COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53H
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JUIN 2015
R.G. N° 13/05819
AFFAIRE :
[D] [E]
C/
SA ING LEASE FRANCE...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juillet 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 06
N° Section :
N° RG : 12/00338
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Alain FREVILLE de la SELEURL A.C.A,Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS
SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT JUIN DEUX MILLE QUINZE, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [D] [E]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] (92)
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représentant : Me Alain FREVILLE de la SELEURL A.C.A,Société d'avocats, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 160 - N° du dossier 2007562
APPELANTE
****************
SA ING LEASE FRANCE Société Anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance au capital de 64 254 624 € immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 380 311 407 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 380 31 1 4 07
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20130540
Représentant : Me Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0108 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mars 2015, Monsieur Jean-Baptiste AVEL, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO
FAITS ET PROCEDURE,
Le 11 février 1998, la société ING LEASE FRANCE a signé un accord de collaboration avec la société L'INVESTISSEUR DEVELOPPEMENT qui lui a confié le montage et le placement du financement bancaire d'une opération de défiscalisation par le biais d'une société créée pour les besoins de l'opération, dénommée SNC REUNION ENVIRONNEMENT.
La SNC REUNION ENVIRONNEMENT a été constituée le 1er septembre 1998. Divers investisseurs, dont Madame [D] [E], ont souscrit au capital de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT pour permettre de financer l'opération avec l'aide de prêts de la société ING LEASE FRANCE.
L'administration fiscale a contesté les déductions opérées par l'ensemble des associés de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT dans leurs déclarations d'impôt sur le revenu de l'année 1998.
Le 29 décembre 2011, Madame [D] [E] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société ING LEASE FRANCE à l'effet de voir, notamment, engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil en raison de l'échec d'une opération de défiscalisation attachée à une opération de construction immobilière et obtenir le paiement des sommes de 76.192€ correspondant en principal et intérêts au montant du redressement fiscal dont elle a fait l'objet, et 15.000€ en réparation de son préjudice moral.
Il était prévu par les concepteurs de l'opération que les associés de la SNC bénéficieraient d'une déduction fiscale de leur investissement, sur le revenu de l'année 1998 au titre de la loi dite 'loi PONS' ;
Vu l'appel interjeté le 23 juillet 2013 par Madame [D] [E] du jugement contradictoire rendu le 12 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
- déclaré prescrite l'action de madame [D] [E],
- déclaré irrecevable les demandes de madame [D] [E],
- débouté la société ING LEASE FRANCE de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné Madame [D] [E] à payer à la société ING LEASE FRANCE la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [D] [E] aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 11 juin 2014 par lesquelles Madame [D] [E], appelante, demande à la cour de :
- faire droit à l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société ING LEASE FRANCE de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
- la recevoir en son action et l'y déclarée recevable et bien fondée,
- débouter la société ING LEASE FRANCE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- déclarer la société ING LEASE FRANCE responsable d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil et responsable de son préjudice,
- condamner la société ING LEASE FRANCE à lui payer, à titre d'indemnisation, la somme de 457.138€ se décomposant comme suit :
- 86.858€ versés entre les mains du Trésor public,
- 350.460€ au titre de la perte de chance évaluée à 50% de l'économie d'impôts manquée,
- condamner la société ING LEASE FRANCE à lui payer, au titre de son préjudice moral, résultant du contrôle fiscal et des procédures subies, la somme de 20.000€,
- condamner la société ING LEASE FRANCE à lui payer la somme de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 4 juin 2014 par lesquelles la société ING LEASE FRANCE, intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire et juger que l'action de Madame [D] [E] est prescrite et la déclarer irrecevable en son action,
- débouter Madame [D] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute au titre des missions qui lui ont été confiées dans le cadre de l'opération de défiscalisation,
- dire et juger que Madame [D] [E] ne justifie d'aucun préjudice indemnisable, ni d'aucun lien de causalité,
- débouter Madame [D] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
- condamner Madame [D] [E] à lui payer la somme de 10.000€ pour procédure abusive,
-condamner Madame [D] [E] à lui payer la somme de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 17 juin 2014 ;
SUR CE, LA COUR :
Sur la prescription :
Considérant que la société ING LEASE FRANCE fait valoir, au soutien de sa prétention selon laquelle l'action de Madame [D] [E] est prescrite, que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité délictuelle est le jour où la victime a eu, ou a pu avoir connaissance des éléments qui fondent sa demande en réparation, tant en vertu de l'ancien article 2270-1 du code civil que de l'article 2224 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 ; qu'en matière de préjudice fiscal, la prescription court à compter de la notification de redressement et non à compter de l'avis de mise en recouvrement, ou de la décision définitive du juge de l'impôt; que cette notification suffit à établir le principe du dommage dès lors qu'elle est motivée et qu'elle mentionne le montant des droits, taxes et pénalités réclamés par l'Administration ; que Madame [D] [E] a reçu la notification du redressement fiscal le 17 décembre 2001, date à laquelle elle pouvait agir en responsabilité contre la société ING LEASE FRANCE ; qu'enfin, la notification du redressement fiscal est claire et non contestable, trouvant sa cause dans le non-respect par la SNC REUNION ENVIRONNEMENT des conditions de l'agrément octroyé le 23 juillet 1998 ; qu'ainsi, le délai de prescription de l'action en responsabilité délictuelle à l'encontre de la ING LEASE FRANCE a commencé à courir le 17 décembre 2001; que l'exploit introductif d'instance de Madame [E] lui a été signifié le 29 décembre 2011, soit postérieurement à l'acquisition de la prescription intervenue le 17 décembre 2011 ; qu'en conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris ;
Mais considérant que [D] [E], au soutien de son appel, fait justement valoir que son action n'est pas prescrite ;
Que l'ancien article 2270-1 du code civil prévoyait que les actions en responsabilité délictuelle se prescrivaient par dix ans ; que la loi du 17 juin 2008 a réduit ce délai à cinq ans et a prévu des dispositions transitoires codifiées à l'article 2222 alinéa 2 du code civil ; qu'en vertu de ces dispositions, la nouvelle prescription a commencé à courir à compter du 19 juin 2008, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder dix ans ;
Que le nouvel article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Que les dispositions de la loi du 17 juin 2008 sont applicables à l'instance qui a été introduite après son entrée en vigueur ;
Que l'appelante argue à bon droit que la révélation de l'exigibilité des droits ne peut résulter de la notification de redressement ; qu'en effet, par cette notification, l'administration fiscale proposait à la contribuable d'accepter ou au contraire de discuter la proposition de redressement ;
Qu'il n'est en réalité établi par aucun document de la cause qu'à la date du 30 décembre 2001, le dommage ait été connu de [D] [E] ; qu'ainsi le point de départ du délai de prescription de dix années alors applicable, n'a pu intervenir avant cette date, étant observé que la mise en recouvrement est intervenue bien postérieurement à celle-ci, l'avis de l'administration fiscale qui est produit aux débats étant daté du 30 novembre 2004 ;
Qu'ainsi, à la date de la délivrance de l'assignation, le 29 décembre 2011, la prescription n'était pas acquise ;
Qu'il s'ensuit que le jugement qui est déféré à la cour sera infirmé ;
Sur les fautes reprochées à la société ING LEASE FRANCE :
Considérant qu [D] [E] reproche en premier lieu à la société ING LEASE FRANCE l'absence de réalisation des investissements au cours de l'année 1998 ; qu'elle soutient que la banque qui participe à la conception d'un projet de défiscalisation, ainsi qu'à sa commercialisation, est tenue notamment à une obligation de résultat pour le montage d'opérations financières, dans son activité de conseil ; qu'elle considère que la conception de l'opération impliquait de vérifier que les paramètres nécessaires permettaient d'aboutir à la déduction fiscale objet de l'opération, notamment en ce qui concerne la date impérative du 31 décembre 1998 ; qu'elle ajoute que les contrats formaient un tout, que la société ING LEASE FRANCE a manqué de professionnalisme en n'avertissant pas la SNC des risques fiscaux, opérant une transmission tardive à l'administration fiscale, en n'obtenant pas de véritable 'agrément fiscal', le courrier du 23 juillet 1998 étant très ambigu ; qu'elle souligne que la lettre de l'administration fiscale adressée le 3 avril 2000 à la société INVESTISSEUR GESTION allait conduire inévitablement à une absence de défiscalisation de l'opération et démontre la faute de l'intimée ;
Qu'elle soutient que la société ING LEASE FRANCE a manqué à son obligation de résultat puisqu'elle n'a pas obtenu l'agrément de l'administration fiscale ; qu'au surplus, la société ING LEASE FRANCE reconnaît sa responsabilité pour n'avoir pas accompli sa mission, ce qui constitue un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil ;
Qu'elle indique également que la société ING LEASE FRANCE aurait dû s'abstenir d'accorder le financement le 15 décembre 1998, à la SNC REUNION ENVIRONNEMENT, en raison de l'impossibilité, dont elle avait connaissance, d'exécuter la totalité de l'opération dans le délai imparti ; qu'en effet, les délais n'étaient pas tenables puisque la livraison de l'usine de recyclage devait avoir lieu avant le 31 décembre 1998 ; qu'en tant que professionnel averti en la matière, elle aurait dû émettre des réserves ou attirer l'attention de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT sur cette impossibilité de tenir la date butoir ; qu'ainsi, la société ING LEASE FRANCE a manqué à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde dont les conséquences ont été la disparition totale de l'avantage fiscal espéré par les investisseurs, outre les intérêts de retard et les coûts liés aux procédures judiciaires intentées ;
Que, s'agissant des allégations de la société ING LEASE FRANCE, elle soutient que cette dernière est fautive d'avoir accordé le prêt en l'absence de transmission préalable du procès verbal de réception des travaux ; que l'administration fiscale, par courrier du 31 mars 2000, met en évidence l'absence de cohérence des documents établis par la société ING LEASE FRANCE ; que cette dernière n'aurait dû verser les fonds que si les travaux de l'usine de recyclage étaient achevés et était ainsi tenue à une obligation contractuelle de s'assurer de l'état d'avancement des travaux ; que le maintien de l'opération, par la société ING LEASE FRANCE, n'a été fait que dans son intérêt au détriment de celui de ses clients ;
Qu'enfin, Madame [D] [E] fait valoir, s'agissant des préjudices qu'elle a subis, que l'ensemble des sommes, liées à l'opération de défiscalisation, dont elle a dû s'acquitter, et qu'elle réclame, résultent du comportement fautif de la société ING LEASE FRANCE ; que, contrairement à ce qu'allègue ING LEASE FRANCE, elle s'est effectivement acquittée des sommes réclamées par l'administration fiscale, à hauteur de 93.785€ ; qu'elle a subi une perte de chance de pouvoir bénéficier d'une déduction fiscale et de ne pas pouvoir réinvestir ses fonds dans un autre placement défiscalisé, dès lors que la société ING LEASE FRANCE n'a émis aucune réserve sur l'échec inévitable de l'opération ; que de plus, elle est dans l'obligation de continuer à verser des frais de gestion auprès de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT, pour ne pas s'exposer à une liquidation à titre personnel et professionnel ; que l'ensemble des conséquences nuisibles résultant du redressement fiscal lui ont causé un préjudice moral dont elle demande réparation à hauteur de 15.000€, et que la demande de dommages-intérêts formée à son encontre n'est pas justifiée ;
Considérant que la société ING LEASE FRANCE, à titre subsidiaire, si la Cour ne considère pas la prescription comme étant acquise, fait valoir en réponse qu'aucun comportement fautif ne peut lui être imputé ; qu'elle n'avait pas la qualité de maître d'oeuvre de l'opération ; que son intervention, en vertu de l'accord de collaboration du 11 février 1998, s'est limitée au montage et au financement bancaire de l'opération ainsi qu'à la réalisation de démarches complémentaires dans le cadre de la demande d'agrément déposée préalablement par la SERP RECYCLAGE ; que le terme de 'montage' renvoie au financement bancaire de l'opération, la responsabilité du montage fiscal de l'opération à l'égard de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT ne lui ayant pas été transférée ; que l'assistance complémentaire dans le cadre de la demande d'agrément n'a également pas eu pour effet de lui transférer la responsabilité du montage fiscal de l'opération ;
Qu'elle fait valoir, en réponse aux prétendues fautes invoquées à son encontre, qu'elle n'était tenue d'une part, à aucune obligation de résultat au titre de l'opération, d'autre part, à aucune obligation d'information et de conseil sur les risques fiscaux encourus au titre de l'opération ; qu'elle n'était pas en charge du suivi des travaux ; qu'elle n'a commis aucune faute ni au titre du déblocage du prêt du 15 décembre 1998, ni au titre de la conclusion de l'avenant du 30 décembre 1998 ;
Que Madame [D] [E] ne justifie d'aucun préjudice réparable puisqu'elle insinue qu'elle n'aurait pas décidé d'investir dans l'opération si elle avait été dûment informée de ses modalités ce qui l'aurait soumise à l'impôt sur les sommes non investies au titre de l'année 1998 ; que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'un redressement fiscal ne constitue pas un préjudice réparable dès lors qu'il aurait été dû en tout état de cause ; qu'au surplus, Madame [D] [E] ne rapporte pas la preuve d'en avoir acquitté le montant ; qu'enfin, elle ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre le préjudice invoqué et le défaut d'obligation d'information et de conseil ;
* **
Considérant qu'il ressort de l'accord de collaboration passé entre la société ING LEASE et la société L'INVESTISSEUR DEVELOPPEMENT (dénommé IG), le 11 février 1998, que la société SERP a octroyé un mandat exclusif à IG le 26 janvier 1998 'pour arranger dans son intégralité, avant fin décembre 1998, le financement défiscalisé en loi PONS du centre de tri et de l'usine de recyclage à [Localité 2] au travers de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT, structure ad hoc à créer à cet effet et pour laquelle une demande d'agrément, déposée le 3 octobre 1997 et complétée le 18 novembre 1997, doit être modifiée et complétée avant fin février 1998";
Que cette convention de commercialisation du 26 janvier 1998, signée par les deux parties, prévoit notamment que la société L'INVESTISSEUR DEVELOPPEMENT sera gérante de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT, que sa mission consistera à s'assurer du respect par la SERP RECYCLAGE, locataire exploitant, de ses obligations à l'égard des investisseurs, qu'elle assistera ceux-ci dans la gestion de leur investissement dans le respect des dispositions législatives et réglementaires aux TOM-DOM ; que le mandataire s'engage à participer à la finalisation du dossier de présentation destiné à la demande d'agrément fiscal, de présenter le dossier à différents organismes financiers, à faire une étude marketing et commerciale complète, à mettre en forme un dossier de réservation, à élaborer un programme informatique, à participer aux réunions nécessaires et à organiser la diffusion et l'administration du réseau commercial ;
Qu'il importe, pour la bonne compréhension du dossier, de rappeler que, par jugement du 26 octobre 1999, le tribunal de commerce de Beauvais a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société SERP RECYCLAGE ; que cette procédure a abouti à l'adoption d'un plan de cession ;
Considérant qu'aux termes de l'accord du 11 février 1998, signé par les deux parties, il est prévu qu'IG confie de manière exclusive à ING, qui l'accepte, le montage et le placement du financement bancaire de l'opération au travers de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT (dénommée SNC) ;
Que la société ING LEASE FRANCE a par ailleurs reçu, le 11 février 1998, un mandat de la part de la SERP RECYCLAGE, spécialisé dans l'aménagement d'infrastructures permettant le traitement de déchets ménagers et industriels, pour effectuer les démarches complémentaires en vue de l'obtention de l'agrément de l'administration fiscale pour l'opération envisagée ; que ce document, qui est signé par le seul président directeur général de la société SERP RECYCLAGE, ne saurait conférer à l'établissement de crédit une mission de maître d'oeuvre de l'opération dont les caractéristiques sont définies aux termes de la convention de commercialisation du 26 janvier 1998 à laquelle la société ING LEASE FRANCE n'est pas partie;
Que le groupe ING qui se présente comme un 'intervenant majeur dans le montage de financements en loi Pons' selon la plaquette qui est produite aux dossiers, a transmis par l'intermédiaire de la société ING LEASE FRANCE un dossier le 3 octobre 1997 complété le 23 juin 1998, à l'administration fiscale aux fins de solliciter le bénéfice de l'aide fiscale prévue à l'article 163 tervicies du code général des impôts pour l'opération concernée ;
Que la réponse de la Direction Générale des Impôts du 23 juillet 1998 indique que le programme peut bénéficier de l'aide fiscale sollicitée sous réserve du respect des conditions de réalisation des investissements qui ont été exposées dans la demande ; que le courrier rappelle également que les associés de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT pourront déduire le coût de leur investissement (diminué de la TVA) de leur revenu global, en 1998, qui doit être l'année d'acquisition et de livraison ; que le courrier rappelle encore que le dossier a été complété en dernier lieu que le 23 juin 1998 ; que ce délai excède celui prévu dans l'accord de collaboration;
Que par ailleurs, [D] [E] a donné mandat de recherche à la société L'INVESTISSEUR DEVELOPPEMENT aux termes d'un acte signé mais non daté produit aux débats, et s'est engagée à devenir membre de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT en signant un bon pour souscription et en versant la somme de 277 500 francs correspondant à 37% du montant de l'investissement, au moyen d'un chèque établi le 17 septembre 1998 à l'ordre de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT, qui est produit en copie aux débats ;
Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la SERP a octroyé un mandat exclusif à L'INVESTISSEUR DEVELOPPEMENT pour arranger le financement défiscalisé en loi PONS du centre de tri et de l'usine de recyclage et que cette dernière société a confié de manière exclusive le montage du financement de l'opération à la société ING LEASE FRANCE, au travers de la société en nom collectif ;
Considérant toutefois que l'accord de collaboration du 11 février 1998 n'a eu pour effet que d'opérer le transfert par l'Investisseur Développement (IG) à l'intimée, établissement de crédit, 'le montage et le placement du financement bancaire de l'opération au travers de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT' ; que le surplus de la mission de l'Investisseur Développement, définie avec précision à l'article II de la convention de commercialisation (tel que notamment la participation à la finalisation du dossier de présentation à Bercy, l'étude marketing et commerciale complète avec analyse de la fiscalité, la participation à toutes les réunions nécessaires au montage juridique et fiscal avec le concours des avocats fiscalistes) n'a pas été transféré à la société ING LEASE FRANCE ;
Qu'en outre, il convient de noter que dans l'accord de collaboration, aucun délai n'est imparti à la société ING LEASE FRANCE pour accomplir les obligations résultant de cet accord;
Que le fait que la société ING LEASE FRANCE ait été destinataire de la lettre du 23 juillet 1998 de la Direction Générale des Impôts ne fait pas de cette société le concepteur de l'opération; que ce courrier indique que l'administration fiscale a reçu un dossier le 3 octobre 1997, complété en dernier lieu le 23 juin 1998 ; que la société ING LEASE FRANCE conteste toutefois avoir elle-même, le 3 octobre 1997, adressé un dossier aux fins d'obtenir une aide fiscale ;
Que cette contestation apparaît fondée dans la mesure où le seul document contractuel qui détermine la mission de la société ING LEASE FRANCE, est l'accord de collaboration signé le 11 février 1998, donc postérieurement à l'envoi du dossier à l'administration fiscale le 3 octobre précédent ; qu'en outre, l'accord de collaboration précise lui-même, aux termes de son exposé préalable à la mission confiée à la société ING LEASE FRANCE, que la société SERP a octroyé un mandat exclusif à IG (Investisseur Développement) pour arranger dans son intégralité avant fin décembre 1998 le financement défiscalisé d'un centre de tri et d'une usine de recyclage à [Localité 2] (ci-après l' 'Opération') au travers de la SNC REUNION ENVIRONNEMENT, pour laquelle une demande d'agrément a déjà été déposée le 3 octobre 1997 ; qu'ainsi, il est établi sans ambiguïté que la demande d'agrément à l'administration fiscale est préexistante à l'intervention de la société ING LEASE FRANCE ;
Que, s'il est exact que la société ING LEASE FRANCE a été destinataire des courriers de l'administration fiscale et notamment de celui du 31 mars 2008, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a fait que transmettre sans délai ce courrier à la SNC REUNION ENVIRONNEMENT dont la société L'INVESTISSEUR DEVELOPPEMENT était la co-gérante, et que le fait que la société ING LEASE FRANCE ait pu être le correspondant de l'administration fiscale en raison de l'assistance apportée par l'établissement de crédit dans la finalisation de la demande d'agrément, n'en fait pas le maître d'oeuvre de l'opération ;
Qu'en outre, il est faux de prétendre que l'agrément de l'administration fiscale n'a jamais été donné ; que le courrier du 23 juillet 1998 de la direction générale des impôts se bornant à rappeler que le bénéfice du régime fiscal est subordonné au respect des conditions de réalisation des investissements dans un certain délai ; que l'appelante ne peut se prévaloir d'aucun 'aveu judiciaire' de la part de l'intimée qui persiste, dans ses écritures, à contester sa responsabilité ;
Considérant que, s'il apparaît que l'intervention de la société ING LEASE FRANCE a consisté dans la mise en place du financement ainsi que dans l'accomplissement de démarches complémentaires dans le cadre de la demande d'agrément, il est inexact de prétendre que cette entreprise s'était engagée à déposer le dossier complémentaire 'avant fin février 1998", cette date, qui figure expressément dans l'accord de collaboration du 11 février 1998, fait référence, aux termes mêmes de cet accord, au mandat passé entre la société SERP et la société L'INVESTISSEUR DEVELOPPEMENT ;
Considérant que la notification de redressement précise que le dommage dont se prévaut [D] [E] résulte du fait que l'année d'imposition (1998) n'a finalement pas été celle de la réalisation de l'investissement ;
Qu'il est précisé en effet dans ce document que :
- le permis de construire de l'usine n'a été accordé que le 30 décembre 1998, et la déclaration d'achèvement des travaux date du 19 avril 1999,
- les matériels n'on été importés à [Localité 2] qu'en 1999,
- la société SERP REUNION a signé néanmoins un certificat d'acceptation confirmant que le 31 décember 1998, date de livraison, elle avait réceptionné le Centre de Traitement qui lui donnait satisfaction ce qui constitue, selon l'administration fiscale, 'à l'évidence une fausse déclaration destinée à faire obstacle au principe d'annuité de l'impôt' ;
- l'immeuble n'a pas fait l'objet d'un agrément pour l'investissement réalisé en 1999 ;
Que ces faits ne sont pas en relation avec un comportement prétendument fautif de la société ING LEASE FRANCE dans le montage et le placement du financement bancaire de l'opération, et qu'ainsi le dommage survenu à [D] [E] consécutif à ce redressement ne saurait être imputable à l'intimée ;
Que l'appelante ne rapporte pas la preuve de la faute alléguée qui aurait été commise à son préjudice par la société ING LEASE FRANCE, qui n'est pas le concepteur de l'opération ni responsable du respect de ses délais d'exécution, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, et qui n'apparaît établie à l'encontre de l'intimée ni dans son rôle de dispensateur de crédit à la SNC REUNION ENVIRONNEMENT aux termes des contrats de prêts des 11 août et 15 décembre 1998, ni dans celui de prestataire mandaté pour accomplir des démarches complémentaires dans le cadre de la demande d'agrément ;
Que la société ING LEASE FRANCE n'était pas en charge du suivi des travaux et ne saurait être tenue responsable d'un financement tardif ou d'un déblocage des fonds dont le caractère irrégulier n'est pas établi et qui n'est pas à l'origine du préjudice invoqué ; que l'appelante n'est pas davantage fondée à invoquer la faute commise dans la rédaction de l'avenant du 30 décembre 1998 passé entre l'intimée et la SNC REUNION ENVIRONNEMENT ;
Que les seules relations contractuelles existant entre l'intimée et la SNC REUNION ENVIRONNEMENT, dont L'INVESTISSEUR a la qualité de gérant, étant constituées des deux contrats de prêts consentis par la société LEASE FRANCE à la société REUNION ENVIRONNEMENT les 11 août et 15 décembre 1998, et l'avenant du 30 décembre 1998 qui ne révèlent l'existence d'aucune faute à l'origine du préjudice que [D] [E] estime avoir subi du fait de ses redressements fiscaux ;
Qu'enfin, [D] [E], qui ne justifie d'aucun lien contractuel avec la société ING LEASE FRANCE, ne peut invoquer utilement le manquement de cette société à une obligation de conseil à son égard ;
Que l'appelante n'établissant l'existence d'aucun lien direct de causalité entre le préjudice qu'elle allègue et le comportement qu'elle impute à la société intimée, il s'ensuit que, par infirmation du jugement entrepris, [D] [E] sera débouté de l'ensemble de ses demandes ;
Sur la demande reconventionnelle formée par la société ING LEASE FRANCE :
Considérant que le fait d'agir en justice constitue un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, ou à tout le moins, de légèreté blâmable ; que tel n'étant pas le cas en l'espèce, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ne sera pas accueillie ;
Sur la demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Considérant qu'il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner [D] [E] à verser à la société ING LEASE FRANCE la somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles de procédure de première instance et d'appel ;
Sur les dépens :
Considérant que [D] [E], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de la procédure ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris,
Déclare non prescrite l'action entreprise par [D] [E],
Déclare l'action recevable,
Déboute [D] [E] de l'ensemble de ses demandes,
Déboute la société ING LEASE FRANCE de ses demandes reconventionnelles,
Condamne [D] [E] à verser à la société ING LEASE FRANCE la somme de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [D] [E] aux entiers dépens de l'instance, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,