COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
ML
Code nac : 88H
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 JUIN 2015
R.G. N° 13/04610
AFFAIRE :
SAS LABORATOIRES BOUCHARA - RECORDATI
C/
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'ILE DE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 12-00268
Copies exécutoires délivrées à :
la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'ILE DE FRANCE
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS LABORATOIRES BOUCHARA - RECORDATI
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE JUIN DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS LABORATOIRES BOUCHARA - RECORDATI
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Nicolas DE SEVIN de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701 substituée par Me Emilie BOURGUIGNON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN170
APPELANTE
****************
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'ILE DE FRANCE
Division des Recours Amiables et Judiciaires
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par M. [Y] [S] en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 16 Avril 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER
FAITS ET PROCÉDURE,
Les faits et la procédure peuvent être présentés de la manière suivante :
La société Laboratoires Bouchara-Recordati qui exerce une activité de fabrication et de commercialisation de spécialités pharmaceutiques, a fait l'objet en juin 2011 d'un contrôle relatif à l'application de la législation de sécurité sociale, au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.
Par lettre du 1er juillet 2011, l'URSSAF d'Ile de France a notifié à la société plusieurs redressements et observations pour l'avenir, sur lesquels les Laboratoires Bouchara-Recordati ont répondu par lettre du 28 juillet 2011, sa contestation portant sur la mise en cause de la proratisation appliquée sur les salaires des visiteurs médicaux selon les visites qu'ils effectuaient auprès des professionnels de santé régis par les dispositions du titre 1er du livre 1er de la 4ème partie du code de la santé publique, des établissements de santé ou de tout autre professionnel non visé par ces dispositions, tel que les officines en pharmacie.
Par lettre du 22 septembre 2011, l'URSSAF d'Ile de France a maintenu ses observations, considérant qu'il n'y avait pas lieu de procéder à des abattements sur la rémunération des visiteurs médicaux au titre des visites réalisées au sein des officines en pharmacie.
Par courrier du 4 novembre 2011, la société Laboratoires Bouchara-Recordati a saisi la commission de recours amiable d'une contestation du redressement, et considérant sa requête rejetée par décision implicite, elle a saisi le 2 février 2012 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine.
Le 3 septembre 2012, la commission de recours amiable a finalement notifié une décision de rejet de la demande de la société Laboratoires Bouchara-Recordati.
Par jugement du 9 septembre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine a :
. Confirmé la décision rendue le 3 septembre 2012,
. Débouté la société Laboratoires Bouchara-Recordati de son recours,
. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte enregistré le 29 octobre 2013, la société Laboratoires Bouchara-Recordati a relevé appel général de cette décision.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Laboratoires Bouchara-Recordati demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 9 septembre 2013,
- Annuler la décision expresse du 3 septembre 2012 rendue par la commission de recours amiable de l'URSSAF d'Ile de France,
- Annuler la décision valant pour l'avenir notifiée par l'URSSAF d'Ile de France le 22 septembre 2011,
- Condamner l'URSSAF d'Ile de France au paiement d'une indemnité de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF d'Ile de France demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du 9 septembre 2013,
- Condamner la société Laboratoires Bouchara-Recordati au paiement d'une indemnité de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions écrites.
SUR CE,
A l'appui de son appel, la société Laboratoires Bouchara-Recordati fait valoir qu'elle pratique un abattement sur les rémunérations et les frais des visiteurs médicaux au titre des visites qu'ils effectuent auprès des officines en pharmacie, qui est conforme aux dispositions de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale qui visent uniquement les visites auprès des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes ou auprès des établissements de santé. Selon la société, lorsque les visiteurs médicaux interviennent auprès d'autres professionnels que ceux visés par l'article L. 245-2, tels que notamment les officines en pharmacie, il est nécessaire de procéder à une proratisation de leur rémunération. La société considère que cette pratique est conforme à la volonté claire et non équivoque du législateur, qui a entendu mettre en place la contribution sur la publicité pharmaceutique dans le seul but de limiter la promotion sur les médicaments. Elle ajoute qu'a été mise en place une contribution spécifique destinée à taxer l'activité des laboratoires pharmaceutiques auprès des officines en pharmacie, qui résulte des dispositions de l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, ce qui conduirait à appliquer une double taxation de la même activité. La société relève enfin que cette pratique a toujours été acceptée par l'URSAAF qui ne peut pas modifier l'assiette de la contribution telle qu'elle a été fixée par le législateur, et telle qu'elle a été reconnue par le Conseil d'Etat dans sa décision du 2 avril 2003 qui a annulé une instruction ministérielle contraire à la loi.
En réplique, l'URSSAF d'Ile de France expose que la contribution des entreprises de préparation de médicaments, dite contribution sur les dépenses de promotion sur les médicaments, visée à l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, est due par les entreprises exploitant en France une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie en application des premier et dernier alinéas de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités. Conformément aux dispositions de l'article L. 245-2-1 1° du même code, la contribution est assise sur les charges comptabilisées au titre des rémunérations de toutes natures des personnes exerçant les fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la santé publique qui vise les personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments. Par suite, la contribution a pour assiette l'ensemble des charges de rémunération des personnes énumérées aux articles L. 5122-11 et suivants du code de la santé publique mais également leurs remboursements de frais de transport, ainsi que l'ensemble de leurs frais de repas et d' hébergement. L'URSSAF considère que rien dans les dispositions de l'article L. 245-2 ne permet de limiter l'assujettissement à la partie de la rémunération se rapportant à l'activité exercée auprès des professionnels de santé visés par le texte, de sorte que la société ne peut pas pratiquer un abattement sur le temps passé à la promotion des spécialités pharmaceutiques auprès des pharmacies de villes.
L'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au moment du contrôle, énonce :
'Il est institué au profit de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et de la Haute Autorité de santé une contribution des entreprises assurant l'exploitation en France, au sens des articles L.5124-1, L.5124-2, L.5136-2 et L.5124-18 du code de la santé publique, d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie en application des premier et dernier alinéas de l'article L. 162-17 du présent code ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités.'
Il ressort des explications développées par les parties que celles-ci sont en opposition sur l'interprétation de l'article L. 245-2 paragraphe I du code de la sécurité sociale qui dispose, dans sa rédaction applicable au moment du contrôle :
'La contribution est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre :
1° Des rémunérations de toutes natures, y compris l'épargne salariale ainsi que les charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la santé publique, qu'elles soient ou non salariées de l'entreprise et qu'elles interviennent en France métropolitaine ou dans les départements d'outre mer auprès des professionnels régis par les dispositions du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique ou auprès des établissements de santé. Seules sont prises en compte les rémunérations afférentes à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ;
2° Des remboursements de frais de transport, à l'exclusion des charges afférntes à des véhicules mis à disposition, des frais de repas et des frais d'hébergement des personnes mentionnées au 1°;
3° Des frais de publication et des achats d'espaces publicitaires, sauf dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ou d'un agrément défini dans les conditions fixées par décret, dès lors qu'une spécialité pharmaceutique inscrite sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique y est mentionnée.'
En particulier, la société Laboratoires Bouchara-Recordati s'appuie sur les dispositions intégrées au 1° du paragraphe I de l'article L. 245-2, pour considérer que seules doivent être prises en compte les rémunérations des visiteurs médicaux versées au titre des visites qu'ils effectuent auprès des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes ou auprès des établissements de santé, à l'exclusion des visites auprès des pharmacies.
Or, il convient de relever que la référence aux professionnels de santé régis par les dispositions du titre 1er du livre 1er de la 4ème partie du code de la santé publique et aux établissements de santé, a pour objet de préciser la catégorie des personnes concernées par la contribution, celles mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la santé publique qui vise 'les personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments.'
Les dispositions du 1° du paragraphe I de l'article L. 245-2 ont donc pour but de délimiter l'assiette de la contribution en référence aux visiteurs médicaux qui interviennent auprès des professionnels de santé.
Cette référence est conforme à la nature de la contribution, instituée par la loi n°83-25 du 19 janvier 1983, concernant les entreprises de médicaments en vue de les faire participer au financement de la caisse nationale de l'assurance maladie des salariés, dès lors que les visiteurs médicaux assurent la promotion des spécialités pharmaceutiques.
Le texte a donc pour objet de viser les rémunérations et frais versés aux visiteurs médicaux dont la fonction consiste à favoriser la commercialisation des spécialités pharmaceutiques, mais sans opérer de distinction selon les visites qu'ils effectuent, auprès des professionnels de santé régis par les dispositions du titre 1er du livre 1er de la 4ème partie du code de la santé publique ou auprès des pharmacies.
La seule limite apportée à la contribution résulte de la dernière phrase des dispositions du 1° du paragraphe I de l'article L. 245-2, qui vise 'les rémunérations afférentes à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique.'
En application de cette exclusion, seules sont prises en compte pour le calcul de la contribution,
les rémunérations afférentes à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques remboursables ou agréées.
L'interprétation proposée par la société Laboratoires Bouchara-Recordati s'appuie donc sur une confusion entre les différentes dispositions du texte, sans qu'il soit justifié d'écarter les visites réalisées auprès des pharmacies en vue de l'exploitation des spécialités pharmaceutiques remboursables ou agréées.
La décision du 2 avril 2003 du Conseil d'Etat qui a annulé le paragraphe 1 de l'instruction du ministre de l'emploi, en date du 3 avril 2001, est sans effet sur cette interprétation, dès lors que cette décision porte sur une instruction ministérielle antérieure à la modification du texte par la loi du 24 décembre 2002.
Egalement, le moyen développe par la société relatif à l'existence d'une double taxation résultant de l'application des dispositions de l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, est inopérant dès lors que cette taxation est organisée par des dispositions légales distinctes, qui poursuivent le même but de contribution au financement de la sécurité sociale.
Il ressort en définitive de l'ensemble de ces éléments que le jugement du 9 septembre 2013 qui a rejeté le recours de la société Laboratoires Bouchara-Recordati, doit être confirmé.
Celle-ci sera condamnée à payer à l'URSSAF d'Ile de France une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,
Confirme le jugement du 9 septembre 2013,
Condamne la société Laboratoires Bouchara-Recordati à payer à l'URSSAF d'Ile de France une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier en préaffectation, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,