COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
19ème chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 19 MARS 2015
R.G. N° 13/03862
AFFAIRE :
SAS TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN
C/
[O] [Y]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 08 Août 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
Section : Commerce
N° RG : 12/00492
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jean-Yves PONCET
Me Patrick LE BOUARD
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN
Dominique SEDENT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MARS DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-Yves PONCET, avocat au barreau d'EVREUX
APPELANTE
****************
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Patrick LE BOUARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 113
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Aude RACHOU, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,
L'arrêt a été mis en délibéré par mise à disposition au greffe au jeudi 22 Janvier 2015 puis prorogé au jeudi 19 Mars 2015
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant contrat à durée déterminée du 6 juin 1988, monsieur [O] [Y] a été embauché à temps complet par la société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN en qualité de conducteur poids-lourd, groupe 6, coefficient 138 M, pour une durée de 3 mois. Les 6 septembre 1988 et 5 mars 1989 le contrat a été renouvelé dans des conditions identiques pour des durées de 3 mois puis à partir du 6 juin 1989 la relation de travail s'est poursuivie sur la base d'un contrat à durée indéterminée sans qu'un écrit ait été régularisé entre les parties. Dans le dernier état des relations contractuelles monsieur [O] [Y] percevait un salaire mensuel moyen de 2 647,60 euros.
La société emploie au moins 11 salariés et la convention collective applicable est celle des transports routiers et auxiliaires de transport.
Par lettre recommandée du 28 septembre 2012 lui notifiant sa mise à pied conservatoire, monsieur [O] [Y] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 9 octobre 2012 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée du 19 octobre 2012.
Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, monsieur [O] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy, section commerce, lequel par jugement du 8 août 2013 a dit que son licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, a fixé la moyenne des salaires à la somme de 2 647,60 euros et a condamné la société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN à payer à monsieur [O] [Y] les sommes de :
* 5 295,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 529,52 euros au titre des congés payés y afférents,
* 12 238,08 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 47 656,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN a régulièrement relevé appel de la décision le 11 septembre 2013.
Aux termes de ses conclusions du 12 décembre 2013, soutenues oralement à l'audience, la société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes, de confirmer le licenciement pour faute grave de monsieur [O] [Y], de le débouter de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions du 28 novembre 2014 déposées et soutenues oralement à l'audience, monsieur [O] [Y] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN à lui payer :
- une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation de son préjudice moral, de l'incidence de la procédure de licenciement sur le report de l'âge à la retraite initialement prévue à 57 ans et reporté à 5 années ultérieures, de la diminution de l'allocation pôle emploi, de l'impossibilité de retrouver une situation professionnelle, de la perte du permis de conduire, de l'absence de considération pour la pathologie dont il souffre,
- une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience,
SUR CE :
Sur le bien fondé du licenciement :
La lettre de licenciement, fixant les limites du litige, est rédigée de la façon suivante :
« À la suite de notre entretien préalable du mardi 9 octobre 2012, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave.
Nous vous avons demandé de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés :
Non respect des consignes données par vos responsables concernant les prises de carburant (maximum 100 litres afin d'éviter les vols.)
Vous avez pris en moyenne sur le mois de septembre 194 litres /jour.
Dans la nuit du 12 au 13 : on vous dérobe environ 200 litres et vous remettez 280 litres le matin.
Le 26 au matin : vous retrouvez votre véhicule avec le réservoir vide, vous remettez 270 litres (vous effectuez 155 km dans la journée)
Le 27 au matin : vous retrouvez de nouveaux votre réservoir vide, vous remettez 100 litres.
Votre consommation de gasoil pour le mois de septembre en de 68,23 litres pour 100 km.
Après avoir analysé vos disques du mois de septembre :
nous avons constaté que régulièrement en milieu de matinée vous effectuez des arrêts non justifiés et non obligatoires par rapport aux réglementations (RSE + code du travail)
Ces coupures sont faites en position «travail » ou « mise à disposition » au lieu de mettre en position « repos ». En juin 2012, notre client GSM nous demande de ne plus vous affecter sur leurs livraisons pour des faits similaires
Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à votre sujet.
Votre licenciement prendra effet à la date de la première présentation de cette lettre à votre domicile. »
La faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque.
En l'espèce, l'employeur articule la lettre de licenciement autour de deux séries de griefs relatifs au comportement du salarié durant le mois de septembre 2012 :
- le non-respect des consignes concernant la prise maximum de carburant fixée à 100 litres,
- des prises de repos non justifiées dans le courant du mois de septembre 2012.
Sur le non-respect des consignes, la société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN explique que les salariés ont été informés par une note du 5 juin 2012 de ce qu'ils ne devaient pas dépasser une prise de carburant de 100 litres maximum afin de limiter les conséquences financières des vols de carburant dont le coût pèse sur l'entreprise et verse aux débats deux attestations de ses salariés selon lesquelles monsieur [O] [Y] avait été dûment informé de la consigne, ainsi qu'une photo d'une pompe avec une affichette mentionnant « maximum 100 l. »
Monsieur [O] [Y] sans s'expliquer sur les prises de carburant au-delà du volume préconisé, se contente d'indiquer qu'il n'était pas chargé de surveiller le camion la nuit et ne pouvait empêcher les vols.
La cour observe que le salarié ne conteste pas avoir été informé de la nécessité de limiter les prises de carburant à 100 litres et ne pas avoir respecté cette consigne.
Sur les temps de pause, la société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN reproche à monsieur [O] [Y] d'avoir effectué des coupures dans le courant du mois de septembre en dehors des pauses légales en les inscrivant comme temps de travail ou de mise à disposition et non comme temps de repos et ce malgré le fait qu'en juin 2012 un comportement similaire avait entraîné son changement de site à la demande d'un client et verse aux débats outre les relevés des temps de pause litigieux, l'attestation de l'un de ses formateurs expliquant le litige avec le client GSM.
Monsieur [O] [Y] fait valoir que les coupures prises ne sont pas contraires à la réglementation en vigueur qui autorise une pause de 45 minutes après 4h30 de conduite pouvant être remplacée par des pauses de 15 minutes.
La cour observe que :
- les fiches communiquées aux débats par l'employeur pour le mois de septembre 2012 si elles font effectivement apparaître à plusieurs reprises des coupures identifiées par l'employeur comme des temps de pause qui auraient dû apparaître comme des temps de repos ne sont pas justifiées par les disques dont elles sont l'analyse ;
- le courrier de la société GSM du 14 mai 2012 faisant état d'un manquement pouvant être reproché à monsieur [O] [Y] ne comporte aucune précision sur la nature de ce manquement ;
- l'attestation de monsieur [K] indiquant qu'il a repris à maintes reprises monsieur [O] [Y] sur les temps de pause n'est pas précise quant à la date à laquelle ces réflexions ont été faites au salarié ni sur la désorganisation qui en résultait pour l'entreprise et semble faire référence au signalement du client GSM à la suite duquel monsieur [O] [Y] a été affecté sur un nouveau site ;
Il résulte donc de l'ensemble des pièces versées aux débats que le grief relatif aux temps de pause n'est pas établi.
Le grief relatif au non respect des consignes est quant à lui établi, mais il n'est pas de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail et ne peut donc justifier un licenciement pour faute grave. En revanche il est suffisant pour justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera par conséquent réformé sur ce point.
Sur les conséquences du licenciement :
Le salaire de référence de monsieur [O] [Y] fixé à 2 647,60 euros par le conseil de prud'hommes n'étant pas contesté par les parties, le jugement sera confirmé sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents comme sur l'indemnité légale de licenciement.
Sur l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :
Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée.
Sur l'appel incident :
Monsieur [O] [Y] sollicite une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires invoquant un préjudice moral, l'incidence de la procédure de licenciement sur le report de l'âge à la retraite initialement prévue à 57 ans et reporté à 5 années ultérieures, la diminution de l'allocation Pôle emploi, l'impossibilité de retrouver une situation professionnelle, la perte du permis de conduire et l'absence de considération pour sa pathologie.
Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, la demande de dommages-intérêts sera rejetée s'agissant des conséquences du licenciement.
Sur l'absence de considération de l'employeur pour sa pathologie, le salarié n'expliquant pas les faits précis qu'il reproche à l'employeur, sa demande sera rejetée.
Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties. Les demandes en ce sens seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy du 8 août 2013 en ce qu'il a :
- fixé à 2 647,60 euros le salaire de référence de monsieur [O] [Y],
- condamné la société TRANSPORTS LOHEAC DE L'OUEST PARISIEN à payer à monsieur [O] [Y] les sommes de :
- 5 295,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 529,52 euros au titre des congés payés y afférents;
- 12 238,08 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau:
Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,
Déboute monsieur [O] [Y] de sa demande d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages-intérêts complémentaires,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties;
Condamne monsieur [O] [Y] aux dépens.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par madame Aude RACHOU, Président et par monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,