COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2015
R.G. N° 14/01686
AFFAIRE :
[Y] [L]
C/
Société de droit allemand APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH
Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 18 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE
Section : Encadrement
N° RG : F11/00427
Copies exécutoires délivrées à :
SELARL MARCONNET & JODEAU
Me Markus ASSHOFF
Copies certifiées conformes délivrées à :
[Y] [L]
Société de droit allemand APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Y] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparant
Assisté de Me François JODEAU de la SELARL MARCONNET & JODEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
DEMANDEUR AU CONTREDIT
****************
Société de droit allemand APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Markus ASSHOFF, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE AU CONTREDIT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
EXPOSE DU LITIGE
La société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH est une société d'investissement située à MUNICH, et dont l'activité consiste en l'acquisition et/ou la prise de participation au sein de sociétés en vue de développer leurs activités par un apport de fonds, notamment dans l'aéronautique et l'automobile.
Monsieur [L], ancien consultant salarié de la société ORBCOMM, a été présenté le 21 mars 2003 à la société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH qui pouvait bénéficier de ses relations et ses compétences dans le domaine de l'aéronautique sur le plan mondial.
Le 19 juillet 2011 Monsieur [L] a saisi le conseil des prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE, pour solliciter le relevé de la décision de radiation prononcée le 21 juin 2010, sa saisine initiale remontant au 30 avril 2009 et sa demande consistant à réclamer à la société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH des rappels de salaires de 2003 à 2006 et des remboursements de frais exposé en 2004/2005, pour environ 360 000 €, car il estime avoir été salarié de cette société.
Par jugement du 18 juin 2012, dont Monsieur [L] a formé contredit, le Conseil a exclu l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur [L] et la Société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH, se déclarant incompétent au profit du tribunal de commerce de VERSAILLES.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience du 23 mars 2015,
Monsieur [L] revendiquant le statut de salarié, entre le 1er juillet 2003 et le 31 mars 2006, sollicite qu'il soit fait droit à son contredit, que le conseil des prud'hommes soit déclaré compétent et qu'il soit enjoint à la société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH de produire le contrat qui les liait.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience du 23 mars 2015,
la société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH conclut à la confirmation du jugement, estimant qu'il existait seulement un contrat de courtage entre elle et Monsieur [L] ; subsidiairement elle demande à la cour de constater que ses demandes en rappel de salaire et remboursement de frais professionnels sont pour partie prescrites, et qu'il n'apporte aucune preuve des frais exposés.
Elle sollicite la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s'est exercée l'activité ; le contrat de travail se caractérise essentiellement par l'existence d'une prestation de travail et d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.
En l'espèce, il appartient à Monsieur [L] de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail entre lui et la société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH (dite ACP), étant précisé et non contesté qu'il n'a jamais perçu d'argent de la part de cette société et qu'aucun contrat de travail écrit n'a été conclu entre eux.
Il apparaît qu'en 2003 un projet de contrat de travail a existé entre la société ACP et Monsieur [L], comme cela ressort de la lettre de ce dernier adressée à Monsieur [B], gérant de la société ACP, le 4 juillet 2003 ; dans une lettre du 16 février 2004, ce dernier va indiquer que Monsieur [L] 'a rejoint Apollo dans la seconde partie de 03, il est responsable de nos activités compagnies aériennes et nous supporte (dans le sens soutien/appui) dans nos activités d'acquisition aérospatiales avec son réseau relationnel international dans cette industrie'; en janvier 2006, Monsieur [L] apparaît sur le site internet de la Société ACP comme membre de la 'management team' (équipe dirigeante).
Il en résulte qu'il y a eu un accord entre Monsieur [L] et Monsieur [B] pour que Monsieur [L] travaille comme responsable des activités compagnies aériennes au sein de la société ACP, travail qu'il a effectivement réalisé au vu des réunions et échanges par mail dont il est fait état dans les pièces produites de part et d'autre.
La question de la rémunération, salaire et frais, a dès le départ été éludée, ce qui explique l'absence de signature d'un contrat de travail, puis repoussée régulièrement par Monsieur [B].
En effet, par lettre du 16 décembre 2004, Monsieur [B] admettait qu'il était prévu, pour le projet DUTCHBIRD de rembourser Monsieur [L] de ses frais, mais qu'il ne disposait pas de budget pour cela, d'autant que ce projet ne s'était pas matérialisé; il assurait cependant que Monsieur [L] récupérerait ses frais 'quelque soit la forme de rémunération, honoraires ou salaires'.
N'ayant perçu aucun remboursement de ses frais, Monsieur [L], par lettre du 19 janvier 2006, réclamait la somme de 54 874 € à Monsieur [B] en sa qualité de PDG de la Société ACP, ce à quoi ce dernier répondait par lettre du 23 janvier 2006 : 'nous reconnaissons vos frais ... nous n'avons toujours aucun budget spécifique pour couvrir ces frais mais nous avons le plaisir de vous confirmer que nous vous assurons que vous récupérerez ces frais comme convenu précédemment'.
Malgré cette absence de versement de salaire et de remboursement de frais, Monsieur [L] a continué à travailler pour la société ACP.
Il ressort des mails produits par les deux parties entre 2003 et 2006, que Monsieur [L] est intervenu à de nombreuses reprises pour conseiller Monsieur [B] dans le cadre de projets de participation dans des sociétés ou de reprise de sociétés, avec ponctuellement un projet de constitution d'une société dans laquelle l'un et l'autre effectuerait un apport (affaire DUTCHBIRD fin 2004/début 2005 en pièces 19bis et 20bis), sans que ce projet d'apport soit un motif d'écarter le statut de salarié de Monsieur [L] ; en effet, dans la mesure où ce dernier n'avait toujours pas perçu de rémunération, ce projet de participation aurait pu lui permettre, comme le suggérait Monsieur [B] dans sa lettre du 16 décembre 2004 ('nous vous inclurons dans quelque autre affaire/prise de contrôle potentielle dans les mêmes positions au niveau du Conseil d'administration ou du management et nous assurerons que vous récupérez ces frais quelque soit la forme de rémunération, honoraires ou salaires'), de récupérer cette rémunération dont Monsieur [B] ne contestait pas le principe.
Il était normal que Monsieur [L] ne travaille pas dans les locaux de la société ACP, eu égard à ses fonctions commerciales nécessitant de nombreux déplacements à l'étranger, comme l'attestent les mails produits.
En sa qualité de cadre supérieur, disposant d'une grande autonomie, il était libre de ses horaires.
Par ailleurs, le fait que les tiers étaient persuadés de l'existence d'un rapport de salariat et d'un lien de subordination entre Monsieur [L] et Monsieur [B], en qualité de gérant de la société ACP, ressort des témoignages suivants :
- Monsieur [A], qui était en relation d'affaires avec Société ACP en 2004/2005 pour la reprise des sociétés MAGIC BLUE et DUTCHBIRD, atteste de manière circonstanciée que Monsieur [B] lui a présenté Monsieur [L] comme un salarié de la société ACP et s'était engagé à lui payer ses frais et salaires, et que Monsieur [L] recevait de Monsieur [B] des instructions (rencontrer tel investisseur, rechercher de nouveaux investisseurs, lui faire rapport et explorer la constitution de filiales internationales d'ACP) lors des réunions communes.
- Les deux attestations de Monsieur [J], ex-dirigeant de la société DUTCHBIRD, vont dans le même sens, avec la précision que Monsieur [B], qui était toujours accompagné de Monsieur [L] lors de réunions, lui a présenté ce dernier comme salarié détaché d'ACP au moins à temps partiel.
- Si l'attestation de Monsieur [Z] (ex président de la société DUTCHBIRD) est rédigé dans les mêmes termes que celle de Monsieur [J], elle n'en est pas pour autant à écarter, aucune plainte pour faux n'ayant été déposée par la société ACP et il ressort d'une autre attestation de témoin (celle de Monsieur [O]) que Monsieur [J] lui avait présenté Monsieur [L] comme un salarié de la Société ACP.
- Dans son attestation Monsieur [O] indiquait que Monsieur [L] s'était lui- même présenté avec ce statut de salarié, et que de manière très ferme Monsieur [B] lui avait indiqué que Monsieur [L] n'était ni associé ni actionnaire dans la société ACP mais salarié, et qu'il lui devait quelques mois de salaires et des frais ; il précisait qu'il n'avait jamais été question de contrat de commissionnement, et que Monsieur [L] ne négociait rien pour son compte personnel.
Monsieur [O] avait constaté qu'au cours des réunions, avec ou sans téléconférences, que Monsieur [L] ne prenait aucune décision sans en référer à Monsieur [B] lequel lui donnait des instructions comme l'on donne à un subordonné.
- Comme ces quatre témoins susvisés, Monsieur [G], PDG de la société ORBCOMM, ancien employeur de Monsieur [L], a été également convaincu que ce dernier avait été embauché par la société ACP, au vu de la carte de visite l'identifiant comme 'partner' d'APC. Il en est de même pour Monsieur [T], avocat administrateur de la faillite de la société DUTCHBIRD, qui précise dans son attestation que Monsieur [B] lui a présenté Monsieur [L] comme salarié de la société ACP.
Les attestations de ces 5 témoins produites par Monsieur [L] viennent donc affirmer que ce dernier agissait sous les ordres de Monsieur [B], ce qui n'est pas en contradiction avec la teneur des mails échangés entre Monsieur [L] et Monsieur [B] qui retracent leurs échanges très argumentés et approfondis sur les projets de participation.
Le terme flou de 'partner' employé à deux reprises par Monsieur [L] dans ses mails en 2005 (pièces 5/1bis, 18), n'exclut pas en lui- même une relation de subordination.
Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que Monsieur [L] a exécuté une prestation de travail sous la subordination de Monsieur [B] au sein de la société ACP, de sorte que le conseil des prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE est compétent pour juger de la demande en paiement de salaires et de frais de Monsieur [L] dans le cadre du contrat de travail entre ce dernier et ladite société.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur [L] aux fins d'injonction de production du contrat, qui relève, le cas échéant, du juge du fond, ni à la demande de la société sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les frais de contredit sont mis à la charge de société ACP.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
ACCUEILLE le contredit formé par Monsieur [L] ;
DIT que M. [L] et la société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH ont été liés par un contrat de travail ;
DIT que le conseil des prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE est compétent pour statuer sur le litige entre Monsieur [L] et la société APOLLO CAPITALPARTNERS GMBH, renvoyant les parties devant ledit conseil pour poursuite de la procédure ;
DIT en conséquence que le greffe de la cour transmettra le dossier de l'affaire au conseil de prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE avec une copie du présent arrêt ;
REJETTE les autres demandes ;
MET les frais du contredit à la charge de la société APOLLO CAPITAL PARTNERS GMBH.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,