COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 FEVRIER 2015
R.G. N° 14/00778
AFFAIRE :
Société civile IMMOLEASE
C/
[I] [N]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2013 par le Tribunal d'Instance de puteaux
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 11-13-000317
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Sophie JEAN
Me Mélina PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX FEVRIER DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société civile IMMOLEASE
prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Sophie JEAN de la SCP MONIQUE GUILBERTEAU-GENEVIEVE SARTON-SOPHIE JEAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire: 122
APPELANTE
****************
Monsieur [I] [N]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22744
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Novembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Serge PORTELLI, Président,
Mme Claire MORICE, Conseiller,
Madame Agnès TAPIN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY,
FAITS ET PROCÉDURE,
La société Immolease a acquis par jugement d'adjudication un appartement situé [Adresse 1].
M. [N] occupait cet appartement.
La société Immolease le considérait comme sans droit ni titre, le contrat de bail n'ayant pas été produit.
Par acte du 26 février 2013, la société Immolease a fait assigner M. [N] devant le tribunal d'instance de Puteaux pour voir prononcer la résiliation du bail, ordonner l'expulsion du défendeur sous astreinte de 75€ par jour de retard et celle de tous occupants de son chef, le transport au garde-meubles de tous objets garnissant les lieux et le voir condamner sous le bénéfice de l'exécution provisoire à lui payer la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre la fixation à la charge du débiteur d'une indemnité d'occupation mensuelle égale à la somme de 2.500€.
En réplique, M. [N] soulevait la prescription. Il expliquait qu'en raison de la saisie de l'appartement, le versement des loyers s'était effectué entre différents interlocuteurs. Il demandait la somme de 2.000€ pour ses frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 10 décembre 2013, le tribunal d'instance de Puteaux a :
- débouté la société Immolease de toutes ses demandes,
- condamné la société Immolease à payer à M. [N] la somme de 1.500€ pour ses frais irrépétibles,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toute autre demande,
- condamné la société Immolease aux dépens.
La société Immolease a relevé appel du jugement. Dans ses dernières conclusions, elle formule les demandes suivantes :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement et, statuant à nouveau,
- constater que le bail dont se prévaut M. [N] a pris effet le 15 janvier 1985 et que le loyer mensuel qui était à cette date de 5000 F a, depuis, été automatiquement indexé pour passer à 1.335,68€ en 2012, 1.364,39€ en 2013 et 1.376,65€ en 2014, hors provision sur charges de 152,45€ par mois,
- constater que M. [N] reste en conséquence redevable d'un arriéré de charges et loyers de 23.242,29€ au mois de juillet 2014 inclus, à parfaire avec le montant de la taxe d'ordures ménagères pour l'année 2013, et que le non-paiement de cette somme constitue un manquement grave à ses obligations fondamentales issues du contrat de bail,
- en conséquence, condamner M. [N] à payer à la société Immolease la somme de 23.242,29€ à parfaire avec la taxe d'ordures ménagères pour l'année 2013, au titre de l'arriéré locatif au mois de juillet 2014 inclus,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail au 1er août 2014, et ordonner l'expulsion de M. [N] et de tous occupants de son chef, avec, au besoin l'assistance de la force publique,
- ordonner l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant le local occupé en un lieu approprié, aux frais risques et périls du défendeur,
- fixer l'indemnité d'occupation à deux fois le montant du loyer courant et condamner M. [N] à payer cette indemnité à compter du 1er août 2014 et jusqu'à la libération effective des locaux et la restitution des clés,
- condamner M. [N] à hauteur de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
M. [N], intimé, dans ses dernières conclusions, formule les demandes suivantes :
- déclarer la société Immolease mal fondée en son appel,
- en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, limiter les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au titre de l'arriéré de loyers à la somme de 242,08€,
- en tout état de cause, condamner la société Immolease à lui verser la somme de 3.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit de Me Pedroletti.
MOTIFS
Le tribunal avait constaté qu'étaient versés aux débats plusieurs avis d'échéance du loyer émanant de la SARL Washington pour les années 1999 à 2013, un avis à tiers détenteur du 23 novembre 2007, une quittance de loyers pour les mois de juillet à octobre 2011 et de mars 2012, un procès-verbal de saisie attribution des loyers en date du 16 mars 2011. Il avait relevé qu'était attesté du paiement des loyers du 18 octobre 2012 au 31 mars 2013 ainsi que des loyers d'avril et mai 2013. Il en avait conclu que M. [N] avait respecté son obligation de paiement des loyers et avait rejeté les demandes de la société Immolease.
La société Immolease soutient que l'indexation du loyer doit s'appliquer à compter de l'entrée en vigueur du bail, soit le 15 janvier 1985. Elle fait valoir que M. [N] ne peut tirer aucun parti des erreurs d'indexation qui ont été commises par le cabinet Washington Immobilier. Estimant que M. [N] est de mauvaise foi et compte tenu du montant de la dette, l'appelante demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire.
M. [N] admet qu'une clause d'indexation existe bien dans le bail et qu'elle a été constamment appliquée depuis le début de la location. Il affirme qu'il a toujours payé régulièrement son loyer et demande, de ce fait, la confirmation du jugement. M. [N] soutient subsidiairement que l'indexation ne pourrait s'appliquer qu'à compter du jour où la société Immolease est devenue propriétaire soit le 18 octobre 2012 et sur le loyer alors réclamé soit 821,65€. Dès lors, indique-t-il, les condamnations prononcées ne sauraient excéder la somme de 242,08€. M. [N] s'oppose à toute résiliation du bail au motif que cette demande n'a pas été précédée d'un commandement de payer, que les rappels de loyers reconstitués depuis 1987 sont frappés de prescription, que les sommes à présent demandées n'avaient jamais été réclamées et enfin qu'il a respecté la décision du tribunal comme il respectera celle de la cour.
Le bail signé par M. [N] comportait une clause d'indexation. La date d'effet du contrat était au 15 janvier 1985, dès lors qu'il vise un indice du coût de la construction du 3ème trimestre 1984. Il apparaît la SARL Washington Immobilier, apparemment chargée de la gestion du bien, s'est trompée dans le calcul de l'indexation. L'appelante a calculé le montant des loyers indexés à partir du simulateur de l'INC et en tenant compte des différentes modifications législatives en la matière. Si la prescription interdit de réclamer des loyers quel qu'en soit le montant au-delà du délai légal, elle ne modifie pas les termes du contrat qui est la loi des parties et notamment les effets de la clause d'indexation. Il y a donc lieu de prendre en compte l'indexation du loyer telle qu'elle aurait dû intervenir dès l'entrée en vigueur du bail. Cette indexation doit être calculée à compter de janvier 1985 sur la base d'un loyer de 500€ et non à compter de la date à laquelle la société Immolease est devenue propriétaire du bien.
Il apparaît que le montant des loyers dus par M. [N] à compter du 18 octobre 2012 et jusqu'au mois de juillet 2014 inclus s'élève à la somme de 32.506,09€ et non de 35.506,09€. A cette somme doivent s'ajouter les sommes de 568,55€ et de 2.785,58€ au titre des charges des années 2012 et 2013 hors taxes d'ordures ménagères. M. [N] ayant versé au total pour cette période la somme de 15.617,93, son arriéré locatif est donc de 20.242,29€ hors taxes d'ordures ménagères.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que M. [N] était à jour du paiement de ses loyers ou, en tout cas, n'a pas répondu aux conclusions du demandeur faisant état d'un arriéré de loyer, et de condamner M. [N] à payer à la société Immolease la somme de 20.242,29€ à parfaire avec la taxe d'ordures ménagères pour l'année 2013, au titre de l'arriéré locatif au mois de juillet 2014 inclus.
Aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. Le non respect de cette règle essentielle du contrat peut justifier la résiliation judiciaire du bail, sans qu'il soit nécessaire pour le bailleur de délivrer préalablement un commandement de payer. Il apparaît en l'espèce que le manquement du locataire était dû à une erreur du précédent propriétaire ou du gestionnaire du bien et que la mauvaise foi du locataire, même s'il a profité pendant plusieurs années de cette erreur, n'est pas démontrée, le tribunal lui ayant d'ailleurs donné raison. Il y a donc lieu de rejeter la demande de résiliation et d'expulsion, de confirmer le jugement sur ce point et de dire que le bail continuera à recevoir effet.
Le jugement ayant été partiellement infirmé au fond, les dispositions par lesquelles il a condamné la société Immolease à payer à M. [N] la somme de 1.500€ pour ses frais irrépétibles et condamné la société Immolease aux dépens seront infirmées.
La société Immolease ayant obtenu en appel satisfaction sur l'essentiel de ses demandes, les entiers dépens seront à la charge de M. [N] et pourront, pour ceux d'appel, être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable de condamner M. [N], tenu aux entiers dépens, à payer, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, à la société Immolease la somme 1.000€ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Immolease aux fins de résiliation du bail, d'expulsion, de séquestration des meubles, de fixation d'une indemnité d'occupation,
- l'infirme en ce qu'il a retenu que M. [N] était à jour du paiement de ses loyers et charges et, statuant à nouveau,
- condamne M. [N] à payer à la société Immolease la somme de 20.242,29€ à parfaire avec la taxe d'ordures ménagères pour l'année 2013, au titre de l'arriéré locatif au mois de juillet 2014 inclus,
- condamne M. [N] à payer à la société Immolease la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [N] aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Mme Lise BESSON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,