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11/12/2014 | FRANCE | N°13/01298

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 11 décembre 2014, 13/01298


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

EW

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 DECEMBRE 2014



R.G. N° 13/01298



AFFAIRE :



SAS LABORATOIRES NEGMA





C/

[Z] [F]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Industrie

N° RG : 11/00237





Copies exécutoires délivrée

s à :



SELARL WILLWAY & Associés



Me Amélie KOCH





Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS LABORATOIRES NEGMA



[Z] [F]



PÔLE EMPLOI



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE QUA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

EW

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 DECEMBRE 2014

R.G. N° 13/01298

AFFAIRE :

SAS LABORATOIRES NEGMA

C/

[Z] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Industrie

N° RG : 11/00237

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL WILLWAY & Associés

Me Amélie KOCH

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS LABORATOIRES NEGMA

[Z] [F]

PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS LABORATOIRES NEGMA

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe AXELROUDE de la SELARL WILLWAY & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0285

APPELANTE

****************

Madame [Z] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Amélie KOCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0337

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN,

FAITS ET PROCÉDURE,

Suivant contrat à durée indéterminée du 4 décembre 1978, Mme [Z] [F] a été engagée par la société Laboratoires Negma en qualité de standardiste, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 2961,13 euros.

Son contrat de travail a été transféré à de multiples reprises jusqu'à ce que le 1er janvier 2008, elle occupe un poste d'assistante informatique au sein de la SAS Laboratoires Negma. En janvier 2010, elle a été affectée au service comptabilité-fournisseurs-trésorerie sans qu'aucun avenant à son contrat de travail n'ait été formalisé.

La société Laboratoires Negma est un laboratoire pharmaceutique qui fait partie du groupe indien WOCKHARDT qui l'a rachetée en mai 2007.

La société Laboratoires Negma employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

Après entretien préalable, Mme [Z] [F] a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 novembre 2010, son poste étant supprimé.

La lettre de licenciement est rédigée comme suit ;

'[...] la société Laboratoires Negma SAS appartient au Groupe Indien Wockhardt Limited. Le Groupe Wockhardt Limited a été fortement affecté par la crise financière mondiale. Il est confronté à l'importantes difficultés économiques, liées en particulier à l'augmentation exponentielle de ses charges financières corrélées à un fort taux d'endettement et à des pertes exceptionnelles significatives. [...]

Dans ses activités 'spécialités pharmaceutiques', la société Laboratoires Negma SAS est confrontée en 2010, à la fois à la perte successive de brevets tombés dans le domaine public et au déremboursement partiel de médicaments qu'elle commercialise, déremboursement lié aux politiques publiques de réduction du déficit de la Sécurité Sociale. Cette situation ouvre le marché à des médicaments génériques, en moyenne 30% moins chers.

[...] La société Laboratoires Negma SAS doit donc faire face à la diminution importante de ses ventes prévisionnelles de produits pharmaceutiques en 2010 et 2011 (68M € prévus en 2010 et 27M€ prévus en 2011 contre 89 M€ réalisés en 2009).

[...] En l'absence de mesure de réorganisation, le résultat de l'entreprise qui a été bénéficiaire à hauteur de 10 M€ en 2009 devrait être de l'ordre de 0,8 M€ en 2010 et devrait être déficitaire d'environ 2M€ en 2011.

Enfin, l'évolution économique de la société Laboratoire Negma SAS doit s'envisager, à court et moyen terme, sans le soutien financier du Groupe Worckhardt Limited, compte tenu des difficultés mondiales qui vous ont été rappelées.

Compte tenu de cette situation économique préoccupante et afin de préserver sa pérennité et sa compétitivité, la société Laboratoires Negma SAS a décidé de prendre des mesures d'économies générales (à hauteur de 3,9M€ en 2010 et de 1,34 M€ supplémentaires en 2011) et de procéder à une réduction d'effectif.

Cette situation nous conduit à supprimer le poste d'assistante informatique, statut 'technicien, agent de maitrise' que vous occupez. Cette suppression est justifiée par nos difficultés économiques et par la réduction générale et très importante de l'ensemble de nos activités liée à la forte baisse du chiffre d'affaires qui impacte négativement le volume de nos activités informatiques et qui entraîne l'abandon de nos projets de développement informatique.

Par ailleurs, nous avons procédé à des recherches de reclassement dans l'entreprise et dans le groupe. Par courrier en date du 4 octobre 2010, nous vous avons proposé, à titre de reclassement interne, les postes actuellement disponibles dans le Groupe, en France susceptibles de correspondre à vos qualifications. Vous n'avez pas manifesté d'intérêt pour les postes présentés ni pour un éventuel reclassement à l'étranger. Nous sommes au regret de vous indiquer que nous ne disposons pas actuellement d'autre poste à vous présenter. [...]'.

Par jugement du 26 février 2013, le conseil de prud'hommes de Versailles a dit que le licenciement de Mme [Z] [F] était dénué de cause réelle et sérieuse et en conséquence a condamné la SAS Laboratoires Negma à verser à la salariée les sommes de 71 067,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre celle de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée du surplus de ses demandes ainsi que la société Laboratoires Negma de sa demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700.

La société Laboratoires Negma a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Mme [Z] [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, Mme [Z] [F] prie la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Laboratoires Negma à lui payer la somme de 71 067,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'infirmer pour le surplus et de condamner la SAS Laboratoires Negma à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et de débouter la SAS Laboratoires Negma de ses demandes, fins et conclusions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

La SAS Laboratoires Negma rappelle que le bien fondé du licenciement de Mme [Z] [F] doit s'apprécier au regard de la situation de la société et du secteur d'activité auquel elle appartient à la fin de l'année 2010 puisqu'elle a été licenciée en novembre 2010 et tient à préciser que le prêt de trésorerie évoqué par la salariée a donné lieu à un mouvement de fonds en 2011 soit postérieurement au licenciement et qu'il a été octroyé dans le cadre des procédures de sauvegarde supervisées par le tribunal de commerce de Versailles, que la distribution en interne de dividendes à l'actionnaire unique, la société holding Wockhardt, est un événement qui date de 2009 et qu'il s'agit d'une décision de gestion dont seul le chef d'entreprise est maître et que le juge n'a pas à contrôler.

Elle indique que les deux activités de la société ont été confrontées à de sérieuses difficultés économiques menaçant sa compétitivité : l'activité de 'Prestations'en premier lieu au titre de ses fonctions de 'support' des autres sociétés du groupe et en second lieu, l'activité 'Spécialités pharmaceutiques' en raison de la réduction du taux de remboursement de l'ART 50, la perte de brevet de ce médicament, et la concurrence des génériques sur ce médicament. La SAS Laboratoires Negma ne pouvait pas compter sur le soutien de la société Wockhardt France qui elle-même devait faire face à des difficultés financière importantes.

Le compte de résultat de la société clos le 31 décembre 2010 a fait apparaître une perte de plus de 5 millions d'euros contre un bénéfice dépassant 10 millions d'euros en 2009, cette perte s'expliquant par des provisions de plus de 7 millions d'euros en raison notamment des pertes de marchés et de contentieux relatifs aux questions de propriété intellectuelle en particulier avec le laboratoire Biogaran ainsi que différentes difficultés mentionnées par les commissaires aux Comptes. Les produits d'exploitation de plus de 105 millions d'euros en 2009 ont diminué pour atteindre 77 millions d'euros en 2010, le résultat courant avant impôt n'étant plus que de 115 000 euros en 2010 alors qu'il était de 16 millions d'euros en 2009.

La SAS Laboratoires Negma estime que compte tenu de son activité particulière qu'est la pharmacie, les difficultés du secteur d'activité du Groupe auquel elle appartient doivent être examinées dans les sociétés situées en France du fait que les règles applicables ne sont pas les mêmes dans les divers pays où se trouvent implantées les sociétés du Groupe et que les organes de régulation ne sont pas les mêmes. Elle relève que la situation économique des autres sociétés en France était encore plus précaire que la sienne au point que les comités d'entreprise de celles-ci ont dû exercer leur droit d'alerte économique et désigner la société Syndex, tandis que les commissaires aux comptes ont également à deux reprises fait valoir également leur droit d'alerte en mai et septembre 2010. La plupart des sociétés du groupe a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde. Les difficultés se sont accrues dans le Groupe en outre puisqu'en 2011 les sociétés Dmh-Negma, Girex et Mazal ont été liquidées et que la société Scomédica est sortie du groupe. En 2012, la vente des produits phares du laboratoire, l'ART 50 et le Nebilox, a encore chuté du fait de l'application de l'accord dit 'Tiers payant contre génériques' et de la suspension de l'autorisation de mise sur le marché de la diacéréine, molécule de l'ART 50. Au surplus, la SAS Laboratoires Negma a été condamnée par les tribunaux à verser plus de 3 millions d'euros au laboratoire Biogaran.

Mme [Z] [F] réplique que dans la lettre de licenciement, la SAS Laboratoires Negma ne caractérise pas les difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarder sa compétitivité au niveau du groupe dans le secteur d'activité auquelle elle appartient. Elle se contente de verser un simple extrait du bilan du groupe Wockhardt Limited du 31 décembre 2010 qu'elle certifie elle-même, ce qui ne lui donne aucune force probante. Quatre mois avant la procédure de licenciement économique déjà programmée, la société qui avait réalisé en 2009 un bénéfice de plus de 10 millions d'euros a distribué le 15 juin 2010 la part libre de ce bénéfice (9,5 millions d'euros) sous forme de dividendes à son actionnaire unique, la société holding Wockhardt France. En outre en avril 2011, la SAS Laboratoires Negma a versé sur les comptes bancaires débiteurs de la société mère ainsi que sur ceux de la société Pharma 2000 la somme astronomique de 13 millions d'euros qu'elle qualifie de prêt, se dépossédant ainsi sciemment de fonds alors qu'elle estime être dans une situation financière critique. La restructuration que la société invoque ne peut être considérée comme légitime dans ces conditions alors que ses fonds propres lui auraient permis de faire face à cette période dite critique d'autant plus qu'une amélioration de la situation était annoncée pour 2012.

Elle fait valoir que la société ne justifie pas avoir supprimé son poste puisqu'elle n'occupait plus les derniers temps le poste d'assistante informatique qui avait été le sien mais travaillait au service comptabilité/fournisseur/trésorerie depuis le mois de janvier 2010.

Elle estime enfin que la SAS Laboratoires Negma n'a pas réalisé d'effort sérieux et loyal de reclassement au regard de la rapidité de la procédure, du recours artificiel à la procédure de licenciements collectifs de neuf salariés et du contenu des seules propositions qui lui ont été formulées s'agissant de trois postes vacants de visiteur médical, l'un au sein de la société Scomedica et les deux autres au sein de la société Dmh-Negma mise en liquidation judiciaire par la suite, postes qui exigeaient le diplôme de visiteur médical. Elle observe que d'autres suppressions d'emplois ont eu lieu par la voie négociée dans les mois qui ont suivi, ce qui a permis à la société d'échapper artificiellement à l'obligation de négocier avec les instances représentatives du personnel et d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi.

En application de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou, dans certaines conditions, à une cessation d'activité.

Pour que la réorganisation d'une entreprise soit une cause légitime de licenciement économique, elle doit être justifiée, soit par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, soit par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, ses difficultés économiques doivent être appréhendées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Les offres de reclassement doivent être écrites et précises.

Si l'employeur est en droit de proposer un même poste à plusieurs salariés dès lors qu'il est adapté à la situation de chacun, en proposant en termes identiques les postes disponibles à des salariés exerçant des fonctions et jouissant d'ancienneté différentes il a fait des offres de reclassement qui n'étaient pas personnalisées.

Le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité.

L'employeur est tenu de rechercher et de proposer aux salariés les postes disponibles, dans l'entreprise mais aussi dans le cadre du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

En l'espèce, il résulte du document (pièce 1 de la société) établi pour la réunion extraordinaire du comité d'entreprise de la SAS Laboratoires Negma du 1er octobre 2010 qu'au 20 juin 2010, le groupe Wockhardt France comptait alors 10 sociétés distinctes pour un effectif total de 499 salariés en contrat à durée indéterminée.

Les sociétés suivantes le composaient alors :

- la société Wockhardt France SAS, la holding du groupe, située à [Localité 2] et employant deux salariés,

- la société Laboratoires Lerads SAS commercialisant par la société Scomedica SAS des compléments alimentaires et qui ne comptait aucun salarié,

- la société Laboratoires Pharma 2000 qui n'employait aucun salarié et commercialisait des produits éthiques et des dispositifs médicaux par l'intermédiaire des sociétés Dmh-Negma SAS et Scomedica SAS,

- la société Niverpharma SAS qui ne comptait aucun salarié,

- la société Cap Dermatology SARL qui a cessé son activité,

- la société Girex SA située à [Localité 3] qui comptait 99 salariés,

- la société Mazal Pharmaceutique SARL située également à [Localité 3] qui regroupait 72 salariés,

- la société Dmh-Negma SAS qui employait 156 salariés, essentiellement des visiteurs médicaux,

- la société Scomedica SAS qui regroupait 103 salariés, des visiteurs médicaux et des délégués pharmaceutiques pour la plupart,

- la société Negma SAS qui comptait alors 67 salariés.

Les sociétés Wockhardt France Holding, Dmh-Negma, Scomedica, Girex, Mazal Pharmaceutique et Pharma 2000 ont fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 14 octobre 2010.

La SAS Dmh-Negma a été mise en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal le 25 mars 2011.

Le document rédigé pour la réunion du comité d'enteprise du 1er octobre 2010 mentionne en annexe 2 la liste des postes vacants en France : trois postes de visiteurs médicaux (deux en CDI et un en CDD) au sein de la société Dmh-Negma et un quatrième poste de visiteur médical au sein de la société Scomedica, tous ces postes exigeant le diplôme de visiteur médical. Quatre postes sont déclarés vacants en Grande Bretagne, deux en Irlande quatre aux Etats-Unis, 237 postes en Inde où la langue de travail est l'hindi.

Au vu de ces documents, il s'avère que la SAS Laboratoires Negma ne justifie pas de la manière dont elle a effectué ses recherches de reclassement au sein du groupe, interdisant ainsi à la cour de vérifier si elle a respecté sérieusement son obligation de reclassement.

En effet, elle ne produit pas les courriers de recherche adressés aux sociétés du groupe mentionnant le profil précis des salariés qu'elle souhaitait reclasser ni les réponses négatives ou positives des sociétés concernées.

Quant à ses recherches à l'intérieur même de la société, elle se contente de produire son registre du personnel. Il en résulte que trois postes d'assistant(e) de direction se sont libérés en novembre 2010 (Mme [U]), avril (Mme [H]) et mai 2011 (Mme [S]). Ils n'ont pas été pourvus par la suite et n'ont pas été proposés au titre du reclassement.

S'ils ont été supprimés, ils auraient dû s'inscrire dans le processus de licenciement économique auquel appartenait Mme [Z] [F] et donc donner lieu à la procédure prévue lorsque plus de dix salariés sont licenciés pour motif économique.

La SAS Laboratoires Negma ne démontre pas davantage avoir effectué une recherche personnalisée de reclassement appliquée à la situation précise de Mme [Z] [F]. Elle ne justifie pas avoir procédé à un entretien individualisé, comme le soutient la salariée.

Enfin, elle n'a pas transmis à l'intéressée une offre personnalisée de reclassement, se contentant de joindre au courrier qu'elle lui a adressé le 4 octobre 2010 la liste des postes disponibles en France, liste type qu'elle a transmis aux huit autres salariés licenciés en même temps qu'elle pour motif économique.

Cette liste ne comporte pour ce qui concerne les sociétés françaises que des postes de visiteurs médicaux qui exigent comme elle le précise un diplôme de visiteur médical, alors que le groupe comptait au moment du licenciement près de 500 salariés. La société ne précise pas si elle compte proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé une formation et/ou une adaptation pour leur permettre d'obtenir ce diplôme puisqu'elle leur propose ces postes, ce qui peut laisser supposer qu'en les proposant, elle avait conscience que ces salariés ne pouvaient que les refuser.

Quant à la liste des postes disponibles à l'étranger et notamment en Inde, la SAS Laboratoires Negma ne fait pas plus preuve de sérieux. Elle a établi là encore une liste type de postes disponibles, de toutes sortes, sans prendre la peine de déterminer ceux qui pourraient être adaptés à chacun des salariés sur le point d'être licenciés pour motif économique et notamment à Mme [Z] [F]. On trouve par exemple un poste de directeur fiscalité, alors que Mme [Z] [F] occupait des fonctions d'assistante informatique et enfin des tâches administratives au service de la comptabilité.

Dès lors, la SAS Laboratoires Negma ne démontre pas s'être livrée à une recherche loyale et sérieuse de reclassement au bénéfice de Mme [Z] [F].

Le licenciement de cette dernière doit donc être considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin d'examiner la réalité du motif économique allégué. Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du licenciement

Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme [Z] [F] avait au moins deux années d'ancienneté et la SAS Laboratoires Negma employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme [Z] [F] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.

Mme [Z] [F] était âgée de 53 ans et avait une ancienneté de 32 ans au moment de son licenciement. Elle a retrouvé un emploi d'agent à domicile à temps partiel modulable le 15octobre 2012 moyennant un salaire brut mensuel lissé de 963,67 euros.

Sa rémunération moyenne mensuelle était de 2961,13 euros au moment de la rupture de son contrat de travail.

Son préjudice sera réparé par l'octroi de la somme de 65 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rectification des documents sociaux

Mme [Z] [F] demande que la SAS Laboratoires Negma rectifie les documents sociaux qu'elle lui a remis sur deux points : la date de sa promotion au coefficient 190 lorsqu'elle est devenue 'pupitrice' et la mention du dernier poste qu'elle a occupé à compter de janvier 2010 au service comptabilité/fournisseur/trésorerie.

La salariée démontre que le certificat de travail rectificatif établi le 29 octobre 2012 est erroné en ce sens qu'il mentionne qu'elle a été positionnée au poste de 'pupitrice' le 1er mai 1988 alors qu'elle justifie que ce changement est intervenu le 1er mars 1988. Le certificat de travail doit donc être modifié en ce sens.

Elle conteste par ailleurs à juste titre le paragraphe de ce même certificat de travail qui indique qu'elle a été employée du 1er janvier 2009 au 24 mars 2011 en qualité d'assistante informatique alors qu'il ressort des attestations qu'elle produit, et notamment de celles de salariés étrangers aux sept procédures de licenciement économique de salariés de la SAS Laboratoires Negma soumises à la cour, que faute de travail au service informatique, elle a été mutée au service comptabilité en janvier 2010 avec son accord pour y effectuer des tâches administratives de suivi et de classement de dossiers, de rapprochement de factures, de saisies sur ordinateur des DAS2, de contrôles de notes de frais et des travaux ponctuels pour le service de la trésorerie (attestations de M. [X], de Mmes [S], [E], [M], [V], [G], [N]). Elle occupait un bureau au sein du service comptabilité et avait été placée alors sous les ordres de M. [P], le directeur des services comptables. La seule attestation de M. [B], directeur réglementaire et assurance qualité, produite par la société, qui indique que Mme [Z] [F] avait été amenée à effectuer des travaux d'archivage pour son service tout en restant basée au service informatique ne contredit pas les éléments ci-dessus évoqués puisqu'elle concerne une tâche effectuée par la salariée après les congés d'été 2009 et jusqu'à fin 2009.

Il convient donc que la SAS Laboratoires Negma rectifie également tous les documents sociaux pour y intégrer les dernières fonctions occupées par Mme [Z] [F] au sein du service comptabilité.

Il n'est pas utile d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire droit à la demande de Mme [Z] [F] formée à ce titre par l'octroi de la somme de 3000 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a dû supporter en cause d'appel.

La SAS Laboratoires Negma sera déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 26 février 2013 en ce qu'il a dit le licenciement pour motif économique de Mme [Z] [F] sans cause réelle et sérieuse, débouté la salariée de sa demande formée au titre du non respect de la priorité de réembauche et condamné la SAS Laboratoires Negma à payer à Mme [Z] [F] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SAS Laboratoires Negma à payer à Mme [Z] [F] la somme de 65 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que cette créance indemnitaire est productive d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Ordonne le remboursement par la SAS Laboratoires Negma aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [Z] [F] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 6 mois ;

Dit que, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 du code du travail, le greffe transmettra copie du présent arrêt à la direction générale de Pôle Emploi, [Adresse 3] ;

Dit que la SAS Laboratoires Negma devra remettre à Mme [Z] [F] dans le délai d'un mois après le prononcé de la présente décision l'ensemble des documents sociaux rectifiés avec la mention de la promotion de la salariée au poste de pupitrice au coefficient 190 à compter du 1er mars 1988 et la mention de son poste au service comptabilité à compter de janvier 2010 ;

Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;

Condamne la SAS Laboratoires Negma à payer à Mme [Z] [F] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;

Déboute la SAS Laboratoires Negma de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Laboratoires Negma aux entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Céline Fardin, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01298
Date de la décision : 11/12/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°13/01298 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-11;13.01298 ?
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