COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 64B
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUIN 2015
R.G. N° 13/07078
AFFAIRE :
SA SITA IDF
C/
[D], [P], [I] [W]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 11/12691
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Pierre GUTTIN
Me Mélina PEDROLETTI
Me Jérôme HOCQUARD de la SCP HOCQUARD ET ASSOCIES
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUIN DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA SITA IDF
RCS [Localité 7] N° 662 014 489
[Adresse 4]
[Localité 4]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 13000454
Représentant : Me Séverine HOTELLIER-DELAGE de la SCP LEFEVRE PELLETIER et Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0238
APPELANTE
****************
1/ Monsieur [D], [P], [I] [W]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 6] (78)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22533
Représentant : Me Isabelle GUILLOUARD de la SCP SUREL-GUILLOUARD-ROBIN, Plaidant, avocat au barreau de l'EURE
INTIME
2/ CPAM DE L'EURE
[Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Jérôme HOCQUARD de la SCP HOCQUARD ET ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0087 - N° du dossier 320359
INTIMEE
3/ SA JEAN MIRMONT
N° SIRET : 318 826 716
[Adresse 5]
[Adresse 3]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20130553
Représentant : Me Tristan DUPRE de PUGET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0147
INTIMEE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Avril 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marine EYROLLES
--------------
Le 30 juillet 2007, [D] [W], directeur commercial au sein de la société Alfyma Industrie, filiale de la société Ouest Caoutchouc à l'enseigne Maintenance Générale et Industrielle, aux droits de laquelle se trouve la SA Jean Mirmont, a été victime d'un accident du travail alors qu'il se trouvait dans les locaux d'un client de son employeur, la SA Sita IDF, à [Localité 5]. Effectuant un contrôle en vue du remplacement des tapis du convoyeur de la chaîne de tri, il fit une chute d'une hauteur de plus de six mètres alors que, s'étant hissé sur le tapis, il prenait appui sur des plaques métalliques.
[D] [W] a contesté l'évaluation faite par la CPAM de son taux d'incapacité et a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rouen qui, par jugement du 5 juin 2012, a fixé ce taux à 55 %.
Les 16 et 18 mars 2011, [D] [W] a assigné la SA Sita IDF et la CPAM de l'Eure au visa des articles 1382 et 1383 du code civil afin que la première soit déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident, que soit désigné un expert médical, que la SA Sita IDF soit condamnée à lui verser la somme provisionnelle de 20 000 euros, outre celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 31 mai 2012, la SA Sita IDF a assigné la SA Jean Mirmont afin que celle-ci soit tenue de la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Par jugement du 20 juin 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a jugé que l'action introduite par [D] [W] à l'encontre de la SA Sita IDF n'était pas prescrite, que cette dernière était entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident et a mis hors de cause la SA Jean Mirmont. Avant dire droit, le tribunal a ordonné une expertise à l'effet d'évaluer les divers préjudices, a condamné la SA Sita IDF à verser à [D] [W] une provision de 20 000 euros et réservé l'examen des autres demandes.
La SA Sita IDF a interjeté appel le 19 septembre 2013.
Dans ses conclusions signifiées le 9 mars 2015, la SA Sita IDF demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau,
- à titre principal :
- constater que la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés de l'article 1384 alinéa 5 ne peut être retenue,
- constater que [D] [W] a violé les consignes de sécurité du plan de prévention mettant en danger sa sécurité,
- constater que cette violation est seule à l'origine du dommage qu'il subit aujourd'hui,
- juger en conséquence que la société Sita IDF n'est pas responsable du préjudice subi par [D] [W],
- en conséquence,
- la mettre hors de cause,
- débouter [D] [W] et la CPAM de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Sita IDF,
- ordonner la restitution des sommes qu'elle a versées à [D] [W] à hauteur de 20 000 euros en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 20 juin 2013,
- à titre subsidiaire :
- prononcer un partage de responsabilité entre [D] [W] et la SA Sita IDF,
- dire que la part de cette dernière ne saurait excéder 20 % et condamner la société Sita IDF dans cette même limite à indemniser la CPAM,
- rejeter les demandes de la CPAM, l'examen de sa réclamation ayant été réservé,
- en tout état de cause :
- lui donner acte de ce qu'elle se désiste de tout appel à l'encontre de la société Jean Mirmont,
- condamner [D] [W] à payer à la société Sita IDF la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses conclusions signifiées le 11 février 2014, la SA Jean Mirmont demande à la cour de :
- donner acte à la société Sita qu'elle ne formule aucun grief à son encontre,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause,
- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la SA Jean Mirmont était l'employeur, au moment des faits, de [D] [W],
- statuant à nouveau,
- constater que [D] [W] était, au moment des faits, employé par la société Alfyma Industrie,
- confirmer la mise hors de cause de la SA Jean Mirmont,
- condamner la SA Sita IDF à payer à la société Jean Mirmont la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront recouvrés directement par Maître Lafon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions signifiées le 16 juillet 2014, [D] [W] demande à la cour de :
- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement déféré,
- y ajoutant,
- condamner la société Sita IDF à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code procédure civile,
- condamner la société Sita IDF aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses conclusions signifiées le 6 mars 2015, la CPAM de l'Eure demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé la société Sita IDF fautive et responsable des entiers dommages survenus à [D] [W],
- en conséquence,
- condamner la société Sita IDF à verser à la CPAM de l'Eure la somme de 469 594,27 euros au titre du remboursement des prestations versées à [D] [W] et ce, sous réserve des prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement,
- condamner la société Sita IDF à régler à la CPAM de l'Eure les intérêts au taux légal sur la somme de 312 639,39 euros à compter du 27 décembre 2011 et à compter des présentes écritures pour le surplus, en application de l'article 1153 du code civil, ces intérêts formant anatocisme à l'expiration d'une année conformément à l'article 1154 du code civil,
- constater que la société Sita IDF est redevable de l'indemnité forfaitaire prévue à l'alinéa 8 de l'article L.454-1 du code de la sécurité sociale dont le montant a été actualisé par arrêté du 19 décembre 2014 à la somme de 1 037 euros et la condamner à en assurer le versement auprès de la CPAM de l'Eure,
- condamner la société Sita IDF à régler à la CPAM de l'Eure la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sita IDF au paiement des entiers dépens, tant de première instance, que d'appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SCP Hocquard et Associés.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé plus amplement détaillé de leur argumentaire, dont l'essentiel sera repris à l'occasion de l'examen des moyens et prétentions qui y sont articulés.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mars 2015.
SUR QUOI, LA COUR
Il est constant que la société Alfyma Industrie exerçant sous l'enseigne 'Maintenance Générale et Industrielle' (la MGI) aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Jean Mirmont s'est vue confiée par la SA Sita IDF le remplacement du plancher en cabine pré-tri, le remplacement des bandes tapis et la modification d'une brosse d'éjection dans le centre exploité par la SA Sita IDF à [Localité 5].
Un plan de prévention a été établi le 5 juillet 2007.
L'attestation établie par [V] [B], salarié de la MGI, présent sur le site de [Localité 5], permet de retenir que celui-ci était en train de s'occuper d'une brosse en compagnie de M. [U], contre-maître de maintenance de la Sita. Celui-ci s'est éloigné du convoyeur de tri pour répondre à un appel téléphonique sur son téléphone portable. Comme [V] [B] ne parvenait pas à retirer seul la brosse, [D] [W], qui se trouvait alors sur la passerelle, a voulu le rejoindre pour lui prêter assistance, et au moment où il montait sur la bande transporteuse, il a marché sur une tôle bouchant l'ouverture d'une goulotte et a chuté dans la fosse, environ six mètres plus bas.
Il n'est pas contesté que la plaque métallique sur laquelle [D] [W] a pris appui pour monter sur la partie supérieure du convoyeur n'était pas fixée. De l'enquête réalisée par l'inspection du travail et de sa visite sur site effectuée le 10 septembre 2007, il résulte que les plaques ont été posées sur les trémies afin de préserver les salariés des courants d'air froid. Lorsque la chaîne de tri est en fonction, les tôles -non vissées- sont retirées des trémies pour permettre de rejeter les déchets. Lorsque la chaîne est à l'arrêt -ce qui était les cas le jour de l'accident puisque du fait du chantier le centre de tri était à l'arrêt pour une semaine- ces tôles sont posées sur les goulottes mais non fixées.
Les attestations produites par [D] [W] émanant de [E] [U] et [V] [B] établissent que [D] [W] était porteur d'un casque, d'un baudrier et des chaussures de sécurité. [Z] [A] et [H] [R], alors salariés de la SA Sita IDF, attestent que les travaux prévus se déroulaient à hauteur d'homme, la bande de tri manuel étant à environ un mètre du sol et que personne ne porte de harnais dans cette hypothèse. La preuve contraire n'est pas rapportée par la SA Sita IDF.
Il appartenait à la SA Sita IDF d'assurer la stabilité des plaques posées sur les goulottes dès lors qu'était prévue une intervention nécessitant un arrêt de la chaîne, en fixant ces plaques, car elle se devait d'envisager que des salariés de la MGI à laquelle elle faisait appel allaient devoir se rendre sur cette bande. A tout le moins, il lui incombait d'avertir les personnes extérieures à l'entreprise du danger résultant de cette absence de fixation des plaques. A cet égard, il sera relevé qu'un de ses salariés, [E] [U], qui travaillait aux côtés d'[V] [B], s'est éloigné du lieu d'intervention, laissant seules les personnes extérieures à l'entreprise, alors que lui seul aurait pu prévenir [D] [W] de ce que la plaque non fixée masquait un trou de plusieurs mètres. Il incombait à la SA Sita IDF de s'assurer de la présence permanente de l'un de ses salariés aux cotés des personnes étrangères à l'entreprise.
Il sera observé que dans son rapport du 29 juin 2010 adressé au procureur de la République de [Localité 7], l'inspectrice du travail écrit que lors des opérations de tri, les trémies 'doivent être normalement fermées avec une ouverture commandée manuellement dès que la quantité de produits triés l'exige permettant ainsi de réduire le bruit, de limiter les mauvaises odeurs en provenance de l'extérieur ainsi que les courants d'air'. L'auteur du rapport ajoute qu'un courrier d'observations a été adressé à la SA Sita IDF le 18 septembre 2007 afin de l'inviter à remédier à la difficulté relevée. Les travaux de fermeture des trémies non utilisées ayant été effectués et un dispositif de sécurité pour les trémies en service ayant été mis en place, l'inspectrice du travail indiquait au procureur de la République ne pas avoir établi de procès-verbal à l'encontre de la SA Sita IDF.
Cette correspondance corrobore le compte-rendu de la visite effectuée par les services de l'inspection du travail le 10 septembre 2007 et met en évidence l'existence des fautes commises par la SA Sita IDF. Cette correspondance a conduit le procureur de la République à classer sans suite la plainte déposée par [D] [W]. Dès lors, et pour répondre aux allégations de la SA Sita IDF sur ce point, ce classement ne permet aucunement de conclure à l'absence de faute.
Les pièces produites de part et d'autre ne permettent pas de retenir à l'encontre de [D] [W] une faute, dès lors que rien ne permet d'affirmer qu'il ne portait pas le matériel de sécurité conforme et que la violation de l'obligation de travailler en binôme ne saurait lui être imputée puisque c'est le préposé de la SA Sita IDF qui a quitté les lieux.
Il y a lieu de juger en conséquence que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré la SA Sita IDF entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont [D] [W] a été victime le 30 juillet 2007 et a jugé que la société Jean Mirmont n'avait commis aucune faute, étant observé que devant la cour la responsabilité de celle-ci n'est plus recherchée.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise médicale, a alloué une provision de 20 000 euros à [D] [W] dont le montant n'est pas discuté et a réservé le sort des autres demandes. Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, les demandes que forme la CPAM de l'Eure devant le cour sont prématurées.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société [J] [L] et [D] [W] sont fondés à demander chacun l'allocation de la somme de 1 500 euros mise à la charge de la SA Sita IDF.
La SA Sita IDF, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SA Sita IDF à payer à [D] [W] et à la société Jean Mirmont chacun la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Sita IDF aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,