COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 MARS 2015
R.G. N° 14/01659
AFFAIRE :
[W] [P]
C/
SAS CHANOINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX
Section : Encadrement
N° RG : 12/00218
Copies exécutoires délivrées à :
SCP SOUCHON CATTE LOUIS ET ASSOCIÉS
Me Christine BORDET-LESUEUR
Copies certifiées conformes délivrées à :
[W] [P]
SAS CHANOINE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [W] [P]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe SOUCHON de la SCP SOUCHON CATTE LOUIS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANT
****************
SAS CHANOINE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Christine BORDET-LESUEUR, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame [X] [M], président, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame [X] [M], président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement rendu le 21 janvier 2014, dans un litige opposant Monsieur [P] et la société JEAN CHANOINE, le conseil de prud'hommes de Dreux, saisi le 29 octobre 2012, a :
Dit que la rupture du contrat de travail entre Monsieur [P] et la SAS CHANOINE s'analyse en une démission,
En conséquence,
Rejeté les demandes de Monsieur [P] liées à la rupture du contrat et à ses conséquences pécuniaires,
Condamné la SAS JEAN CHANOINE à payer à Monsieur [W] [P] les sommes suivantes :
- 4.239 € au titre de restitution de salaires pour les périodes de 2008 à 2012,
- 8.859,60 € à titre de dommages et intérêts pour clause de non concurrence,
- 885,96 € au titre des congés payés y afférents,
Rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamné la SAS CHANOINE aux entiers dépens.
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par Monsieur [P] contre cette décision.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 7 octobre 2014 en vue de médiation, mais l'accord des parties sur cette mesure n'a pas été recueilli.
Les parties ne précisent pas si les condamnations exécutoires par provision ont été ou non payées.
Monsieur [W] [P] a été engagé par la société THIBAULT AUTOMOBILES concessionnaire Renault, aux droits de laquelle la société JEAN CHANOINE est venue en 1998, le 20 octobre 1981, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de prospecteur, chargé de ventes en magasin et de l'exploitation d'un secteur.
Sa rémunération était composée d'un fixe et de primes payées à la livraison du véhicule, conditions ensuite précisées ( primes d'objectif quadrimestrielle et et primes de gestion) .
Selon l'article III-2 du contrat de travail, 'le service ne comporte pas d'heures supplémentaires. S'il en est cependant effectué pour les nécessités du service, il est expressément convenu d'un commun accord entre les parties que celles-ci se trouvent rémunérées forfaitairement par l'ensemble des rémunérations perçues à l'occasion des ventes'.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 28 mars 2012, Monsieur [P] a réclamé le paiement d'heures supplémentaires effectuées de février 2007 à septembre 2009, et l'arrêt de prélèvements indus sur son salaire opérés depuis janvier 2008, avec remboursement des sommes correspondantes ; cette lettre est restée sans réponse.
Par courrier du 19 avril 2012, reçu le 25 avril suivant, Monsieur [P] a déclarer imputer la rupture de son contrat de travail à la société CHANOINE, en invoquant, en sus des griefs déjà énoncés, un défaut de paiement des 'primes DIAC', un retard de paiement de commissions, une retenue de chèques-cadeaux qui lui étaient destinés, le tout portant 'atteinte aux éléments essentiels du contrat de travail'.
Par courrier du 14 mai 2012, la société CHANOINE a fait état d'un départ précipité de l'entreprise le 27 avril au soir, 'sans avoir à aucun moment informé d'une quelconque situation à l'origine de cette décision', et a contesté tout droit à paiement d'heures supplémentaires, comme de primes ou commissions, invoquant une absence de réclamation 'depuis ces dernières années'.
Par second courrier du même jour, elle a levé la clause de non concurrence prévue à l'article VIII du contrat de travail.
L'entreprise emploie au moins onze salariés ; il existe à l'époque de l'exécution du contrat de travail des institutions représentatives du personnel ; la convention collective applicable est celle des services de l'automobile.
Le salaire mensuel brut moyen était de 2.460,66 €.
Monsieur [P], âgé de 57 ans lors de la rupture, n'a pas perçu d'allocations de chômage ; il ne précise pas sa situation de retour ou non à l'emploi.
Monsieur [P], par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamner la société JEAN CHANOINE à lui payer :
- 80.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 7.381,98 € au titre du préavis
- 738,19 € à titre de congés payés sur préavis
- 18.410,00 € à titre d'indemnité de licenciement
- 30.000,00 € à titre d'indemnité de fin de carrière
- 36.645,00 € au titre des heures supplémentaires non réglées
- 18.323,00 € au titre du repos compensateur
- 14.764,00 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé
- 4.554,00 € au titre de la restitution des retraits de salaire
- 455,40 € au titre des congés payés sur cette restitution
- 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour violation du contrat et de la convention collective
- 2.483,00 € au titre des commissions dues et non payées
- 248,30 € à titre de congés payés sur commissions dues et non payées
- 5.000,00 € à titre de dommages intérêts pour absence de délégués du personnel
avec intérêt légal à compter de l'introduction de la demande sur les salaires et accessoires de salaires
- confirmer le jugement au titre de l'indemnisation de la clause de non concurrence
- ordonner la remise et la rectification de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail, la remise des bulletins de salaire afférents aux sommes relatives aux salaires et accessoires de salaires conformément à l'arrêt à intervenir, sous astreinte
- condamner la société CHANOINE à lui payer à la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société JEAN CHANOINE, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur [P] produit les effets d'une démission et l'a débouté de ses demandes
- infirmer le jugement pour le surplus
- débouter Monsieur [P] de l'intégralité de ses demandes
- le condamner au paiement de la somme de 7.374,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- le condamner au paiement de la somme de 4500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 23 janvier 2015, ainsi qu'aux explications orales complémentaires consignées
par le greffier à cette date.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la rupture des relations contractuelles
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou abusif, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
La prise d'acte qui permet au salarié de rompre le contrat de travail suppose un manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Seuls les manquements imputés à l'employeur pour avoir été commis avant la prise d'acte peuvent justifier celle-ci.
Dans ses courriers des 28 mars et 19 avril 2012, Monsieur [P] se référait aux horaires de travail accomplis et à leur modification à compter de septembre 2009, avec un premier calcul précis de dépassement d'horaire sans rémunération correspondante.
Devant la cour, il étaye juridiquement sa demande, en invoquant la nullité de la convention de forfait horaire incluse dans son contrat de travail, faute de fixation du nombre de jours travaillés, ni du nombre d'heures supplémentaires effectuées.
La teneur de l'article III-2 du contrat de travail a été précédemment retranscrite ; il s'agit d'une rémunération voulue forfaitaire ; le versement de primes ne peut ipso facto se substituer au règlement d'heures supplémentaires ; en ce sens les dispositions des articles 1.09 d) et 6.05 de la convention collective des services de l'automobile impliquent la précision de l'horaire hebdomadaire de travail convenu, et celle du nombre d'heures supplémentaires prévu pour les nécessités du service.
Monsieur [P] soutient en outre la violation de la convention collective en produisant notamment des extraits incluant les articles 6.03 du chapitre VI concernant le personnel affecté à la vente de véhicules, et 1.09 a), d) et e) du chapitre Ier, auxquels renvoie l'article 6.03.
Il résulte sans ambiguïté de ces textes que le travail individuel doit, soit être mesuré hebdomadairement, avec décompte obligatoire, des heures de travail, notamment au moyen d'un système d'enregistrement automatique fiable et infalsifiable, soit, en cas de forfait, autorisé seulement dans les limites, déjà rappelées, de prévisions posées par l'article 1.09 d), soumis à un mode de contrôle de la durée réelle du travail conforme au système.
En l'absence de tout dispositif de contrôle, la société JEAN CHANOINE a violé ces dispositions de la convention collective ; même si elle a finalement communiqué en avril 2010 un horaire collectif, contrairement à ses affirmations, Monsieur [P] n'a pas, dans le courrier du 28 mars 2012, interprété inexactement, reconnu qu'après septembre 2009, ses heures supplémentaires lui auraient été réglées.
En l'absence de modification de l'article III-2 de son contrat de travail, il n'avait aucune certitude personnelle qu'un défaut de paiement d'heures supplémentaires ne se reproduise pas ; de façon vague, la société JEAN CHANOINE fait état de récupération d'horaire dépassé sans apporter une justification
Il résulte de ces éléments que Monsieur [P] est bien fondé en sa prétention du chef d'une imputation fautive à l'employeur, auteur d'un manquement à lui seul suffisamment grave qui empêchait la poursuite du contrat de travail, de la rupture du contrat de travail ; il a pu légitimement prendre acte le 19 avril 2012 de cette rupture aux torts de la société JEAN CHANOINE ; le jugement qui en a décidé autrement doit être infirmé.
Les conséquences pécuniaires de cette rupture valant licenciement sans cause réelle et sérieuse seront examinées plus avant, après détermination des droits divers à paiement de créances salariales au titre de l'exécution du contrat de travail que Monsieur [P] réclame, dont en premier lieu celui des heures supplémentaires accomplies.
Sur les créances salariales au cours de l'exécution du contrat de travail
- sur les heures supplémentaires
Aux termes mêmes du contrat de travail, déjà soulignés, le principe d'exécution d'heures supplémentaires était admis ; le moyen de leur rémunération n'était, comme retenu, pas conforme.
Monsieur [P] réclame une somme totale de 36.645 €, en décomposant sur trois années ; dans son courrier du 28 mars 2012, il a exactement détaillé le fondement de sa réclamation, en invoquant son horaire excessif de 9 heures par jour, sur 5 ou 6 jours par semaine ; son calcul actuel reste fait sur cette base, qui correspond à 14 heures supplémentaires par semaine ; la demande est étayée et la production suffisamment précise pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
La société JEAN CHANOINE ne conteste d'aucune manière les énonciations relatives à l'horaire ; l'absence de tout dispositif de contrôle a été relevée ; la société ne fournit ainsi aucun élément objectif de nature à établir les heures réellement effectuées par le salarié, pas plus qu'à permettre de déterminer la part de l'indemnité forfaitaire contractuelle pouvant correspondre au paiement des heures supplémentaires.
Il s'ensuit que la demande de Monsieur [P], qui fixe à cinq ans le point de départ de son calcul de retard, soit d'octobre 2007 à septembre 2009, contrairement aux critiques de la société JEAN CHANOINE tenant à la prescription, doit être accueillie en sa totalité ; il convient donc de la condamner, encore par infirmation du jugement, à lui verser 36.645 €, en soulignant l'absence de demande au titre des congés payés sur cette créance salariale.
- sur le repos compensateur
Monsieur [P] présente de ce chef une demande à hauteur de 18.323,00 € ; dès lors qu'il ne sollicite pas de congés payés afférents, il y a lieu de comprendre qu'il s'agit de dommages intérêts;
Mais ni la faute, ni son lien de causalité avec un préjudice, ni la nature et l'ampleur de celui-ci ne sont spécifiquement argumentés.
En particulier, la discordance du volume d'heures supplémentaires avec le contingent annuel n'est pas explicitée ; la prétention doit, sur ce point par confirmation du jugement, être rejetée.
sur le remboursement de retraits sur salaires
La demande, qui concerne des réductions dans le paiement de la rémunération opérées pour 'carburant', 'téléphone', 'assurances', a été très largement accueillie par les premiers juges, soit pour 4.239 €.
Le principe de son fondement est manifeste, dès lors qu'il s'agit de déductions faites par la société JEAN CHANOINE non au titre de la rémunération brute, donc soumises à charge, conformément aux obligations de l'employeur en matière d'avantages en nature, mais de déductions totales sur la rémunération nette du salarié; l'irrégularité avait été à juste titre aussi dénoncée au titre de la prise d'acte de rupture.
Monsieur [P] renouvelle sa demande à son montant initial, soit pour un différentiel de 315 € ; mais il omet sur ce point de tenir compte de la prescription quinquennale ; les premiers juges l'avaient fait et il convient de confirmer le montant de la condamnation.
Monsieur [P] présente devant la cour une demande nouvelle afférente aux congés payés sur cette dette de salaires ; elle est légitime et doit donc être accueillie à hauteur de 423,90 €.
- sur les commissions
Les premiers juges ont rejeté la prétention au titre des commissions elles-mêmes et celle au titre des congés payés afférents.
En tout état de cause, une commission dite 'Bizot' concerne une vente d'avril 2005, et ne peut plus, de nouveau en raison de la prescription, être réclamée.
Quant à une commission 'décembre 2011", Monsieur [P] produit un bulletin de salaire de février 2012 enregistrant plusieurs paiements de primes et commissions ; il rapporte donc ces paiements au mois de décembre 2011 ; il réclame un différentiel de 205 €, mais son calcul n'est en aucun cas justifié par la communication d'une pièce nommée 'Suivi mensuel DIAC CHANOINE DREUX', qui concerne seulement des chiffres d'affaires ; l'absence de preuve pertinente justifie un rejet de la réclamation.
Pour 2012, il est fait état d'une prime DIAC de 274 € en février 2012 ; mais cette dernière somme est l'une de celles mentionnées effectivement sur le bulletin de salaire précité ; quant à un défaut de paiement '2012' global à hauteur de 955 €, aucune pièce versée ne correspond à ce calcul ; il y a lieu pour le même motif à rejet de la demande.
S'agissant d'un 'chèque cadeau Boussard' pour 150 €, Monsieur [P] produit un document de juillet 2009, sans fournir la moindre explication justificative ; cette demande ne saurait non plus être accueillie.
Quant à la 'participation avril 2012", qui n'est d'évidence pas une commission, Monsieur [P] produit un relevé informatique au 27 avril 2012, mais remontant à 2008 ; le relevé est de 671,70 € et il le complète par un calcul manuscrit ; toutefois la société JEAN CHANOINE justifie du versement de la somme de 671,70 € le 23 mai 2012 et d'une autre somme de 47,64 € le 4 septembre 2012 ; la demande est encore mal fondée.
Dès lors le jugement sera, de ces deux chefs litigieux, confirmé.
Sur les autres demandes rattachées à l'exécution du contrat de travail
- sur les dommages-intérêts pour travail dissimulé
Monsieur [P] obtient la reconnaissance d'un droit à rémunération d'heures supplémentaires non prises en compte comme telles par la société JEAN CHANOINE pendant deux années ; le nombre d'heures à rémunérer est ainsi de fait supérieur à celui pour lequel il l'a été, sans qu'une convention valide au sens de l'article L.8221-5 du code travail n'existe (application du titre II du livre premier de la troisième partie du code du travail).
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8223-1 du code du travail n'est cependant caractérisée que si l'employeur a de manière intentionnelle mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Si le manquement de la société JEAN CHANOINE en matière de conformité aux dispositions de la convention collective, du contenu du contrat de travail et de suivi du temps de travail, a été qualifié de suffisamment grave, toute volonté claire de dissimulation est exclue en présence d'une convention de paiement forfaitaire même irrégulière.
La prétention doit être aussi rejetée et le jugement encore confirmé sur ce point.
- sur les dommages-intérêts pour violation du contrat et de la convention collective
Le contrat n'a pas été violée ; la convention collective l'a été, mais cette violation est sanctionnée par la reconnaissance du bien fondé de la prise d'acte de rupture du contrat de travail.
Il n'y a pas lieu à indemnisation complémentaire d'un préjudice de surcroît non caractérisé.
Le jugement doit être de nouveau confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
- sur les dommages intérêts pour absence de délégués du personnel
Monsieur [P] présente à ce titre une demande nouvelle devant la cour.
Mais la société JEAN CHANOINE verse le procès verbal des élections en date du 23 octobre 2008, que l'appelant ne critique pas.
La prétention mal fondée ne saurait être accueillie.
Sur les demandes rattachées à la rupture du contrat de travail
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, Monsieur [P] présente des demandes conformes à ses droits, non critiquées en leur quantum par la société JEAN CHANOINE ; il convient de condamner celle-ci au paiement des sommes respectives de 7.381,98 € et 738,19 €.
S'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le quantum de la réclamation pour 18.410 € n'est pas non plus contesté par l'intimée ; il est calculé pour 30 ans et 9 mois, conformément à la durée des relations contractuelles, préavis compris ; il convient d'accueillir encore la demande et de condamner la société JEAN CHANOINE au paiement de cette indemnité.
Quant aux dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dûs en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Monsieur [P] fait état d'un préjudice moral et matériel 'extrêmement important', sans autre précision.
Toutefois la société JEAN CHANOINE a manqué de bonne foi en soutenant dans son courrier du 14 mai 2012, alors qu'elle avait reçu celui de Monsieur [P] du 19 avril depuis le 25 avril, qu'il serait parti précipitamment le 27 avril, et la cour dispose des éléments suffisants pour fixer l'indemnisation au montant de 37.000 € nets, qu'elle doit verser.
Par ailleurs, Monsieur [P] réclame une indemnité de fin de carrière, au visa général de la convention collective ; mais la société JEAN CHANOINE lui oppose à juste titre les dispositions de l'article 17 de cette convention, et la condition d'âge fixée à 60 ans, alors qu'il n'avait que 57 ans; il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté cette demande.
Enfin, sur la clause de non concurrence, par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits et documents de la cause, en retenant que le courrier de la société JEAN CHANOINE en date du 14 mai 2012, levant la clause, est privé d'effet dès lors que dans l'article VIII du contrat de travail, aucune hypothèse de levée ne figurait.
Le paiement de la contre-partie de la clause de non concurrence est dû ; comme le sollicite Monsieur [P], le jugement est confirmé quant aux condamnations de la société JEAN CHANOINE au paiement de 8.859,60 € et 885,96 €, qui représentent des créances salariales.
Sur la remise de nouveaux documents
Compte tenu des compléments de rémunération accordés par le présent arrêt, la délivrance d'un bulletin de salaire correspondant s'impose à la société JEAN CHANOINE; en outre, l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail doivent être rectifiés.
Il y a lieu d'ordonner ces remises, mais aucune astreinte n'apparaît nécessaire.
Sur la réclamation de la société JEAN CHANOINE motif pris d'un départ dans le cadre d'une démission
La société JEAN CHANOINE prétend obtenir le paiement d'un préavis ; en l'absence de démission, la demande est insusceptible de prospérer ; le jugement peut être confirmé en son rejet.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il convient d'accueillir la demande de Monsieur [P] pour son montant de 3.000,00 € qui n'est pas excessif pour l'ensemble de ses frais irrépétibles, somme que la société JEAN CHANOINE, elle-même nécessairement déboutée de ce chef, devra lui régler.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 21 janvier 2014 en ce qu'il a :
- condamné la SAS JEAN CHANOINE à payer à Monsieur [W] [P] les sommes de 4.239 € au titre de restitution de salaires, 8.859,60 € et 885,96 € au titre de la clause de non concurrence,
- rejeté les demandes de Monsieur [P] pour repos compensateur, pour commissions, pour travail dissimulé, pour violation du contrat et de la convention collective et pour indemnité de fin de carrière,
- rejeté la demande de la société JEAN CHANOINE en paiement d'un préavis et sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et Y ajoutant,
DIT que la prise d'acte par Monsieur [P] de la rupture de son contrat de travail a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société JEAN CHANOINE à payer à Monsieur [P] les sommes de :
* 36.645,00 € à titre de rappels d'heures supplémentaires d'octobre 2007 à septembre 2009
* 423,90 € à titre de congés payés sur remboursement de retraits sur salaires
* 7.381,98 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 738,19 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
* 18.410,00 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
avec intérêt légal à compter de la réception de sa convocation devant le bureau de conciliation
* 37.000 € nets à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêt légal à compter de ce jour,
CONDAMNE la société JEAN CHANOINE à remettre à Monsieur [P] un bulletin de salaire afférent aux condamnations salariales, ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés, sans astreinte,
REJETTE la demande de Monsieur [P] en paiement de dommages intérêts pour absence de délégués du personnel,
CONDAMNE la société JEAN CHANOINE à payer à Monsieur [P] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE sa demande du même chef et la CONDAMNE aux dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par [X] [M], président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT