COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 JANVIER 2015
R.G. N° 14/01641
AFFAIRE :
[G] [Z]
C/
SAS LE NETTOYAGE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Commerce
N° RG : 11/00965
Copies exécutoires délivrées à :
Me Céline TULLE
Me Virginie DUBOIS
Copies certifiées conformes délivrées à :
[G] [Z]
SAS LE NETTOYAGE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2013/003124 du 14/06/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
Représenté par Me Céline TULLE, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
SAS LE NETTOYAGE (316 054 147)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Virginie DUBOIS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] a été engagé par la société LE NETTOYAGE, suivant contrat à durée déterminée, le 24 février 2006 en qualité d'agent de service niveau AS1A jusqu'au 24 juin puis il s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée pour 22 h30 hebdomadaire ou 97h50 mensuelles.
Monsieur [Z] a fait l'objet le 1er mars 2010 d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, tenu le 11 et a été licencié le 16 mars 2010 pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement après deux visites médicales du médecin du travail des 18 janvier et 15 février 2010.
L'entreprise emploie au moins onze salariés. La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté.
Le salaire mensuel brut moyen était de 885,30 euros.
Monsieur [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt aux fins de voir ordonner la requalification en temps complet de son contrat de travail et faire juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et faire condamner la société LE NETTOYAGE à lui payer l'indemnité de préavis, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaires de septembre 2008 à mars 2010 et les congés payés, un rappel de salaires consécutif à la requalification demandée. La société LE NETTOYAGE s'est opposée aux demandes.
Par jugement rendu le 25 juillet 2012 le conseil de prud'hommes a condamné la société LE NETTOYAGE au rappel de salaire de 132,32 euros et aux congés payés sollicités mais l'a débouté de ses autres demandes.
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par Monsieur [Z] et d'un appel incident de la société LE NETTOYAGE contre cette décision.
Monsieur [Z] par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- requalifier en contrat à temps complet à partir de septembre 2008 et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société LE NETTOYAGE à lui verser les sommes suivantes : rappel de salaires de 188,81 euros pour la période de mai et septembre 2006, de septembre 2008 à mars 2010 de 6 778,29 euros et les congés payés par l'effet de la requalification en contrat à temps complet, le préavis de 2754,32 euros et les congés payés et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 16 525,96 euros.
La société LE NETTOYAGE par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- juger prescrite la demande de rappel de salaire de mai 2006, rejeter la demande pour le mois de septembre 2006, et celle aux fins de requalification en contrat à temps plein et de rappel de salaire de février 2009 à mars 2010, ainsi que la demande portant sur le licenciement, subsidiairement rejeter la demande,
- infirmer le jugement,
- lui allouer 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 17 novembre 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rappel de salaires au cours de l'année 2006
L'action ayant été introduite le 31 mai 2011, la demande en paiement du salaire du mois de mai 2006 est prescrite sur le fondement de l'article L 3245-1 du code du travail.
S'agissant du salaire pour septembre 2006, devant les premiers juges l'employeur a reconnu devoir la somme de 132,32 euros et les congés payés afférents de 13,23 euros correspondant au rappel de salaire sollicité ce qu'il ne conteste pas en appel. La société a toutefois fait appel incident du jugement sur ce point. En tout état de cause ce jugement sera confirmé et la société condamnée à payer ce rappel de salaire, aucune preuve d'un arrêt de maladie n'étant rapporté contrairement à ce qu'elle soutient.
Sur la demande de requalification en contrat de travail à temps complet
Pour demander la requalification en contrat de travail à temps complet à partir du mois de septembre 2008, M. [Z] soutient qu 'il a effectué dès ce mois-ci des heures de travail excédant la durée légale de travail à savoir 159,67 heures.
L'article L 3123-17 du code du travail énonce que le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat. Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accompli par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée conventionnellement prévue.
Si la priorité d'emploi prévue à l'article L 3123-8 du code du travail et énoncée à l'article à l'article 5 de la directive 1997/81CE du 15 décembre 1997 peut aussi s'exercer sur un emploi à durée déterminée, elle ne peut pas avoir pour effet de contrevenir aux règles sur le travail à temps partiel y compris à celles portant sur le nombre des heures complémentaires. Or en l'espèce les heures effectuées par le salarié au mois de septembre 2008 ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au niveau et même au delà de la durée légales de 35 heures hebdomadaires, sans aucun avenant puisque ce n'est qu'à partir du 1er octobre 2008 qu'un tel avenant a été conclu. En outre ce dernier a modifié les horaires de travail sans remettre en cause les autres clauses du contrat initial qui demeurent inchangées.
Dans ces conditions la société LE NETTOYAGE ne peut pas utilement soutenir que cet avenant a été licite puisqu'il a eu pour effet de contrevenir aux règles rappelées à l'alinéa deux de l'article L 3123-17 précité. La liberté contractuelle invoquée par l'employeur pour conclure cet avenant a pour limite le respect des règles légales relatives au contrat de travail à temps plein, ce qui n'a nécessairement pas été le cas puisqu'à plusieurs reprises la durée du travail hebdomadaire a été portée à celle équivalant à un temps plein tandis que les avenants successifs ont tous continué de ne porter que sur un contrat de travail à temps partiel.
C'est pourquoi il sera fait droit à la demande de requalification en contrat de travail à temps plein et la société LE NETTOYAGE est condamnée au paiement des salaires correspondants, cette demande étant la conséquence de la requalification ordonnée, sans qu'il soit nécessaire de tenir compte de la situation du salarié qui au cours d'une partie de la période sur laquelle porte cette requalification a été en arrêt de maladie.
Le jugement qui a rejeté la demande de ce chef sera donc infirmé.
Sur le licenciement
Monsieur [Z] conteste le licenciement car il considère que l'employeur ne peut justifier de démarches sérieuses entreprises pour son reclassement dès lors qu'il ne démontre pas ce qu'il a écrit dans la lettre à propos du nombre de personnels travaillant en station debout et du faible nombre de personnels administratifs dont tous les postes étaient pourvus. De son côté, l'employeur estime avoir procédé à des recherches sérieuses.
Les parties sont d'accord pour admettre qu'à l'issue des visites médicales le médecin du travail a déclaré Monsieur [Z] inapte à tous les postes comportant station debout prolongée, port de charges lourdes, gestes répétitifs et contraintes posturales, et apte à un poste sans contrainte physique avec position assise nécessaire.
Si la société LE NETTOYAGE allègue qu'aucun des postes administratifs n'étaient disponibles, elle ne justifie pas de l'existence de tous ces postes au vu du registre du personnel dont il n'est communiqué qu'un extrait. Mais surtout la société qui fait uniquement état de ce que la plupart de son personnel est en station debout ne rapporte pas la preuve qu' il n'existait pas de poste conforme aux préconisations du médecin du travail. C'est pourquoi le jugement qui a dit que le licenciement était fondé sera aussi infirmé, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il sera alloué à Monsieur [Z] l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents qui s'élèvent respectivement à 2 754,43 euros et 275,43 euros.
Monsieur [Z] ne justifie pas de sa situation depuis le licenciement et ne prouve pas contrairement à ce qu'il allègue un préjudice plus étendu que celui correspondant aux salaires des six derniers mois qu'il aurait perçu conformément à l'article L 1235-3 du code du travail. C'est pourquoi la cour lui alloue sur ce fondement la somme de 8 262,98 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Tenue aux dépens de première instance et d'appel la société LE NETTOYAGE est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
PRONONCE la requalification du contrat à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter de septembre 2008 ;
JUGE que le licenciement de Monsieur [Z] est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société LE NETTOYAGE à verser à Monsieur [Z] les sommes suivantes :
- 132,32 € (CENT TRENTE DEUX EUROS ET TRENTE DEUX CENTIMES) de rappel de salaire pour septembre 2006 et les congés payés afférents de 13,23 € (TREIZE EUROS ET VINGT TROIS CENTIMES) ;
- 6 778,29 € (SIX MILLE SEPT CENT SOIXANTE DIX HUIT EUROS ET VINGT NEUF CENTIMES) de rappel de salaires et celle de 678,83 € (SIX CENT SOIXANTE DIX HUIT EUROS ET QUATRE VINGT TROIS CENTIMES) de congés payés afférents pour la période de septembre 2008 à mars 2010 ;
- 2 754,43 € (DEUX MILLE SEPT CENT CINQUANTE QUATRE EUROS ET QUARANTE TROIS CENTIMES) d'indemnité compensatrice de préavis et 275,43 € (DEUX CENT SOIXANTE QUINZE EUROS ET QUARANTE TROIS CENTIMES) au titre des congés payés afférents ;
- 8 262,98 € (HUIT MILLE DEUX CENT SOIXANTE DEUX EUROS ET QUATRE VINGT DIX HUIT CENTIMES) d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
JUGE irrecevable la demande de rappel de salaire de mai 2006 et DÉBOUTE Monsieur [Z] du surplus de ses demandes ;
DÉBOUTE la société LE NETTOYAGE de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et la CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,