COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80D
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JUIN 2015
R.G. N° 14/02049
AFFAIRE :
Association ADMR
C/
[O] [X]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES
Section : Référé
N° RG : 14/00023
Copies exécutoires délivrées à :
SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET
[O] [X]
Copies certifiées conformes délivrées à :
Association ADMR
[W] [E]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JUIN DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Association ADMR
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Sandra RENDA de la SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANTE
****************
Madame [O] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparante
Assistée de M. [W] [E], délégué syndical ouvrier
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 31 Mars 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
EXPOSE DU LITIGE
Mme [X] a été engagée par l'Association ADMR comme employée à domicile à compter du 18 mai 2009, selon un contrat à durée déterminée, puis à temps plein selon un contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2009.
Elle est devenue déléguée du personnel depuis avril 2013 et déléguée syndicale CGT depuis juin 2013.
Par lettre recommandée du 10 octobre 2013, son employeur l'a convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire.
Par lettre recommandée du 29 octobre 2013, il lui a notifié un avertissement qu'elle a contesté par lettre du 8 novembre 2013.
Le 24 février 2014, sollicitant le retrait de cette sanction, elle a saisi en référé le président du conseil des prud'hommes de CHARTRES, lequel, par ordonnance du 10 avril 2014, dont l'Association ADMR a formé appel, a ordonné l'annulation de la sanction avec remise en état de la situation de Mme [N], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant l'ordonnance, se réservant le droit de la liquider, tout en la déboutant de sa demande en dommages et intérêts pour le préjudice subi, et lui allouant la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites, soutenues oralement à l'audience du 31 mars 2015, l'Association ADMR sollicite l'infirmation de l'ordonnance, demandant à la cour de juger que l'avertissement était justifié, tout en concluant au débouté de Mme [X] et à sa condamnation à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'avertissement ne constitue pas une sanction disciplinaire et n'a pas eu d'incidence sur la situation de la salariée, de sorte qu'il ne peut être annulé.
Par conclusions écrites, soutenues oralement à l'audience du 31 mars 2015, Mme [X], sollicitant la confirmation de l'ordonnance, conclut à la nullité de la sanction avec remise en état pour faire cesser le trouble manifestement illicite, et à la condamnation de l'Association ADMR à lui payer la somme provisionnelle de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi à raison de sa qualité de déléguée syndicale, outre la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'avertissement est nul car, d'une part il aurait dû, en tant que sanction disciplinaire, être mentionné dans le règlement intérieur qui n'existait pas à l'époque, et que d'autre part il s'agirait d'une discrimination à raison de ses fonctions syndicales.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'annulation de l'avertissement
Selon l'article R 1455- 6 du code du travail, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
Selon l'article L 1311-1 du code du travail, l'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins 20 salariés, ce qui est le cas de l'Association ADMR.
L'article L. 1311- 2 du code du travail dispose que le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions qu'il peut prendre à l'égard de ses salariés.
Aux termes de l'article L 1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement d'un salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
En l'espèce, dans la lettre de convocation en date du 10 octobre 2013 envoyée à Mme [X], l'Association ADMR emploie le terme de 'sanction disciplinaire', puis dans la lettre du 29 octobre 2013, elle lui notifie un 'avertissement disciplinaire', précisant qu'il sera versé à son dossier, invoquant plusieurs griefs tous contestés par la salariée.
Il est donc clairement établi que l'Association ADMR a entendu prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de Mme [X], l'avertissement étant versé à son dossier et pouvant affecter sa carrière, par l'aspect négatif qu'il implique dans sa manière de travailler.
Or cette sanction disciplinaire n'est pas prévue dans le règlement intérieur de l'Association ADMR, qui ne démontre pas l'existence de ce document à la date de l'avertissement, étant précisé qu'un règlement intérieur a été établi postérieurement en juin 2014 et qu'il prévoit notamment comme sanction l'avertissement.
Dès lors il convient, afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite, comme le conseil de prud'hommes l'a jugé, d'ordonner à l'Association ADMR d'annuler l'avertissement prononcé le 29 octobre 2013 à l'égard de Mme [X].
Cependant il ne sera pas prononcé d'astreinte, cette demande n'étant plus soutenue en appel.
Sur la demande de provision à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale
Selon l'article R 1455- 7 du code du travail le juge des référés peut accorder une provision au créancier, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
L'article L 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour prendre des décisions notamment des mesures de discipline.
En l'espèce Mme [X] fait le lien entre ses fonctions syndicales occupées depuis avril 2013 avec son avertissement intervenu peu de mois après, et surtout ses interventions dans le cadre de ses fonctions syndicales.
Un des six griefs contenus dans la lettre lui notifiant l'avertissement fait référence à la qualité de délégué du personnel de Mme [X] puisque l'employeur écrit : ' vous fouillez dans le bureau mis à votre disposition pour votre permanence syndicale ; tout document concernant votre rôle de déléguée du personnel vous sera remis par le secrétariat à votre demande.'
Par ailleurs, il est produit des compte-rendus de 2 réunions (les 27 septembre et 23 octobre 2013) entre Mme [X] et la direction, outre des lettres de Mme [X] dénonçant d'une part des problèmes d'organisation et de décompte de temps de travail pour certaines salariées et d'autre part des difficultés pour obtenir de la direction des réunions mensuelles avec elle en sa qualité de déléguée du personnel.
Ces éléments établissent, certes, de fortes tensions et oppositions entre Mme [X] et la direction mais ils sont insuffisants pour faire présumer l'existence de la discrimination alléguée qui, en l'absence de trouble manifeste, ne peut relever que de l'appréciation du juge du fond.
En conséquence, Mme [X] sera déboutée de sa demande de provision, et l'ordonnance également confirmée sur ce point.
Sur les demandes accessoires
La somme de 500 € sera allouée à Mme [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée en première instance.
Les dépens de première instance et d'appel sont mis à la charge de l'Association ADMR.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME l'ordonnance de référé du conseil des prud'hommes de CHARTRES en date du 10 avril 2014, sauf en ce qui concerne l'astreinte ;
Statuant à nouveau, de ce dernier chef,
DIT n' y avoir lieu à astreinte ;
CONDAMNE l'Association ADMR à payer à Mme [X] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée en première instance ;
CONDAMNE l'Association ADMR aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,