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10/02/2015 | FRANCE | N°13/07823

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 10 février 2015, 13/07823


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 FEVRIER 2015



R.G. N° 13/07823



AFFAIRE :



SA BTP BANQUE





C/

[R] [P]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Octobre 2013 par le Tribunal d'Instance de PUTEAUX

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-12-826



Expéditions exécutoires

Expédi

tions

Copies

délivrées le :

à :





Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS







Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX FEVRIER DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 FEVRIER 2015

R.G. N° 13/07823

AFFAIRE :

SA BTP BANQUE

C/

[R] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Octobre 2013 par le Tribunal d'Instance de PUTEAUX

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-12-826

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX FEVRIER DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA BTP BANQUE

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 620 - N° du dossier 001392

assistée de Me Bertrand MAHL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R032

APPELANTE

****************

Madame [R] [P]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 619 - N° du dossier 20130642

assistée de Me Sylvain PRIGENT, Plaidant, avocat au barreau de BREST.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Novembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Serge PORTELLI, Président,

Mme Claire MORICE, Conseiller,

Madame Agnès TAPIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY,

FAITS ET PROCÉDURE,

Mme [P] est propriétaire d'un bien immobilier dans le Finistère. Elle y a entrepris des travaux de restauration. Un devis a été établi le 12 février 2007 par la société Goavec Pitrey portant sur le gros oeuvre pour un montant de 110.256,75€. L'ordre de service du 29 mai 2007 prévoyait une fin des travaux le 31 juillet 2007.

Par acte du 6 juin 2007, la société BTP Banque s'est portée caution personnelle et solidaire de la société Goavec Pitrey à hauteur de la somme de 5.512,83€.

Le 7 avril 2009, un second devis a été établi pour des travaux extérieurs concernant la cour pour un montant de 61.064,04€. L'ordre de service était au 10 avril 2009.

A la suite notamment de retard dans l'exécution des travaux, l'architecte et maître d'oeuvre, M. [T], a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2009 la société Goavec Pitrey de terminer les travaux extérieurs pour le 15 juillet 2009 et les travaux intérieurs pour le 30 juillet 2009.

Un litige est né lors de la réception des travaux. Le 2 juillet 2010, Mme [P] a constaté la réception avec réserves.

La société Goavec Pitrey a régularisé le procès-verbal de réception le 12 octobre 2010.

Par courrier des 26 mai, 20 juin et 8 juillet 2011 dont la portée est discutée, Mme [P] a fait état des réserves formulées et signifié à la société BTP Banque qu'elle entendait s'opposer au versement par la société BTP Banque à la société Goavec Pitrey de la retenue de garantie.

Par courrier du 7 septembre 2011, la société BTP Banque a refusé d'exécuter son engagement de caution au motif d'une irrégularité dans la réception des travaux.

Par actes des 12 et 17 septembre 2012, Mme [P] a fait assigner la société BTP Banque en condamnation au paiement de la somme de 5.512,83€ au titre de la caution, outre la somme de 1.500€ (somme portée à 2.000€) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BTP Banque a demandé de débouter Mme [P] de ses demandes et à sa condamnation à lui payer les sommes de 1.000€ à titre de dommages intérêts et de 1.500€ pour ses frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 1er octobre 2013, le tribunal d'instance de Puteaux a :

- dit recevable la demande de Mme [P],

- condamné la BTP Banque à lui payer la somme de 5.512,83€,

- condamné la BTP Banque à lui payer la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La BTP Banque, appelante, dans ses dernières conclusions, formule les demandes suivantes :

- vu les faits de l'espèce, les pièces communiquées, les dispositions des articles 1134, 1315, 1792-6 et 2308 et suivants du code civil, les dispositions de la loi du 16 juillet 1971 et ensemble leur interprétation jurisprudentielle établie, statuant à nouveau et infirmant la décision entreprise,

- dire que la caution de retenue de garantie souscrite dans le cadre de la loi du 16 juillet 1971 n'a pas pour objet, dans le plafond de 5% du montant du marché, de garantir à la bonne fin de son exécution mais seulement pour objet légal, conformément aux dispositions de l'article premier de la loi, dans le plafond maximum de 5% du marché, de garantir la représentation de la retenue en nature non pratiquée et ce, à la seule fin de satisfaire à son affectation légale spéciale,

- dire que la caution de retenue de garantie a la même affectation légale spécifique que la retenue en nature elle-même soit, et à l'exclusion de tout autre, dans le plafond de 5% du marché ou dans le plafond de la caution elle-même, la couverture des seules sommes nécessaires à l'exécution des travaux s'imposant pour assurer la levée des seules réserves régulièrement faites lors de la réception des travaux dont la régularité est subordonnée à l'observation des dispositions de la loi et notamment le caractère contradictoire,

- dire que la retenue de garantie en nature est de plein droit exclusive, à due concurrence de la prise d'effet légal de la caution de substitution et dire qu'en l'espèce, ayant pratiqué une telle retenue à concurrence de 21.648,91€, Mme [P] s'était privée du bénéfice de l'effet de caution, peu important l'affectation qu'elle ait estimé pouvoir donner à la retenue comme l'hypothétique validation de cette affectation comptable ayant pu résulter du prononcé à son profit d'une décision d'admission au passif de l'entreprise si elle se trouve justifiée,

- donner acte à la BTP de sa reconnaissance au moins partielle par la demanderesse en première instance de son absence avérée de droit au-delà de la somme de 3.282,76€ et par voie de conséquence du caractère déjà abusif de la mise en oeuvre du cautionnement pour toute somme excédant ce montant,

- dire de surcroît qu'il ne résulte d'aucune des pièces que Mme [P] ait rapporté la preuve d'une créance éligible à la garantie BTP dans son principe comme dans son quantum, en présence de réserves non détaillées, dont le Maître d'oeuvre a lui-même exclu un grand nombre de l'opposabilité à la BTP, et pour lesquelles il n'a pas été produit ni justificatif de détail, ni réclamation justifiée dans l'étendue comme dans le quantum,

- dire à cet égard que la pièce 15 en demande produite devant le tribunal ne pouvait pallier la carence probatoire initiale,

- en conséquence, débouter Mme [P] de ses prétentions et la condamner dès lors à payer à la BTP une somme de 1.000€ de dommages intérêts pour opposition et procédure abusive ainsi que 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile; la condamner pour le surplus aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction, pour ceux le concernant selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Chouteau.

Mme [P], intimée, dans ses dernières conclusions, formule les demandes suivantes:

- confirmer le jugement,

- débouter la société BTP Banque de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la société BTP Banque aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Patricia Minault conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande de Mme [P] et la forclusion

Le tribunal a considéré que la demande de Mme [P] était recevable dans la mesure où, dans le délai d'un an suivant la réception des travaux, elle avait, conformément à l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971, notifié à la société BTP Banque par un courrier certes maladroit mais non équivoque sa volonté de s'opposer au versement de la retenue.

La société BTP Banque soutient que l'opposition de Mme [P] est irrecevable car tardive, pour avoir été formée plus d'un an après la réception des travaux. Elle dénonce le changement d'argumentation de Mme [P] qui affirme désormais que la réception des travaux est intervenue le 2 octobre 2010 pour éviter la forclusion.

Mme [P] soutient que la réception des travaux est intervenue le 2 octobre 2010, que par plusieurs courriers de mai, juin et juillet 2011, dans le délai d'un an prévu par la loi, elle a manifesté son intention de s'opposer à la libération de la caution et qu'elle est donc recevable en son action.

La société BTP Banque consacre la première partie de ses écritures à la forclusion dont elle demande le prononcé. Elle ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses conclusions. Si, aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, il convient de prendre en considération un moyen formulé sans équivoque dans les motifs des conclusions, même s'il n'a pas été repris dans le dispositif des écritures.

Aux termes de l'article 2 de la loi n°71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de travaux définis par l'article 1779-3° du code civil, 'à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserve, des travaux visés à l'article précédent, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur. L'opposition abusive entraîne la condamnation de l'opposant à des dommages-intérêts.'

Il ressort de ce texte que le courrier du maître de l'ouvrage prévu par la loi doit intervenir dans le délai d'un an après la réception des travaux et qu'il doit d'autre part être exprès et sans équivoque et qu'il doit signifier son opposition motivée à la libération de la caution en se fondant sur l'inexécution des travaux.

En l'espèce, la date de réception des travaux telle que l'a d'ailleurs retenue le premier juge et telle que l'avait argumenté Mme [P] dans ses premières conclusions, est le 2 juillet 2010, un procès-verbal de réception avec réserves ayant été dressé ce jour-là.

Mme [P] a adressé à la société BTP Banque trois courriers recommandés en date des 26 mai, 20 juin et 8 juillet 2011.

Le tribunal a retenu que le courrier du 25 mai 2011 était constitutif de l'opposition requise par la loi tout en indiquant que la formulation était 'certes maladroite, mais dénuée d'équivoque'. Il note qu'en conclusion de son courrier Mme [P] interrogeait directement la société BTP Banque sur la date à laquelle elle a notifié son opposition ce qui revient à dire que le courrier ne peut faire office d'opposition. Le courrier du 20 juin 2009 ne manifeste pas davantage une opposition formelle mais l'intention d'y recourir.

Ce n'est finalement que par courrier du 8 juillet 2011 que Mme [P] a expressément et formellement manifesté son opposition à la libération de la caution. Force est de constater que le délai d'un an prévu par la loi était dépassé et que la demande de Mme [P] était atteinte par la forclusion.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevable la demande de Mme [P] et d'infirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions.

Sur la demande reconventionnelle de la société BTP Banque pour opposition abusive

La société BTP Banque soutient qu'une simple faute peut constituer l'abus visé par l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971. Elle affirme que Mme [P] qui ne pouvait rien ignorer de son absence de droit a sciemment choisi de dénaturer son engagement mais aussi la loi pour en tirer un profit illicite.

Mme [P] soutient que l'abus prévu par la loi du 16 juillet 1971 ne peut être invoqué que par l'entrepreneur et qu'elle n'a de toutes façons commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.

En prévoyant que l'opposition abusive entraîne la condamnation de l'opposant à des dommages-intérêts, la loi n'a pas entendu réserver ce recours à l'entrepreneur concerné. Il apparaît en l'espèce que Mme [P] a certes formulé son opposition de façon tardive mais que son application maladroite de la loi du 16 juillet 1971 n'était pas pour autant abusive, le premier juge lui ayant d'ailleurs donné raison. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société BTP Banque.

Sur les frais et dépens

Le jugement ayant été infirmé sur le fond, il le sera également en ce qu'il a condamné la BTP Banque à payer à Mme [P] la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société BTP Banque ayant obtenu satisfaction en ses demandes en appel, les entiers dépens seront à la charge de Mme [P] et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable de condamner Mme [P], tenue aux entiers dépens, à payer, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, à la société BTP Banque la somme de 1.000€ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

- infirme le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

- déclare Mme [P] irrecevable en son action, l'opposition prévue par l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971 ayant été formée hors délai,

- rejette l'action en dommages et intérêts de la société BTP Banque,

- condamne Mme [P] à payer à la société BTP Banque la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [P] aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Mme Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 13/07823
Date de la décision : 10/02/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°13/07823 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-10;13.07823 ?
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