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02/06/2015 | FRANCE | N°14/01802

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 02 juin 2015, 14/01802


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 JUIN 2015



R.G. N° 14/01802



AFFAIRE :



[B] [Z]



C/



SAS CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 12/01776





Copies e

xécutoires délivrées à :



SARL DGM & Associés



SELARL MONTECRISTO





Copies certifiées conformes délivrées à :



[B] [Z]



SAS CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX JUIN DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 JUIN 2015

R.G. N° 14/01802

AFFAIRE :

[B] [Z]

C/

SAS CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 12/01776

Copies exécutoires délivrées à :

SARL DGM & Associés

SELARL MONTECRISTO

Copies certifiées conformes délivrées à :

[B] [Z]

SAS CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUIN DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laure ARNAIL de la SARL DGM & Associés, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric ZUNZ de la SELARL MONTECRISTO, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BÉZIO, président, et Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

EXPOSE DU LITIGE

Après une période de 4 mois, au cours de laquelle Mr [Z] a travaillé en qualité de prestataire de services, il a été engagé à compter du 5 septembre 2011 par la Société CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES (ayant pour activité le métier de l'infogérance et comptant plus de 500 salariés), en qualité de 'responsable de centre delivery senior', ingénieur principal cadre position 3.2 coefficient 210 de la convention collective SYNTEC.

Son salaire annuel brut était de 125 000 € (soit 8750 €/mois), avec une partie fixe de 105 000 € et une partie variable de 20 000 € à objectifs atteints.

Sur saisine d'un délégué syndical en date du 16 mars 2012, une enquête a été menée dans l'entreprise au sujet du comportement inadapté de Mr [Z] à l'égard d'un de ses collègues d'origine arabe.

Par lettre recommandée du 12 avril 2012, la Société CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES a convoqué Mr [Z] à un entretien préalable devant se tenir le 26 avril 2013, tout en lui notifiant sa mise à pied.

Par lettre recommandée du 17 avril, ce dernier a demandé le report de l'entretien qui s'est déroulé finalement le 25 mai.

Le 4 mai l'employeur lui a précisé que son salaire est maintenu pendant sa mise à pied, puis par lettre du 4 juin 2012 l'a licencié pour faute grave, en raison des propos racistes tenus à l'encontre d'un autre salarié Mr [M].

Le 7 novembre 2012, il a saisi le conseil des prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT pour voir juger que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 13 mars 2014, le conseil a requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, tout en lui accordant les sommes suivantes :

- 31 250 € brut d'indemnité de préavis,

- 3 125 € brut pour les congés payés y afférents,

- 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mr [Z] a formé appel de ce jugement et par conclusions remises et soutenues oralement à l'audience du 24 mars 2015, il conclut à la réformation du jugement du 13 mars 2014, sollicitant la condamnation de la Société CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES (CGOS) à lui payer les sommes suivantes :

- 4 098,50 € brut de rappel de salaire pour la période d'arrêt- maladie d'avril/mai 2012 et 409,85 € brut de congés payés afférents,

- 31 250 € brut d'indemnité de préavis, et 3125 € brut de congés payés afférents,

- 360 € brut pour les congés payés y afférents,

- 62 500 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif (soit 6 mois de salaires),

- 15 000 € de dommages et intérêts pour circonstance vexatoire de la rupture,

- 3000 € de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

et la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En outre, il sollicite la capitalisation des intérêts et la remise des bulletins de paie, et documents de fin de contrat, sous astreinte de 50 € par jour de retard.

Par conclusions remises et soutenues oralement à l'audience du 24 mars 2015, la société CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES (CGOS) sollicite l'infirmation du jugement en ce qui concerne la requalification du licenciement et ses conséquences financières, et demande la condamnation de Mr [Z] à lui rembourser la somme de 27 972,01 € représentant les indemnités de préavis et congés payés afférents, et à lui payer la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

- Sur le licenciement verbal :

Mr [Z] soutient que dès le 12 avril 2012 la société CGOS a annoncé par mail son remplacement, sans respecter la procédure de licenciement.

La société CGOS fait à bon droit observer que le même jour elle a envoyé à Mr [Z] une lettre recommandée pour le convoquer à un entretien préalable et lui signifier sa mise à pied à compter du 12 avril, mise à pied qui a été également verbalement signifiée ce même jour à Mr [Z] par son supérieur hiérarchique (comme cela ressort de la lettre de ce dernier en date du 13 avril).

Les termes du mail du même jour est adressé à l'ensemble du service IOF DELIVERY, pour annoncer non pas le licenciement de Mr [Z] mais la nécessité de le remplacer immédiatement par un autre salarié, sans préciser les raisons de ce remplacement soudain.

Dès lors, il ne peut être considéré que ce mail, concomitant à la lettre de convocation à l'entretien préalable et à la mise à pied, est équivalent à un licenciement verbal, la société CGOS ayant respecté les règles relatives à la première phase de la procédure de licenciement en cas de mise à pied.

- Sur le non respect du délai maximum d'un mois entre l'entretien et la lettre de licenciement :

En application de l'article L 1332-2 du code du travail, la lettre de licenciement doit être envoyée, entre les 2 jours et le mois suivant l'entretien préalable ; cependant, lorsque la date de l'entretien est reportée à la demande du salarié, le point de départ de ce délai est la date du 2ème entretien.

En l'espèce le premier report de l'entretien préalable, initialement fixé le 26 avril 2012, a été demandé par Mr [Z], en raison de l'absence du représentant du personnel dont il souhaitait l'assistance; par lettre du 19 avril, la société CGOS l'a informé de la nouvelle date de l'entretien préalable, à savoir le 3 mai 2015.

Cependant, par lettre du 27 avril, la société a informé Mr [Z] de sa décision de reporter l'entretien préalable au 25 mai du fait de l'interdiction des sorties, arguant de la mention portée sur son arrêt- maladie : 'les sorties sont autorisées par exceptions pour raison médicale dûment justifiées'.

L'entretien préalable s'est effectivement déroulé le 25 mai, Mr [Z] étant assisté par Mr [G] délégué du personnel, puis la lettre de licenciement a suivi le 4 juin.

La mention du médecin portée sur l'arrêt- maladie en date du 19 avril est la suivante : Mr [Z] est arrêté jusqu'au 8 mai, sous la mention préimprimée 'l'assuré doit être présent à son domicile entre 9h et 11h et entre 14h et 16h' le médecin a indiqué: ' par exception, pour raison médicale dûment justifiée, sorties autorisées sans restriction d'horaire'; le médecin n'a pas rempli la rubrique 3.

Selon la notice destinée au médecin pour qu'il remplisse correctement les formulaires d' arrêts- maladie (pièce 31), il est explicité ceci :

- à la rubrique 3, 'vous devez préciser si l'état du malade autorise des sorties, et dans ce cas l'assuré doit respecter les heures de présence à domicile entre 9h et 11h et entre 14h et 16h', en cochant oui ou non; en l'espèce rien n'a été coché par le médecin ;

- à la rubrique 4, la formule 'sorties autorisées, par exception, sans restriction d'horaire' correspond au cas où 'si pour des raisons médicales vous prescrivez des sorties sans restriction d'horaire, vous devez cocher oui, et dans ce cas l'assuré n'a pas à respecter les heures de présence à domicile (entre 9h et 11h et entre 14h et 16h, qui sont les horaires de droit commun )'.

Il faut en déduire que pendant son arrêt- maladie Mr [Z] était autorisé à sortir pour des raisons médicales dûment justifiées, hors des horaires de droit commun.

Dans la mesure où le médecin n'a pas coché la rubrique 3, il existe un doute sur le fait de savoir si Mr [Z] était autorisé à sortir pour des raisons non médicales et selon quels horaires, et la société CGOS pouvait donc raisonnablement interpréter ces mentions comme elle l'a fait, en décidant de reporter la date de l'entretien préalable pour ce motif expressément visé dans la lettre du 27 avril, sans que l'on puisse lui reprocher sa mauvaise foi, ni lui imputer ce report, le motif du report étant liée à la santé du salarié.

En conséquence, il faut retenir la date de l'entretien préalable du 25 mai 2012, comme point de départ du délai d'un mois, de sorte que la procédure de licenciement est régulière en la forme.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

L'article L1235- 1 du code du travail dispose que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties.

Dans la lettre de licenciement il est reproché à Mr [Z] ses propos à connotation raciste, ses reproches infondés et ses pressions à l'égard de Mr [M] dont il était le responsable hiérarchique, ses agissements ayant altéré gravement la santé de ce dernier et étant incompatibles avec les fonctions d'encadrement de Mr [Z].

Sur la prescription des faits reprochés :

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, un fait fautif ne peut donner lieu à une sanction ou un licenciement au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ce délai courant à compter de la date de la première lettre de convocation à l'entretien préalable, qui ouvre la procédure disciplinaire, soit en l'espèce le 12 avril 2012, ce qui fait remonter la date butoir au 12 février 2012.

La société CGOS précise qu'elle a eu connaissance de propos à connotation raciste de la part de Mr [Z] à l'encontre de Mr [M] le 28 novembre 2011, qu'elle a donné un avertissement verbal à Mr [Z] le 2 décembre 2011, en présence de deux autres salariés, puis qu'elle a été saisie le 16 mars 2012 par Mr [E], délégué du personnel, pour l'ouverture d'une enquête liée au comportement de Mr [Z] ayant des conséquences psychologiques sur un de ses salariés subordonnés (Mr [M]) du fait de ses méthodes de management dévalorisantes.

La société soutient justement qu'elle n'a eu connaissance d'autres faits que ceux du 28 novembre 2011 que lors de l'enquête effectuée entre le 18 mars et le 6 avril 2012, de sorte que les faits reprochés à Mr [Z], à l'exclusion des faits du 28 novembre 2011, ne sont pas prescrits.

Sur la preuve des faits reprochés :

Il n'y a pas lieu de prendre en compte dans les motifs de la lettre de licenciement les propos racistes reprochés à Mr [Z] à l'égard de Mr [M] le 28 novembre 2011 ('vois avec l'arabe'), vu leur ancienneté de plus de 2 mois par rapport au déclenchement de la procédure de licenciement.

En revanche, concernant d'autres faits survenus entre le 24 novembre 2011 et février 2012, portés à la connaissance de la société CGOS à la suite de l'enquête diligentée par cette dernière entre le 18 mars et le 6 avril 2012, et au cours de laquelle ont été recueillis les témoignages circonstanciés de cinq salariés, que Mr [Z], à plusieurs reprises, a tenu, sous le couvert de la plaisanterie, d'autres propos à connotation raciste à l'égard de Mr [M] en faisant référence à son origine arabe, et a cherché à le dévaloriser, en tentant de remettre en cause ses compétences et en lui reprochant à tort des erreurs dans le cadre de son travail, ce qui a eu pour effet de déstabiliser ce salarié qui en a souffert au point de ne plus pouvoir travailler, cause de son long arrêt- maladie.

Ces témoignages sont corroborés par les déclarations de Mr [M], dans sa lettre du 6 avril 2012 adressée à la directrice des ressources humaines, dans laquelle il fait état de la propension de Mr [Z] à vouloir aborder avec lui son questionnement sur le racisme, comme le 10 février 2012 (en lui demandant s'il savait que les gardes du corps de [P] [U] étaient d'origine étrangère et en lui faisant écouter des propos de [S] disant 'mais quand je dis la France aux français on me traite de raciste') et à tenir des propos racistes comme le 24 novembre 2011 lors de son entretien annuel ('j'ai déjà marchandé avec des chinois, je peux donc marchander avec les arabes').

Les comportements de Mr [Z], préjudiciables pour la santé d'un autre salarié, étaient d'autant moins acceptables dans l'entreprise qu'il exerçait une fonction de responsable de service et qu'il avait déjà été verbalement repris de manière solennelle par sa hiérarchie, ce dont il n'a pas tenu compte.

C'est pourquoi, il apparaît que son licenciement pour faute grave est justifié.

En conséquence, il convient de débouter Mr [Z] de ses demandes d'indemnités et de dommages et intérêts, et de faire droit à la demande de la société CGOS en condamnant Mr [Z] à lui rembourser la somme de 27 972,01 €.

Sur les demandes accessoires :

La demande de rappel de salaire pendant l'arrêt- maladie n'est pas recevable, Mr [Z] n'ayant pas l'ancienneté suffisante (un an) prévue à l'article 43 de la convention collective SYNTEC; la demande en dommages et intérêts fondée sur le retard par suite d'erreurs dans la remise des documents de fin de contrat n'est pas justifiée, dans la mesure où les erreurs ont été rapidement rectifiées.

Mr [Z] sera donc débouté de ces chefs de demande.

L'équité commande, au vu des revenus limités de Mr [Z], de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mr [Z] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 13 mars 2014 ;

Et statuant à nouveau,

Dit que la société CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES a valablement licencié Mr [Z] pour faute grave ;

Dit que Mr [Z] doit restituer à la société CAPGEMINI OUTSOURCING SERVICES la somme de 27 972,01 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et en tant que de besoin l'y condamne ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Mr [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/01802
Date de la décision : 02/06/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/01802 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-02;14.01802 ?
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