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28/05/2015 | FRANCE | N°12/02088

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 28 mai 2015, 12/02088


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

OF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 MAI 2015



R.G. N° 12/02088



AFFAIRE :



[H] [S]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mars 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 10-01292





Copies exécutoires délivrées à :



M

e Catherine PARENT- ROSENTHAL



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[H] [S]









le :

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT HUIT MAI DEUX MILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

OF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 MAI 2015

R.G. N° 12/02088

AFFAIRE :

[H] [S]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mars 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 10-01292

Copies exécutoires délivrées à :

Me Catherine PARENT- ROSENTHAL

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[H] [S]

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT HUIT MAI DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Catherine PARENT- ROSENTHAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0315

APPELANT

****************

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Contentieux Général et Technique

[Localité 4]

représentée par M. [L] [N] en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER

Par jugement en date du 19 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine (ci-après, le TASS) a notamment:

. rejeté l'exception de prescription soulevée par M. [H] [S],

. retenu la fraude dans les demandes de remboursements de M. [H] [S] auprès de la caisse primaire d'assurances maladie des Hauts de Seine (CPAM) entre le 3 février 2003 et juin 2004 ;

. condamné M. [H] [S] à verser à la CPAM des Hauts de Seine la somme de 29.907,26 € soit 27.188,42 € en principal et 2.718,84 € en majoration.

Par acte enregistré en date du 27 avril 2012, M. [S] a relevé appel général de cette décision.

Vu les conclusions déposées en date du 02 avril 2015 pour M. [S], ainsi que les pièces y afférentes, et celles déposées pour la CPAM le 06 septembre 2013 (il s'agit des conclusions déposées devant le TASS, que la caisse reprend expressément devant la cour), ainsi que les pièces y afférentes, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 02 avril 2015,

FAITS ET PROCÉDURE,

Les faits et la procédure peuvent être présentés de la manière suivante :

A l'époque des faits reprochés par la CPAM à M. [H] [S], ce dernier exerçait en qualité d'infirmier libéral, dans le cadre d'un cabinet, au sein duquel pratiquait également Mme [C], et situé à [Localité 5].

Courant 2000, le cabinet a pris en charge les soins que nécessitait l'état d'[G] [W], atteinte de mucoviscidose, qui devait décéder des suites de cette maladie.

M. [S] et Mme [C] ont continué, à la demande de la patiente selon eux, à prodiguer des soins infirmiers alors qu'[G] [W] avait déménagé, avec sa mère, d'[Localité 2] à [Localité 4].

Cette prise en charge s'est terminée le 30 juin 2004.

Avertie par un courriel de Mme [W] sur des irrégularités qui auraient été commises dans la délivrance des soins, la CPAM diligentait une enquête, à la suite de laquelle elle réclamait à M. [S] le paiement de la somme de 47 361,34 euros en remboursement de prestations effectuées entre le 03 février 2003 et le 16 juin 2004, et qui lui avaient été réglées entre le 24 février 2005 et le 19 mai 2006 (lettre recommandée en date du 12 février 2009).

M. [S] a fait valoir ses observations, contestant et le principe et le montant des sommes dues, par courrier en date du 09 mars 2009.

Le 03 février 2010, la CPAM a par suite adressé à M. [S] une nouvelle notification, par laquelle il lui a été réclamé la somme de 27 188,42 euros.

Le 1er mars 2010, M. [S] a de nouveau contesté la notification qui lui était faite.

Le 16 mars 2010, la caisse a informé M. [S] qu'elle maintenait sa position et, le 15 avril 2010, lui a adressé une mise en demeure de payer la somme de 27 188,42 euros à titre principal, en outre une majoration de 10%, soit la somme de 2718,84 euros.

La CPAM reproche à M. [S] d'avoir :

. attesté à tort l'exécution d'actes entre deux et six fois par jour, une semaine sur deux, tous les jours de la semaine ;

. appliqué abusivement des majorations de nuit et des frais de déplacement ;

. coté des actes alors que Melle [W] était hospitalisée ;

. facturé des actes déjà comptabilisés par Mme [C] qui soignait Mademoiselle [W] en binôme avec lui ;

. facturé à tort des indemnités kilométriques ;

et ce pour des prestations effectuées entre le 03 février 2003 et le 16 juin 2004.

Le 06 mai 2010, M. [S] a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la caisse.

En l'absence de réponse de la CRA, M. [S] a saisi le TASS, le 05 août 2010.

Le 25 octobre 2010, la CRA a notifié à M. [S] le rejet de son recours amiable.

Devant la cour, M. [S] fait tout d'abord valoir une exception de prescription, après avoir précisé que :

. les feuilles de soins portant mention des actes facturés par Monsieur [S] ainsi que de leurs dates respectives, de même que les prescriptions médicales n'ont jamais été communiquées par la caisse ;

. les feuilles de soins portant mention des actes facturés par Mme [C] ainsi que de leurs dates respectives n'ont jamais été communiquées par la caisse ;

. les feuilles de soins du cabinet d'infirmiers qui aurait selon la caisse dispensé les soins à Melle [W] depuis courant mai 2004 n'ont jamais été communiquées par la caisse.

Une première catégorie est regroupée sans distinction sous l'intitulé « SURCOTATION d'actes, de Majorations de Nuit, Férié et de frais de déplacements » sur la base de 2 actes/J, 2 IFA/J +1NA ou 2 IFA/J + 1 NA + 1 FA.

Le total réclamé par la caisse à ce titre s'élève à 15.527,78 €.

Une seconde catégorie regroupe des actes qui selon la caisse auraient été facturés alors que Mademoiselle [W] était hospitalisée ou qui auraient été accomplis par Mademoiselle [C], infirmière exerçant en binôme avec Monsieur [S], ainsi que des actes facturés à un moment où selon la caisse les soins n'étaient plus dispensés ni par Monsieur [S] ni par Madame [C].

Le total réclamé par la caisse à ce titre s'élève à 11.660,64 €.

Ce dernier total permet néanmoins à la lecture du tableau que la caisse a établi de déterminer qu'elle a chiffré à :

. 1717,29 €, le montant des soins qui auraient été facturés alors que Melle [W] était hospitalisée ;

. 6.824,93 €, le montant des soins qui auraient été facturés tant par M. [S] que par Mme [C] ;

. 3.118,42 €, le montant des soins qui auraient été facturés par M. [S], du 2 au 16 juin 2004, période au cours de laquelle, c'est un autre cabinet qui serait intervenu auprès de la patiente.

Selon M. [S], la caisse n'a donc pas détaillé le montant de ses réclamations sur plusieurs des éléments reprochés à M. [S].

Or il convient, sous réserve de la production par la caisse des feuilles de soins et prescriptions médicales susvisées, d'examiner chef de réclamation par chef de réclamation si la prescription était acquise, et dans le cas contraire si la réclamation de la caisse est fondée.

La prescription était en fait acquise depuis le 19 mai 2009.

Sur le fond, M. [S] considère que les déclarations faites par [G] [W] étaient mensongères et que celles de sa mère ont été pour le moins fluctuantes.

Les indemnités kilométriques sont justifiées par l'éloignement du cabinet ; les prestations ont bien été effectuées et une éventuelle hospitalisation ne supprimait pas la nécessité de l'intervention de l'infirmier ; il fallait respecter certains intervalles entre les perfusions, d'où la nécessité de venir très tôt le matin (horaire de nuit).

Selon M. [S], les cures sont devenues tellement rapprochées qu'elles sont pour ainsi dire devenues continues, que le cabinet ne pouvait plus assurer une telle charge (notamment après le départ de deux des quatre infirmiers), qu'[G] [W] a « très mal vécu cette situation ».

Il était en tout état de cause exclu pour l'infirmier de ne venir qu'une fois par semaine. Le protocole de soins devait « être suivi à la lettre », sinon la patiente n'aurait pu rester à domicile.

Si une anomalie dans le traitement s'était produite, l'infirmière de coordination s'en serait aperçue.

Ainsi, d'une manière générale, la caisse ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle avance quant à la périodicité des soins.

Elle ne la rapporte pas davantage en ce qui concerne une cotation frauduleuse des actes effectués (en l'espèce, la facturation de plus de 3 AMI 15 par jour ; la cour note que les soins effectués par les infirmiers sont cotés AMI ' ou SFI ' et affectés de coefficients ; le coefficient 15 est particulièrement élevé et, selon la nomenclature générale, très peu fréquent ; certains soins, limitativement énumérés, comme l'injection d'analgésique(s), à l'exclusion de la première par l'intermédiaire d'un cathéter intrathécal ou péridural, nécessitent un accord préalable ; dans la nomenclature, les soins pour un patient atteint de mucoviscidose font l'objet d'un chapitre spécifique). L'ordonnance détaillant les soins à pratiquer est jointe à l'entente préalable ; si la caisse ne manifeste pas d'opposition à la suite de la transmission de l'entente préalable, elle ne peut ensuite venir contester que le soignant ait respecté l'ordonnance. « Si la Cour devait admettre que M. [S] ne pouvait pas facturer plus de 3 AMI 15 par jour, même si dans la réalité tous les soins prescrits et facturés étaient ' jusqu'à preuve contraire ' effectués, elle ne pourrait qualifier de frauduleuse cette cotation, sauf à considérer toute mauvaise application de la NGAP comme frauduleuse, alors même que la caisse n'a pas usé de son droit de faire connaître son désaccord. La seule inobservation des règles de tarification ou de facturation visée par l'article L133-4 ne constitue pas une fraude ».

La caisse ne rapporte pas non plus la preuve du caractère abusif des frais de déplacements et majorations de nuit.

Pour les indemnités kilométriques, [Localité 5] et [Localité 4] doivent bien être considérées comme des villes différentes et la caisse, après avoir refusé de payer les indemnités pour la période du 03 au 11 février 2002, les a réglées.

M. [S] explique également qu'à la suite de pannes informatiques, il a dû reconstituer son exercice, qu'il a pu commettre des erreurs, mais que la caisse ne les démontre pas.

Quant aux doubles facturations avec des actes pratiqués par Mme [C], le tableau établi par la caisse est incohérent. « La caisse s'est contentée d'accorder crédit aux seules déclarations de Mademoiselle [C], laquelle faisait appel à un prestataire qui retransmettait à la CPAM les informations reçues de l'infirmière ce qui augmente encore le risque d'erreur.

Ni les feuilles de soins de Monsieur [S], ni celles de Madame [C] n'ont été versées aux débats ».

Enfin, la caisse ne peut valablement reprocher à M. [S] une fraude pour des actes facturés pour la période du 02 au 16 juin 2004, alors qu'elle ne verse aucune feuille de soins pour des actes qu'aurait pratiqués un autre infirmier.

M. [S] conclut ainsi à l'infirmation de la décision entreprise et à la condamnation de la CPAM à lui payer une indemnité d'un montant de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM fait quant à elle valoir, notamment, qu'[G] [W] était atteinte d'une affection de longue durée pour laquelle il lui a été prescrit par l'hôpital [1] un traitement continue de soins infirmiers avec trois passages par jour.

Dans un courrier du 15 juin 2005, [G] [W] a signalé à la caisse que M. [S] n'était jamais venu les jours fériés, ni la nuit, ni trois ou quatre fois par jour.

Interrogées, le 03 août 2005, par un enquêteur assermenté de la caisse, [G] [W] et sa mère ont indiqué que M. [S] et Mme [C] passaient une fois par semaine à tour de rôle, un passage en début de semaine (entre 12h et 13h) et un passage en fin de semaine, aux mêmes heures. Il n'y avait jamais eu de passage de nuit ni le dimanche.

Les vérifications effectuées par la caisse montraient que M. [S] avait pourtant attesté de l'exécution d'actes entre deux et quatre fois par jour, une semaine sur deux, tous les jours de la semaine ; coté des actes alors qu'[G] [W] était hospitalisée ; facturé des actes déjà comptabilisés par Mme [C] ; facturé à tort des indemnités kilométriques.

A la suite de la contestation de M. [S], un enquêteur de la caisse avait convoqué ce dernier, le 07 décembre 2009 ; il ne s'était pas présenté, sans s'expliquer sur sa carence.

Le 20 novembre 2011, l'enquêteur recueillait les déclarations de Mme [C]. Celle-ci expliquait qu'elle travaillait une fin de semaine sur deux ou soit le samedi ou le dimanche, et assurait les soins du matin ou les soins du soir. Elle se disait « outrée par les accusations formulées par [G] et sa mère ».

Afin, dit-elle, d'obtenir une transaction amiable, la caisse acceptait de prendre en charge les soins infirmiers dispensés quotidiennement, y compris les dimanches et jours fériés, à raison de deux fois par jour, dont une fois avant 06 heures ou après 20 heures.

Mais la caisse a maintenu sa réclamation en ce qui concerne :

. les indemnités kilométriques (étant souligné que cette indemnité ne se cumule pas avec la majoration IFA), alors que [Localité 5] et [Localité 4] sont situés dans la même agglomération ;  

. les actes facturés pendant qu'[G] [W] était hospitalisée pendant plusieurs jours ;

. des AMI 15, étant observé que la cotation des actes effectués en faveur d'[G] [W] ne pouvait excéder trois AMI 15 par jour ; M. [S] n'était pas fondé à invoquer un accord tacite car pour cela, il faut que la cotation rentre dans le cadre des prestations prises en charge par l'assurance maladie, ce qui n'était pas le cas ici ;

. des soins déjà cotés et facturés par Mme [C], ainsi qu'il résultait des tableaux dressés.

La caisse souligne qu'elle a fourni l'entier dossier d'[G] [W] et que, d'autre part, elle a fourni un tableau « très détaillé » qui « permet de chiffrer le montant des réclamations pour chacune des infractions relevées ».

De plus, Mme [Q] [W] a confirmé devant le tribunal que les infirmiers ne se déplaçaient qu'une fois par semaine.

La caisse souligne que ni [G] [W] ni sa mère n'avaient un intérêt personnel à dénoncer les irrégularités invoquées.

De plus, les vérifications effectuées par la caisse avait fait apparaître d'autres irrégularités :

. pour la période du 10 avril au 20 avril 2003, alors qu'[G] [W] était hospitalisée ; la circonstance que M. [S] aurait perdu des données informatiques est inopérante ;

. pour la période du 02 juin au 16 juin 2004, car, depuis mai 2004, les soins étaient dispensés par un autre cabinet d'infirmiers.

La caisse demande ainsi à la cour de condamner M. [S] à lui payer la somme de 29 907,26 euros.

SUR CE,

Sur la prescription

M. [S] fait valoir que la prescription est acquise en sa faveur depuis le 19 mai 2009 au plus tard.

En effet, soit aucune fraude n'était retenue, comme il conviendrait, et la prescription était acquise en tout état de cause.

Et même si l'on retenait l'hypothèse qu'il aurait commis une fraude, celle-ci était connue au moment de l'enquête de la caisse en 2005 et donc était acquise puisque la réclamation de la caisse datait de 2010.

La caisse réplique, en substance, que s'agissant d'une fraude, la prescription n'est aucunement acquise.

Aux termes de l'article 133-4 du code de la sécurité sociale, l'action en recouvrement se prescrit par trois ans, « sauf en cas de fraude, à compter du paiement de la somme indue, (et) s'ouvre par l'envoi au professionnel (...) d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant (ses) observations ».

Dans le cas d'espèce, les prestations en cause ont été réglées à M. [S] entre le 24 février 2005 et le 19 mai 2006.

Sauf fraude, la prescription aurait donc bien été acquise au 19 mai 2009, en l'absence de tout acte interruptif.

La cour doit cependant relever que la première notification à M. [S] de payer le montant réclamé est en date du 12 février 2009 ; que la prescription n'était dont pas acquise à la date qu'il indique ; qu'à la suite de la contestation qu'il a formée, des échanges sont intervenus entre lui et la caisse, qui a procédé à une nouvelle notification le 03 février 2010 ; que la prescription ne serait ainsi pas acquise.

En tout état de cause, les montants réclamés à M. [S] résultent d'une fraude.

La cour souligne à cet égard que, contrairement à une idée généralement répandue, la fraude en matière de sécurité sociale ne nécessite pas que soit caractérisée une intention frauduleuse ni une intention de nuire, mais qu'il suffit que la personne concernée n'ait pas respecté les règles applicables en l'espèce en ayant conscience de le faire.

La cour ne pourrait donc statuer sur la prescription qu'après avoir examiné chacun, puis l'ensemble, des points de contestation soulevés par M. [S] au regard des sommes que lui réclame la CPAM.

Sur les sommes réclamées à M. [S] par la CPAM

Sur la cotation de plus de trois actes par jour cotés AMI 15

M. [S] invoque un accord tacite à cet égard, que la caisse conteste.

La cour ne peut que constater qu'en invoquant un accord tacite, M. [S] ne remet pas en cause l'existence de la cotation de plus de trois actes par jour cotés AMI 15.

Or une telle cotation est en principe prohibée et ne rentre pas dans le cadre des prestations prises en charge par l'assurance maladie.

Aux termes de la nomenclature générale, le traitement à domicile d'un patient atteint de mucoviscidose par perfusions d'antibiotiques sous surveillance continue selon le protocole thérapeutique rédigé par un des médecins de l'équipe soignant le patient, comme en l'espèce, répond à un protocole, qui doit comporter :

1. le nom des différents produits injectés ;

2. leur mode, durée et horaires d'administration;

3. les nombre, durée et horaires des séances par vingt-quatre heures:

4. le nombre de jours de traitement pour la cure,

5. les éventuels gestes associés (prélèvements intraveineux, héparinisation...).

La séance de perfusion intraveineuse d'antibiotiques, quelle que soit la voie d'abord, sous surveillance continue, chez un patient atteint de mucoviscidose, est cotée AMI 15 la séance.

Cette cotation est globale; elle inclut l'ensemble des gestes nécessaires à la réalisation de l'acte et à la surveillance du patient, ainsi que les autres actes infirmiers éventuels liés au traitement de la mucoviscidose. Une feuille de surveillance détaillée permettant le suivi du malade doit être impérativement tenue au domicile du malade.

En l'absence de surveillance continue, le forfait pour séance de perfusion d'une durée supérieure à une heure avec organisation d'une surveillance s'applique.

Il résulte de ce qui précède, la notion de 'forfait' devant être soulignée (la cotation est globale, comme on vient de le rappeler), que M. [S] ne pouvait pas facturer plus de 3 AMI 15 par jour.

En l'espèce, au vu du tableau dressé par la caisse (pièce 5 de M. [S]) cet infirmier a facturé plus de trois AMI 15 par jour du 08 au 15 mai 2003 ; 5 AMI 15 du 23 décembre 2003 au 18 mars 2004 (avec cette particularité que, dans de nombreux cas, la caisse mentionne que les soins ont été pratiqués par Mme [C] ' voir ci-après).

Du 24 mars au 16 juin 2004, il peut être relevé que M. [S] a facturé, outre 3 AMI 15, d'autres actes, étant observé que la caisse lui reproche d'avoir facturé des actes alors que son cabinet n'intervenait plus depuis fin mai (et que les mêmes soins ont été facturés par Mme [C] pour la journée du 07 juin 2004).

A l'appui de son affirmation, M. [S] produit une demande d'entente préalable, laquelle prévoit 84 AMI 15, dimanches et jours fériés compris, ainsi que '56 nuits ALD'.

Mais cette demande est datée du 15 décembre 2000, ne démontre rien par elle-même et ne permet en aucun cas à la cour de retenir une autorisation tacite qu'aurait donné la caisse à M. [S] de facturer plus de 3 AMI 15 par jour.

En effet, si l'ordonnance correspondante prévoyait un traitement d'une durée totale de 14 jours, ce qui conduirait à retenir un nombre de six AMI 15 par jour, la cour doit noter que le traitement consistait en l'administration à la patiente de deux produits différents, pendant 30 minutes, à trente minutes d'intervalle (pièces 17 et 18 de M. [S]).

Aucune des pièces soumises par M. [S] ne permet de considérer que la situation, pour les dates rappelées ci-dessus, était sinon identique, du moins similaire.

La fraude est ainsi caractérisée et la caisse a pu à bon droit réclamer le remboursement des sommes en cause.

Sur les indemnités kilométriques

M. [S] considère que [Localité 5] et [Localité 4] (en fait, il s'agissait d'[Localité 2] puis de [Localité 4]) ne constituent pas une seule agglomération au sens de la sécurité sociale. Il produit à cet égard l'arrêté du 05 mars 2012 du préfet des Hauts de Seine, relatif à la modification des statuts de la communauté d'agglomération du [Localité 3] (cette modification ne concerne que le siège de la communauté), qui réunit les communes de [Localité 4], [Localité 7] et [Localité 6].

La cour ne peut que constater que la circonstance que [Localité 4] fasse partie de la même communauté d'agglomération que [Localité 6] et [Localité 7] est sans effet sur la circonstance qu'[Localité 2] (ou [Localité 4]) soit une ville considérée comme située dans la même agglomération que [Localité 5].

A cet égard, il convient d'indiquer qu'il est constant que des indemnités spécifiques sont dues au professionnel infirmier qui se déplace au domicile d'un patient et que, dans le cas d'[G] [W], des traitements devaient être administrés quotidiennement.

Ainsi, lorsqu'il se déplace auprès d'un patient dans une telle situation, un infirmier est fondé à facturer, outre l'acte proprement dit (pièce 7.1 de M. [S]) :

. une indemnité forfaitaire de déplacement (IFD) ;

. une indemnité kilométrique (IK), pour le cas où le domicile du patient ne se trouvait pas dans la même agglomération que son cabinet (lieu d'exercice professionnel), et, que la distance qui séparaient le domicile du patient de son lieu d'exercice professionnel est supérieure à deux kilomètres en plaine et un kilomètres en montagne ;

. une majoration pour les dimanches, la nuit (N) ou les jours fériés (F).

Mais à l'évidence, [Localité 5], [Localité 2] et [Localité 4] se situent en zone urbaine et la notion de 'plaine' n'est pas applicable.

La cour ne peut donc retenir l'argumentation de M. [S] (quand bien même il est juste de noter que, compte tenu des difficultés inhérentes à la circulation et aux déplacements en région parisienne et de la quotidienneté des soins à assurer à [G] [W], le cabinet de M. [S] se situant dans le 17ème arrondissement de [Localité 5], il aurait pu être envisagé d'accorder à cet infirmier l'indemnité kilométrique sollicitée).

Enfin, la circonstance qu'après les avoir refusés, la caisse aurait accepté de prendre en charge les indemnités kilométriques réclamés (peut-être pour les raisons qui viennent d'être évoquées) ne supprime pas le caractère irrégulier de la facturation qui a pu en être faite, telle que réclamé par la caisse.

La fraude reprochée sur ce point doit ainsi être retenue.

Sur les majorations de nuit et les frais de déplacement

Outre ce qui précède, la question est ici celle de la fréquence et du moment des déplacements de M. [S] au domicile d'[G] [W].

A cet égard, la cour entend l'argumentation développée par l'infirmier sur le ressentiment que peuvent éprouver certains patients lorsqu'un soignant leur indique qu'il ne va plus les suivre ; cela est sans doute plus particulièrement vrai pour les patients qui ont besoin de soins quotidiennement et se trouvent dans une situation de vulnérabilité particulière.

La cour doit également constater ici que les explications fournies par [G] [W] ou sa mère ont pu varier au cours du temps.

Il demeure que Mme [Q] [W] a été entendue, à titre d'information, par le tribunal et qu'elle a déclaré notamment que sa fille [G] « vivait en permanence avec de l'oxygène et des antibiotiques ». Lorsqu'elle habitait à [Localité 2], les soins étaient prodigués matin, midi et soir. Le déménagement à [Localité 4] était intervenu en avril 2001.

Les infirmiers, M. [S] et Mme [C], venaient une semaine sur deux, deux fois par jour. Mme [C], qui avait les clés, venait à six heures du matin. [G] [W] savait poser le 'backster' elle-même et le faisait le midi. Mme [W] y procédait le soir. M. [S] préparait les 'backsters' le lundi et les entreposait dans le réfrigérateur.

M. [S] conteste avoir préparé des 'backsters' à l'avance le lundi et les avoir laissés à disposition d'[G] [W] dans le réfrigérateur.

La cour constate que M. [S] ne fournit aucun élément permettant à la cour d'apprécier si cette procédure pouvait être employée, tandis que Mme [W] a précisé qu'elle avait vérifié auprès de l'infirmière coordinatrice de l'hôpital que cela ne posait pas de problème.

Enfin, la cour note que la caisse a retenu le principe d'un déplacement 'de nuit' par jour, y compris les jours fériés et que les réclamations de la caisse ne portent que sur les facturations des majorations de nuit excédentaires.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retiendra que la fraude prise en compte par la caisse est établie.

Sur les cotations d'actes et de déplacements fictifs pendant une période d'hospitalisation

M. [S] allègue des problèmes informatiques pour expliquer qu'il a pu commettre une erreur dans les dates.

La cour ne peut que constater que, si l'erreur avait été établie et aurait pu, le cas échéant, exclure la notion de fraude, dans le cas présent, la pièce que M. [S] produit comme justificatif de la panne informatique alléguée est soit en date du 15 décembre 2003 (il a acheté un nouvel ordinateur le 17 décembre 2003), soit en date du 15 juillet 2005, alors que la période d'hospitalisation concernée se situe entre le 10 avril 2003 et le 20 avril 2003 et que le mandatement par la caisse du paiement des sommes facturées est en date des 1er, 04 et 13 avril 2005.

L'argumentation de M. [S] ne peut donc aucunement être retenue et la cour retiendra que la fraude est ici établie.

Sur les doubles cotations

M. [S] soutient que la caisse ne rapporte pas la preuve d'une double cotation de ses actes avec des actes prodigués par Mme [C].

Il produit notamment un tableau de son activité (sa pièce 19) entre le 1er janvier et le 02 février 2004, ainsi que diverses pièces concernant d'autres patients, qui démontrent qu'il a bien travaillé les jours apparaissant dans le tableau.

La cour ne peut que constater que :

. ce tableau ne couvre pas la période du 23 au 27 avril 2003, pendant laquelle la caisse a mentionné que les actes avaient été effectués par Mme [C] ;

. la circonstance que M. [S] soit intervenu auprès d'autres patients ne démontre en aucune manière qu'il ait prodigué des soins, le même jour à [G] [W].

. ce tableau a été établi par M. [S] lui-même.

Or, il comporte des erreurs manifestes : le tableau mentionne qu'il aurait, par exemple, prodigué des soins à Mme [R] [D] le dimanche 04 janvier 2004, mais les relevés qu'il produit concernant cette patiente (ses pièces 21, 24 et 25) montrent qu'il n'est pas intervenu auprès d'elle ce jour-là.

De plus, M. [S] a dressé un tableau intitulé « NOMS DES PATIENTS VU CE JOUR » pour la période du mois de janvier 2004 : le nom d'[G] [W] n'apparaît nulle part.

Enfin, il résulte du tableau concernant Mme [C], dressé par la caisse (page 5), que non seulement celle-ci a facturé des actes pour les jours en cause, mais que la caisse a considéré, dans la plupart, que cette facturation comprenait des demandes injustifiées.

La double facturation reprochée par la caisse est donc établie.

Sur les facturations du mois de juin 2004

M. [S] affirme avoir continué de prodiguer des soins pendant la première quinzaine du mois de juin 2004 à [G] [W].

La cour ne peut que constater que cette affirmation n'est étayée par aucun document, que Mme [W] a déclaré qu'à compter de la fin mai 2004, c'est un cabinet de [Localité 6] qui a assuré les soins, que le relevé de la caisse est précis (il fait mention d'une double facturation avec Mme [C], le 07 juin 2004) et n'est pas utilement contredit.

La fraude est ici établie également.

Au total, la cour considère que les réclamations de la caisse sont fondées et confirmera le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne conduit à condamner la caisse à payer à M. [S] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute M. [S] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier en préaffectation auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 12/02088
Date de la décision : 28/05/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°12/02088 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-28;12.02088 ?
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