COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50D
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JUIN 2015
R.G. N° 13/03022
AFFAIRE :
SARL CARAVANE CENTER ILE DE FRANCE
C/
[C] [P]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Février 2013 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° Chambre : 2
N° RG : 11/03448
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Julien AUCHET
Me Philippe THIELIN
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT JUIN DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL CARAVANE CENTER ILE DE FRANCE
N° SIRET : B 341 645 547
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Julien AUCHET, Postulant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 13 - N° du dossier 110680
Représentant : Me Géraldine HUDSON de la SCP EVODROIT - FARGE - COLAS ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 13
APPELANTE
****************
1/ Madame [C] [P]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4] (93)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Philippe THIELIN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 141
INTIMEE
2/ SARL DETHLEFFS FRANCE
N° SIRET : 329 108 104
[Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1351744
Représentant : Me Muriel MAZEAUD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant la SELAS ENDROS BAUM AVOCAT - EBA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0387
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Avril 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marine EYROLLES
------------------
Courant décembre 2006, Mme [C] [P] a acheté à la société Caravane Center une caravane neuve, de marque Dethleffs, au prix de 27.000 euros.
Plusieurs anomalies présentées par cette caravane ont été résolues à l'exception du grincement anormal du plancher qui a justifié la mise en oeuvre de la garantie constructeur en mars 2008. Aucun accord n'ayant pu être trouvé, [C] [P] a sollicité son assureur protection juridique, la société Protexia, aux fins d'expertise technique. Le rapport a été déposé le 29 novembre 2009.
Sur le fondement de ce rapport et par acte du 9 mai 2011, Mme [C] [P] a fait assigner la société Caravane Center en garantie des vices cachés, devant le tribunal de grande instance de Pontoise. La société Caravane Center a appelé en intervention forcée aux fins de garantie, la société Dethleffs.
Par jugement du 18 février 2013, le tribunal a déclaré [C] [P] recevable en son action en garantie des vices cachés,
- prononcé la résolution de la vente de la caravane de marque Dethleffs France,
- condamné la société Caravane Center Ile de France à verser à [C] [P] la somme de 20.700 euros au titre de la restitution du prix,
- ordonné à [C] [P] de restituer le véhicule à la société Caravane Center, à première demande, à charge pour le vendeur d'en reprendre possession à ses frais,
- condamné la société Caravane Center à verser à [C] [P] les sommes de':
* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,
* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté [C] [P] du surplus de ses demandes,
- débouté la société Caravane Center de sa demande de garantie, formée à l'encontre de la société Dethleffs France,
- condamné la société Caravane Center aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Les premiers juges ont considéré :
- qu'il résultait de l'historique rappelé par l'expert et non contredit en défense, que l'anomalie touchant la caravane s'est manifestée dès le mois de février 2007, soit moins de trois mois après la vente ; qu'il y avait donc lieu d'en déduire que le défaut était antérieur à la vente et que le vendeur n'avait pas été en mesure d'y remédier; que le vice caché était donc constitué.
- que l'extrait Kbis de la société Dethleffs produit aux débats établit qu'elle n'est ni le constructeur du véhicule litigieux ni son importateur en France et que dans ces conditions, elle ne pouvait être tenue à une quelconque garantie sur le fondement de l'article 1641 du code civil.
Par acte du 17 avril 2013, la société Caravane Center a relevé appel de cette décision et dans ses dernières conclusions visées le 24 mai 2013, demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement, et statuant à nouveau':
- à titre principal, de déclarer irrecevable car prescrite l'action rédhibitoire initiée par [C] [P] contre elle,
- à titre subsidiaire,' de déclarer mal fondée l'action rédhibitoire,
- en conséquence,
- débouter [C] [P] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre infiniment subsidiaire,'
- de dire que la société Dethleffs France est tenue de la garantir de toutes condamnations éventuellement mises à sa charge,
- en tout état de cause':
- de condamner la partie perdante à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du du code de procédure civile.
Elle soutient :
- qu'elle n'a jamais reconnu ce prétendu vice en essayant d'y remédier,
- que l'action rédhibitoire engagée par [C] [P] est irrecevable car prescrite depuis le 12 septembre 2010,
- qu'aucun risque ou danger de rupture du plancher n'a été évoqué par l'expert d'assurance; l'anomalie alléguée ne rendant nullement le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné; que le vice caché n'est pas constitué.
Dans ses dernières conclusions visées le 10 juillet 2013, la société Dethleffs demande à la cour d'infirmer le jugement,
- à titre principal':
- de constater, dire et juger que l'action de [C] [P] a été introduite tardivement, et est en conséquence prescrite,
- que de ce fait l'action en garantie exercée par la société Caravane Center contre elle, est irrecevable,
- à titre subsidiaire':
- de juger que les défauts invoqués par [C] [P] ne sont pas constitutifs de vices cachés,
- à titre infiniment subsidiaire,
- de constater que [C] [P] ne saurait percevoir dans le cadre de la résolution de la vente une somme supérieure à celle qu'elle avait effectivement versée, soit 20.700 euros, et de la débouter de toute autre demande d'indemnisation complémentaire, injustifiée,
- de constater qu'elle n'a joué aucun rôle dans la vente et la fabrication du camping-car et qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée,
- en conséquence':
- de confirmer le jugement en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de garantie formée par la société Caravane Center à son encontre,
- à titre subsidiaire, à supposer que la résolution de la vente soit prononcée et qu'elle soit condamnée à garantir la société Caravane Center, de constater qu'elle ne saurait garantir la société Caravane Center qu'à hauteur de la somme effectivement perçue par elle lors de la vente de la caravane, soit 14.203,22 euros,
- en tout état de cause':
- condamner [C] [P] et la société Caravane Center à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- les désordres ayant été découverts au plus tard le 12 septembre 2008, l'action devait être engagée au plus tard le 12 septembre 2010, conformément à l'article 1648 du code civil,
- les désordres invoqués par l'acquéreur ne constituent pas un défaut inhérent au véhicule, n'empêchant en aucune façon l'utilisation de la caravane. Les conditions de l'action rédhibitoire sur le fondement de l'article 1641 et suivants du code civil ne sont donc nullement réunies,
- le préjudice de jouissance de [C] [P] n'est pas caractérisé.
[C] [P] a conclu le 12 mai 2014 à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Caravane Center à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que le point de départ de la prescription était bien la date de dépôt du rapport d'expertise et non le moment où l'intimée a constaté ce bruit dont elle ne pouvait connaître l'origine.
Par ailleurs, agissant sur le fondement du vice caché, elle considère qu'il n'y a pas lieu de rechercher l'existence d'une faute dans l'utilisation du véhicule, les grincements constituant un vice eu égard à l'utilisation du véhicule aux fins de loisir.
Par conclusions du 12 mai 2014, Mme [P] sollicite la confirmation du jugement et réclame une indemnité de procédure de 3.000 euros.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 janvier 2015.
La cour renvoie aux conclusions déposées à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
- Sur la recevabilité de l'action fondée sur les vices cachés de la chose
Les demandes de [C] [P] sont fondées sur la garantie des vices cachés, telle qu'exprimée à l'article 1641 du code civil. Or, il résulte de l'article 1648 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits, que l'action doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
S'il est vrai que le craquement litigieux était connu de [C] [P] depuis le 12 septembre 2008, le caractère pérenne du grincement n'a été mis en évidence que lors du dépôt de l'expertise amiable. Ainsi la qualification de vice caché n'a pu être invoquée de manière certaine par [C] [P] que plus tard, à réception de ce rapport.
Dès lors, on doit considérer que la demande de [C] [P] a bien été formée dans le délai de l'article 1648 du code civil. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur l'existence d'un vice caché
[C] [P] a fondé sa demande sur le vice caché et a choisi, exclusivement, la voie de l'action rédhibitoire.
Il est constant qu'à la suite de l'achat de la caravane en décembre 2006, la garantie constructeur a été sollicitée au sujet de plusieurs anomalies constatées par [C] [P] sur le véhicule (pièce 2 de la société Caravane Center). Parmi ces 'anomalies' listées fin mars 2008, est noté 'craquement du plancher à l'entrée entre la lingère couverte et la cuisine. Ce phénomène s'accentue véhiculé calé'.
A la suite de la réunion d'expertise contradictoire qui s'est tenue à l'initiative de l'assureur de [C] [P] le 12 septembre 2008, un protocole d'accord a été signé entre cette dernière, la société Caravane Center et la société Dethleffs; la société Caravane Center s'engageant à interroger la société Dethleffs 'pour toutes solutions techniques sous 15 jours'. Il est précisé à la transaction que le propriétaire souhaite garder sa caravane d'origine.
La société Dethleffs a donné suite à cette transaction en préconisant une 'procédure' propre à faire cesser les désordres (pièce 5 de la société Caravane Center). Deux 'traverses transversales' ont en effet été posées au niveau de l'entrée de la caravane ce qui a 'très légèrement réduit' le bruit selon l'expert, sans cependant le faire disparaître.
L'expert considère que la pose d'une plaque de bois d'environ 1 m² afin de mettre en pression le plancher central permettrait de faire cesser le grincement; cependant cette solution a été refusée par [C] [P] et son compagnon, comme laissant des traces et diminuant la valeur de la caravane en cas de revente. [C] [P] a, pour sa part, proposé (Pièce 6 de Caravane Center) un échange de caravane ou une indemnisation de la perte de valeur de celle-ci. Ces solutions n'ont pas été acceptées par le vendeur.
Le prétendu vice caché consiste en un grincement dont la manifestation n'est pas 'cachée' et que [C] [P] a d'ailleurs très vite constaté, tout pensant qu'il allait y être remédié.
L'expert situe ce grincement sur une superficie de 20 cm², dans l'entrée de la caravane. Ce grincement n'annonce pas une rupture du plancher et il ne met donc nullement en danger la sécurité des occupants. [C] [P] évoque une aggravation qui n'est pas établie.
Il ne peut être sérieusement soutenu qu'un tel inconvénient rende la caravane impropre à son usage. Ainsi ce défaut, par sa gravité très relative, ne rend pas le véhicule impropre à son usage et ne permet pas à [C] [P] de remettre en cause la vente. Il ne s'agit pas d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
- Sur la garantie de la société Dethleffs
La société Dethleffs a établi par son extrait Kbis qu'elle ne représentait pas le constructeur du véhicule (la société Dethleffs GmbH &Co Kg), et qu'elle n'en était pas non plus l'importateur ni le vendeur. Elle n'a pas commis de faute susceptible de mettre en jeu sa responsabilité. Elle a, eu égard à ses fonctions commerciales, tenté de résoudre le problème du grincement, aux cotés du concessionnaire ; ces démarches ne peuvent cependant être assimilées à une reconnaissance de responsabilité, dès lors qu'elle n'est ni constructeur ni vendeur.
Aucune action en garantie ne peut donc être dirigée contre la société Dethleffs.
- Sur la demande de dommages et intérêts :
La demande de résolution de la vente, exclusivement fondée sur la garantie des vices cachés, venant d'être rejetée, il n'y a pas lieu à dommages et intérêts. Le jugement sera donc infirmé sur ce point également.
- Sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles, et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Les mêmes considérations conduisent également à laisser à la charge de chaque partie ses dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 18 février 2013, sauf en ce qu'elle a déclaré non prescrite la demande de [C] [P] et mis hors de cause la société Dethleffs,
Et, statuant à nouveau,
Dit que le défaut allégué n'est pas un vice caché,
Déboute [C] [P] de sa demande en résolution de la vente de la caravane fondée sur l'article 1641 du code civil et de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance, et frais irrépétibles,
Y ajoutant,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et dépens en cause d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,