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21/05/2015 | FRANCE | N°13/02930

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 21 mai 2015, 13/02930


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

OF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 MAI 2015



R.G. N° 13/02930



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

C/

[G] [E]

SNC DABICAM







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 10-00884





Copies exécutoires délivrées à :
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la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI



SDE CARAVAGE AVOCATS



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE



Copies certifiées conformes délivrées à :



Nathalie PAULIN



SNC DABICAM







le :

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

OF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MAI 2015

R.G. N° 13/02930

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

C/

[G] [E]

SNC DABICAM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 10-00884

Copies exécutoires délivrées à :

la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI

SDE CARAVAGE AVOCATS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Nathalie PAULIN

SNC DABICAM

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT ET UN MAI DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

Service Contentieux

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Mme [T] en vertu d'un pouvoir général

APPELANTE

****************

Madame [G] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185 substituée par Me Laure IGNACE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

SNC DABICAM

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre BREGOU de la SDE CARAVAGE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0093 substitué par Me Mélanie CONOIR, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON

Par jugement en date du 04 juin 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (ci-après, le TASS) a notamment:

. déclaré Mme [G] [E] recevable et bien fondée en son recours contre la décision implicite de la commission de recours amiable (CRA) de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Osie (CPAM) de rejet de son recours à l'encontre du refus de la caisse de prendre en charge à titre professionnel l'accident dont elle a dit avoir été victime dans le cadre de son travail ;

. dit que l'agression subie dans la nuit du 6 au 7 février 2009 constitue un accident du travail ;

. déclaré le jugement commun à la société Dabicam SNC (ci-après, la 'société', ou 'Dabicam') ;

. condamné la CPAM à payer à Mme [E] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte enregistré en date du 25 juin 2013, la CPAM a relevé appel général de cette décision.

Vu les conclusions respectivement déposées en date du 26 mars 2015 pour la CPAM, la société et Mme [E], ainsi que les pièces respectives y afférentes, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 26 mars 2015,

FAITS ET PROCÉDURE,

Les faits et la procédure peuvent être présentés de la manière suivante :

Le 22 novembre 1999, Mme [G] [E] a été embauchée, en qualité d'aide gouvernante, par la société Dabicam SNC, qui exploite un hôtel à l'enseigne '[2]'.

Par avenants successifs, Mme [E] est devenue gouvernante, puis attachée de clientèle, puis coordinateur chambre, puis groupe coordinateur 2ème échelon et enfin, à compter du 1er septembre 2007, groupe coordinateur 1er échelon, toujours au sein du service de la réception, dans le département 'logement hall'.

Mme [E] y travaille dans la journée du 06 juin 2009.

Ce jour-là, l'hôtel accueille notamment une partie de la délégation qui a accompagné en France M. le Président des Etats-Unis d'Amérique.

Mme [E] cesse son travail aux environs de 16 heures.

Elle doit reprendre son travail à 05 heures le lendemain matin, pour assurer le départ de cette délégation.

L'hôtel est confronté à une situation de grève d'une partie de son personnel.

Mme [E] habite à [Localité 2] tandis que l'hôtel se trouve à [Localité 3].

Elle décide de retourner chez elle chercher quelques affaires pour se changer, après avoir sollicité de ses supérieurs la possibilité de pouvoir dormir à l'hôtel, afin d'être à pied d''uvre dans de meilleures conditions le lendemain matin, ce qui lui a été accordé.

Dans la nuit du 06 au 07 juin 2009, alors qu'elle se trouve donc dans une chambre, elle reçoit la visite de M. [I], qui est également un employé de l'hôtel (il est adjoint au chef du département 'réception').

Selon Mme [E], M. [I] lui dit vouloir se reposer lui aussi et elle le laisse entrer.

M. [I] profite de la situation pour, selon elle, l'agresser sexuellement.

Le 23 juin 2009, Mme [E] dépose plainte devant les services de la police nationale pour ces faits dont elle déclare avoir été victime.

Le 24 juin 2009, Mme [E] est examinée par un médecin de l'Unité médico-judiciaire de l'[1] qui fait état d'un « Discours cohérent, compatible avec les faits allégués. Absence de symptomatologie délirante. Elle décrit les faits avec labilité émotionnelle.

Suite auxdites agressions elle déclare avoir un sentiment d'insécurité sur son lieu de travail (') Le retentissement psychologique est important ce jour et son retentissement fonctionnel justifie une INCAPACITE TOTALE DE TRAVAIL (I.T.T.) de 6 jours (six jours) sous réserve de complications » (en gras comme dans l'original).

A compter du 10 juillet 2009, Mme [E] se voit délivrer plusieurs arrêts de travail.

Le 08 février 2010, un certificat médical initial est établi la concernant, qui fait état d'un « syndrome mélancolique lié directement à un harcèlement au travail » et la place en arrêt de travail.

Mme [E] adresse ce certificat à son employeur, qui le reçoit le 10 février.

Le 26 février 2010, Dabicam établit une déclaration d'accident du travail, qu'elle assortit de réserves.

Le 25 mai 2010, la CPAM refuse la prise en charge de l'accident au titre de la maladie professionnelle.

Mme [E] conteste cette décision et saisit la CRA.

Le 15 juin 2010, le docteur [H], psychiatre, certifie avoir reçu Mme [E] une trentaine de fois, la première le 09 octobre 2009, quand elle lui a signalé des faits et agissements de « l'un de ses supérieures hiérarchiques » sur un fond de relation d'emprise au travail initiée en 2004.

A la suite de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par Mme [E], son emploi cesse le 07 juillet 2010.

Le 27 août 2010, Mme [E] saisit le TASS de la décision implicite de la CRA de rejeter sa demande de prise en charge de l'accident invoqué au titre de la législation professionnelle.

Le 23 septembre 2011, M. [I] est condamné par le tribunal correctionnel de Paris pour agressions sexuelles commises sur la personne de Mme [E] entre le 13 avril 2009 et le 07 juin 2009.

Le 26 octobre 2011, la cour d'appel de Paris confirme la déclaration de culpabilité de M. [I], qui avait relevé appel.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue la décision entreprise.

Devant la cour, la CPAM fait d'abord remarquer que c'est à celui qui l'invoque de rapporter la preuve du caractère professionnel de l'accident, puisque, dans le cas d'espèce, il n'existe pas de présomption d'imputabilité à l'employeur.

La CPAM souligne que M. [I] est venu rejoindre Mme [E] dans une chambre, qu'elle lui a ouvert la porte, qu'à ce moment-là, Mme [E] n'était pas sous la responsabilité de son employeur, que le certificat médical décidant un arrêt de travail est intervenu bien plus tard, que l'employeur a effectué une déclaration d'accident de travail assortie de réserves.

L'enquête administrative avait montré, en particulier, que Mme [E] n'avait reçu aucun ordre pour rester dormir à l'hôtel.

Mme [E] n'apportait pas la démonstration d'un fait accidentel.

En l'absence de subordination, il n'existait pas de présomption suffisante d'un lien avec le travail.

La CPAM conclut donc à l'infirmation du jugement entrepris

La société Dabicam SAS soutient notamment que Mme [E] n'apporte pas la preuve que, au moment de l'accident allégué, elle se trouvait sous la subordination de son employeur.

En réalité, elle ne se trouvait pas 'au travail' : son badge attestait qu'elle avait cessé son service à 15h52.

Et s'il était exact qu'elle devait reprendre le travail très tôt le matin du 07 juin 2009, il existait des moyens de transport public lui permettant de rentrer chez elle après la journée de travail du 06 et de revenir à l'heure le 07 juin.

De plus, Mme [E] avait reconnu que c'était elle qui avait ouvert la porte, en pleine nuit, à M. [I]. Il n'y avait entre eux aucune relation de supérieur à subordonné ou inversement.

Enfin, Mme [E] avait effectué une déclaration d'accident du travail très tardivement.

Il n'existe donc pas de présomption d'imputabilité au travail de l'accident allégué et Mme [E] n'apporte pas la preuve qu'il s'agissait bien d'un accident.

Dabicam conclut à l'infirmation de la décision entreprise et à la condamnation de Mme [E] à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La défense de Mme [E] soutient tout d'abord que l'employeur connaissait, depuis avril 2009, la situation de Mme [E] au regard de M. [I], dont elle subissait en réalité le harcèlement depuis 2004. Ce dernier a été condamné par le tribunal correctionnel, décision confirmée en appel, pour trois faits distincts à l'encontre de Mme [E].

Celle-ci avait dû cesser le travail pour ne plus rencontrer M. [I].

Dans la nuit du 06 au 07 juin 2009, elle avait l'autorisation de son employeur pour pouvoir occuper une chambre, elle devait reprendre son travail très tôt le lendemain, une grève compliquait l'organisation du départ de la délégation américaine, il était de l'intérêt de l'employeur que les choses se passent au mieux.

Ce soir-là, M. [I] faisait fonction de directeur administratif de l'hôtel et, en tant que tel, se trouvait en quelque sorte le supérieur hiérarchique de Mme [E]. Lorsqu'il était allé frapper à la porte de la chambre qu'occupait celle-ci en invoquant vouloir se reposer, elle ne pouvait que penser être requise d'obtempérer.

Dans les faits, Mme [E] se trouvait donc à la disposition de son employeur.

Les éléments retenus par le tribunal correctionnel dans son jugement confirmaient que la direction de l'hôtel était informée du harcèlement que subissait Mme [E] de la part de M. [I] depuis avril 2009.

Par ailleurs, Mme [E] avait effectué de nombreuses heures supplémentaires.

Mme [E] le confirme devant la cour et précise qu'elle était le contact privilégié pour toute la délégation américaine.

Mme [E] sollicite la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de la CPAM à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

A titre préliminaire, il convient d'indiquer que la cour a posé la question, lors des débats, de la position hiérarchique de M. [I] lors de la nuit du 06 au 07 juin 2009.

La société Dabicam a proposé d'adresser une courte note en délibéré à cet égard.

La note rédigée pour la société ne correspond pas à cette attente, elle a été contestée par la défense de Mme [E]. La société a par la suite adressé une autre note dans le cours du délibéré.

La cour ne peut que constater que ces notes n'ont pas été débattues contradictoirement et que la défense de Mme [E] a contesté la première et n'a pas fait connaître son acquiescement à la seconde.

Ces notes seront donc écartées des débats.

Sur le caractère professionnel ou non de l'accident

Il est constant que le certificat médical initial d'accident de travail a été délivré plus d'un an après les faits allégués par Mme [E].

La cour observe toutefois que le médecin qui l'a dressé a formulé des constatations (des observations) détaillées : «  Syndrome mélancolique lié directement à un harcèlement sexuel au travail. Ce harcèlement a fait l'objet d'une plainte dument enregistrée par la Police Nationale, le 23/6/2009. L'absence de mesures de protection de la salariée malgré les demandes au médecin du travail et aux services de la Direction de l'Hôtel a empêché la reprise de travail qui aurait pourtant contribué à la guérison. SANS RESERVES ».

Cela étant, la date tardive à laquelle ce certificat a été établi ne permet pas de retenir la présomption qui est imputable à l'accident survenu au temps et au lieu du travail, d'autant qu'il est contesté par la société, et la CPAM, qu'au moment de l'accident, Mme [E] se trouvait en situation de travail ou, en tout cas sous la responsabilité de son employeur.

La cour considère, à cet égard, que la seule circonstance que Mme [E] se serait trouvée « avec l'accord de son employeur, dans l'établissement de la société DABICAM », ne permet pas à la salariée de « bénéficier de la présomption d'imputabilité instituée à l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale », comme l'a retenu le tribunal.

Il convient en revanche de vérifier si les faits invoqués sont susceptibles d'être considérés comme établis et, dans l'affirmative, comme s'étant déroulés dans le cadre du travail, ou à l'occasion du travail.

S'agissant des faits dénoncés proprement dit, la cour considère que la décision pénale s'impose à cet égard.

A cet égard, il convient tout d'abord d'indiquer que M. [I] a été poursuivi pour « avoir à [Localité 3], en tout cas sur le territoire national, entre le 13 avril 2009 et le 7 juin 2010 et depuis temps non prescrit, exercé une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise, en l'espèce sur Madame [E] [G] ».

Pour se déterminer, le tribunal, après avoir rappelé les déclarations des nombreux témoins entendus dans le cadre de la procédure, les déclarations de Mme [E], celles de M. [I], le certificat médical établi peu après les faits (mais pas immédiatement après), et noté que Mme [U] [W] avait « reçu les confidences de la plaignante, la nuit même des faits, les 06 et 07 juin 2009 », que Mme [M] [Y], « la responsable de la plaignante, avait été informée des faits par celle-ci », a conclu que : « En dépit des dénégations de [V] [I], les trois agressions sexuelles reprochées sont établies à son égard par les déclarations claire, circonstanciées et réitérées à l'audience de [G] [E], par l'examen médical dont elle a fait l'objet et par les déclarations des nombreux témoins qui ont reçu ses confidences, qui la présente comme quelqu'un de plutôt timide et réservé, et ce, au contraire de [V] [I] qui est perçu comme un séducteur, très sûr de lui et très tactile ».

La cour d'appel de Paris a repris en détails l'ensemble des faits de la cause, précisant, entre autres, qu'une « enquête interne a été effectuée par le directeur des ressources humaines de l'hôtel », que ce dernier a décrit M. [I] « comme un professionnel aimable, agréable, ouvert, conciliant. Il a indiqué que celui-ci lui avait dit qu'il était victime d'un complot en raison de son appartenance syndicale et n'ayant pas fait grève au mois de juin » ; que ce directeur des ressources humaines avait eu, le 23 juillet 2009, un entretien avec Mme [E], à sa demande, et qu'elle était « choquée, retournée, avait le visage marqué, tourmenté ». Dans ses propres motifs, par lesquels elle retient la culpabilité de M. [I], la cour d'appel de Paris a notamment indiqué que Mme [E] a « toujours indiqué que si elle avait accepté d'ouvrir la porte de sa chambre alors qu'après avoir pris sa douche elle était vêtue d'une simple nuisette, c'est parce qu'il avait su regagner sa confiance postérieurement aux premiers faits et qu'elle avait pensé, compte-tenu du contexte de grève, qu'il pouvait y avoir un problème relatif à son service ». La cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions tant pénales que civiles.

M. [I] a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt, lequel n'a pas été admis.

La cour de céans doit ainsi considérer, quoi qu'on puisse en penser par ailleurs, les faits d'agressions sexuelles dénoncés par Mme [E] comme établis et, plus précisément, que Mme [E] a été victime, dans la nuit du 06 au 07 juin 2009, dans une chambre de l'Hôtel [2] où elle travaille habituellement, d'une atteinte sexuelle pénalement répréhensible de la part de l'un de ses collègues de travail.

S'agissant du lien éventuel entre les faits et le travail, il résulte d'une attestation établie par l'un des membres de la délégation américaine, que, durant la période du 05 au 07 juin 2009, alors que l'hôtel [2] était confronté à une grève, Mme [E] a été très présente, a su répondre avec diligence aux sollicitations de la délégation, « de jour comme de nuit » écrit l'attestant.

La cour doit cependant relever que cette attestation est rédigée en termes beaucoup trop généraux pour permettre d'apprécier précisément si, pendant la nuit du 06 au 07 juin 2009, Mme [E] avait effectué un ou plusieurs actes pouvant être assimilés à un travail.

Les très nombreuses attestations produites par la société, qui ne sont pas spontanées en ce qu'elles répondent à une triple question : avez-vous été témoin ou victime d'une agression sexuelle, et : estimez-vous travailler dans un environnement présentant un risque en matière d'atteinte / de harcèlement sexuel, sont quasi unanimes, quelle que soit le sexe ou la nationalité de l'attestant, pour répondre par la négative à ces questions.

Deux attestations sont, quant à elle, circonstanciées.

La première est rédigée par Mme [K], qui était chargée d'affaires au sein de la société et a depuis quitté l'entreprise (pièce 23 de Dabicam) : si elle indique n'avoir été ni victime ni témoin d'agression sexuelle sur le lieu de travail, Mme [K] précise qu'elle a éprouvé un « sentiment d'insécurité. En fait, les allusions sexuelles de [V] [I] en public (parfois lors des réunions du front office) me mettaient mal à l'aise. Son attitude, ses regards étaient souvent déplacés. J'évitais au maximum les contacts avec cette personne.

Lorsque je travaillais à la réception, j'ai souvent été gênée par des plaisanteries à caractère sexuel émises par [V] [I], dont j'étais témoin. (') ».

Dans le même sens, Mme [Q], réceptionniste, atteste, après avoir répondu par la négative aux questions posées (pièce 24): « Je voudrais quand même noter que je me sens mal à l'aise lorsqu'on me fait un massage ou me demande lui faire un massage dans son bureau ; je ne sais jamais vraiment comment réagir car c'est mon chef !! Ou alors lorsqu'il fait une allusion à la manière d'avoir une promotion (qui est plutôt déplacée mais peut être pris avec de l'humour !). Mais personnellement je ne me sens pas menacée ».

La cour note que, si ces deux attestations confirment un comportement inadapté de M. [I], à connotation sexuelle, elles n'établissent ni que ce dernier s'en serait plus particulièrement pris à Mme [E], ni qu'il aurait été le supérieur hiérarchique de celle-ci, que ce soit en général ou dans la nuit du 06 au 07 juin 2009, ni même que la direction de la société ait été en quoi que ce soit informée du comportement de M. [I] avant le 07 juin 2009.

De même, l'affirmation posée par Mme [E] qu'elle aurait informé sa hiérarchie des agissements de M. [I] avant les faits de juin 2009 n'est en aucune manière établie.

Le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CHSCT (pièce 44), du 12 février 2010 indique que ce n'est qu'après les faits du mois de juin 2009, que tant la direction de l'hôtel (et ce, au plus tôt le 18 juin 2009) que le CHSCT ont été informés de la situation alléguée par Mme [E].

Il résulte également de la procédure pénale comme des éléments de la procédure et des débats devant la cour de céans que, contrairement à ce qu'elle tend à faire accroire, Mme [E] n'établit en aucune manière que M. [I] était son supérieur hiérarchique au moment des faits et le responsable de fait de l'hôtel.

L'important, à cet égard, n'est pas tant que la société l'ait contesté, puisque la société n'a pas su préciser à la cour la structure hiérarchique au sein de l'hôtel cette nuit-là, que la circonstance que Mme [E] et M. [I] travaillaient habituellement dans deux départements différents et qu'il résulte de la déclaration de l'ami de Mme [E] à l'époque, M. [B] [N], que M. [I] était « le numéro 2 » de l'hôtel la nuit des faits.

Les éléments de la procédure pénale indiquent effectivement qu'un cadre supérieur se trouvait sur place, la nuit en question.

De plus, il résulte des termes du jugement comme de l'arrêt pénaux que c'est Mme [E] qui a décidé, seule, de dormir à l'hôtel cette nuit-là.

Elle ne justifie en aucune manière de son emploi du temps entre un aller et retour à son domicile et le moment où elle est allée dans la chambre de l'hôtel pour se reposer, les éléments de la procédure retenus par les juges pénaux indiquant qu'elle s'y serait rendue aux alentours de 01h30, le 07 juin 2009.

Il est également constant que M. [I] disposait d'un badge qui lui aurait permis d'ouvrir la porte de la chambre.

La procédure pénale conclut, en particulier sur la base des propres déclarations de Mme [E], que celle-ci a ouvert la porte à M. [I] alors qu'elle venait d'utiliser la salle de bains, qu'elle se trouvait en nuisette et s'apprêtait à se coucher et M. [I] a profité de ce qu'elle se glissait sous la couette pour se livrer sur elle à l'atteinte sexuelle pour laquelle il a été condamné.

En définitive, quand bien même les faits d'agression sexuelle dont M. [I] a été déclaré coupable se sont déroulés dans une chambre de l'hôtel où travaillait habituellement Mme [E], il convient de retenir qu'au moment de leur commission, Mme [E] : n'était pas en situation de travail ; ne relevait en aucune manière de l'autorité, directe ou indirecte, de son employeur ; ne se trouvait pas placée sous l'autorité hiérarchique, de droit ou de fait, de M. [I] ; a fait de la chambre de l'hôtel un usage privé ; et a agi d'une manière dont rien ne démontre qu'elle aurait été en relation avec une quelconque situation professionnelle.

En d'autres termes, le caractère professionnel de l'accident n'est nullement établi et la cour infirmera le jugement entrepris pour confirmer la décision implicite de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne conduit à condamner une partie à payer à l'autre partie une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Confirme la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise de rejeter la demande de Mme [G] [E] de prise en charge de l'accident invoqué au titre de la législation professionnelle ;

Déboute les parties de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier en préaffectation auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 13/02930
Date de la décision : 21/05/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°13/02930 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-21;13.02930 ?
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