bénéficier de 40 points de compétence supplémentaires à compter du mois de février 2005 et condamner la CPAM 92 à lui payer les sommes de :

. 187 727,30 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,

. 75 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement illicite, cette somme ne pouvant en tout état de cause être inférieure à 39 594,12 euros,

. 36 194,25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 3 619,43 euros au titre des congés payés y afférents,

. 16 087,92 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 14 780,87 euros au titre du rappel de salaire du 14 septembre 2005 au 11 février 2010,

. 1 478,09 euros au titre des congés payés y afférents,

à titre subsidiaire, en cas de débouté de sa demande d'octroi de 40 points de compétence supplémentaires, condamner la CPAM 92 à lui payer les sommes de :

. 177 498 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,

. 75 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement illicite, cette somme ne pouvant en tout état de cause être inférieure à 37 449,04 euros,

. 34 038,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 3 403,81 euros au titre des congés payés y afférents,

. 15 229,86 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamner en tout état de cause la CPAM 92 à lui payer les sommes de :

. 15 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'obtenir des points de compétence et des primes de résultat consécutive à l'absence d'entretien annuel d'évaluation,

. 45 045,84 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 3121-47 du code du travail,

. 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la délivrance des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de

retard,

- dire que les sommes dues produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du

conseil de prud'hommes,

- condamner la CPAM 92 aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu la lettre de prise d'acte de la rupture,

SUR QUOI LA COUR,

Considérant, sur la rupture, que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié de sorte que le doute profite à l'employeur ;

Qu'il est rappelé que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige ;

Qu'il faut donc examiner non pas seulement les griefs figurant dans le courrier du 11 février 2010 de prise d'acte très circonstancié de 6 pages mais leur ensemble tels qu'articulés dans les dernières conclusions de madame [J] soutenues à l'audience :

- l'atteinte à son indépendance de médecin du travail,

- l'atteinte au secret médical,

- les obstacles mis au bon exercice de sa mission : sous-effectif chronique d'infirmières, problèmes d'organisation des visites d'embauche, alimentation en eau du service, commandes de matériel et difficultés d'obtenir les informations nécessaires,

- le refus de lui octroyer 40 points de compétence pour l'exercice de fonctions d'encadrement,

- l'absence d'entretien d'évaluation qui entraîne des conséquences financières,

- la nullité de la convention en forfait annuel en jour,

- sa mutation forcée au sein de la MSA,

- la suspension abusive de son contrat de travail ;

sur l'atteinte à l'indépendance de médecin du travail,

Considérant que madame [J] devait pouvoir assurer ses missions de médecin du travail en toute indépendance eu égard aux dispositions :

- du code du travail définissant le rôle et les missions du médecin du travail :

* l'article L. 4622-3 : ' Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé',

* l'article L. 4624-1 selon lequel le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes que l'employeur est tenu de prendre en considération et, en cas refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite, et, en cas de difficulté ou de désaccord, il peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail qui prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail,

* l'article R. 4623-15 qui précisait que son indépendance est garantie dans l'ensemble des missions définies à l'article L. 4624-1 avant l'introduction de l'article L. 4623-8 du code du travail par la loi du 20 juillet 2011 entrée en vigueur après la prise d'acte ;

- du code de déontologie médicale définissant les obligations déontologiques de tout médecin :

* l'article 5 qui dispose que 'le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit',

* l'article 95 qui dispose que 'le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à'tout'organisme public ou privé n'enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions. En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part'de l'entreprise ou de l'organisme qui l'emploie' ;

- de son contrat de travail qui fait référence aux règles précitées :

'ARTICLE IV : Madame le Docteur [J] [L] exerce ses fonctions dans le respect des règles résultant du code de Déontologie Médicale. A cet effet, la CPAM des Hauts de Seine s'engage à prendre toutes dispositions utiles pour que l'indépendance professionnelle du praticien soit assurée.

ARTICLE V : Madame le Docteur [J] [L] exercera ses fonctions sous l'autorité

administrative et hiérarchique du Directeur Général de la CPAM des Hauts de Seine, cette subordination administrative et hiérarchique ne pourra en aucune façon porter atteinte à l'indépendance technique du Médecin du Travail' ;

Que la CPAM 92 soutient que c'est dans le strict cadre de son pouvoir de direction et au regard du lien de subordination auquel était soumis madame [J], qu'elle a sollicité des précisions concernant ses avis techniques de nature médicale, jamais remis en cause et toujours pris en compte tout en soulignant par trois exemples que la salariée avait tendance à outrepasser son domaine de compétence dans la formulation de ses propositions d'affection telle que 'Madame [F] se trouve en souffrance au travail comme elle vous l'a déjà signalé, en raison d'une inadéquation entre ses capacités, ses compétences, ses désirs et les exigences du poste d'assistant prestation qu'elle occupe à EDF';

Que madame [J] produit plusieurs échanges de courriers qui établissent que la caisse ne se cantonnait pas à des demandes à caractère administratif relevant effectivement de son pouvoir de direction ou à de simples demande de précisions quant aux tâches que pouvaient accomplir les salariés pour rechercher des solutions de reclassement :

- qu'ainsi, le courrier du 24 octobre 2006 de monsieur [I], directeur général de la CPAM 92 formule un jugement général et très critique sur l'exercice même de sa fonction dans les termes suivants : 'Le contenu de (vos) fiches d'entreprises (') ne manque pas de me surprendre quant au jugement que vous émettez sur les risques encourus par le personnel, notamment en relation avec la charge mentale. (') Il ne vous appartient pas d'effectuer des commentaires sur l'appropriation ou non par le personnel de la politique de restructuration menée par la direction. Vous n'êtes pas capable de juger de la perte ou non de la technicité des agents (') Il est regrettable que vous partiez du principe que le travail normal entraîne stress et souffrance. Peut-être pourrais-je dire que si la productivité était celle des autres caisses, l'organisation du service n'intervenant pas, il n'y aurait aucun problème de solde, donc une plus grande satisfaction sur le plan de la reconnaissance. Je suis prêt à entendre beaucoup de choses et prendre ma part de critiques, mais la description d'un tableau digne de Zola ne saurait me convaincre' ;

- que de même, dans un courrier du 21 janvier 2009, la directrice des ressources humaines reproche en substance au médecin de ne pas l'avoir consultée à réception de fiches d'aptitude faisant état d'adaptation aux postes de travail pour les agents 'il est dommage que nous n'ayons pu en discuter préalablement. Il me semblait en effet que nous avions arrêté ensemble ce principe' alors qu'il lui est loisible d'exercer un recours en cas de désaccord sur les avis d'aptitude' ; 

Que les intrusions de l'employeur dans le domaine d'intervention technique et médical du médecin du travail étaient nécessairement récurrentes au vu de la fermeté du courrier que lui a adressé l'inspecteur du travail le 25 mai 2009 : 'J'ai pu constater que votre médecin du travail, Madame [J] rencontre des difficultés dans l'exercice de ses missions dont de nombreux documents peuvent attester. J'ai ainsi pu constater que :

- certaines de ses décisions ou demandes sont contestées par la direction ou certains cadres

de la caisse (contestation d'avis d'aptitude, refus d'un aménagement de poste,

- certaines de ses demandes restent sans réponses de la part de la direction (demande du taux d'absentéisme des salariés par service et par trimestre, alerte sur la situation d'un service sur le plan du stress au travail),(')

- vous lui avez reproché son défaut de 'jugement équilibré',

Aussi, il vous appartient de faire le nécessaire pour que le médecin du travail puisse réaliser

ses missions en toute indépendance et non de lui reprocher ses interventions et ses prises de positions, quand bien même elles ne vous conviendraient pas en votre qualité d'employeur.

En conséquence, je vous demande de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour rétablir une communication saine avec Madame [J], respecter son indépendance et faciliter son action préventive dans l'entreprise ' ;

Que la situation ne s'est pas améliorée à la lecture du courrier de l'inspection du travail du 15 juillet 2009 qui déplore 'l'interventionnisme de la direction des ressources humaines' et de la décision de la DRTEFP du 17 septembre 2009 de rejeter la demande d'autorisation d'adhésion de la CPAM à un service interentreprises et de confirmer la décision implicite de refus de la demande d'agrément de cinq ans du service de santé au travail au motif que 'l'enquête conjointe du médecin inspecteur et de l'inspecteur du travail compétents ont permis d'établir que le médecin du travail ne dispose pas des moyens nécessaires à l'exercice de ses activités et est l'objet d'atteintes réitérées portées à son indépendance technique dans l'exercice de sa mission';

Que ce grief d'atteinte à l'indépendance du médecin du travail est démontré ;

sur l'atteinte au secret médical,

Considérant que madame [J] avait droit à la protection du secret professionnel prévues par des dispositions générales du code de déotonlogie médicale applicables à tout médecin sans distinction de son statut de salarié et particulières de son contrat de travail dont l'article IV stipulait que 'Le praticien étant légalement tenu au secret professionnel, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts de Seine s'engage à prendre toutes mesures nécessaires pour le respect de cette obligation, notamment en ce qui concerne les modalités de conservation des dossiers médicaux et le courrier qui lui est adressé. Le courrier d'ordre médical destiné au praticien ne pourra être ouvert que par lui-même ou par les personnes qu'il aura expressément habilitées à cet effet.';

Que, si le reproche de l'accès possible aux dossiers par les agents de nettoyage ne repose que sur un mail imprécis d'une infirmière en intérim, la salariée produit en revanche plusieurs courriers couverts par le secret médical qui lui sont parvenus ouverts sans son autorisation malgré leur libellé pourtant sans équivoque ;

Que l'employeur qui ne conteste pas que des correspondances aient été indûment ouvertes, dit-il par erreur, ne peut s'exonérer de son obligation par la masse de courriers reçus par ses services ni par l'absence d'intention malveillante alors qu'il lui incombait de prendre toutes mesures utiles pour assurer au Docteur [J] le respect du secret professionnel ;

Que ce grief est également démontré ;

sur le refus d'octroi de 40 points de compétence pour l'exercice de fonctions d'encadrement,

Considérant que le Docteur [J], embauchée au niveau 11A, coefficient de carrière 576-10% d'échelons d'avancement conventionnel s'est vu notifier par décision dite de transposition du 21 février 2005 le coefficient 685 en application du protocole d'accord relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois du 30 novembre 2004 ;

Que la salariée reproche à l'employeur son refus de lui faire application de l'article 4.2 du protocole d'accord qui prévoit que 's'agissant du personnel soignant, éducatif et médical des établissements et oeuvres, la progression au sein du développement professionnel tient compte notamment (') des fonctions d'encadrement exercées par les médecins d'établissement et d'oeuvres. (') Le montant des points de compétence attribués s'établit (') à 40 points' ;

Que l'annexe du protocole d'accord classe au niveau 11 E les 'médecin spécialiste, médecin biologiste et médecin chef de service' ; que madame [J] estime qu'elle pouvait déjà prétendre à ce classement au titre de sa spécialité de médecine du travail et bénéficier en outre de 40 points de compétence au titre des fonctions d'encadrement qu'elle exerçait comme chef de service pour avoir dirigé le service de médecine du travail composé, en dehors du médecin du travail, de deux infirmières et d'une assistante en assurant les plannings mensuels, les entretiens annuels d'évaluation, le calendrier des congés ou la préparation du budget infirmerie ;

Que dans l'exemple cité par la salariée de la création d'un service de santé regroupant plusieurs médecins du travail, le médecin dirigeant le service doit effectivement être distingué de ses pairs par l'attribution de points de compétence au titre de fonctions d'encadrement ce qui ne correspond pas à la situation du Docteur [J], unique médecin du travail du service ; que le fait qu'elle ait été conviée jusqu'en 2009 à des réunions de cadres managers ne lui confère pas pour autant la qualité de chef de service ;

Que la Caisse admet que dès son embauche, madame [J] a effectivement participé à la gestion du service de santé mais en sa seule qualité de médecin du travail ; que la CPAM 92 lui a ainsi fait une application correcte des dispositions conventionnelles ;

Qu'il résulte en effet du dispositif transitoire du protocole d'accord prévu à son article 9 que les médecins en place à la date de son entrée en vigueur pouvaient obtenir, lors de la transposition, l'attribution de points de compétence valorisant l'accroissement de compétences déjà réalisées par le passé, eu égard notamment aux fonctions d'encadrement exercées et au diplôme obtenu préalablement;

Que nonobstant l'erreur commise sur le rappel de sa situation dans la décision du 21 février 2005 (coefficient de 550 au lieu de 576 et avancement conventionnel de 55 points au lieu de 57,6), l'employeur lui a attribué à juste titre le coefficient de 685 correspondant à l'emploi de médecin spécialiste effectivement occupé, faisant remarquer de manière pertinente que ce coefficient était déjà supérieur à celui de l'ancienne grille en ce compris les 10% d'avancement contractuels et qu'il lui a accordé les 25 points de compétence prévus par l'accord, en novembre 2009 lorsqu'elle a obtenu le certificat de spécialisation de psychopathologie du travail et diagnostic et prise en charge des patients;

Que ce grief, déjà écarté par le premier juge, n'est pas caractérisé ce qui aura une incidence sur les demandes de rappels de salaire et d'indemnités présentés par madame [J] ;

sur l'absence d'entretien d'évaluation qui entraîne des conséquences financières,

Considérant que madame [J] reproche à l'employeur de n'avoir pas organisé d'entretien d'évaluation conforme aux exigences de l'article 7 du protocole du 30 novembre 2004 déjà cité qui dispose que 'chaque salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique direct. Cet entretien a pour finalité, à partir du référentiel de compétences de l'emploi occupé, d'échanger et de faire le point sur les attentes en termes professionnels du salarié et de son responsable hiérarchique' ainsi que des circulaires de l'UCANSS relatives aux modalités spécifiques de mise en place de l'entretien annuel d'évaluation pour les professions médicales ;

Que l'employeur objecte à juste titre que les textes visés concernent exclusivement les professions médicales 'des établissements et oeuvres' au vu de la liste des destinataires et qu'aucun référentiel national d'emploi/ de compétences afférent à la médecine du travail n'a été élaboré par les instances compétentes au niveau national ;

Que la salariée ne fait pas la preuve qui lui incombe que la CPAM 92 a violé des dispositions légales ou conventionnelles sur son évaluation, étant relevé que la caisse a organisé chaque année un entretien dit d'évaluation pour madame [J], entretiens à l'occasion desquels les parties ont pu faire le point sur leur collaboration ;

Que ce grief qui a des incidences sur une demande de dommages-intérêts sur ce fondement sera écarté ;

sur la nullité de la convention en forfait annuel en jour,

Considérant que madame [J] fait grief à la CPAM 92 de s'être contentée de lui notifier de manière unilatérale son nombre de jours de travail entre 2005 et 2008 et de lui avoir fait signer seulement le 30 mars 2009 une convention individuelle de forfait qui, de surcroît, est nulle compte tenu d'abord de la rémunération minimale conventionnelle de 685 prévue en contrepartie du forfait et ensuite de la nullité de l'accord collectif sur lequel il repose, le protocole d'accord sur la réduction du temps de travail au sein de la CPAM 92 du 2 octobre 2001 ne contenant aucune stipulation assurant le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et plus largement le respect du droit à la santé et au repos des salariés ;

Que pour écarter ce grief, la cour retient :

- en premier lieu, que le salaire de madame [J] doit être calculé sur la base du coefficient 685 et de niveau 11 E correspondant à son emploi ;

- en deuxième lieu, que le Docteur [J] relevait de la catégorie des 'cadres bénéficiant d'une large autonomie dans l'accomplissement de leurs missions' régies par les articles 9-2 et suivants du protocole d'accord de 2001 produit prévoyant un dispositif destiné à assurer le respect de leur repos effectif avec la mise en place de 2 jours consécutifs de repos hebdomadaires, un système auto-déclaratif des jours travaillés et une convention individuelle de forfait en jours ;

- en troisième lieu que l'employeur avait régularisé une convention de forfait valide près d'un an avant la prise d'acte de la rupture de la salariée étant observé qu'elle ne se plaint d'aucun dépassement de sa durée de travail décomptée en jours ou du non-respect de repos ;

sur la mutation forcée au sein de la MSA,

Considérant que l'article 16 de la convention collective applicable prévoit qu''En cas d'acceptation par un agent d'une offre d'emploi entraînant un changement volontaire d'organisme employeur : 1. Un accord préalable devra intervenir entre l'organisme d'accueil et l'agent concerné' ;

Que madame [J] admet être entrée en avril 2009 en pourparlers avec la MSA pour y être embauchée ;

Qu'il est constant que :

- cet organisme a informé la CPAM 92 de l'acceptation de la candidature du médecin du travail par courrier du 17 juillet 2009,

- la CPAM 92 était informée par la MSA que la candidature de Madame [J] à un poste de médecin du travail avait été retenue et que son intégration était envisagée pour le 1er septembre 2009,

- la CPAM a notifié à la salariée sa mutation par lettre du 29 juillet 2009 comme suit 'Je vous confirme que votre mutation en faveur de la MSA interviendra à effet du 1er septembre 2009.

Cet organisme vous adressera un courrier concernant les modalités d'intégration et de prise

de fonctions';

Que la CPAM 92 a agi à la légère en omettant de s'assurer au préalable que la salariée avait accepté formellement les modalités de l'emploi telles que sa rémunération ; que madame [J] a d'ailleurs notifié à la Caisse le 16 août 2009 son refus de mutation ;

Que cette analyse est confortée par le fait que la Caisse était alors confrontée à la difficulté du refus de renouvellement de son agrément examiné ci-après ;

Que la décision de mutation du 29 juillet 2009 est une faute caractérisée ;

sur la suspension abusive de son contrat de travail

Considérant qu'il est acquis que :

- la demande de renouvellement d'agrément de son service de santé au travail formée par la CPAM 92 le 4 mars 2009 et reçue le 6 mars par la Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle avait fait l'objet d'une décision implicite de rejet le 6 juillet 2009 en raison du silence de l'administration et en application des dispositions de l'article D. 4622-16 du code du travail,

- l'agrément dont bénéficiait la CPAM 92 pour le fonctionnement de son service de santé au travail, délivré pour une durée de 5 ans à compter du 6 septembre 2004, arrivait à échéance le 5 septembre 2009,

- la Caisse a sollicité le 19 août 2009 une autorisation d'adhésion à un service de santé inter-entreprises;

Que pour autant, la CPAM 92 n'était pas fondée à notifier à madame [J] le 1er septembre 2009 l'impossibilité d'exercer ses missions à compter du 5 septembre et la suppression de son poste, que son argument sur un futur emploi par la MSA ayant été jugé inopérant ;

Que c'est le sens de la position de l'inspection du travail qui ressort :

- de sa lettre du 11 septembre 2009 indiquant à la Caisse que nonobstant le refus de renouvellement de son agrément, il était néanmoins possible de maintenir cette activité et que le médecin du travail poursuive son activité ;

- et surtout de sa décision du 17 septembre de rejet de la demande d'adhésion au service de santé interentreprises du 17 septembre 2009 et de confirmation du refus de renouvellement de l'agrément du service de santé de la Caisse,

- de la confirmation du 18 septembre de ce que le Docteur [J] pouvait reprendre ses missions dans le cadre du service de santé de la Caisse ;

Que peu important le délai de cinq mois écoulé avant la prise d'acte, cette suspension abusive du contrat de travail caractérisée sera retenue ;

Que l'ensemble de ces manquements graves et avérés de la CPAM 92 à ses obligations légales et contractuelles, dont certains perduraient à la date du courrier de prise d'acte, suffisent à empêcher la poursuite du contrat de travail et à justifier la prise d'acte, sans qu'il soit nécessaire, comme l'a également fait le premier juge, d'examiner les griefs parfois trop anciens ou très ponctuels que la salariée a invoqués sous la rubrique 'obstacles au bon exercice de sa mission' ;

Considérant que le médecin du travail bénéficiant du statut de salarié protégé, la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par madame [J] produit les effets d'un licenciement nul ;

Considérant, sur les conséquences du licenciement nul, qu'il faut indiquer au préalable, que, comme le premier juge l'a retenu, le dernier salaire de madame [J] sera fixé à la somme de 5 076,62 euros en raison du débouté de sa demande d'octroi de points de compétence ;

Que le salarié protégé, victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration, a droit, d'une part au titre de la méconnaissance du statut protecteur, au montant de sa rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection et d'autre part aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ;

Que, s'agissant des indemnités de rupture, qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité compensatrice de préavis de six mois, les congés payés y afférents et une indemnité conventionnelle de licenciement pour les montants justement retenus ;

Qu'il y a lieu également de confirmer le montant de l'indemnité pour licenciement nul qui a pris en compte l'âge de 50 ans de la salariée, son ancienneté de 6 ans, sa dernière rémunération mais aussi le fait qu'elle a retrouvé un emploi un mois après sa prise d'acte ;

Que de même, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné d'office, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite d'un mois d'indemnités ;

Que, s'agissant de l'indemnité pour violation du statut protecteur, les parties discutent le montant de l'indemnité que la salariée entend porter de 12 à 30 mois en se référant à un avis rendu le 15 décembre 2004 par la cour de cassation qui retient la durée minimale légale de 30 mois accordée aux représentants du personnel tandis que l'employeur entend cantonner cette indemnité à 12 mois de salaire en assimilant la situation du médecin du travail à celle des délégués syndicaux ;

Que, quelles que soient les limites du plafond retenu, il n'en demeure pas moins que le montant de l'indemnité doit s'apprécier au regard du préjudice effectivement subi par la salariée et qu'il s'avère que celui-ci a été justement apprécié par le premier juge au regard des circonstances de l'espèce ;

Que le jugement mérite donc confirmation de ce chef ;

Considérant, sur l'indemnité au titre de l'article L. 3127-47 du code du travail, que ce texte dispose que lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification ;

Que, compte tenu des observations précédentes sur la validité de la convention de forfait annuel en jour et du calcul de la rémunération, madame [J] ne peut se plaindre de ce que la CPAM lui a appliqué une convention de forfait annuel en jours sans bénéficier d'une rémunération en rapport avec les sujétions imposées et en lui versant le salaire minimum conventionnel prévu pour son niveau de qualification

Considérant, sur les autres demandes, que la solution donnée au litige conduit au débouté des demandes de rappel de salaire du 14 septembre 2005 au 11 février 2010 sur la base de 40 points de compétence et de dommages-intérêts pour absence d'entretien d'évaluation et perte de chance d'obtenir des points de compétence et des primes de résultat ;

Considérant, sur la remise des documents de fin de contrat, que sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte, il convient d'ordonner la remise par la CPAM 92 à madame [L] [J] d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à l'assurance chômage conformes au présent arrêt ;

Que le jugement sera partiellement réformé de ce chef ;

Considérant, sur les intérêts, que la cour faisant application des articles 1153 et 1153-1 du code civil et usant de son pouvoir d'appréciation considère qu'il n'y a pas lieu de faire courir les intérêts au taux légal à une date antérieure, à celle de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances de nature salariale et à celle du jugement qui en fixe le principe en ce qui concerne les créances à caractère indemnitaire ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant, sur les frais irrépétibles et les dépens, que la CPAM 92, qui succombe pour l'essentiel de son appel, sera condamnée à payer à madame [L] [J] une somme complémentaire de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement sauf en ce qu'il a assorti la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte,

DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la CPAM des Hauts-de-Seine à payer à madame [L] [J] la somme complémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la CPAM des Hauts-de-Seine aux dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par madame Aude RACHOU, Président et par monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02726
Date de la décision : 18/06/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/02726 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-18;14.02726 ?
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