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16/12/2014 | FRANCE | N°14/03827

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 16 décembre 2014, 14/03827


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 85C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 DECEMBRE 2014



R.G. N° 14/03827



AFFAIRE :



SA GDF SUEZ

C/

COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SA GDF SUEZ

ET AUTRES







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 09 Juillet 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Section : Référé

N° RG : 14/01537



Expéditions exéc

utoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS



Me Philippe CHATEAUNEUF

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 85C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 DECEMBRE 2014

R.G. N° 14/03827

AFFAIRE :

SA GDF SUEZ

C/

COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SA GDF SUEZ

ET AUTRES

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 09 Juillet 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Section : Référé

N° RG : 14/01537

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Me Philippe CHATEAUNEUF

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA GDF SUEZ

[Adresse 2]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20140534

Ayant pour avocat plaidant Me Baudouin DE MOUCHERON de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SA GDF SUEZ

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2014079

Ayant pour avocat plaidant Me Rudy OUAKRAT de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

FEDERATION CFE-CGC ENERGIES

[Adresse 6]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2014079

Ayant pour avocat plaidant Me Rudy OUAKRAT de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

FEDERATION DE LA CHIMIE ET DE L'ENERGIE (FCE) CFDT

[Adresse 5]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2014079

Ayant pour avocat plaidant Me Rudy OUAKRAT de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE (FNME) CGT

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2014079

Ayant pour avocat plaidant Me Rudy OUAKRAT de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

FEDERATION NATIONALE ENERGIE ET MINE FO

[Adresse 7]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2014079

Ayant pour avocat plaidant Me Rudy OUAKRAT de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

FEDERATION CFTC CHIMIE MINES TEXTILE ENERGIE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2014079

Ayant pour avocat plaidant Me Rudy OUAKRAT de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Octobre 2014, Madame Catherine BEZIO, président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Mariella LUXARDO, conseiller,

Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

****************

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'assignation à jour fixe délivrée les 6 et 11 août 2014 par la société GDF SUEZ au comité central d'entreprise de cette société ainsi qu'aux organisations syndicales, Fédération CFE-CGC énergies, Fédération de la chimie et de l'énergie CFDT, Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT, Fédération nationale énergie et mine FO, et Fédération CFTC Mines textiles énergie, tendant à ce que la cour réforme l'ordonnance de référé, en date du 12 décembre 2013, par laquelle le président du tribunal de grande instance de Nanterre a, sous astreinte :

- suspendu la mise en oeuvre du projet de création d'une entité économique managériale entre les « unités » COFFELY SERVICES et « ENTREPRISES et COLLECTIVITES » ( E & C), appartenant respectivement à la société GDF SUEZ et à la société GDF SUEZ ENERGIE SERVICES,

- suspendu la procédure d'information et consultation du comité central d'entreprise de la société GDF SUEZ jusqu'à ce que les CHSCT concernés aient été valablement informés et consultés sur le projet de création d'une entité managériale entre COFFELY SERVICES et E & C,

l'appel de la société GDF SUEZ tendant à ce que la cour dise les demandes du comité central d'entreprise et des fédérations susnommées, irrecevables, subsidiairement, mal fondées, et en tout état de cause, étrangère aux pouvoirs du juge des référés, avec condamnation de chaque intimé au paiement de la somme de 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en réponse des intimés, tendant à ce que la cour déboute la société GDF SUEZ de son appel, confirme l'ordonnance entreprise et condamne l'appelante à payer au comité central d'entreprise la somme de « 5000 € HT » au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et écritures des parties que les sociétés GDF SUEZ et GDF SUEZ énergies service France (ci-après GDF SUEZ énergie) appartiennent au groupe GDF SUEZ, important « énergéticien » au niveau mondial, qu'il s'agisse d'électricité ou de gaz naturel ;

Que la société GDF SUEZ comporte cinq établissements et un comité central d'entreprise ; qu'elle est formée de cinq entités, dénommées « business entity » (BE) dont, l'unité « Entreprise et collectivités » qui emploie 988 salariés et commercialise les diverses énergies aux entreprises et collectivités ;

Que, de son côté, la société GDF SUEZ énergies emploie 12 000 salariés est une entité de services qui, au sein de son unité « business Unit » (BU), « COFFELY SERVICES », conçoit met en 'uvre et exploite des solutions globales et durables pour les entreprises et les collectivités, permettant à celles-ci de réaliser des économies d'énergies en réduisant l'impact sur l'environnement ;

Que le groupe est soucieux de rapprocher ces deux entités afin de répondre aux besoins, en France, liés à la transition énergétique, par une offre auprès de sa clientèle, alliant énergie et services ;

Qu'à cette fin, a été conçu le projet de créer une entité managériale commune entre les deux unités précitées, chargée de réfléchir à une « éventuelle organisation future plus intégrée » (cf l'assignation à jour fixe de l'appelante) ;

Que, dans le cadre d'une procédure d'information/consultation, la société GDF SUEZ a convoqué son comité central d'entreprise à une première réunion, ordinaire, fixée au 25 mars 2014, après avoir adressé aux membres du comité, un dossier relatif à la création de cette entité managériale entre COFFELY SERVICES et ENTREPRISES et COLLECTIVITÉS ;

Qu'à l'issue de cette réunion et sur l'invitation du président du comité, les élus ont été priés de faire parvenir à ce dernier d'éventuelles questions complémentaires ;

Que lors d'une réunion extraordinaire tenue le 23 avril suivant, sur convocation unilatérale du président -par suite du refus du secrétaire de signer l'ordre du jour- le comité central d'entreprise a adopté une résolution dans laquelle il a déclaré constater :

- que la direction indiquait que le projet 'in fine' un transfert d'activité d'E & C vers COFFELY SERVICES, sans modification des contrats de travail à ce jour,

- que, cependant, le projet emportait des modifications de l'organisation du travail et des conditions de travail des salariés de E & C ;

Qu'en conclusion, les élus ont demandé que soient consultés, préalablement à leur avis, le CHSCT de l'établissement France BEE et le comité de cet établissement ;

Que devant le refus de la direction de procéder aux consultations requises, le comité central d'entreprise a donné mandat à son secrétaire pour engager une action en justice et, le 21 mai 2014, le comité et les cinq fédérations syndicales précitées ont introduit la présente instance en référé, devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre, en sollicitant la suspension de la mise en 'uvre du projet et la suspension de la procédure de la consultation du comité central d'entreprise , jusqu'à ce que les CHSCT concernés aient été consultés ;

Que c'est dans ces conditions qu'est intervenue l'ordonnance dont appel, faisant droit aux prétentions des demandeurs, au motif que le projet COFFELY est un projet important qui aura un impact sur les conditions de travail des salariés et qui, dans ces conditions, rend nécessaire la consultation des CHSCT géographiquement compétents ;

Que, dans l'intervalle, le comité central d'entreprise de la société GDF SUEZ énergie, saisi, lui également, d'une procédure d'information / consultation sur le projet, a rendu le 21 mai 2014 un avis dans lequel il a seulement pris acte du fait que sa consultation ne portait « en aucune manière sur la future direction de l'innovation dont le projet (contours, effectifs, coût, fonctionnement etc) reste à instruire par la direction » et ferait l'objet, en son temps, « comme toutes les autres évolutions envisagées de l'organisation, d'une information de toutes les instances concernées (CCE, CE, CHSCT) » ;

Qu'il convient de préciser, en outre, que le comité d'établissement de France BEE de la société GDF SUEZ a saisi, de son côté, la même formation de référé du tribunal de grande instance de Nanterre afin d'être également consulté sur le projet litigieux et que par ordonnance du 9 juillet 2014, cette juridiction a rejeté sa demande après avoir relevé que « le projet n'a pas d'impact, ni sur le plan individuel de travail, - les contrats de travail demeurant inchangés- ni sur le plan collectif, - le groupe s'engageant à ne pas modifier les dispositions statutaires, réglementaires et conventionnelles, ni la représentation du personnel- et le projet n'entraînant pas de suppression de poste » ;

*

Considérant qu'à titre principal, la société GDF SUEZ soulève l'irrecevabilité de l'action du comité central d'entreprise , comme formée au delà du délai d'un mois, prescrit par les articles L 2323-4 et R 2323-1 du code du travail ; que de même, selon elle, les organisations syndicales ne peuvent qu'être déclarées irrecevables à agir, celles-ci ne pouvant détenir plus de droits que le comité central d'entreprise ;

Qu'à titre subsidiaire - et sous réserve que cette action puisse être analysée comme relevant des pouvoirs du juge des référés- l'appelante soutient que la consultation du CCE est régulière, le projet COFFELY n'impliquant pas la consultation des CHSCT ;

*

Sur la recevabilité des demandes

Considérant que, depuis la loi sur la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 et en application des dispositions de l'article L 2323-3 du code du travail, le comité d'entreprise - comme, donc, le comité central d'entreprise ou le comité d'établissement - voit enfermer son avis, dans un délai qui peut être déterminé par accord entre l'employeur et le comité ou relève, en certains cas, de dispositions légales spécifiques ;

Que, sauf accord ou dispositions légales spécifiques, le délai dont dispose le comité pour agir est fixé à un mois selon l'article R 2323-1-1 du code du travail, et ce texte précise qu'à l'expiration de ce mois le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif - le point de départ du délai courant à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l'information par l'employeur de leur mise à disposition ;

Qu'enfin, cet article prévoit qu'en cas d'intervention d'un expert, le délai est porté à deux mois et, à trois mois, en cas de saisine d'un ou de plusieurs comités d'hygiène, de sécurité, voire quatre mois, lorsqu' une instance de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est mise en place ;

Considérant que la société GDF SUEZ expose que le comité central d'entreprise a agi hors délai en introduisant la présente instance en référé, le 21 mai 2014, soit, plus d'un mois après la convocation et la communication des documents d'information aux élus , le 17 mars 2014 ;

Que les intimés font valoir, comme le premier juge, que le délai de leur consultation, tel que dorénavant réglementé ainsi qu'il vient d'être rappelé, ne constitue pas un délai de forclusion et qu'ils ne peuvent, dès lors, être déclarés irrecevables en leur action au motif que le délai d'un mois applicable à la consultation du comité central d'entreprise était expiré à la date de l'assignation en référé ;

Considérant il est vrai que, selon les nouvelles dispositions précitées, l'avis du comité d'entreprise est réputé donné, à l'expiration du délai prévu pour la consultation des élus, même si ceux-ci n'ont émis aucun avis ; qu'il s'ensuit que sa consultation étant achevée, le comité est, en principe, irrecevable à introduire, au delà de ce délai, toute action en justice ayant pour effet de remettre en cause l'avis donné ou réputé tel ;

Mais considérant qu'il résulte également des textes ci-dessus qu'« en cas de saisine » du CHSCT, le délai de consultation du comité d'entreprise est porté à trois mois ;

Or considérant qu'en l'espèce, l'objet du présent litige tend précisément à déterminer si le CHSCT devait, ou non, être saisi par la société GDF SUEZ, du projet COFFELY ; que, selon la réponse apportée à cette question, le comité central d'entreprise sera déclaré recevable, ou non, en son action ;

Considérant que, si elle n'est pas régie par les dispositions des textes précédemment rappelés, la recevabilité de l'action des organisations syndicales, dès lors qu'elle tend à contester les conditions de consultation du comité central d'entreprise, ne peut être appréciée différemment de celle du comité, lui-même puisqu'au regard de leur qualité, leur action s'analyse davantage en une intervention aux côtés du demandeur principal qu'est le comité central d'entreprise ;

Qu'il convient donc de statuer sur la contestation émise par le comité central d'entreprise, étant rappelé que le défaut de consultation du CHSCT, lorsque celle-ci est obligatoire, caractérise une irrégularité de procédure, constitutive d'un trouble manifestement illicite et entre bien, à ce titre, dans la sphère des pouvoirs de la juridiction des référés ;

*

Sur la consultation des CHSCT

Considérant que, selon la société GDF SUEZ, le projet litigieux ne consiste qu'en la création d'une entité managériale, commune à l'unité E & C, lui appartenant, et à l'unité COFFELY SERVICES qui dépend de la société GDF SUEZ énergie ; que dans l'ordonnance entreprise, le juge des référés a fondé sa décision sur l'impact potentiel, susceptible d'affecter « à terme » l'organisation ou les conditions du travail ; que si, dans l'avenir, des décisions devaient être prises concernant le travail des salariés, elle consultera les institutions représentatives du personnel compétentes, dont, les CHSCT, comme elle s'y est engagée devant le CCE, pendant la procédure de consultation ;

Qu'en définitive, le travail de l'entité managériale commune, issue du projet, n'est qu'un « travail de réflexion par lequel des décisions pourront être prises lesquelles pourraient avoir, dans le futur, des conséquences sur les conditions de travail » et justifier alors, en conséquence, la consultation des divers CHSCT ; qu'aussi bien, d'ailleurs, il est « tout à fait envisageable qu'à terme, aucun rapprochement ne soit finalement décidé par l'entité managériale » ;

Considérant que les intimés soutiennent qu'au contraire la consultation des CHSCT est nécessaire en application des dispositions de l'article L 2323-27 qui dispose : « (le comité central d'entreprise) bénéficie du concours du CHSCT dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce comité lui sont transmis » et de l'article L 4612-8 relatif au CHSCT qui énonce : « le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail (...) » ;

Qu'en l'espèce, le projet litigieux va avoir pour effet d'imposer aux salariés de la société GDF SUEZ la vente de nouveaux produits (les produits de COFFELY SERVICES) et de leur confier de nouvelles missions par la mise en 'uvre de projets de synergie, avec nécessairement une évolution de la charge de travail ; que la modification des procédures de travail et de management qui s'en suivront justifient la saisine des huit CHSCT existant au sein de E & C, laquelle doit être préalable à la consultation du comité central d'entreprise puisque l'avis spécialisé des CHSCT ne constitue que l'un des éléments d'information, utiles à l' avis du comité central d'entreprise ;

Considérant que les deux textes cités par le comité central d'entreprise, en dépit des prétentions contraires de l'appelante, ne sont nullement contradictoires et peuvent être justement invoqués, ensemble, par le comité central d'entreprise dès lors que l'article L 2323-27 définit, à l'intérieur des ses attributions économiques, les pouvoirs du comité central d'entreprise en matière de conditions du travail ; que ce texte précise seulement que le comité central d'entreprise peut bénéficier de l'avis du CHSCT si la consultation a trait à une matière relevant de la compétence de celui-ci-c'est à dire entrant dans sa mission définie à l'article L 4612-1 travail comme celle tendant à veiller à la sécurité, à la santé et aux conditions de travail des travailleurs ;

Que, toutefois, la recevabilité de l'action introduite, devant le premier juge, par les intimés et le délai de consultation de trois mois - qui soutend cette recevabilité - supposent la saisine du CHSCT ; qu'en l'absence d'accord, entre les élus et l'employeur, cette « saisine » - qui implique, d'ailleurs, l'existence d'un projet soumis au comité - ne peut renvoyer qu' à celle prévue en matière de consultations obligatoires du CHSCT prévues par l'article L 4612-8 du code du travail, sous peine - contrairement à l'intention du législateur du 14 juin 2013 et des auteurs de l'ANI du 11 janvier 2013 qui l'ont précédé- de laisser à la discrétion du comité, la possibilité de proroger la durée de sa consultation, désormais fixée, en principe, à un mois ;

Considérant que, conformément aux dispositions de ce texte, il y a lieu en conséquence de rechercher si le projet COFELYS emporte une « transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail » ;

Considérant, certes, que la société GDF SUEZ soutient, comme sa direction l'a affirmé dans la réunion du comité central d'entreprise du 25 mars 2014, que le projet a trait à la création d'un entité managériale commune aux deux unités E&C et COFELY SERVICES « dans laquelle chacune des deux parties conserve son organisation, son mode de fonctionnement et de pilotage, et entre lesquelles on créée des synergies au travers de fonctions matricées » ; qu'il a même été précisé : « les deux entités continueront à travailler comme avant » et si « des changements organisationnels permettant une meilleure synergie étaient mis en 'uvre avant 2016, ceux-ci donneraient lieu à un autre dossier soumis aux instances sociales compétentes » ;

Considérant cependant que le procès verbal de cette réunion mentionne également que les nouveaux liens managériaux qui vont être créés visent « à renforcer l'efficacité de la fonction marketing » en faisant partager aux salariés des deux entités « un portefeuille d'offres, les meilleures pratiques d'outil d'aide à la vente et de nouveaux canaux de vente ... » ; que, d'ailleurs, ces perspectives ont provoqué des réactions hostiles des élus du comité central d'entreprise , estimant que le projet exposait davantage, les salariés E & C que les salariés COFFELY SERVICES, au regard du maintien de leurs conditions de travail respectives ;

Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que le projet COFELYS n'est pas une simple esquisse ou ébauche de réflexion - qui d'ailleurs n'aurait pas même justifié la saisine du comité central d'entreprise dont on se demanderait, sinon, quel besoin il y avait de le saisir ; qu'il emporte, en lui même, d'importantes remises en cause des politiques commerciales et des habitudes de travail, par l'apparition de nouveaux produits et la création d'une nécessaire communauté de travail participant à la « synergie » des entités E & C et COFELYS SERVICES dont il convient de rappeler qu'elles comptaient respectivement 988 et 12 000 salariés au 31 décembre 2013 ;

Qu'avec le projet litigieux, la société GDF SUEZ a arrêté le choix de créer une entité destinée à faire travailler ensemble, deux communautés de salariés jusqu'alors bien distinctes, par leur nombre et leurs activités ; que contrairement à ce que prétend la société GDF SUEZ dans ses conclusions, la cour ne trouve pas dans les procès-verbaux du comité central d'entreprise, les déclarations de la direction selon lesquelles, l'entité managériale créée pourrait revenir sur le rapprochement des deux entités qu'elle consacre ;

Qu'avant que la décision de créer l'entité managériale ne soit prise, le projet COFELYS doit être soumis non seulement au comité central d'entreprise, mais également aux CHSCT dont les salariés sont concernés ; qu'il importe peu que les emplois ne soient pas actuellement présentés, comme menacés, dès lors que le projet est important et affecte les conditions de travail ;

Considérant qu'il s'ensuit que les demandes soumises au premier juge étaient recevables et qu'elles étaient et demeurent justifiées ; qu'il convient, dès lors, de confirmer l'ordonnance entreprise et les mesures qu'elle contient ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la société GDF SUEZ il y a lieu d'allouer au comité central d'entreprise la somme de 5000 € ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME l'ordonnance entreprise ;

CONDAMNE la société GDF SUEZ au dépens d'appel et au paiement d'une somme de 5000 € (CINQ MILLE EUROS), au profit de son comité central d'entreprise, en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03827
Date de la décision : 16/12/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/03827 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-16;14.03827 ?
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