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24/03/2015 | FRANCE | N°14/00611

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 24 mars 2015, 14/00611


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 MARS 2015



R.G. N° 14/00611



AFFAIRE :



SAS SOFRES COMMUNICATION



C/



[H] [B]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de Boulogne billancourt

Section : Activités diverses

N° RG : 11/01936





Copies exÃ

©cutoires délivrées à :



SELARL CAPSTAN LMS



Me Jean-Claude BERNARD





Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS SOFRES COMMUNICATION



[H] [B]



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE MARS DEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MARS 2015

R.G. N° 14/00611

AFFAIRE :

SAS SOFRES COMMUNICATION

C/

[H] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de Boulogne billancourt

Section : Activités diverses

N° RG : 11/01936

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL CAPSTAN LMS

Me Jean-Claude BERNARD

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS SOFRES COMMUNICATION

[H] [B]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS SOFRES COMMUNICATION

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Mohamed CHERIF de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame [H] [B]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante

Assistée de Me Jean-Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 20 Janvier 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'appel formé par la société SOFRES COMMUNICATION à l'encontre du jugement en date du 29 novembre 2013 par lequel le conseil de prud'hommes de Boulogne- Billancourt, en sa formation de départage, a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, la relation de travail ayant existé entre cette société et Mme [H] [B], a dit que la rupture du contrat était dépourvue de cause réelle et sérieuse et a condamné la société SOFRES COMMUNICATION à payer à Mme [B] un rappel de salaire et des indemnités de rupture ainsi que pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et requalification, avec remise des bulletin de paye, certificat de travail et attestation Pôle emploi, le conseil allouant en outre au demandeur la somme de 500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 20 janvier 2015 par la société SOFRES COMMUNICATION tendant à voir infirmer les condamnations prononcées contre elle par les premiers juges, au motif que son recours à des contrats à durée déterminée d'usage est licite, que ces contrats sont réguliers , que le travail effectué n'était pas à temps plein et qu'aucun licenciement n'est intervenu - la société SOFRES COMMUNICATION sollicitant, en tout état de cause, la réduction du montant des sommes requises ;

Vu les écritures développées à la barre par Mme [B] qui conclut à la confirmation du jugement entrepris et , en outre, à la condamnation de la société SOFRES COMMUNICATION au paiement de la somme de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que la société SOFRES COMMUNICATION qui a pour activité la réalisation d'enquêtes de «'terrain'» a effectué, à ce titre, pendant de nombreuses années, une mission de comptage des «'cartes oranges'» dans les autobus ou trains de la région parisienne, à la demande du STIF -le Syndicat des Transports d'Ile de France'; que ce marché, renouvelé jusqu'alors, annuellement au profit de la société SOFRES COMMUNICATION, a été attribué par le STIF à une autre entreprise, à compter de l'année 2011';

Qu'entre le 1er février 19998 et le 31 mars 2011, Mme [B] a signé avec la société SOFRES COMMUNICATION divers contrats successifs, intitulés «'offre d'emploi'», conclus pour des périodes variables, allant de quelques jours à deux ou trois semaines - étant précisé que, selon la société SOFRES COMMUNICATION, son activité ne couvrait que la période d'octobre à avril -'; qu'aux termes de ces contrats, la société SOFRES COMMUNICATION engageait Mme [B] afin qu'elle procède «'aux comptages STIF'» des divers titres de transport en possession des usagers'; que la rémunération était prévue au taux horaire, fixé en dernier lieu à 9,01 €, outre majoration pour horaire effectué avant 6 heures et après 22 heures ou le dimanche';

Qu'à compter du 31 janvier 2011, à la suite de la perte du marché STIF, la société SOFRES COMMUNICATION a cessé de donner des missions d'enquêteur à Mme [B] qui, le 8 septembre 2011, a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir requalifier ses contrats en un contrat à durée indéterminée à temps plein et condamner la société SOFRES COMMUNICATION à lui payer, outre un rappel de salaire, diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail';

Que par le jugement entrepris le conseil de prud'hommes a estimé que les contrats de Mme [B] devaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée à temps plein et a condamné la société SOFRES COMMUNICATION à payer à son ancienne salariée un rappel de salaire ainsi que diverses indemnités liées à la rupture de son contrat ;

°

Considérant qu'en cause d'appel, Mme [B] reprend son argumentation de première instance selon laquelle ses contrats, conclus comme des contrats à durée déterminée d'usage permis par la convention collective SYNTEC, applicable, ne sont pas valables dès lors, d'une part, qu'ils répondent à un besoin, non pas temporaire, mais permanent de la société SOFRES COMMUNICATION et, d'autre part, que ces contrats ne sont pas conformes aux exigences formelles des articles L 1242-12 et L 1242-13 du code du travail applicables aux contrats à durée déterminée, non plus qu'à celles de l'article L 3121-1 du même code, relatives au contrat à temps partiel';

Qu'elle en conclut que ses contrats doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée à temps plein -puisqu'il devait se tenir à disposition de la société SOFRES COMMUNICATION- et que la cessation de la relation contractuelle, imputable à cette société, constitue une rupture abusive justifiant le versement des diverses sommes qu'il réclame à titre de rappel de salaire et d'indemnités'';

Que la société SOFRES COMMUNICATION soutient, au contraire, que les contrats qu'elle a conclus avec Mme [B] sont réguliers , constituent bien des contrats à durée déterminée d'usage, non destinés à pourvoir un emploi permanent puisque celui de l'appelant était fonction du contrat annuel qui la liait, elle-même, au STIF et auquel celui-ci a, d'ailleurs, mis fin'; qu'enfin, le contrat exécuté n'était pas un contrat à temps plein -la moyenne des douze derniers mois de salaire s'établissant à 584,56 € pour Mme [B] qui n'était nullement obligée de se tenir à sa disposition';

*

Sur la motivation

Considérant qu' en application des dispositions de l'article L 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise, temporaire et seulement dans certains cas déterminés par la loi'; que ce texte prévoit qu'un contrat à durée déterminée peut être conclu, notamment dans certains secteurs d'activité définis par décret, afin de pourvoir des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de cette activité et du caractère temporaire de ces emplois';

Qu'en outre, la directive 1999 / 70 / CE du 28 juin 1999 impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est bien justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi';

Qu'enfin, selon l'article L 1242-12 alinéa 1er du code du travail, le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif';

Considérant qu'il n'est pas contesté en l'espèce, que la convention collective SYNTEC et l'article D 1242-1 du code du travail autorisent, dans le secteur d'activité des enquêtes et sondages - qui est celui de la société SOFRES COMMUNICATION - le recours à des contrats à durée déterminée d'usage pour l'accomplissement de tâches précises et temporaires';

Mais considérant, tout d'abord, que contrairement à ce que soutient la société SOFRES COMMUNICATION, l'indication sur les divers contrats signés par Mme [B], du nom de l'étude et du numéro de contrat est insuffisante pour répondre aux exigences légales concernant la mention dans tout contrat à durée déterminée du motif précis justifiant le recours à un tel contrat';

Qu'ensuite, au fond, les pièces versées aux débats démontrent que pendant dix huit mois Mme [B] s'est vu confier régulièrement par la société SOFRES COMMUNICATION des missions d'enquête et d'études de terrain qui répondent exactement à l'objet de l'activité normale et permanente de cette société, précisément des enquêtes et sondages ; que la société SOFRES COMMUNICATION n'invoque aucun motif valable justifiant le recours aux contrats temporaires de vacataire, ainsi conclus entre elle et Mme [B]; qu'en effet, la circonstance que cette société ait perdu le marché du STIF en 2011, de nature à fonder le cas échéant qu'elle pût rompre sa relation contractuelle avec l'appelant, ne justifie nullement le recours à l'embauche temporaire de l'intéressé et à la signature des contrats litigieux puisque, comme il vient d'être rappelé, Mme [B], par son travail d'enquêteur vacataire, concourait à l'exercice normal de l' activité de la société SOFRES COMMUNICATION -dont rien n'établit qu'elle fût limitée au marché avec le STIF ;

Considérant qu'ainsi, en l'absence de mention de la définition précise du motif de recours à un contrat à durée déterminée et faute pour la société SOFRES COMMUNICATION d'établir la nature temporaire de l'emploi qu' occupait la salariée, Mme [B] est bien fondée à voir requalifier, en un contrat de travail à durée indéterminée, l'ensemble de ses contrats à durée déterminée, et ce, conformément aux dispositions de l'article L 1245-1 du code du travail qui réputent contrat à durée indéterminée, tout contrat à durée déterminée non conforme aux exigences, notamment, des articles L 1242-1 et L 1242-12 alinéa 1er, précités ;

°

Considérant que Mme [B] demande à la cour de requalifier, en outre, son contrat, en contrat de travail à temps plein';

Considérant que la requalification ci-dessus en contrat de travail à durée indéterminée a pour effet de conférer au contrat litigieux la nature présumée d'un contrat à temps plein ;

Que la société SOFRES COMMUNICATION s'oppose à cette demande en faisant valoir que son activité cessait entre les mois de mai et d'octobre, de sorte que l'emploi de Mme [B] ne pouvait être à temps plein ainsi que le démontrent les bulletins de paye de Mme [B] faisant apparaître selon les années, une moyenne mensuelle de 80 heures de travail ;

Considérant que la nature de travail à temps partiel n'apparaît pas discutable, en pratique, au regard de la faiblesse du nombre d' heures travaillées et non contestées par la salariée; que les parties s'accordent, de plus, pour reconnaître que, selon le processus des ordres de mission, c'est au salarié de prendre l'initiative de solliciter, auprès de la société SOFRES COMMUNICATION, l'octroi d'une mission; qu'enfin, la faiblesse des heures réalisées, de manière, néanmoins, régulière et sur une longue période contractuelle, démontre que la salariée gérait elle-même ses périodes d'emploi, en dépit des critiques élevées sur ses conditions de travail';

Considérant qu'en définitive, la salariée conservait, ainsi, une liberté d'agir certaine , incompatible avec l'état de disponibilité totale qui est celui, requis par un contrat de travail à temps plein ;

Considérant que, dans ces conditions, la présomption de contrat de travail à temps plein -découlant, d'ailleurs, tant de l'inobservation des dispositions légales sur le contrat à durée déterminée que de celles de l'article L 3123-14 du code du travail, sur le contrat à temps partiel- se trouve combattue et renversée par les éléments aux débats , de sorte que Mme [B] ne saurait bénéficier de ladite présomption, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges dans la décision entreprise, qui sur ce point sera donc infirmée ;

°

Considérant qu'en revanche, l'interruption du contrat de Mme [B], requalifié en contrat à durée indéterminée à temps partiel, implique pour la société SOFRES COMMUNICATION l'obligation d'indemniser l'intéressée du préjudice consécutif à la rupture contractuelle qui lui est imputable, pour avoir cessé de fournir du travail à sa salariée';

Considérant qu'au regard de la rémunération moyenne perçue et de la durée de la relation de travail ayant existé entre les parties, en l'absence de pièces aux débats justifiant d'un préjudice supérieur, la cour estime qu'une indemnité de 6000 € réparera le préjudice résultant pour Mme [B] de la rupture de son contrat';

Qu'il convient d'allouer, en outre, à celle-ci une indemnité de requalification égale à un mois de salaire en application de l'article L 1245-2 du code du travail';

°

Considérant, enfin, qu' en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la société SOFRES COMMUNICATION versera à Mme [B] la somme de 500 € ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris, à l'exception des dispositions relatives à la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée , à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau sur les autres chefs ;

REQUALIFIE les contrats de Mme [B] en contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel ;

DÉBOUTE en conséquence Mme [B] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire;

CONDAMNE la société SOFRES COMMUNICATION à payer à Mme [B] :

avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011 :

- au titre de l'indemnité de préavis, la somme 1169,12 € outre 116,91 € de congés payés afférents

- au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 1924,18 €

avec intérêt au taux légal à compter de ce jour :

- au titre de l'indemnité de requalification, la somme de 584,56 €

- au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 6000 €

CONDAMNE la société SOFRES COMMUNICATION aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 500 € au profit de Mme [B] , au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00611
Date de la décision : 24/03/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/00611 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-24;14.00611 ?
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