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17/02/2015 | FRANCE | N°14/00005

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 17 février 2015, 14/00005


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

5, Rue Carnot RP 1113

78011 VERSAILLES CEDEX

12e chambre

ARRÊT DU 17/02/2015

REFUS DE TRANSMISSION

DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DR

DOSSIER : 14/00005

No Minute :

Demandeur à la question prioritaire :

SARL SOCIETE IMMOBILIERE LA COMETE

No SIRET : 442 66 0 2 05

129 Rue de l'Université

75007 PARIS

Représentant : Me Elisa GUEILHERS de la SCP GUEILHERS et ASSOCIES, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire :

129 - No du dossier 265/11

Représentant : Me Frédéric PLANCKEEL, plaidant, avocat au barreau de LILLE

Défendeur :

SAS AUX GALERIES DE LA CROISETT...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

5, Rue Carnot RP 1113

78011 VERSAILLES CEDEX

12e chambre

ARRÊT DU 17/02/2015

REFUS DE TRANSMISSION

DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DR

DOSSIER : 14/00005

No Minute :

Demandeur à la question prioritaire :

SARL SOCIETE IMMOBILIERE LA COMETE

No SIRET : 442 66 0 2 05

129 Rue de l'Université

75007 PARIS

Représentant : Me Elisa GUEILHERS de la SCP GUEILHERS et ASSOCIES, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 129 - No du dossier 265/11

Représentant : Me Frédéric PLANCKEEL, plaidant, avocat au barreau de LILLE

Défendeur :

SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE

No SIRET : 695 721 902

14-16 rue Marc Bloch

92110 CLICHY

Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SARL BVK AVOCATS ASSOCIES, postulant avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 26 - No du dossier 15763

Représentant : Me Jean-Pierre BLATTER, plaidant, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION :

Dominique ROSENTHAL, Président

François LEPLAT, Conseiller

Hélène GUILLOU, Conseiller

assisté de Alexandre GAVACHE, greffier

Vu l'appel interjeté le 3 juin 2014, par la société Immobilière de la Comète :

- d'un jugement rendu le 5 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a:

* rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité,

* condamné la société Immobilière de la Comète à payer à la société Aux Galeries de la Croisette une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

* condamné la société Immobilière de la Comète aux dépens liés à la question prioritaire de constitutionnalité,

- d'un jugement rendu le 27 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

* déclaré irrecevable la demande de la société Immobilière de la Comète en nullité de l'acte de renouvellement,

* rejeté la demande subsidiaire de la société Immobilière de la Comète en fixation du loyer de renouvellement et ses demandes subséquentes,

* condamné la société Immobilière de la Comète à verser à la société Aux Galeries de la Croisette la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

* débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* condamné la société Immobilière de la Comète aux dépens;

Vu les écritures en date du 2 septembre 2014, aux termes desquelles la société Immobilière de la Comète soumet à la cour une question prioritaire de constitutionnalité;

Vu les dernières écritures en date du 26 novembre 2014, par lesquelles la société Immobilière de la Comète demande, en substance à la cour, de:

* infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 5 juillet 2012,

* ordonner que soit transmise à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité dans les termes suivants:

L'article L.145-33 du code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation, qui lui donne un caractère supplétif de volonté, ne porte t-il pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789?,

* ordonner qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision,

* rejeter toutes les demandes de la société Aux Galeries de la Croisette,

* condamner la société Aux Galeries de la Croisette au paiement d'une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

Vu les écritures en date du24 octobre 2014, aux termes desquelles la société Aux Galeries de la Croisette prie la cour de:

* de confirmer le jugement du 5 juillet 2012,

* débouter la société Immobilière de la Comète de ses demandes,

* condamner la société Immobilière de la Comète aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu le visa apposé par le ministère public le 8 décembre 2014, auquel le dossier a été transmis;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ;

Qu'il ressort de l'article 23-1 de l'ordonnance no58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, que le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé ;

Considérant, en l'espèce, que la société Immobilière de la Comète soutient que l'article L.145-33 du code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation qui lui donne un caractère supplétif de volonté, porte atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789;

Qu'elle rappelle l'historique des relations entre les parties, énonçant que:

- par acte sous seing privé des 31 octobre et 6 novembre 1961, elle a consenti un bail à la société d'Exploitation du supermarché de Seine et Oise, portant sur des locaux situés à Poissy, pour une durée de 30 ans, moyennant un loyer annuel de 158.525 francs du 1er novembre 1961 au 31 décembre 1963, et à partir du 1er janvier 1964 moyennant un loyer variable égal à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé dans les lieux loués, affecté d'un coefficient de 0,72, déterminé de façon définitive et pour tout le temps du bail et de ses renouvellements éventuels, un loyer minimum égal à 158.525 francs étant garanti au bailleur,

- venant aux droits de la société d'Exploitation du supermarché de Seine et Oise, la société Aux Galeries de la Croisette exploite un magasin Monoprix dans les locaux loués,

- le minimum du loyer a été porté à 162.350 francs annuel par avenant du 12 juin 1962, le pourcentage sur chiffre d'affaire étant fixé à 0,89 par avenant du 4 juillet 1968,

- en 1984, a été supprimé le rayon alimentaire du magasin Monoprix, de sorte que le loyer annuel de 244.398 francs en 1984, a baissé pour s'établir à 213.189 francs en 1996,

- par arrêt du 22 mars 1990, la cour d'appel de Versailles a débouté la société Immobilière de la Comète de ses demandes tendant à la révision du bail, un pourvoi en cassation a été rejeté par un arrêt du 4 mars 1992,

- parallèlement, le bail étant arrivé à expiration le 1er novembre 1991, la société bailleresse a délivré un congé avec offre de renouvellement,

- par jugement du 26 septembre 1995, le tribunal de grande instance de Versailles a fixé le montant du loyer à la valeur locative, soit à 1.141.728 francs, 174.055 euros,

- par arrêt du 16 octobre 1997, la cour d'appel de Versailles, conformément à la décision rendue par la Cour de cassation le 10 mars 1993, jurisprudence dite ¿Théâtre Saint Georges", a infirmé le jugement,

- le 29 septembre 1999, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles,

- par jugement du 2 octobre 2001, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Immobilière de la Comète de ses demandes tendant notamment à la requalification du contrat de bail en contrat de société,

- le 25 juin 2010, la société Immobilière de la Comète a donné congé à la société Aux Galeries de la Croisette pour le 31 décembre 2010, avec offre de renouvellement moyennant un loyer porté à la somme annuelle de 265.000 euros,

- le 21 octobre 2011, elle a assigné la société locataire en nullité du bail de renouvellement, subsidiairement en résiliation du bail pour perte de la chose louée, plus subsidiairement en fixation du loyer en renouvellement à la somme principale de 265.000 euros,

- par jugement du 27 mars 2014, le tribunal de grande instance de Versailles a déclaré irrecevable la demande en nullité de l'acte de renouvellement, a rejeté la demande subsidiaire en fixation du loyer de renouvellement;

Considérant que la société Immobilière de la Comète a soumis au tribunal de grande instance de Versailles une question prioritaire de constitutionnalité dans les termes suivants: l'article L.145-33 du code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation qui lui donne un caractère supplétif de volonté, ne porte t-il pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?;

Que par jugement du 5 juillet 2012, le tribunal a rejeté la demande de transmission de cette question à la Cour de cassation;

Que la société Immobilière de la Comète soumet à la cour la même question prioritaire de constitutionnalité;

Sur le moyen tiré de l'atteinte portée par l'article L.145-33 du code de commerce au droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens:

Sur la recevabilité du moyen:

Considérant que le moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété garanti par la Constitution a été présenté à l'audience dans un écrit distinct des autres observations de la société Immobilière de la Comète et motivé; qu'il est donc recevable;

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:

Considérant que l'article 23-2 de l'ordonnance no58-1067 du 7 novembre 1958 dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies:

1o La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2o Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3o La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux;

Considérant que la société Aux Galeries de la Croisette, pour s'opposer à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, soutient que la condition 1o de l'article précité n'est pas satisfaite, dès lors que l'article L.145-33 du code de commerce n'est pas applicable à la demande subsidiaire de la société Immobilière de la Comète tendant à la fixation du loyer du bail en renouvellement;

Qu'elle expose que la fixation du loyer du bail en renouvellement n'est régie que par la convention des parties, à l'exclusion des dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce et que ce que reproche la société Immobilière de la Comète à cette disposition est de ne pas pouvoir constituer le fondement de ses prétentions;

Mais considérant que la société Immobilière de la Comète réplique justement qu'il suffit que la question soit en lien avec l'argumentation des parties, qu'il n'est pas nécessaire que la disposition critiquée soit nécessaire à la solution du litige, le juge de la question prioritaire de constitutionnalité n'ayant pas à préjuger du fond, qu'en l'espèce, les parties s'opposent sur l'applicabilité même au litige de l'article L.145-33 du code de commerce, tel qu'interprété par la jurisprudence "Théâtre Saint George";

Considérant ainsi que l'applicabilité se rapportant non pas à la solution du litige mais au litige lui-même, est remplie la condition 1o de l'article précité ;

Qu'il n'est pas démenti que la portée donnée aux dispositions de l'article L.145-33 n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, de sorte qu'est également satisfaite la condition 2o de cet article;

Considérant concernant la condition no3, tenant au caractère sérieux de la question posée, que la société Immobilière de la Comète rappelle que l'article L.145-33 du code de commerce dispose que le montant des loyers de baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative, qu'à partir de l'année 1979 la Cour de cassation a estimé que ce texte n'était que supplétif de volonté et qu'il laissait place à la liberté des parties quant aux modalités de fixation du loyer de renouvellement dans leur bail, que la solution relative aux loyers-recettes s'inscrivait dans une tendance de l'élargissement de la liberté contractuelle et reposait sur une lecture restrictive de l'article L.145-15 du code de commerce, qui déclare de nul effet des clauses tenant en échec certaines dispositions du statut des baux commerciaux, sans viser expressément l'article L.145-33;

Qu'elle prétend que l'article L.145-33 doit être interprété comme impératif sous peine de permettre, par la stipulation d'un loyer-recettes éternellement applicable, la fixation d'un loyer attentatoire au droit de propriété;

Qu'elle soutient caractériser l'atteinte au droit de propriété, défini par l'article 544 du code civil, faisant valoir que:

- la jurisprudence "Théâtre Saint Georges" porte atteinte à son droit de propriété, puisque lorsque le bien est donné à bail, le droit de propriété et plus spécialement le droit de jouissance s'exercent exclusivement par la perception d'un loyer, de sorte que leur effectivité se mesure à l'aune du montant du loyer,

- pour les immeubles soumis au statut des baux commerciaux, le bailleur est empêché de retrouver la libre disposition du bien à l'issue du bail, sauf à s'acquitter d'une indemnité d'éviction dont le montant peut s'avérer prohibitif comme en l'espèce,

- dès lors que le loyer s'avère dérisoire, ce qu'induit la jurisprudence "Théâtre Saint Georges" en ce qu'elle pérennise le loyer initial, qui n'est même pas indexé, le montant de l'indemnité d'éviction s'annonce à l'inverse exorbitant, le droit de propriété du bailleur se réduisant à une coquille quasi-vide,

- en l'espèce, le loyer perçu n'a cessé de décroître passant de 41.589 euros en 2008 à 34.720 euros en 2013, sur la base du chiffre d'affaires réalisé par le magasin Monoprix, alors que les taxes locales non remboursées ont augmenté de façon significative, que les charges sont plus importantes que le revenu perçu;

Qu'elle relève que le droit de disposer de l'immeuble est annihilé par le montant du loyer annuel, qui rend l'immeuble invendable, exposant que toutes ses tentatives de vente ont avorté, aucun investisseur n'acceptant d'acheter un immeuble dont la rentabilité est dérisoire, qu'il n'est pas davantage envisageable de vendre l'immeuble après éviction de Monoprix, l'indemnité d'éviction étant supérieure à la valeur vénale de l'immeuble même libre;

Qu'elle souligne que la possibilité de refuser le renouvellement constitue une échappatoire théorique que l'approche concrète des droits de l'homme interdit de prendre en compte, dès lors qu'elle n'aura jamais les moyens, faute de résultats suffisants, d'accumuler les sommes nécessaires pour payer une indemnité d'éviction supérieure à la valeur vénale de l'immeuble, que plus le loyer est modique, plus l'indemnité d'éviction est grande parce que la valeur du bail augmente, de sorte qu'est caractérisée une forme d'expropriation attentatoire au droit de disposer;

Qu'elle soutient qu'il importe peu qu'elle ait consenti initialement au loyer en 1961, tant pour le bail que pour ses renouvellements éventuels puisque, si les parties ont prévu la reconduction du loyer binaire lors des renouvellements, elles n'ont pas exclu sa revalorisation à la valeur locative;

Qu'elle expose qu'en se bornant à prévoir la reconduction du loyer binaire lors des renouvellements du bail, les parties ne pouvaient imaginer qu'il deviendrait intangible et réfractaire à tout retour à la valeur locative, que l'atteinte au droit de propriété n'est pas justifiée par la volonté des parties, mais par la seule jurisprudence "Théâtre Saint Georges";

Qu'elle fait valoir qu'il importe peu que l'atteinte portée au droit de propriété par la jurisprudence "Théâtre Saint Georges" soit purement contingente, dès lors que cette atteinte aux droits fondamentaux s'apprécie de manière concrète et effective;

Qu'elle ajoute que l'atteinte au droit de propriété que subit le bailleur, qui le prive de la libre disposition de son bien, puisqu'il ne peut pas refuser le renouvellement du bail, comme en l'espèce, et le prive d'en recevoir les fruits, n'est justifiée par aucun intérêt général, seul son cocontractant profitant d'une situation confortable qui lui permet de continuer à payer des loyers sept fois inférieurs à la valeur locative des locaux;

Considérant que la société Aux Galeries de la Croisette réplique au défaut de caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité;

Qu'elle relève le caractère supplétif de la volonté des parties des dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce, que la Cour de cassation n'a fait que rappeler depuis l'arrêt "Théâtre Saint Georges", qui est de nature à exclure toute atteinte au droit de propriété du bailleur contraire aux dispositions des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen;

Qu'elle souligne qu'aucune atteinte au droit de propriété ne peut résulter pour le bailleur du fait que l'article L.145-33 du code de commerce n'interdit pas que le bailleur soit lié, lors des renouvellements du bail, par les modalités de fixation du bail renouvelé auxquelles il a librement consenti;

Qu'elle expose qu'inversement, cet article n'interdit pas aux parties de s'accorder, soit dans la cadre du bail initial, soit par avenant, soit encore au moment du renouvellement, sur la fixation du bail renouvelé à la valeur locative;

Qu'elle fait valoir que sous couvert de contester la constitutionnalité des dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce, en ce qu'elles sont supplétives de volonté, ce sont les stipulations mêmes du bail, relatives à la fixation du loyer initial et lors des renouvellements successifs, que la société Immobilière de la Comète voudrait remettre en cause;

Qu'elle soutient que c'est en vertu de l'article 1134 du code civil, que la société bailleresse est tenue par les dispositions du bail qu'elle a conclu concernant la fixation du loyer en renouvellement et non à raison des dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce, de sorte que l'allégation selon laquelle le consentement du propriétaire n'est pas exclusif d'une éventuelle atteinte à son droit de propriété est indifférente pour savoir si la question soulevée est ou non dépourvue de caractère de sérieux;

Qu'elle affirme qu'il n'y a pas de rapport de nécessité entre les dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce telles qu'interprétées par la Cour de cassation et une atteinte au droit de propriété du bailleur contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen;

Qu'elle ajoute que les arguments invoqués par la société Immobilière de la Comète sont purement circonstanciels;

Considérant qu'il est acquis aux débats que par arrêt rendu le 10 mars 1993, (Théâtre Saint Georges) la Cour de cassation a validé le régime contractuel de la clause à loyer variable, retenant au visa de l'article 1134 du code civil, que la fixation du loyer renouvelé d'un bail stipulant un loyer constitué par une redevance sur le montant des recettes, échappe aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et n'est régie que par la convention des parties;

Considérant que les dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce sont issues du premier alinéa de l'article 23 du décret du 30 septembre 1953, lequel n'a jamais figuré dans la liste des dispositions d'ordre public visées par l'article 34 de ce décret;

Que ces dispositions légales, telles qu'interprétées par la Cour de cassation aux termes de l'arrêt précité, n'impliquent pas nécessairement pour le bailleur la perception d'un loyer de renouvellement inférieur à la valeur locative, ni même l'obligation, s'il refuse le renouvellement, de verser une indemnité d'éviction supérieure à la valeur des locaux loués;

Qu'en effet, en fonction des stipulations du bail relatives à la fixation du loyer en renouvellement, des résultats du preneur, de la variation de la valeur locative des locaux loués pendant le cours du bail expiré qui dépend de facteurs extérieurs aux parties, le loyer en renouvellement peut être supérieur à la valeur locative et l'indemnité d'éviction inférieure à la valeur vénale des locaux;

Considérant que ces dispositions n'imposent pas davantage que le bailleur ne puisse faire face aux charges de l'immeuble, voire de trouver un acquéreur lors de sa vente, seules les stipulations du bail, notamment relatives au montant du loyer en renouvellement, aux charges et réparations afférentes à l'immeuble, pouvant mettre le bailleur en difficulté pour assumer les charges ou vendre son bien;

Qu' à ce titre, la société Aux Galeries de la Croisette relève justement que la condition tenant à ce que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux s'apprécie abstraitement, indépendamment du litige l'opposant à la société Immobilière de la Comète;

Considérant ainsi, que sous couvert de contester la constitutionnalité des dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce, en ce qu'elles sont supplétives de volonté, ce sont les stipulations mêmes du bail, relatives à la fixation du loyer initial et lors des renouvellements successifs, que la société Immobilière de la Comète entend remettre en cause;

Que force est de constater que les parties sont librement convenues d'un loyer variable, égal à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé dans les lieux par la société preneuse, pour tout le temps du bail restant à courir et de ses renouvellements éventuels;

Qu'elles ont exclu de leurs prévisions contractuelle toute fixation du loyer minimum garanti par référence à la valeur locative et toute clause d'indexation;

Que le loyer d'un bail commercial en renouvellement ne devant pas être nécessairement fixé à la valeur locative, cette exclusion ne saurait être attentatoire à la liberté contractuelle ou au droit de propriété;

Considérant dans ces circonstances, que la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Immobilière de la Comète : l'article L.145-33 du code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation qui lui donne un caractère supplétif de volonté, ne porte t'il pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?, est dépourvue de caractère sérieux;

Considérant qu'il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation cette question prioritaire de constitutionnalité ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Que la société Immobilière de la Comète supportera la charge des dépens;

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 5 juillet 2012,

Rejette la demande de transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité;

Dit que les parties et le ministère public seront avisés de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Immobilière de la Comète aux dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Dominique Rosenthal, Président, et par M. Alexandre Gavache, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00005
Date de la décision : 17/02/2015
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Analyses

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ - Code de commerce. - Articles L. 145-33. - Droit de propriété. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

La question transmise est la suivante : « L'article L.145-33 du code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation, qui lui donne un caractère supplétif de volonté, ne porte t-il pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ? » Les conditions tenant à l’applicabilité au litige et à l’absence de déclaration antérieure de conformité à la Constitution sont remplies. La condition tenant à ce que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux s'apprécie abstraitement, indépendamment du litige. Ainsi appréciée, la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que la fixation du montant des loyers des baux renouvelés ou révisés selon les clauses du contrat de bail n’impliquent nécessairement pour le bailleur, ni la perception d'un loyer de renouvellement inférieur à la valeur locative, ni l'obligation, s'il refuse le renouvellement, de verser une indemnité d'éviction supérieure à la valeur des locaux loués, ni qu’il ne puisse pas faire face aux charges de l'immeuble, ni enfin qu’il subisse une diminution de la valeur vénale de l’immeuble. En effet ces éventuels effets proviennent des stipulations du bail et non de la teneur de l’article L.145-33 pas plus que de l'interprétation qu'en fait la jurisprudence en ne lui reconnaissant pas de caractère d'ordre public. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation cette question prioritaire de constitutionnalité.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2015-02-17;14.00005 ?
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