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17/03/2015 | FRANCE | N°11/02131

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 17 mars 2015, 11/02131


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



F.L

Code nac : 30E



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 MARS 2015



R.G. N° 11/02131



AFFAIRE :



SARL LES SALINES exerçant sous l'enseigne Tamoru Fish & Grill, RCS [Localité 2] 478 605 660





C/

[W] [T] veuve [H]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Février 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7


N° Section : B

N° RG : 09/1323



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD,

Me Patricia MINAULT







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE QU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

F.L

Code nac : 30E

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 MARS 2015

R.G. N° 11/02131

AFFAIRE :

SARL LES SALINES exerçant sous l'enseigne Tamoru Fish & Grill, RCS [Localité 2] 478 605 660

C/

[W] [T] veuve [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Février 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° Section : B

N° RG : 09/1323

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD,

Me Patricia MINAULT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT MARS DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL LES SALINES exerçant sous l'enseigne Tamoru Fish & Grill, RCS [Localité 2] 478 605 660

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 -

Représentant : Me Thierry DOURDIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0236 - N° du dossier 2011166 -

Représentant : Me William JULIE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1652

APPELANTE

****************

Madame [W] [T] veuve [H]

née le [Date naissance 1] 1927 à [Localité 3] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 00039686 -

Représentant : Me Jacques GOURLAOUEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0396

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Janvier 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nina PIERI,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société à responsabilité limitée BHW était titulaire d'un bail commercial consenti le 11 février 1999 pour une durée de 9 ans, à compter du 1er février 1999, par [W] [T] [T], veuve [H], sur des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à[Localité 3]e (Hauts de Seine), à usage exclusif de restaurant.

La société BHW a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 8 juillet 2004.

Par acte en date du 23 juillet 2004 [W] [H] a fait signifier à Maître [A] [M] en qualité de mandataire liquidateur, une sommation visant la clause résolutoire d'avoir à respecter les clauses du bail et à effectuer différents travaux, ainsi qu'un congé avec refus de renouvellement sans indemnité pour les motifs allégués de défauts réitérés de paiement des loyers et des charges aux échéances fixées et manquements aux obligations contractuelles d'entretien et de réparation.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société BHW, et en l'état de cette situation parfaitement connue des acquéreurs, la société LES SALINES, se substituant aux consorts [C] [R] et [B] [X] [D], a par acte en date du 20 septembre 2004, et en exécution d'une ordonnance du juge commissaire du 3 août 2004, acquis le fonds de commerce exploité dans les lieux, incluant le droit au bail.

[W] [H] lui reprochant la réalisation de travaux en violation manifeste des stipulations contractuelles a obtenu par ordonnance de référé du 27 octobre 2004, la condamnation de la société LES SALINES à cesser les travaux entrepris dans les locaux sous astreinte.

L'arrêt du 2 novembre 2006 de la cour d'appel de Versailles confirmant cette ordonnance a été partiellement cassé par arrêt du 14 novembre 2007. La cour d'appel de Versailles, autrement composée, désignée comme juridiction de renvoi, a confirmé l'ordonnance, par arrêt du 29 janvier 2009, caractérisant dans ses motifs l'existence d'un trouble manifestement illicite.

Parallèlement, [W] [H], en septembre 2004, avait fait assigner Maître [A] [M], ès qualités de mandataire liquidateur de la société BHW, les consorts [C] [R] et [B] [X] [D] et la société LES SALINES en résiliation judiciaire du bail.

Par ordonnance du 10 mai 2005, le juge de la mise en état a ordonné une expertise aux fins notamment de décrire la conformité des locaux avec le bail ainsi que la nature des travaux réalisés depuis le 1er août 2004, et de recueillir tous renseignements sur l'antériorité de l'utilisation des WC au 1er étage servant l'exploitation du fonds de commerce de restaurant.

Par acte du 24 avril 2006, [W] [H] a également fait signifier à la société LES SALINES une sommation visant la clause résolutoire de respecter ses obligations contractuelles en ce qui concerne l'exploitation des locaux et l'envoi d'un projet de travaux conforme aux clauses du bail, excluant l'utilisation du 1er étage à des fins commerciales.

La société LES SALINES a formé opposition à cette sommation le 23 mai 2006.

Les deux procédures ont été jointes.

En ouverture du rapport d'expertise, déposé le 20 juin 2006, le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement du 26 juin 2007, a débouté [W] [H] de l'ensemble de ses demandes et dit, en tant que de besoin, que la société LES SALINES était autorisée à maintenir l'accès à la clientèle, par escalier intérieur, des WC situés au 1er étage.

Sur appel de ce jugement, la cour, saisie par [W] [H] d'une demande de résiliation judiciaire du bail en même temps que d'une demande de validation du congé sans offre de renouvellement délivré le 23 juillet 2004 a, par arrêt du 19 juin 2008, ordonné la réouverture des débats et invité [W] [H] à préciser ses demandes et à lever la contradiction qu'elles comportent. [W] [H] s'est alors désistée de son appel, et le dessaisissement de la cour a été constaté par ordonnance du conseiller de la mise en état du 23 janvier 2009, la décision entreprise produisant tous ses effets.

[W] [H] a, par acte du 26 juillet 2007, fait signifier à la société LES SALINES un nouveau congé, sur et aux fins de celui précédemment notifié le 23 juillet 2004, sans offre de renouvellement ni paiement d'indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes, arguant de la réalisation d'importants travaux de modification de la disposition et de l'affectation des locaux en violation des clauses du bail, ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 27 octobre 2004 confirmée par arrêt du 2 novembre 2006, ainsi que du comportement injurieux et menaçant de [C] [R], son gérant, et de [B] [X] [D], son associée, envers son avocat au cours des opérations d'expertise.

[W] [H] a, par acte du 20 janvier 2009, fait assigner la société LES SALINES aux fins de voir valider les deux congés délivrés les 23 juillet 2004 et 26 juillet 2007, dire que le bail commercial avait pris fin le 31 janvier 2008, que les motifs graves et légitimes invoqués dans ses sommations restées sans suite justifiaient son refus de paiement d'une indemnité d'éviction, et, en conséquence, ordonner l'expulsion sous astreinte de la société LES SALINES et la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation de 1 765, 36 euros par jour à compter du 1er février 2008 et jusqu'à complète libération des lieux.

La société LES SALINES a reconventionnellement sollicité le paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 1 200 000 euros.

Le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement entrepris du 3 février 2011, assorti de l'exécution provisoire, a notamment :

- constaté que le bail commercial consenti par madame [T] [T] veuve [H] à la société Bhw aux droits de laquelle est venue la société Les Salines, portant sur des locaux situés [Adresse 3] (Hauts de Seine), avait pris fin le 31 janvier 2008 par l'effet des congés sans offre de renouvellement ni paiement d'une indemnité d'éviction délivrés le 23 juillet 2004 et le 26 juillet 2007 ;

- dit que le congé délivré le 26 juillet 2007 était fondé sur un motif grave justifiant le refus de paiement d'une indemnité d'éviction au profit de la société Les Salines, et débouté en conséquence cette dernière de sa demande de ce chef ;

- dit que la société Les Salines était occupante des lieux sans droit ni titre depuis le 1er février 2008 ;

- ordonné l'expulsion de la société Les Salines et de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique si besoin est, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dès la première tentative d'exécution pouvant intervenir à l'expiration du délai de 15 jours après la signification du jugement ;

- condamné la société Les Salines à payer à madame [T] [T] veuve [H] une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant de l'ancien loyer mensuel augmenté des taxes et charges, et indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction, depuis le 1er février 2008 et jusqu'à libération effective et totale des lieux ;

- condamné la société Les Salines au paiement, à madame [T] [T] veuve [H], de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société LES SALINES a interjeté appel le 17 mars 2011, demandant, aux termes de ses dernières écritures du 23 avril 2012 de :

- dire qu'au visa du jugement définitif passé en force de chose jugée rendu le 26 juin 2007, madame [T] [T] veuve [H] ne pouvait valablement alléguer les motifs figurant dans les sommations des 23 juillet 2004 et 24 avril 2006 à l'appui de son refus de paiement d'une indemnité, et ne pouvait plus alléguer les motifs du congé notifié le 26 juillet 2007 ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le bail commercial a pris fin le 31 juillet 2008 par l'effet des congés sans offre de renouvellement ni paiement d'une indemnité d'éviction délivrés les 23 juillet 2004 et 26 juillet 2005 ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le congé délivré le 26 juillet 2007 était fondé sur un motif grave justifiant le refus de paiement d'une indemnité d'éviction au profit de la société Les Salines, et débouté en conséquence cette dernière de sa demande de ce chef ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Les Salines au paiement, à madame [T] [T] veuve [H], de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- condamner madame [T] [T] veuve [H] à payer à la société Les Salines une somme de 1 200 000 euros à titre d'indemnité d'éviction, majorée d'une somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner madame [T] [T] veuve [H] au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[W] [H], aux termes de ses dernières écritures en date du 23 février 2012, demandait à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- dire que le congé délivré le 26 juillet 2007 est fondé sur un motif grave justifiant le refus de paiement d'une indemnité d'éviction au profit de la société Les Salines ;

- dire que le comportement injurieux du preneur vis-à-vis du conseil du bailleur constitue le motif grave et légitime permettant au bailleur de refuser le renouvellement sans indemnité ;

- dire que le jugement précédemment rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 26 juin 2007, déboutant le bailleur de sa demande de résiliation du bail et d'acquisition de la clause résolutoire de ce contrat pour réalisation de travaux non autorisés, n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée et ne s'impose pas à la cour en l'absence d'une triple identité de parties, d'objet et de cause, expressément prévu par la loi ;

- dire que la cour est saisie d'une demande présentée au seul visa de l'article L.145-17, 1° du code de commerce, l'objet et la cause de cette action étant différents de celle ayant conduit à la décision effectivement définitive rendue par ailleurs par le tribunal le 26 juin 2007 ;

- dire que la cour statuant sur renvoi de cassation a, par arrêt du 29 janvier 2009, expressément indiqué que le preneur avait méconnu l'interdiction contenue dans le bail de ne faire aucun changement de distribution ni travaux de transformation ou aucune démolition dans les lieux loués sans l'autorisation expresse et écrite de la bailleresse ;

- dire dès lors que le congé signifié par madame [T] [T] veuve [H] le 26 juillet 2007 fait état d'un motif grave et légitime pertinent lié à l'exécution de tels travaux sans autorisation;

- débouter en conséquence la société Les Salines de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction ;

- subsidiairement, au cas où la cour refuserait de valider les motifs graves et légitimes évoqués dans le congé du 26 juillet 2007, dire que la société Les Salines a acquis le fonds de commerce d'une entreprise en liquidation judiciaire dont l'activité avait cessé ; qu'elle n'en a pas repris la clientèle de restauration de spécialités indiennes et que la cession réalisée est en réalité une cession de droit au bail déguisée régularisée sans l'accord de madame [T] [T] veuve [H] et dire de plus fort qu'aucune indemnité d'occupation n'est due dans ce contexte ;

- dire que la demande de paiement de dommages et intérêts à hauteur de 300 000 euros est nouvelle devant la cour et à ce titre irrecevable ; qu'elle ne repose sur aucun fondement alors que le droit du preneur évincé se limite, le cas échéant, au paiement d'une indemnité d'éviction déterminée par les conditions prévues par le statut de baux commerciaux ;

- condamner la société Les Salines au paiement à madame [T] [T] veuve [H], de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Par arrêt mixte du 4 septembre 2012, la cour a :

Confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le bail avait pris fin le 31 janvier 2008 par l'effet des congés ;

Infirmé le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau et, y ajoutant ;

Dit que madame [T] [T] veuve [H] était débitrice envers la société Les Salines d'une indemnité d'éviction, et la société Les Salines débitrice envers madame [T] [T] veuve [H] d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération des lieux par remise des clés ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'expulsion de la société Les Salines ;

Dit que l'indemnité d'occupation, telle que fixée par le premier juge, était due à titre provisionnel;

Sursis à statuer sur le surplus et, avant dire droit,

Ordonné une expertise et commis pour y procéder monsieur [E] [K], [Adresse 1], tel : [XXXXXXXX01], fax : [XXXXXXXX02], avec mission de :

- se rendre sur les lieux [Adresse 3] à [Localité 3] (Hauts de Seine) ;

- convoquer les parties, entendre toute personne et se faire remettre tout document qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission

- visiter les lieux, les décrire ;

- rechercher, en tenant compte des activités autorisées par le bail et des facilités offertes par la situation des lieux et de tous autres critères qui seront précisés et motivés, tous éléments utiles à l'estimation de l'indemnité d'éviction compensatrice du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce ou du droit au bail, en principal et accessoires ;

- donner son avis sur l'indemnité d'occupation due, à compter de la date d'effet du congé et jusqu'à la libération effective des lieux ;

Dit que madame [T] [T] veuve [H] et la société Les Salines, devraient chacune consigner au greffe de la Cour, à titre de provision pour frais et honoraires d'expertise, la somme de 1 000 euros avant le 15 octobre 2012, et qu'à défaut la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Désigné le conseiller de la mise en état pour suivre les opérations d'expertise et en cas d'empêchement de l'expert procéder d'office à son remplacement, et dit que l'expert devrait tenir ce magistrat informé de l'exécution de sa mission et de toute difficulté qu'il pourrait rencontrer pour l'accomplir ;

Dit qu'à l'issue de la première réunion des parties, l'expert soumettrait à ce magistrat et communiquera aux parties un état prévisionnel détaillé et ses frais et honoraires et, en cas d'insuffisance de la provision allouée demanderait la consignation d'une provision supplémentaire,

Dit que l'expert devrait déposer son rapport pour le 30 janvier 2013, et que le dossier serait examiné par le conseiller de la mise en état le 21 février 2013 ;

Réservé les dépens.

Le délai de mission de l'expert ayant été prorogé, celui-ci a déposé son rapport le 13 décembre 2013.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières écritures en date du 6 mars 2014 par lesquelles la société LES SALINES, demande à la cour de :

Les articles 1382-1383 du Code Civil,

Vu l'article L.145-14 du Code de Commerce,

La jurisprudence visée aux présentes,

Vu le jugement définitif passé en force de chose jugée du 26 juin 2007, vu l'arrêt définitif de la Cour d'Appel du 4 septembre 2012 et les conclusions du rapport de Monsieur [K],

DÉCLARER la société LES SALINES fondée en son appel.

CONDAMNER Madame [W] [H] à verser à la Société LES SALINES :

- au titre de l'acquisition du fonds de commerce de restauration de la Société BHW : 182 566,00 euros

- à titre d'indemnité d'éviction, la somme de 193 500,00 euros

- au titre de ce qu'a coûté l'exploitation pour la période du 3 août 2004 au 29 avril 2012 : 243 659,90 euros

- au titre des pertes résultant de l'absence forcée d'exploitation pendant la même période : 806 531,00 euros,

soit la somme globale de 1 426 256,90 euros

CONDAMNER Madame [W] [H] à payer à la Société LES SALINES une somme de 30 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER Madame [W] [H] aux entiers dépens dont le recouvrement sera directement poursuivi par Maître Claire RICARD, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures en date du 29 avril 2014 au terme desquelles [W] [H], demande à la cour de :

Vu le rapport de Monsieur [K], expert judiciaire,

Dire que la société LES SALINES ne peut être indemnisée des travaux qu'elle a réalisés contre le gré de la concluante dans les lieux loués et dont il a été définitivement jugé qu'ils étaient une violation de la loi des parties constituant un trouble manifestement illicite.

Dire que la société LES SALINES ne dispose pas dans l'établissement dont elle a été évincée d'une clientèle susceptible d'être indemnisée.

Dire qu'en l'absence d'exploitation du fonds dont elle porte la responsabilité pendant près de sept années, il n'existe aucune possibilité de réinstallation en l'absence de clientèle.

Dire que la valeur du droit au bail résulte de la différence entre la valeur locative de marché fixée à juste titre par l'expert à 850 euros du m² sur la base d'une superficie pondérée de 47.34 m² et le loyer payé par la société locataire, affectée d'un coefficient de 7 retenu par l'expert.

Dire que le loyer de renouvellement de la société LES SALINES se serait trouvé déplafonné en cas de renouvellement en raison de la modification totale des caractéristiques des lieux loués à laquelle elle a procédé.

Dire que le loyer de renouvellement déplafonné doit être affecté d'un abattement de 5 % en raison de la charge des travaux de l'article 606 du code civil qui repose sur le preneur.

Dire que le loyer de renouvellement déplafonné ainsi diminué doit être affecté de l'évolution de l'indice depuis le 1er février 2008, date d'effet du congé, jusqu'au 30 avril 2011, date du départ du locataire, étant précisé que l'indemnité d'éviction doit s'apprécier à cette dernière

Fixer en définitive la valeur du droit au bail à 49 546 euros arrondis à 50 000 euros.

Dire n'y avoir lieu à l'octroi d'aucune indemnité s'agissant des indemnités accessoires et notamment de l'indemnité de remploi et des frais administratifs.

Fixer l'indemnité d'occupation à 24 000 euros l'an telle qu'estimée par l'expert et par conséquent à 78 000 euros sur la période comprise entre le 1er février 2008, date d'effet du congé, et le 30 avril 2011, date du départ de locataire.

Dire que l'indemnité d'occupation après déduction de la somme versée par la société locataire pour la période d'un montant de 57 374 euros s'élève à 20 625.96 euros.

Ordonner le règlement par compensation entre l'indemnité d'éviction limitée au droit au bail de 50 000 euros et le solde de l'indemnité d'occupation de 20 625.96 euros, à due concurrence.

Condamner la société LES SALINES à payer à Madame [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 10 000 euros.

La condamner en tous les dépens qui comprendront les frais d'expertise dont distraction au profit de la SELARL MINAULT, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de réouverture des débats :

Par courrier du 5 février 2015, le conseil de la société LES SALINES a sollicité la réouverture des débats, au visa de l'article 444 du code de procédure civile, pour que soit débattue contradictoirement la production du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 26 juin 2007 et celle du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 5 juin 2014.

La faculté accordée par l'article 444 du code de procédure civile au président d'ordonner la réouverture des débats n'est impérative que lorsque les parties n'ont pas été à même des'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

Or en l'espèce, aucun éclaircissement de droit ou de fait n'a été demandé aux parties.

Il s'avère, au surplus que le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 26 juin 2007 est déjà dans les débats pour avoir été communiqué en pièce n°72 par [W] [H] et que la production du jugement de ce même tribunal du 5 juin 2014, par lequel celle-ci s'est vue déboutée de sa demande de déclaration d'inopposabilité de la cession du fonds de commerce intervenue au profit la société LES SALINES, au motif qu'il se serait agi d'une cession de droit au bail déguisée, nouvelle procédure opposant les parties, en conflit depuis plus de dix ans à propos de ce bail, n'est pas essentielle à la solution du litige, alors même qu'il était parfaitement loisible à la société LES SALINES, si elle l'estimait utile, de produire cette décision avant la clôture, intervenue le 11 décembre 2014.

La demande de réouverture des débats formulée par la société LES SALINES sera donc rejetée.

Sur l'indemnité d'éviction :

Selon l'article L.145-14 du code de commerce : Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

L'arrêt mixte du 4 septembre 2012 a infirmé le jugement entrepris du tribunal de grande instance de Nanterre du 3 février 2011 en ce qu'il a débouté la société LES SALINES de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction et ordonné une expertise afin d'en évaluer le montant.

[E] [K], expert judiciaire, a évalué l'indemnité d'éviction selon deux hypothèses :

- celle d'un loyer de renouvellement plafonné, selon laquelle il parvient à une somme totale de 193 500 euros, se décomposant en celles de 135 000 euros de valeur du droit au bail, 13 500 euros d'indemnité de remploi, 30 000 euros de travaux autorisés et 15 000 euros de frais administratifs et divers,

- celle d'un loyer de renouvellement déplafonné, selon laquelle il parvient à une somme totale de 138 500 euros, se décomposant en celles de 85 000 euros de valeur du droit au bail, 8 500 euros d'indemnité de remploi, 30 000 euros de travaux autorisés et 15 000 euros de frais administratifs et divers.

Alors que la société LES SALINES acquiesce à la l'évaluation de première hypothèse, [W] [H] demande quant à elle que l'indemnité d'éviction soit limitée à une somme de 50 000 euros correspondant uniquement à la valeur du droit au bail, rejetant devoir les indemnités accessoires telles qu'évaluées par l'expert.

[W] [H] soutient justement l'hypothèse de déplafonnement du loyer de renouvellement, dès lors que les caractéristiques du local considéré, mentionnées au 1° de l'article L.145-33 du code de commerce, ont subi une modification notable du fait des travaux entrepris par le locataire, sans son accord préalable, ayant entraîné la mise à nu du gros-oeuvre par la disparition du second-oeuvre.

Ceci étant, l'intimée dit ne formuler aucune observation quant à la valeur locative de marché retenue par l'expert, le calcul de la surface pondérée ou encore le coefficient de 7 retenu à raison de la qualité de l'emplacement.

[W] [H] entend toutefois affecter le loyer de renouvellement d'un abattement de 5% dans la mesure où les travaux de l'article 606 du code civil sont contractuellement à sa charge, donnée inhérente au bail qui n'a aucun impact spécial sur le loyer de renouvellement et que la cour écartera donc.

Elle ajoute que le locataire s'est maintenu dans les lieux jusqu'à fin avril 2011 et que la cour doit donc tenir compte du loyer de renouvellement qu'il a dû payer à cette époque en fonction de la clause d'indexation prévue au bail. Mais l'expert indique expressément avoir calculé l'indemnité d'éviction en 2011, de sorte que cette autre objection sera également écartée.

La valeur du droit au bail sera donc arrêtée par la cour à la somme de 85 000 euros.

S'agissant de l'indemnité de remploi, fixée par l'expert à 10% de cette somme, [W] [H] la conteste justement puisque le fonds de commerce n'a jamais été exploité par la société LES SALINES, qui ne peut donc revendiquer aucune clientèle et aucun transfert de son activité. Ce chef de préjudice sera donc écarté.

La bailleresse s'oppose de même justement à l'indemnité de travaux autorisés, contestant les avoir autorisés, leur montant ayant été évalué forfaitairement par l'expert à 15% du montant du devis, ce qui ôte effectivement tout caractère né, certain et actuel au préjudice que cette indemnité entend réparer. La somme de 30 000 euros évaluée de ce chef ne sera donc pas retenue par la cour.

Seront de même écartés les frais administratifs et divers, arrêtés par l'expert judiciaire à la somme de 15 000 euros pour l'investissement et le temps passé par le locataire dans l'établissement du devis des travaux à réaliser et des formalités administratives habituelles, estimation forfaitaire, qu'[W] [H] dénonce justement comme étant injustifiée, en l'absence de pièces relativement aux formalités de changement de son siège social, étant rappelé qu'aucun transfert d'activité n'est intervenu en l'espèce.

L'indemnité d'éviction sera donc arrêtée à la somme de 85 000 euros.

Sur l'indemnité d'occupation :

L'expert judiciaire a calculé l'indemnité d'occupation à 24 000 euros par an, somme qui reçoit l'acquiescement d'[W] [H] et ne fait l'objet d'aucune observation de la part de la société LES SALINES.

La cour retiendra donc cette évaluation pour la période du 1er février 2008 au 30 avril 2011, date du départ effectif du locataire, [W] [H] énonçant, sans être contredite, que, compte tenu des paiements déjà opérés par la société LES SALINES, seul un solde de 20 652,96 euros lui est dû.

Il sera également fait droit à la demande de compensation entre ce solde et l'indemnité d'éviction, que forme [W] [H].

Sur les autres demandes :

La société LES SALINES, après avoir sollicité dans ses dernières écritures du 23 avril 2012, précédant l'arrêt mixte du 4 septembre 2012, le paiement d'une indemnité d'éviction de

1 200 000 euros majorée de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts, demande que l'arrêt a justement estimée être sans cohérence réelle avec les explications présentées dans les motifs, par lesquels elle indiquait pouvoir prétendre obtenir les sommes de :

- 155 000 euros à titre de remboursement du prix d'acquisition du fonds ;

- 54 309,85 euros au titre des frais d'enregistrement, de dépôt de garantie et de l'indemnité versée ;

- 116 246,41 euros au titre d'honoraires d'architecte, d'avocats, d'huissier, d'avoué, d'expert, d'avocat à la cour de cassation, de comptable ;

- 149 041,75 euros de montants exposés en pure perte au titre des assurances, intérêts d'emprunt, frais bancaires, électricité, frais d'expertise ;

- 418 320 euros au titre de la perte d'exploitation pour la période d'août 2004 à mai 2011,

- 467 820 euros au titre des intérêts sur le prix d'acquisition du fonds en août 2004 ;

- 150 000 euros perte du droit au bail des lieux ;

- 250 000 euros pour préjudice journalier d'atteinte à l'image,

demande désormais, en sus de l'indemnité d'éviction, la condamnation d'[W] [H] à lui payer :

- 182 566 euros au titre de l'acquisition du fonds de commerce de la société de restauration de la société BHW,

- 243 659,90 euros au titre de ce qu'a coûté l'exploitation pour la période du 3 août 2004 au 29 avril 2012,

- 806 531 euros au titre des pertes résultant de l'absence forcée d'exploitation pendant la même période,

soit la somme totale de 1 232 756,60 euros.

[W] [H] s'oppose justement à ces demandes qui ne sont pas plus amplement explicitées par l'appelante, faisant exactement observer que le prix d'acquisition du fonds de commerce est compris dans l'indemnité d'éviction, que la société LES SALINES ne saurait demander à être indemnisée du coût d'exploitation d'un fonds de commerce qu'elle n'a jamais exploité et alors même qu'elle forme une demande en sens contraire d'indemnisation pour absence forcée d'exploitation de ce fonds, à l'origine de laquelle se trouve la réalisation par elle de travaux dans les lieux loués sans avoir obtenu l'accord préalable du bailleur.

Il s'ensuit que la société LES SALINES sera déboutée de l'ensemble de ses autres demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d'allouer à [W] [H] une indemnité de procédure de 6 000 euros. La société LES SALINES, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

REJETTE la demande de réouverture des débats formée par la société à responsabilité limitée LES SALINES,

CONDAMNE [W] [T] [T], veuve [H] à payer à la société à responsabilité limitée LES SALINES la somme de 85 000 euros d'indemnité d'éviction,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée LES SALINES à payer à [W] [T] [T], veuve [H] une indemnité d'occupation de 24 000 euros par an du 1er février 2008 au 30 avril 2011, représentant un solde à payer de 20 652,96 euros,

DIT que la compensation entre ces deux sommes s'opérera de plein doit, conformément aux dispositions de l'article 1290 du code civil,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée LES SALINES à payer à [W] [T] [T], veuve [H] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée LES SALINES aux dépens d'appel, incluant les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 11/02131
Date de la décision : 17/03/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°11/02131 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-17;11.02131 ?
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