COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 60A
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 12 MARS 2015
R.G. N° 14/01744
AFFAIRE :
[X] [B]
C/
SA AXA FRANCE IARD
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 02
N° RG : 12/03295
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA
Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MARS DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [X] [B]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20140122
Représentant : Me Claire BINISTI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS (C.1454)
APPELANTE ET INTIMEE
****************
1/ SA AXA FRANCE IARD
N° SIRET : 722 057 460
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 14096
Représentant : Me BIZARD, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE
INTIMEE ET APPELANTE
3/ CPAM DE L'ESSONNE
[Adresse 2]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Janvier 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Monsieur Georges DOMERGUE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marine EYROLLES
[X] [B] a été victime d'un accident de la circulation le 1er décembre 2006. Aucun accord n'a pu être trouvé sur l'indemnisation lui revenant avec la société Axa, en sorte que Mme [B] l' a, par acte des 20 février et 9 mars 2012, assignée, ainsi que la CPAM de l'Essonne, devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement du 5 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- déclaré la société Axa tenue à réparer entièrement les conséquences dommageables de l'accident,
- fixé la réparation des préjudices patrimoniaux à la somme de 60 252,73 euros et celle des préjudices extra-patrimoniaux à 20 313,50 euros,
- condamné en conséquence la société Axa France IARD à payer à Mme [B] la somme de 72 066,23 euros déduction faite des provisions versées à hauteur de 10 500 euros avec intérêts légaux à compter de la signification de la décision,
- condamné la société Axa France IARD à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux-tiers,
- déclaré le jugement commun à la CPAM de l'Essone.
Plus précisément, le tribunal a fixé comme suit les différents postes de préjudice :
- Préjudices patrimoniaux :
dépenses de santé actuelles restées à charge 372,73 euros
frais divers (assistance à expertise 850 euros
et transports 150 euros)1 000,00 euros
perte de gains professionnels actuels8 880,00 euros
perte de gains professionnels futurs0
incidence professionnelle50 000,00 euros
- Préjudices extra-patrimoniaux :
déficit fonctionnel temporaire 6 313,50 euros
souffrances endurées3 500,00 euros
déficit fonctionnel permanent6 500,00 euros
préjudice d'agrément4 000,00 euros
Mme [B] en a relevé appel et, par dernières écritures du 4 juin 2014, prie la cour de :
- fixer comme suit les postes de préjudice :
dépenses de santé actuelles restées à charge 372,73 euros
frais divers (assistance à expertise 850 euros
et transports 300 euros)1 150,00 euros
frais de découvert bancaire1 000,00 euros
perte de gains professionnels actuels15 760,00 euros
perte de gains professionnels futurs411 476,00 euros
incidence professionnelle353 229,00 euros
- Préjudices extra-patrimoniaux :
déficit fonctionnel temporaire 8 784,00 euros
souffrances endurées3 500,00 euros
déficit fonctionnel permanent6 500,00 euros
préjudice d'agrément5 000,00 euros
Elle fait valoir que l'accident a changé le cours de sa vie dans la mesure où, admissible au concours de gardien de la paix après plusieurs tentatives infructueuses, elle était certaine de le réussir compte tenu de ses performances sportives habituelles, mais a été empêchée de participer aux épreuves sportives en raison de l'accident. Ainsi, son recours porte principalement sur les sommes allouées au titre des pertes de gains actuels et futurs, ainsi que sur l'incidence professionnelle, qu'elle demande à voir fixer à la différence de rémunération et droits à la retraite existant entre l'emploi qu'elle a dû se résoudre à accepter, et celui de gardien de la paix qu'elle était sûre d'obtenir.
Elle réclame en outre une indemnité de procédure globale de 6 000 euros.
Par conclusions du 4 août 2014, la société Axa France IARD (Axa) demande à la cour de :
- fixer comme suit les différents postes :
- Préjudices patrimoniaux :
dépenses de santé actuelles restées à charge :
frais non reconnus officiellement et postérieurs à la consolidation0
frais divers (assistance à expertise 850 euros
et transports non justifiés)850,00 euros
frais bancaires non justifiés (rémunération maintenue)0
perte de gains professionnels actuels (si une perte de chance est constatée, elle doit être intégrée à l'incidence professionnelle)0
perte de gains professionnels futurs (la perte de chance est indemnisable au titre de l'incidence professionnelle)0
incidence professionnelle (chance inexistante d'obtenir le concours de gardien de la paix, possibilités d'évolution de carrière au sein de la police municipale, pénibilité de faible taux)3 000,00 euros
- Préjudices extra-patrimoniaux :
déficit fonctionnel temporaire 6 313,50 euros
souffrances endurées3 500,00 euros
déficit fonctionnel permanent5 500,00 euros
préjudice d'agrément0
Axa conteste l'application du barême Gazette du Palais 2011 dont l'application est sollicitée par la victime, au profit de celui issu de l'arrêté du 29 janvier 2013 utilisé pour le calcul des créances des caisses de sécurité sociale et demande que l'indemnité de procédure soit ramenée à de plus justes proportions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2015.
SUR QUOI LA COUR :
Selon les conclusions des médecins experts, Mme [B] a subi une entorse cervicale haute avec déficit moteur mais sans lésions radiologiques.
Les différents préjudices peuvent être évalués comme suit :
- gêne temporaire partielle à 50 % jusqu'au 1er juin 2008, date de la consolidation,
- inaptitude professionnelle totale du 1er décembre 2006 au 8 janvier 2007,
- taux d'AIPP 5 % : les séquelles, consistant en une raideur douloureuse du cou et en des troubles de l'équilibre, sont de nature à rendre un travail nécessitant des mouvements répétés du cou plus pénible, et à contre-indiquer la pratique de certaines activités sportives,
- souffrances endurées : 2, 5 / 7,
- le traumatisme rachidien a certainement eu pour conséquence de la priver de chances de réussite au concours d'admission de la police nationale dans la mesure où elle n'a pu réussir les épreuves sportives.
Le fait d'avoir été privée de la possibilité d'accéder aux fonctions de gardien de la paix de la police nationale, accession qu'elle considère comme quasi certaine, constitue le principal grief de l'appelante. Il convient donc d'examiner, en premier lieu, le bien fondé de cette affirmation, la fixation des préjudices étant envisagée en un second temps.
- Sur la perte de chance de devenir gardien de la paix :
Il doit être observé liminairement qu'il n'appartient pas aux experts d'évaluer les conséquences juridiques du traumatisme qu'ils ont pour mission de décrire, qu'il appartient à la cour seule de les déterminer, en sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir pour acquises les conclusions des experts sur l'existence d'une perte de chance de réussite au concours de gardien de la paix liées aux séquelles, mais bien de retenir le seul fait objectif constaté par les experts, à savoir que le traumatisme cervical a provoqué l'impossibilité pour Mme [B] de participer aux épreuves physiques de janvier 2007.
S'agissant d'un concours, il doit être observé en premier lieu que Mme [B] ne peut revendiquer qu'une perte de chance, un aléa demeurant en toute hypothèse, y compris si l'intéressée avait été en mesure de participer, dans la plénitude de ses moyens, aux épreuves physiques. Etant retenu que l'accident est bien à l'origine de l'impossibilité de participer à ces épreuves, en sorte que lui a été attribuée d'office la note moyenne des candidates à ces épreuves, il y a lieu d'examiner si Mme [B] démontre qu'elle aurait été en mesure, compte tenu de ses capacités sportives, d'obtenir une note lui permettant de réussir ce concours, compte tenu des notes obtenues par ailleurs.
Sur ce point, elle fait elle-même valoir que, compte tenu des notes obtenues aux épreuves de français et de connaissances professionnelles, elle aurait dû obtenir une note aux épreuves physiques de 14,4 sur 20, ce qui était selon elle certain, compte tenu de ses aptitudes.
Or, au soutien de cette affirmation, force est de constater qu'elle se borne à produire des relevés de ses notes d'éducation physique dans le cadre scolaire, ce qui est tout à fait insuffisant pour démontrer qu'elle aurait été en mesure d'obtenir cette note à l'épreuve physique considérée, laquelle est attribuée en fonction de performances bien particulières, dont elle ne démontre pas qu'elle en aurait été capable en l'absence d'accident, et dans le cadre d'un concours.
En outre et surtout, ses trois échecs antérieurs à l'accident et ses cinq vaines tentatives postérieures à ce dernier démontrent qu'elle n'a pas été admissible en raison de notes insuffisantes à l'épreuve de rédaction, en sorte qu'elle n'a même pas été autorisée à passer l'épreuve physique. Enfin, sa note d'entretien avec le jury, affectée d'un coefficient 4, obtenue l'unique fois où elle est parvenue au stade de l'admission, souligne encore la faiblesse de ses performances dans les épreuves autres que physiques. Il est donc certain, contrairement à ce que soutient Mme [B], que, même si l'accident ne s'était pas produit, ses chances de réussir ce concours étaient extrêmement faibles. Or la réparation d'une perte de chance exige que la chance perdue soit sérieuse, et, ainsi, qu'il soit démontré que la survenance de l'événement favorable escompté constituait au moins une éventualité raisonnablement probable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a été retenu, au titre de la perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle, l'existence d'une perte de chance de devenir gardien de la paix.
- Sur les préjudices :
A ) Préjudices patrimoniaux :
- Frais médicaux restés à charge :
Rien ne permet de faire le lien entre l'accident du 1er décembre 2006 et les soins d'etiopathie dispensés en novembre et décembre 2008, et ceux d'ostéopathie d'octobre et novembre 2009. De même, la liste de frais médicaux restés à charge ne peut, en l'absence de tout élément probant, être imputée à l'accident. Le jugement sera donc infirmé sur la somme de 372,73 euros retenue, et Mme [B] déboutée de cette demande.
- Frais divers :
Les honoraires d'assistance médicale lors de l'expertise ne sont pas contestés et seront confirmés à hauteur de 850 euros. L'estimation des frais de transport, en l'absence de tout justificatif, sera confirmée à hauteur de 150 euros. Le lien entre les frais de découvert bancaire et l'accident ne résulte d'aucun élément, et le rejet de cette demande sera également confirmé. Le montant retenu de 1 000 euros au titre des frais divers sera ainsi confirmé.
- Perte de gains professionnels actuels :
Il n'est pas contesté que Mme [B] a bénéficié du maintien de sa rémunération au cours de son contrat temporaire au sein de la police nationale, jusqu'en août 2007. Elle ne démontre donc aucune perte de revenu en lien de causalité avec l'accident. Le jugement sera donc infirmé en ce que la somme de 8 880 euros lui a été allouée à ce titre.
- Perte de gains professionnels futurs :
Il doit être rappelé que Mme [B], née en 1980, avait 27 ans lors de la consolidation. Etant exclue toute perte de chance de devenir gardien de la paix, elle ne démontre la réalité d'aucune perte de gains professionnels futurs, son jeune âge lui permettant au contraire d'espérer, même dans le cadre de la fonction publique territoriale, une évolution de carrière positive.
- Incidence professionnelle :
La pénibilité accrue de tout emploi, liée à une raideur douloureuse et persistante du cou est certaine. En revanche, l'âge de la victime exclut tout préjudice lié à l'incidence des séquelles sur ses droits à retraite et la perte de chance de devenir gardien de la paix n'étant pas retenue, il n'y a pas lieu de réparer le changement de profession allégué. Il sera alloué de ce chef la somme de 15 000 euros.
B ) Préjudices extra-patrimoniaux :
- Déficit fonctionnel temporaire :
Le calcul effectué par le tribunal sur la base de 23 euros par jour sur 549 jours doit être confirmé, en sorte que ce poste de préjudice le sera également à hauteur de 6 313,50 euros.
- Souffrances endurées et déficit fonctionnel permanent : ces postes ne sont pas sérieusement discutés et seront confirmés pour les montants fixés par le tribunal, soit 3 500 euros et 6 500 euros.
- Préjudice d'agrément :
Il est constant que la pratique du football est dorénavant impossible à Mme [B], et ce poste de préjudice sera réparé par la somme de 2 000 euros.
- Sur les autres demandes :
Le principe de l'obligation de réparer d'Axa n'étant pas remis en cause, il y a lieu de mettre les dépens à sa charge.
Le présent arrêt sera déclaré commun à la CPAM de l'Essonne.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, l'indemnité allouée à Mme [B] en première instance étant cependant confirmée, ainsi que la charge des dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement déféré sur l'obligation de réparer le préjudice mise à la charge de la société Axa France IARD,
Infirmant le jugement déféré sur les dépenses de santé restées à charge, les pertes de gains professionnels actuels, l'incidence professionnelle et le préjudice d'agrément, et statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute Mme [B] de ses demandes au titre des dépenses de santé restées à charge et des pertes de gains professionnels actuelles et futures,
Fixe à 15 000 euros la réparation de l'incidence professionnelle et à 2 000 euros celle du préjudice d'agrément,
Confirme le jugement déféré sur les autres postes de préjudice, les intérêts et l'indemnité de procédure allouée par le tribunal,
Complétant le jugement, récapitule comme suit la totalité des postes de préjudices subis par Mme [B], indépendamment des sommes dues aux tiers payeurs mais provisions non déduites,
- Préjudices patrimoniaux :
dépenses de santé actuelles restées à charge: 0
frais divers (assistance à expertise 850 euros
et transports 150 euros)1 000,00 euros
perte de gains professionnels actuels0
perte de gains professionnels futurs0
incidence professionnelle15 000,00 euros
- Préjudices extra-patrimoniaux :
déficit fonctionnel temporaire 6 313,50 euros
souffrances endurées3 500,00 euros
déficit fonctionnel permanent6 500,00 euros
préjudice d'agrément2 000,00 euros
Condamne la société Axa France IARD à payer ces sommes en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
Confirme le jugement déféré sur la charge des dépens de première instance et l'indemnité de procédure allouée à Mme [B],
Y ajoutant,
Condamne la société Axa France IARD aux dépens du présent appel, avec recouvrement direct,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de l'Essonne.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,