La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2014 | FRANCE | N°13/01592

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 20 novembre 2014, 13/01592


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

OF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 NOVEMBRE 2014



R.G. N° 13/01592

R.G. N° 13/01738



AFFAIRE :



[K] [C]





C/

[2]



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 08-01199/N
r>



Copies exécutoires délivrées à :



SELARL RAOULT PHILIPPE



SCP RICOUR RIVOIRE TOULLEC DUVERNOY SANTINI BIZARD BOU LAN LEDUCQ



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



Copies certifiées conformes délivrées à :



[K] [C...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

OF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 NOVEMBRE 2014

R.G. N° 13/01592

R.G. N° 13/01738

AFFAIRE :

[K] [C]

C/

[2]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 08-01199/N

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL RAOULT PHILIPPE

SCP RICOUR RIVOIRE TOULLEC DUVERNOY SANTINI BIZARD BOU LAN LEDUCQ

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[K] [C]

[2]

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [C]

[Adresse 2]

78000 VERSAILLES

représentée par Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 172

APPELANTE à titre principal et INTIMÉE à titre incident

****************

[2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Marie-Cécile BIZARD de la SCP RICOUR RIVOIRE TOULLEC DUVERNOY SANTINI BIZARD BOU LAN LEDUCQ, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 144

INTIMÉ à titre principal et APPELANT à titre incident

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Service Contentieux Général et Technique

[Localité 1]

représentée par Mme [D] [S] en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN

Par jugement en date du 26 février 2013, notifié le 22 mars 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine (92) (ci-après, le TASS) a notamment :

. fixé la date de consolidation de Madame [C] au 30 juin 2011 ;

. ordonné la fixation au maximum de la majoration de la rente ;

. fixé le montant total de l'indemnisation due à Madame [C] à la somme de 251.235 euros ;

. rejeté les demandes d'indemnisation de Madame [C] au titre de l'indemnisation pour assistance d'une tierce personne après consolidation, au titre du préjudice sexuel et au titre d'un préjudice exceptionnel ;

. condamné l'[2] à payer à Madame [C] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile après déduction de la somme de 3.000 euros allouée par la cour de céans ; et,

. ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par acte en date du 15 avril 2013, Madame [C] a relevé appel général de cette décision (procédure 13/01592).

Par acte en date du 22 avril 2013, l'[2] (ci-après, [2]) a également relevé appel de ce jugement (procédure 13/01738).

Vu les conclusions régulièrement déposées en date du 11 septembre 2014 pour Madame [C], pour l'[2] et pour la caisse primaire d'assurances maladie des Hauts de Seine (ci-après, CPAM), ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la Cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 11 septembre 2014.

Considérant qu'il est d'une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures ci-dessus référencées.

FAITS et PROCÉDURE

Les faits et la procédure peuvent être présentés de la manière suivante :

Mademoiselle [K] [C], alors âgée de 16 ans, est élève en terminale 'S' à l'[2], établissement privé sous contrat, lorsque, le 20 septembre 2006, à l'occasion d'une séance de travaux pratiques, elle est grièvement brûlée, aux deuxième et troisième degré, sur 09 % de la surface corporelle, au visage, aux oreilles, au cou, au décolleté et sur les deux mains, à la suite de l'inflammation de vapeurs d'alcool.

Admise en service spécialisé de l'hôpital [1], Mademoiselle [C] doit subir de nombreux soins, des greffes cutanées. Compte tenu de problèmes respiratoires, elle doit être intubée pendant plusieurs jours puis trachéotomisée.

Mademoiselle [C] doit ensuite entamer un long processus de rééducation, qui lui interdit toute reprise de scolarité normale à raison de problèmes cutanés et oto-rhino-laryngologiques (ORL) ' Mademoiselle [C] parviendra à reprendre ses études et, ainsi qu'il sera évoqué ci-après, obtiendra le diplôme d'État d'architecte.

Dès le 14 novembre 2006, la CPAM a pris en charge cet accident au titre du risque professionnel.

Par requête en date du 08 septembre 2008, Mademoiselle [C] a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de l'établissement scolaire.

Par jugement en date du 18 janvier 2010, le TASS : reconnaît la faute inexcusable de l'[2] ; fixe au maximum la majoration de la rente ; ordonne une expertise médicale ; fixe le montant de la provision due à Madame [C] à la somme de 30.000 euros ; sursoit à statuer sur les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; met hors de cause le préfet des Hauts de Seine, le recteur de l'académie de Versailles et l'Agent judiciaire du Trésor.

L'institut Saint-Thomas relève appel de ce jugement et, par arrêt en date du 30 juin 2011, auquel la cour renvoie expressément pour plus ample précision sur le déroulement de la procédure et des circonstances factuelles alors retenues, la cour de céans a notamment : confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de l'[2] et ordonné les mises hors de cause ; fixé au maximum la majoration de la rente qui sera allouée à Madame [C] dès la date de consolidation de son état et de la fixation du taux d'incapacité permanente dont elle reste atteinte ; ordonné une expertise médicale, confiée au même expert (Docteur [Q]), lequel pourra s'adjoindre le docteur [L] ; alloué à Madame [C] une indemnité provisionnelle d'un montant de 60.000euros ; condamné l'[2] à payer à Madame [C] une somme de 3.000euros sur le fondement de l'article 7000 du code de procédure civile ; débouté Madame [C] de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive ; renvoyé l'affaire et les parties, après expertise, devant le TASS.

Le 1er septembre 2011, le docteur [Q] est remplacé par le docteur [L], qui peut s'adjoindre le docteur [G], expert psychiatre.

Les conclusions de l'expertise diligentée, déposées le 25 février 2012, sont, en particulier, les suivantes :

. la date de consolidation est fixée au 30 juin 2011 ;

. les souffrances endurées sont fixées à 6,5 sur 7 ;

. le préjudice esthétique est fixé à 5,5 sur 7 ;

. le taux d'incapacité permanente est fixé à 32% ;

. la durée du déficit fonctionnel temporaire total (DFTT) est fixée à 273 jours ;

. la durée du déficit fonctionnel temporaire partiel (DFTP) est fixée : au niveau 3, du 20 septembre 2006 au 21 avril 2009, moins la durée des hospitalisations, soit : 694jours ; au niveau 1, jusqu'à la date de consolidation, soit 779 jours ;

. assistance d'une tierce personne pour le ménage, deux à trois heures par semaine ;

. existence d'un préjudice d'établissement ;

. prévoir : des soins de kinésithérapie à raison de deux fois une demi-heure par semaine, pendant trois ans ; cure thermale pendant 20 ans ; chirurgie pour retouche de la lèvre, reprise de la cicatrice de trachéotomie ; soins de laser pour dépigmenter la peau ;

. réserves de la chirurgie réparatrice en fonction de l'évolution des techniques.

Madame [C] a ensuite saisi le TASS aux fins de voir statuer sur ses demandes d'indemnisation. Madame [C] justifie le montant élevé de ses demandes par la nature des blessures subies et leur importance, les souffrances endurées, le préjudice esthétique, notamment pendant les trois premières années ayant suivi l'accident (elle sollicite d'ailleurs l'indemnisation distincte d'un préjudice esthétique temporaire et d'un préjudice esthétique permanent), l'âge qui était le sien au moment des faits, les difficultés qu'elle a dû affronter en termes d'études puis de recherche d'emploi, le préjudice qu'elle subit d'avoir dû arrêter la compétition de haut niveau et la pratique de la harpe, les difficultés qu'elle éprouve dans la relation aux tiers, notamment face au regard des enfants. Madame [C] sollicite en particulier l'indemnisation d'un préjudice permanent exceptionnel.

La CPAM a notamment fait valoir qu'il n'y avait pas lieu d'indemniser la perte de possibilités professionnelles et que les demandes au titre des frais futurs et de la tierce personne n'étaient pas fondées.

L'[2] a fait diverses propositions d'indemnisation, contestant en particulier que le préjudice esthétique puisse être indemnisé distinctement pour une première période puis pour une seconde, et qu'il n'y avait pas lieu à retenir un préjudice sexuel, un préjudice d'établissement ni un préjudice permanent exceptionnel.

C'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision entreprise.

SUR CE

A titre préliminaire, la cour estime devoir préciser que le cadre juridique dans lequel elle intervient est celui des accidents professionnels, sur le fondement des dispositions de l'article L.412-8 du code de la sécurité sociale, qui disposent que « bénéficient également des dispositions du (Livre quatrième) (') les élèves des établissements d'enseignement secondaires ou d'enseignement spécialisé (') pour les accidents qui sont survenus au cours d'enseignement dispensés en ateliers ou en laboratoires (') », ce qui était le cas de Madame [C] à l'époque où l'accident dont elle a été victime s'est produit.

Alors que les dispositions du code de la sécurité sociale sont, dans leur principe, destinées à apporter aux victimes d'accidents professionnels une protection particulière, leur application peut avoir pour conséquence, dans le cas d'une victime comme Madame [C], une indemnisation totale moindre que celle à laquelle il aurait été possible de prétendre dans un autre cadre juridique, ou telle peut être la perception de la victime.

Il demeure que tel est le cadre légal dans lequel la présente décision doit être lue et interprétée, et la cour ne dispose d'aucune possibilité juridique de s'en départir.

Il convient de préciser, par ailleurs, qu'à compter du 1er juillet 2011, la CPAM a servi à Madame [C] une rente déterminée sur la base d'un taux d'incapacité de 50%, en raison de « séquelles de brûlures du visage, du cou, des mains caractérisées par des zones dyschromiques au niveau du menton, du décolleté, du cou, des mains, des cicatrices larges au niveau des prises de greffes (aine, cuisse, fesse G) associées à des troubles phonatoires post cordectomie et à des symptômes évoquant un état de stress post-traumatique ».

La cour traitera des différents postes de préjudice dans l'ordre du tableau distribué aux parties à l'audience.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Il s'agit en l'espèce des frais liés à l'assistance d'une tierce personne.

Le principe de l'indemnisation n'est pas contesté, la difficulté ne porte que sur le coût de l'heure de l'assistance par une tierce personne : 20 euros selon Madame [C], 13 euros selon l'[2], qui offre une somme totale de 9.711 euros.

Aux termes de l'expertise, la durée totale de la période avant consolidation est de (273+694+779=) 1746 jours, soit 249 semaines.

La cour relève qu'en l'espèce, l'expertise considère qu'il s'agissait d'apporter une aide ménagère ne nécessitant pas de compétence particulière.

Compte tenu du domicile de la victime, le coût moyen d'une telle assistance sera évalué à 15 euros par heure travaillée (toutes charges comprises), soit, pour 249 semaines à raison de trois heures par semaine, une somme totale de 11.205 euros.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

. Madame [C] sollicite d'abord à ce titre une somme de 71.713,44 euros au titre de frais futurs engendrés par les crèmes, maquillages et autres produits dont elle a besoin pour se soigner et se protéger, en outre des frais de cure thermale restant à sa charge.

La CPAM fait valoir que ces frais sont pris en charge au titre du Livre IV du code de la sécurité sociale et l'[2] considère de même que ces frais sont pris en charge par la CPAM.

La cour observe que l'ensemble des frais des crèmes, maquillage et cures thermales ont été pris en charge dans le cadre d'un protocole d'accord de remboursement, que Madame [C] ne justifie pas de la nécessité dans laquelle elle se serait trouvée de devoir recourir, de manière indispensable, à d'autres produits que ceux couverts par ce protocole, qu'il faut relever que ce dernier est venu à échéance en juin 2014, que la CPAM indique qu'il peut être renouvelé sans difficulté mais que, pour une raison qui n'a pas été précisée ni à la caisse ni à la cour, ce renouvellement n'a pas été demandé par Madame [C].

Madame [C] sera donc déboutée de ses demandes de ce chef.

. Madame [C] demande par ailleurs la prise en charge de ses frais au titre de l'assistance d'une tierce personne après consolidation, à hauteur de 89.785,26 euros, en faisant valoir que ces frais ne sont pas couverts par les dispositions pertinentes du code de la sécurité sociale.

Tant la CPAM que l'[2] répliquent que ces frais sont couverts par les dispositions de ce code et ne peuvent être indemnisés comme le demande la victime.

La cour note que, aux termes de l'article L. 434-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, tel que modifié par la loi du 17 décembre 2012 (étant observé que Madame [C] bénéficie d'une rente majorée), la « victime titulaire d'une rente, dont l'incapacité est égale ou supérieure à un taux minimum, a droit à une prestation complémentaire pour recours à une tierce personne lorsqu'elle est dans l'incapacité d'accomplir seule les actes ordinaires de la vie. Le barème de cette prestation est fixé en fonction des besoins d'assistance par une tierce personne de la victime, évalués selon des modalités précisées par décret (...) ».

En l'espèce, le taux minimum est de 80% (article R. 434-3 du code de la sécurité sociale).

Le taux d'incapacité permanente de Madame [C] a été fixé à 32% et le taux d'incapacité retenu par la CPAM est de 50%.

Madame [C] ne remplit ainsi pas les conditions qui lui permettraient de bénéficier des dispositions rappelées ci-dessus et il faut considérer que les frais dont elle demande ici le remboursement sont, juridiquement, indemnisés par la rente servie. Le préjudice allégué ici ne peut donc faire l'objet d'une réparation complémentaire.

Madame [C] sera donc déboutée de ses demandes sur ce point.

. Madame [C] sollicite également une indemnisation au titre de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Pour parvenir à la somme de 500.000euros demandée à ce titre, Madame [C] explique qu'il s'agit ici de compenser la différence entre la rémunération qu'elle percevra et celle à laquelle elle aurait pu prétendre, sa vie professionnelle durant : cette différence résulte, entre autres, de ce que, bien que diplômée d'Etat en architecture, ses difficultés, respiratoires et vocales, en particulier, ne lui permettent ni de tenir une conversation téléphonique de longue durée, ni de parler fort sur un chantier, où, au demeurant, l'exposition aux poussières de toute nature lui serait préjudiciable.

Tant la CPAM que l'[2] évoquent, en substance, un préjudice hypothétique, d'autant plus que Madame [C] n'a pas commencé sa carrière et que, au demeurant, ce préjudice est compensé par la rente majorée.

La cour observe que, d'une manière générale, la rente versée, sur le fondement de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, à une personne victime d'un accident du travail, comme c'est le cas en l'espèce, est destinée à indemniser, en particulier, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité.

La cour relève que, dans le cas de Madame [C], les efforts qu'elle a déployés lui ont permis d'obtenir un diplôme de haut niveau, dans les délais les plus rapides, et qu'elle a pu déjà bénéficier d'un contrat à durée déterminée correspondant à ses qualifications (de septembre 2013 à fin mars 2014).

En l'état, Madame [C] ne justifie d'aucun préjudice professionnel, en termes de rémunération, que la cour pourrait déterminer et qui ne serait pas couvert par la rente servie.

La cour ne peut ainsi, à ce jour, que débouter Madame [C] de sa demande à ce titre.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

. Madame [C] sollicite l'indemnisation de ses déficits fonctionnels temporaires total et partiel, la somme de 16.295 euros.

L'[2] offre une somme de 13.958 euros.

Ainsi qu'il a été rappelé plus haut, le DFTT a duré pendant 273 jours et le DFTP a duré 694 jours au niveau 3 (soit un taux d'environ 50 %), 779 jours au niveau 1.

A cet égard, la cour considère que, si le niveau 1 correspond, plus généralement, à un taux de 10% environ, les circonstances de l'espèce conduisent à retenir un taux de 20%.

Le montant de l'indemnisation à accorder de ce chef doit ainsi être calculé de la manière suivante, sur la base, non discutée, de 20 euros par jour : 273 jours de déficit total ; 694 jours à 50 % ; 779 jours à 20 % ; soit une somme totale de (5460+6940+3116=) 15.516 euros.

. Au titre des souffrances endurées, Madame [C] sollicite la somme de 50.000 euros. La CPAM s'en rapporte à la jurisprudence habituelle de la cour en la matière et l'[2] offre une somme de 40.000 euros.

La cour considère que les circonstances dans lesquelles les blessures sont intervenues, la nature et la durée des traitements, la répétition des hospitalisations, les constatations des experts, l'âge de Madame [C] au moment des faits, leur retentissement particulièrement traumatisant justifient une indemnisation au niveau le plus élevé des souffrances endurées.

Il sera alloué à ce titre une somme de 50.000 euros à Madame [C].

Préjudices extra-patrimoniaux permanents

. S'agissant du préjudice esthétique, Madame [C] distingue un préjudice temporaire et un préjudice permanent, s'appuyant à cet égard sur diverses photographies, immédiatement après l'accident, en cours de soins et, enfin, récentes.

La CPAM s'en rapporte à la jurisprudence habituelle de la cour.

L'[2] fait notamment valoir que cette distinction n'a pas été faite par les experts.

La cour rappelle que le TASS a distingué les deux préjudices pour allouer une somme totale de 55.000 euros (sur une somme totale demandée de 75.000 euros).

Mais la cour note que le rapport d'expertise, tout en précisant les différentes étapes de la reconstruction de Madame [C] et en indiquant qu'il convenait d'émettre des réserves quant à une future chirurgie réparatrice en fonction des progrès de la technique, n'a fait aucune différence pour retenir un préjudice esthétique évalué à 5,5 sur une échelle de 7 (où 7 est le maximum).

La cour considère que le niveau élevé ainsi retenu par les experts tient un juste compte du préjudice esthétique, dans son ensemble, subi par Madame [C].

Pour déterminer le montant de l'indemnisation à accorder sur cette base, la cour prend notamment en compte les zones atteintes par les brûlures, l'existence de zones dyschromiques, une lèvre inférieure asymétrique, les traces des prélèvements nombreux effectués pour pratiquer les greffes nécessaires.

La cour décide ainsi de fixer, compte tenu de l'ensemble des circonstances, le montant de l'indemnisation au titre du préjudice esthétique, dans tous ses éléments, à la somme de 40.000 euros.

. Madame [C] allègue en outre un préjudice d'agrément, dont elle sollicite l'indemnisation à hauteur de 50.000 euros. Elle fait notamment valoir qu'elle pratiquait la voile en compétition et s'était classée troisième au championnat du monde précédent l'accident ; qu'elle pratiquait d'autres sports ; qu'elle éprouve une gêne persistante à l'effort ; qu'elle jouait de la harpe.

La CPAM s'en rapporte à la jurisprudence habituelle de la cour.

L'[2] offre une somme de 15.000 euros, en faisant remarquer que Madame [C] ne justifie pas ne plus avoir d'activité sportive.

La cour note que les éléments avancés par Madame [C] pour justifier de l'importance du préjudice d'agrément qu'elle subit sont justifiés par les pièces produites. En particulier, elle a dû abandonner la compétition de haut niveau et les experts ont pu relever, à cet égard, que cela avait entraîné une « perte de support narcissique ». Si ce dernier point doit être, et a été, pris en compte dans le cadre de l'indemnisation d'autres préjudices, il demeure que Madame [C] s'est vu privée de la possibilité de continuer de pratiquer le sport à haut niveau et il importe peu, à cet égard, qu'elle ne justifie pas ne plus pratiquer de sport. Sur ce point, la cour observe que, outre qu'il est assez difficile d'apporter ce genre de preuve négative, il est acquis que les difficultés respiratoires de Madame [C], ainsi que la nécessité dans laquelle elle se trouve de se protéger des atteintes du soleil et, plus généralement, de protéger sa peau, excluent qu'elle puisse pratiquer le sport comme elle l'entend, même en dehors de la compétition.

Il existe ainsi un préjudice d'agrément spécifique et dont le degré doit être qualifié d'important.

Pour ces raisons, la cour allouera à Madame [C], sur ce fondement, la somme de 25.000 euros.

. Madame [C] sollicite, de plus, l'indemnisation de son préjudice sexuel, à hauteur de 50.000 euros. Elle évoque notamment, sur ce point, la difficulté à entrer en relation avec les autres à raison de son apparence, la gêne qu'elle éprouve du regard des autres (même si, sur ce point, elle est plus spécialement affectée du regard des enfants) et la circonstance que, si elle a pu déclarer à l'expert qu'elle avait un ami, ils n'avaient pas de vie commune (voir également sur ce point, la discussion sur le préjudice d'établissement, ci-après).

L'[2] fait valoir que ce poste de préjudice n'a pas été retenu par l'expert et conclut au rejet de la demande.

La cour relève que l'expert n'a pas relevé ce préjudice.

Le préjudice sexuel doit s'entendre d'une manière spécifique, comme étant celui résultant soit d'une atteinte des organes sexuels (ce qui n'est pas le cas ici), soit comme une atteinte à la fertilité (ce qui n'est pas davantage le cas ici), soit comme une atteinte à l'acte sexuel lui-même (atteinte à la libido, troubles de l'érection, frigidité..).

Il convient de rappeler ici qu'au moment de l'accident, Madame [C] était âgée de 16 ans. Faute d'autre élément en possession de la cour (ce qui peut tenir aussi bien à la pudeur de Madame [C] qu'à son honnêteté), il est juste de considérer qu'à cet âge, la pratique de relations sexuelles n'est pas majoritaire et Madame [C] ne suggère d'ailleurs pas en avoir eues. Elle ne le suggère d'ailleurs pas davantage pour les années qui ont suivi et la référence faite, devant le médecin comme dans les conclusions de sa défense, à un « ami », ne permettent en aucune manière d'apprécier précisément ce qu'il en est.

Il demeure que l'apparence de Madame [C] a été dramatiquement modifiée au moment même de l'éveil de sa sexualité, sinon de la séduction, au moment de la pleine adolescence puis du jeune âge adulte, périodes pendant lesquels le regard des autres, dont les éléments du dossier montrent à quel point il a pu être douloureux pour Madame [C], revêt une importance toute particulière.

Il est ainsi juste de considérer que Madame [C] a souffert et souffre encore de ce que l'on appellera, d'une manière générale, une atteinte à la libido, qu'il est juste de réparer par une somme de 25.000 euros.

. Le préjudice d'établissement a été retenu par l'expert et par la sachante, psychologue. Madame [C] en demande réparation à hauteur de la somme de 25.000 euros.

L'[2] fait valoir qu'il n'existe pas de perte d'espoir ou de chance, que Madame [C] a un ami, qu'il n'est pas rare qu'une jeune femme de son âge demeure encore chez ses parents.

La cour doit donner raison, sur ce point, à la défense de l'[2].

Tel qu'il est décrit dans le rapport d'expertise, le préjudice d'agrément, qui peut être défini comme « la perte de chance de réaliser un projet de vie familiale (se marier, fonder une famille, élever des enfants, etc') en raison de la gravité du handicap » n'est pas établi autrement que par la circonstance que Madame [C], bien qu'ayant un ami, vivrait encore chez ses parents.

Une telle situation n'a rien d'exceptionnel et aucune attestation n'est produite qui tendrait à indiquer que Madame [C] se trouverait dans l'incapacité de s'engager dans un projet de vie familiale.

La cour ne dispose donc, en l'état, d'aucun élément devant conduire à faire droit à la demande de Madame [C] d'indemnisation d'un préjudice d'établissement.

. Enfin, Madame [C] sollicite l'indemnisation d'un préjudice exceptionnel, afin qu'il soit tenu compte, notamment, de sa peur constante de perdre sa voix, alors qu'elle a dû subir une trachéotomie et que ses cordes vocales ont été atteintes, ce qui a conduit à plusieurs opérations dont les résultats lui sont toujours présentés comme aléatoire.

L'[2] conclut au rejet de la demande, ce type de préjudice concernant, selon lui, des événements exceptionnels d'une autre nature, comme un acte de terrorisme ou une catastrophe naturelle.

Sur ce point, la cour considère que les circonstances très particulières de l'accident, qu'il s'agisse notamment des conditions dans lesquelles il s'est produit, des conséquences qu'il a eues, du jeune âge de la victime, ont été prises en compte au moment de l'évaluation des autres postes de préjudice discutés plus haut, le caractère particulièrement traumatisant des événements ayant été, en particulier, intégré tant dans le déficit fonctionnel permanent que dans les souffrances endurées.

La cour considère ainsi qu'il n'existe pas de raison devant conduire à retenir un préjudice exceptionnel au sens de la 'nouvelle' nomenclature des préjudices indemnisables telle qu'elle résulte du rapport dit 'Dintilhac'.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La défense de Madame [C] fait valoir que le TASS lui a, de manière surprenante, accordé une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile mais déduction faite d'une « provision » de 3.000 euros qui lui avait été accordée précédemment. Elle sollicite ainsi la somme de 3.000 euros, pour la présente instance, au titre des frais irrépétibles exposés en premier ressort et en appel.

L'[2] conclut au débouté des demandes de Madame [C].

La cour considère qu'au vu de l'ensemble du dossier et de la discussion qui précède, il est juste d'infirmer la décision du TASS, la somme de trois mille euros accordée précédemment ne pouvant constituer une provision, et d'allouer à Madame [C] la somme de trois mille euros pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel concernant le jugement entrepris.

Enfin, il est juste de condamner l'Institut Saint-Thomas à rembourser à Madame [C] le montant de la consignation versée au titre des honoraires de l'expert, soit la somme de 1.300 euros.

*********

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision CONTRADICTOIRE,

Ordonne la jonction des procédures 13/01592 et 13/01738 ;

Reçoit Madame [C] et l'[2] en leur appel respectif ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

FIXE ainsi les éléments de réparation du préjudice subi par Madame [K] [C] :

. préjudices patrimoniaux avant consolidation : onze mille deux cent cinq (11.205) euros ;

. déficits fonctionnels temporaires, total et partiel : quinze mille cinq cent seize (15.516) euros ;

. souffrances endurées : cinquante mille (50.000) euros ;

. préjudice esthétique, dans toutes ses composantes : quarante mille (40.000) euros ;

. préjudice d'agrément : vingt-cinq mille (25.000) euros ;

. préjudice sexuel : vingt-cinq mille (25.000) euros ;

soit au total une somme de cent soixante-six mille sept cent vingt et un euros (166.721euros) ;

RAPPELLE qu'il a été précédemment accordé à Madame [C] une somme de soixante mille euros, laquelle vient en déduction de la somme de 166.721euros ainsi allouée ;

CONDAMNE l'[2] au paiement de cette somme totale de 166.721 euros, laquelle sera avancée et réglée, par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine, déduction faite de la provision d'un montant de soixante mille euros ;

DIT que la majoration de la rente que Madame [C] a reçue, sur le fondement de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que les sommes allouées au titre de ses préjudices personnels avancés par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine pourront être récupérées par celle-ci auprès de l'[2] ;

CONDAMNE l'[2] à payer à Madame [K] [C] une indemnité d'un montant de trois mille (3.000) euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure ainsi qu'il est dit aux motifs ;

CONDAMNE l'[2] à rembourser à Madame [K] [C] le montant de la consignation versée au titre des frais d'expertise, soit la somme de mille trois cents (1.300) euros ;

DÉBOUTE les parties de toute leurs autres demandes plus ample ou contraire ;

RAPPELLE que la présente procédure est sans dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président, et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01592
Date de la décision : 20/11/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°13/01592 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-20;13.01592 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award