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10/02/2015 | FRANCE | N°14/01097

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 février 2015, 14/01097


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 FEVRIER 2015



R.G. N° 14/01097



AFFAIRE :



SA TRANSDEV ILE DE FRANCE



C/



Sylvie [W]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : Commerce

N° RG : 13/00175





Copies ex

écutoires délivrées à :



AARPI NMCG AARPI



Sylvie [W]



UL CGT DE CHATOU



Copies certifiées conformes délivrées à :



SA TRANSDEV ILE DE FRANCE



[K] [Q]



le :





Copie Pôle Emploi le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 FEVRIER 2015

R.G. N° 14/01097

AFFAIRE :

SA TRANSDEV ILE DE FRANCE

C/

Sylvie [W]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : Commerce

N° RG : 13/00175

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI NMCG AARPI

Sylvie [W]

UL CGT DE CHATOU

Copies certifiées conformes délivrées à :

SA TRANSDEV ILE DE FRANCE

[K] [Q]

le :

Copie Pôle Emploi le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX FEVRIER DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA TRANSDEV ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sonia ABODJA de l'AARPI NMCG AARPI, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame Sylvie [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Comparante

Assistée de M. [R] [Q], délégué syndical ouvrier

INTIMEE

UL CGT DE CHATOU

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par M. [R] [Q], délégué syndical ouvrier

INTERVENANTE VOLONTAIRE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame [L] [S], président,

Madame Mariella LUXARDO, conseiller,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [W] a été embauchée le 2 janvier 1996 en qualité de conducteur-receveur par la société CGEA aux droits de laquelle s'est trouvé la société VÉOLIA TRANSPORT devenue TRANSDEV IDF.

Elle a été promue au poste d'agent d'exploitation le 30 avril 2007 puis le 29 septembre 2009 sa nomination au poste d'adjointe d'exploitation a été annoncée par la direction du site, en vue de superviser l'activité des conducteurs. Depuis le 1er avril 2010, elle s'est vue reconnaître le coefficient 175 du groupe 4 de la catégorie agent de maîtrise de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

Madame [W] considère avoir été victime d'agissements constititifs de harcèlement moral suite à l'arrivée du nouveau directeur du site Monsieur [G] en juin 2012. Elle a été arrêtée pour accident du travail le 29 septembre 2012 jusqu'au 18 janvier 2013, date à laquelle le médecin du travail l'a déclarée apte lors de la visite de reprise.

Le 21 janvier 2013 à 17h00, la société TRANSDEV lui a notifié oralement sa mise à pied à titre conservatoire et l'a convoquée par lettre datée du même jour à un entretien préalable tenu le 31 janvier. Elle avait été arrêtée par son médecin le 21 janvier, arrêt de travail renouvelé jusqu'à son licenciement.

Le 12 mars 2013, la société TRANSDEV l'a licenciée pour faute grave, invoquant une série de faits relevant de l'insubordination.

Le 7 mars, le tribunal d'instance de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE avait annulé sa désignation en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise faite le 21 janvier par l'Union locale CGT de SARTROUVILLE.

Le 17 avril 2013, Madame [W] a saisi le conseil de prud'hommes de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE aux fins de faire annuler le licenciement au motif qu'elle s'estimait victime de discrimination et de harcèlement moral, l'Union locale CGT de CHATOU étant intervenue à l'instance devant le bureau de conciliation du 6 juin 2013.

Par jugement du 6 février 2014, le conseil de prud'hommes de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE faisant droit aux demandes sur le fondement du harcèlement moral a :

ORDONNÉ la réintégration de Madame [W] dans ses fonctions,

CONDAMNÉ la société TRANSDEV IDF à lui payer une indemnité compensatrice égale aux salaires bruts perdus entre la date d'effet du licenciement du 12 mars 2013 et la réintégration effective sur la base d'un salaire mensuel moyen brut de 2.931,14  €,

CONDAMNÉ la société TRANSDEV IDF à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTÉ Madame [W] et l'Union locale CGT de CHATOU de leurs autres demandes,

ORDONNÉ l'exécution provisoire,

CONDAMNÉ la société TRANSDEV IDF aux dépens de l'instance.

La société TRANSDEV IDF a fait appel de ce jugement le 24 février 2014.

Les parties ont été invitées à comparaître au 10 octobre 2014, date à laquelle Madame [W] et l'Union locale CGT de CHATOU confirmant leur demande écrite présentée par lettre du 15 août 2014, ont demandé le renvoi devant la formation collégiale.

Les parties étant d'accord sur un renvoi à bref délai, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 2 décembre 2014 date à laquelle elles ont soulevé chacune des incidents de communication, la cour les ayant invitées à s'expliquer sur le fond en vue de rendre une décision sur ces incidents et le cas échéant sur le fond.

Par ailleurs, Madame [W] qui avait repris son poste le 4 mars 2014, a été arrêtée depuis le 19 mars, la CPAM des YVELINES ayant rejeté le caractère professionnel de l'accident qu'elle avait déclaré, et se trouvait toujours arrêtée au jour de l'audience.

Le 25 mars, elle a été désignée représentante syndicale au comité d'entreprise par l'Union locale CGT de CHATOU et élue le 16 octobre 2014, membre du CHSCT en remplacement d'un membre démissionnaire.

Sur quoi

Sur la demande de renvoi et les incidents de communication

Compte tenu de la particularité du litige, la salariée ayant été réintégrée à la suite d'un licenciement dont le conseil de prud'hommes de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a considéré qu'il était frappé de nullité en raison d'un harcèlement moral, mais Madame [W] faisant également valoir à l'audience du 2 décembre 2004 que la réintégration était un échec et sollicite la résiliation du contrat de travail, la demande de renvoi présentée par celle-ci et à laquelle la société TRANSDEV IDF s'oppose, doit faire l'objet d'un examen spécifique, alors qu'au surplus les parties avaient sollicité conjointement lors de l'audience du 10 octobre 2014 un renvoi à bref délai.

S'agissant de la communication des conclusions et pièces par la société appelante, laquelle est mise en cause par Madame [W] au soutien de sa demande de renvoi, il convient de constater que la communication des conclusions par la société TRANSDEV IDF dans le délai imparti n'est pas contestée par Madame [W] qui demande par ailleurs que soient écartées les pièces 47 à 77 communiquées la veille de l'audience.

S'agissant de la communication des conclusions et pièces par la salariée, la société TRANSDEV IDF demande d'écarter les conclusions et pièces 59 à 64 communiquées le 17 novembre 2014.

La cour décide d'écarter les pièces contestées par chacune des parties comme ayant été communiquées tardivement mais constate en revanche que les conclusions respectives ont été régulièrement communiquées dès lors notamment que la société TRANSDEV IDF a repris les termes des demandes de Madame [W] dans se propres conclusions, la salariée concluant au principal à la confirmation du jugement sur le licenciement prononcé le 12 mars 2013, de sorte que la cour est en mesure de statuer sur l'appel concernant les éléments invoqués devant le conseil de prud'hommes au soutien de la demande de nullité du licenciement, la réouverture des débats devant le cas échéant être ordonnée pour statuer sur le litige postérieur à la réintégration et sur la demande de résiliation présentée par Madame [W] en appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est exprésement renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, aux conclusions soutenues à l'audience concernant les éléments du litige antérieurs au jugement du 6 février 2014.

Sur le licenciement et le harcèlement moral invoqué par Madame [W]

La lettre de licenciement du 12 mars 2013 est motivée par une série de faits relevant de l'insubordination de Madame [W].

A l'appui de son appel, la société TRANSDEV IDF soutient que Madame [W] a fait preuve d'une insubordination en réïtérant ses refus de se présenter aux entretiens sollicités par ses responsables, tenant des propos diffamatoires à leur égard, son comportement constitutif d'une faute grave ayant justifié son licenciement.

Madame [W] fait valoir que son licenciement constitue l'aboutissement d'un harcèlement moral dont elle s'estime victime de la part du nouveau directeur Monsieur [G] nommé sur le site en juin 2012, qui s'est traduit par un abus de pouvoir et des intimidations ayant abouti à sa séquestration le 28 septembre 2012 pendant plus de 30 minutes dans le bureau du directeur, expliquant son arrêt de travail, ces intimidations ayant repris à son retour dans l'entreprise, le 18 janvier 2013.

Ces prétentions doivent conduire à l'examen préalable des éléments invoqués au soutien du harcèlement moral.

En application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, il ressort des conclusions et lettres adressées par Madame [W] que sa prétention de harcèlement moral est fondée sur le déroulement de faits ciblés sur quelques jours, à savoir le 28 septembre 2012 au cours duquel elle invoque une séquestration dans le bureau du directeur, et d'autre part les vendredi 18 et lundi 21 janvier 2013 au cours desquels elle a refusé de se rendre aux entretiens sollicités par le directeur à la suite de sa reprise du travail.

S'agissant des faits du 28 septembre 2012, les pièces produites par les parties ne permettent pas de retenir une atteinte aux droits de la salariée dès lors qu'il résulte des mails que la salariée produit, que l'entretien sollicité en fin de journée par le directeur, faisait suite à plusieurs échanges de mails dans la journée entre Madame [W] et Madame [V] responsable au bureau d'études, échanges dont le directeur était en copie dès l'origine, à l'initiative de Madame [W], qui avait signalé en matinée des difficultés de temps de parcours sur une ligne de transports.

Lors de ces échanges, Madame [V] avait proposé à plusieurs reprises une réunion pour trouver une solution, Madame [W] ayant refusé d'y participer considérant qu'elle n'était pas concernée.

L'opportunité de la tenue de cet entretien est l'expression du pouvoir de direction de l'employeur et constitue une décision légitime au vu du refus de la salariée de participer sans motif à une réunion nécessaire à l'amélioration du service.

En outre, cet entretien n'a pas été à l'origine d'une prétendue séquestration dès lors qu'il ressort des termes de la plainte déposée le 19 octobre par Madame [W] auprès des services de police, qu'il y a eu tout au plus un échange vif devant la porte, au moment de son départ du bureau, mais qui ne peut pas correspondre à une séquestration de 30 minutes, la société produisant au surplus une attestation d'un salarié qui évoque un entretien de 5 minutes, conforme à de stricts échanges sur les faits litigieux, aucun élément de preuve ne venant étayer des éclats de voix ou un entretien d'une durée anormale.

Les attestations produites par Madame [W] ne comportent pas de relation directe sur les prétendus faits de séquestration ou de harcèlement, se limitant à évoquer les conseils que la salariée avait pris auprès des élus, Madame [H] et Monsieur [J], lesquels n'apportent aucune précision sur des éléments susceptibles de caractériser la réalité de ces faits.

L'attestation de Monsieur [B] se limite à constater que Madame [W] était en pleurs après l'entretien, mais ne rapporte aucun élément sur le déroulement de l'entretien.

Egalement, la pétition signée au soutien de Madame [W] ne permet pas de constituer un élément de preuve concernant la réalité des faits, ni le SMS du directeur adressé le 29 septembre pour lui dire de se reposer, dont une copie d'écran est communiquée, qui ne reflète aucune agressivité ni aveu, mais exprime un simple de message de soutien à la salariée qui avait été arrêtée par son médecin.

S'agissant de l'attestation de Madame [M], elle n'apporte pas plus de précisions sur les faits du 28 septembre. Il convient au demeurant de constater, tel que le relève la société, que Madame [W] avait été entendue le 6 septembre 2012 à la suite du départ de Madame [M] qui avait terminé sa période d'apprentissage d'un an en se plaignant de pressions de la part de ses supérieures du bureau d'études, Madame [W] évoquant des tensions entre l'exploitation et le bureau d'études, mais de manière modérée et sans évoquer des blocages avec le nouveau directeur arrivé en juin.

S'agissant des faits qui se sont déroulés les 18 et 21 janvier 2013, ils ont fait l'objet d'un rapport d'enquête du CHSCT à la demande de la salariée.

Ce rapport peut être examiné dans le cadre de l'instance, peu important la diffèrence existant sur quelques mots figurant en dernière page sur les conclusions du rapport, faisant apparaître les mots d'accident du travail dans l'exemplaire produit par la salariée, les signatures étant différentes entre les 2 versions, mais sachant que les constatations figurant sur les autres pages du rapport sont identiques.

Il résulte des termes de ce rapport que Madame [W] qui avait repris le travail le 18 janvier 2013 après son arrêt de 3 mois, avait refusé de se rendre aux entretiens sollicités par le directeur, évoquant la séquestration du 28 septembre, exigeant, avant tout entretien, l'envoi d'une convocation préalable par lettre recommandée avec accusé de réception et assistance par un salarié de son choix.

Ces exigences, confirmées par les courriers échangés entre les parties, ne sont pas légitimes dès lors que le directeur de l'établissement dispose de l'autorité sur le site lui permettant de rencontrer tous les salariés, sans recourir à la mise en oeuvre d'un formalisme applicable à la seule procédure disciplinaire.

En outre, Madame [W] s'est plaint de ne pas avoir eu accès à son bureau ni à son ordinateur. Or, il ressort de ses propres déclarations qu'elle a pu accéder à son bureau, en constatant toutefois qu'elle n'avait pas pu utiliser son ordinateur, la société expliquant que les codes étaient changés tous les mois.

S'il n'est pas donné plus d'explications sur le défaut de mise à jour de ces codes, il sera toutefois relevé que Madame [W] n'a pas pris l'initiative de signaler cette difficulté qui a persisté sur seulement 2 jours alors que, sur cette durée, se sont déroulés la visite de reprise, des entretiens avec Madame [C], responsable d'exploitation, nécessités par la reprise après un arrêt de longue durée, et une réunion plan neige, dont elle considère, lors de son audition par le CHSCT, qu'elle devait en avoir la responsabilité, alors que cette prétention n'est pas développée dans les conclusions de manière plus précise.

En réalité, les prétentions de harcèlement sont limitées à 2 jours, pendant lesquels le directeur a tenté de rencontrer Madame [W], une fois le 18 janvier et 2 fois le 21 janvier, s'opposant à un refus non légitime.

En définitive, les éléments de l'espèce révèlent, dans un contexte de tensions entre 2 services, l'exploitation et le bureau d'éttudes, tensions qui ne sont pas invoquées comme dégradation des conditions de travail de Madame [W], et caractérisent, non pas des faits de harcèlement moral mais des refus de la salariée de répondre aux demandes d'entretien sollicité par le directeur du site, sans motif légitime, - l'entretien du 28 septembre 2012 s'étant déroulé sans la preuve d'excès susceptibles d'engendrer une atteinte à ses droits, à sa dignité ou à sa santé, et faisant suite à un refus illégitime de Madame [W] de participer à une réunion de service.

Les prétentions de harcèlement doivent par suite être rejetées, contrairement à ce qui a été jugé par le conseil de prud'hommes de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE.

S'agissant du bien-fondé du licenciement, il sera relevé au préalable que Madame [W] ne peut pas utilement invoquer l'interdiction d'une double sanction au titre de la mise à pied notifiée le 21 janvier 2013 laquelle présente un caractère purement conservatoire et ne constitue pas une sanction.

En outre, les parties sont en désaccord sur le contenu de la lettre, Madame [W] soutenant qu'elle ne comporte que 2 pages, la société TRANSDEV IDF invoquant une 3ème page intermédiaire.

La lettre ne comporte aucune numérotation ni aucune référence du nombre de pages, et se présente de manière intelligible entre les 2 pages, de sorte que seuls les termes figurant dans la lettre produite par la salariée, seront retenus et rédigés de la sorte concernant les griefs :

"- Le 18 janvier 2013 dans l'après-midi, vous avez fait preuve d'insubordination en refusant les directives orales de Madame [Z] [C], Responsable exploitation au sein de l'entreprise, alors même qu'elle vous a plusieurs fois demandé de l'accompagner dans le cadre d'un entretien de reprise prévu en ma présence.

- A cette même date, je vous ai personnellement demandé de venir me voir accompagnée de la responsable exploitation toujours dans le cadre de l'entretien précité. Vous avez maintenu votre refus, sans énoncer aucun motif, et avez quitté les lieux.

L'ensemble de ces faits nous contraints donc à procéder à votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la date d'envoi du présent courrier, sans préavis ni indemnité de licenciement."

Au vu des éléments de l'espèce, il convient de relever que les refus de Madame [W] de se rendre aux entretiens à la demande du directeur, refus qui par les motifs précédemment exposés n'étaient pas légitimes, se sont manifestés sur une période limitée, à son retour d'un arrêt maladie de longue durée, et dans des conditions particulières de tensions, même non constitutives de harcèlement moral, créant une situation nécessitant la recherche d'autres solutions que la rupture du contrat de travail, y compris sur le terrain disciplinaire, tenant compte également d'une ancienneté de 17 ans de la salariée qui avait connu des périodes de promotions régulières jusqu'en avril 2010.

La cour considère dès lors que les griefs invoqués par la société TRANSDEV IDF ne peuvent pas être de nature à constituer une cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame [W].

Il doit être précisé que le contrat de travail ayant été rompu le 12 mars 2013 du fait de la volonté de l'employeur, les désignations intervenues postérieurement au titre de mandats syndicaux se trouvent dépourvues de fondement.

En réparation du préjudice subi par la rupture du contrat, il lui sera accordé une indemnité de 45.000 €.

Sur la discrimination femme-homme

En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, Madame [W] fait valoir qu'elle subit une disparité de traitement au regard de ses 2 collègues masculins, Messieurs [N] et [K], qui occupent le même poste d'adjoints d'exploitation, disparité affectant la rémunération, la classification et la charge de travail.

En réplique, la société TRANSDEV IDF s'oppose aux prétentions de Madame [W] en soutenant qu'elle n'a pris ses fonctions que le 1er avril 2010, que ses collègues n'occupaient pas le même poste et que la surcharge de travail n'est pas démontrée.

Il ressort des pièces produites par les parties, que la société a annoncé le 29 septembre 2009 la nomination de Madame [W] au poste d'adjointe d'exploitation, l'organigramme annexé démontrant que le poste est équivalent à celui occupé par Messieurs [N] et [K].

Toutefois, la note de la direction précise que la nouvelle organisation ne sera mise en place qu'après le départ en retraite de Monsieur [A] que Madame [W] a remplacé.

La société TRANSDEV IDF a établi un avenant du 1er avril 2010 signé par la salariée, lui reconnaissant le coefficient 175 du groupe 4 de la convention collective, avec une rémunération mensuelle sur 13 mois de 2.515  € bruts.

Madame [W] ne produit pas ses bulletins de paie sur la période considérée, et ne produit aucun élément laissant supposer qu'elle a occupé son nouveau poste dès octobre 2009, contrairement aux indications qui résultent tant de l'avenant du 1er avril 2010 que de la note de septembre 2009. Il n'existe donc pas d'éléments permettant de considérer qu'elle a perçu une rémunération inférieure à celle qu'elle devait recevoir, ses conclusions précisant en outre que ses 2 collègues masculins bénéficiaient du même coefficient 175 et de la même rémunération mensuelle de 2.515 € bruts.

Par ailleurs, la société produit l'avenant au contrat de Monsieur [K] qui s'est vu reconnaître une mission spécifique nécessitant la mise à disposition d'un véhicule, de sorte que Madame [W] ne peut pas se plaindre d'une inégalité de traitement à cet égard.

Enfin, il n'est produit aucun élément sur la charge de travail, de sorte que ce moyen n'est pas sérieux au soutien de la discrimination prétendue.

En définitive, l'ensemble des demandes présentées à ce titre par Madame [W], doivent être rejetées.

Sur les demandes présentées au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé

En application de l'article L. 3174-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, Madame [W] présente une demande en paiement d'une indemnité forfaitaire de 35.000 € au titre des heures supplémentaires, réclamant également le paiement d'une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé. Elle produit uniquement une lettre datée du 15 avril 2013, adressée à son employeur pour lui réclamer le paiement des heures supplémentaires, sans précisions circonstanciées par des éléments de fait laissant supposer l'exécution de ces heures.

La sanction du travail dissimulé constitue la conséquence d'une dissimulation d'emploi qui doit être réelle, y compris par application du régime de preuve aménagé en matière d'heures supplémentaires, et le défaut de précision sur les heures supplémentaires prétendument réalisées, prive la prétention d'éléments suffisants étayant la demande.

Par suite, la demande doit être rejetée, ainsi que la demande accessoire relative au travail dissimulé.

Sur l'intervention volontaire de l'Union locale CGT de CHATOU

L'Union locale CGT de CHATOU invoque le non-respect de règles ayant porté une atteinte, non pas à la collectivité des salariés, mais le cas échéant aux droits de la salariée dont il assure la représentation en justice.

Il n'est d'ailleurs invoqué aucun élément constitutif de discrimination syndicale au titre de laquelle il porterait l'action du syndicat.

Il s'ensuit que l'action est irrecevable, le jugement devant être réformé dans ce sens.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à Madame [W]

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail étant dans le débat, la cour a des éléments suffisants pour fixer à six mois, le montant des indemnités versées à Madame [W], que la la société TRANSDEV IDF devra rembourser aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

En application des dispositions de ce texte, il convient de fixer au bénéfice de Madame [W] une indemnité de 1.500 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,

REJETTE la demande de renvoi présentée par le défenseur syndical de Madame [W],

ÉCARTE des débats les pièces 47 à 77 communiquées par la société TRANSDEV IDF et les pièces 59 à 64 communiquées par de Madame [W] en raison de leur tardivité au regard des délais de communication fiéxes par la cour,

CONFIRME le jugement du 6 février 2014 en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de la discrimination salaiale,

LE RÉFORME pour le surplus,

REJETTE la demande de nullité du licenciement fondée sur un prétendu harcèlement moral,

DIT que le licenciement du 12 mars 2013 est sans cause réeelle et sérieuse,

En conséquence,

CONDAMNE la société TRANSDEV IDF à verser à Madame [W] la somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réeelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

AUTORISE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ,

REJETTE les autres demandes présentées par Madame [W],

DÉCLARE irrecevable l'intervention volontaire de l'Union locale CGT de CHATOU,

ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Madame [W] à concurrence de 6 mois,

CONDAMNE la société TRANSDEV IDF aux entiers dépens d'instance et au paiement à Madame [W] de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par [L] [S], président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/01097
Date de la décision : 10/02/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/01097 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-10;14.01097 ?
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