COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
CRF
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 NOVEMBRE 2014
R.G. N° 14/00799
AFFAIRE :
SAS VENEDIM TELECOM & RESEAUX
C/
[M] [V]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Janvier 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
Section : Encadrement
N° RG : F12/01388
Copies exécutoires délivrées à :
Me Yvan GABRIELIAN
Me Delphine LECOSSOIS LEMAITRE
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS VENEDIM TELECOM & RESEAUX
[M] [V]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS VENEDIM TELECOM & RESEAUX
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Yvan GABRIELIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0562
APPELANTE
****************
Monsieur [M] [V]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Delphine LECOSSOIS LEMAITRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1035
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN,
EXPOSE DU LITIGE
La société Venedim Telecom et Réseaux (ci-après Venedim) est une société de prestations de conseil et de mise en 'uvre informatique et a son siège social à [Localité 2].
M. [M] [V], de nationalité arménienne, est ingénieur informatique.
En septembre 2011, [H] et M. [V] qui travaillait en Hongrie, sont entrés en relation au sujet d'une prestation à effectuer au sein de la société Alcatel- Lucent, client de la société.
Un contrat de prestation de services a été conclu entre Venedim et la société Matritel située en Hongrie aux termes duquel M. [V] qui travaillait pour cette dernière, réaliserait des prestations informatiques au sein de la société Alcatel-Lucent. M. [V] a réalisé ces prestations en France à compter du 10 octobre 2011 en étant logé dans un appartement loué par la société Venedim qui était remboursée des loyers par la société Matritel. Cette mission a été prorogée à compter du 1er janvier 2012.
A compter de février 2012, des démarches ont été entreprises par Venedim auprès de la préfecture de Hauts de Seine pour la délivrance d'un permis de séjour permettant à M. [V] de travailler en France. Etait alors signé par Venedim et M. [V] un contrat de travail simplifié, de durée indéterminée avec une date prévisible d'embauche au 28 mai 2012 pour un emploi d'ingénieur telecom, statut cadre, coefficient 130 moyennant une rémunération mensuelle de 3 750 € pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures.
A la mi- mai 2012, M. [V] a été informé que le contrat Alcatel-Lucent prendrait fin le 30 mai suivant et Venedim mettait fin au contrat de prestation de services avec la société Matritel pour la même date.
Un titre de séjour français a été remis à M. [V] qui a passé la visite médicale permettant l'apposition de la vignette de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur son passeport.
Après avoir demandé à M. [V] de libérer l'appartement occupé en France, Venedim a informé la direction de la main d''uvre étrangère, par correspondance du 8 octobre 2012, qu'elle « n'était pas en mesure de différer davantage l'embauche de M. [V] ».
Par ordonnance de référé du 8 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a condamné Venedim à payer à M. [V] une somme de 11 250 € à titre de provision sur salaire, avec remise d'une attestation de travail et celle de 950 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour d'appel de Versailles a confirmé cette décision par arrêt du 10 septembre 2013, y ajoutant le paiement d'une somme complémentaire de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 janvier 2014, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a condamné Venedim à payer à M. [V] les sommes suivantes :
*5 700 € au titre du salaire du mois de mai 2012 ;
*16 000 € et 1600 € au titre du salaire de la période du 1er juin au 8 octobre 2012 ;
*3 750€ à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
*11 250 € et 1125€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
*11 250 € à titre d'indemnité pour emploi illicite ;
*3 750 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
et ordonné la délivrance des bulletins de salaire et documents sociaux conformes et l'exécution provisoire de ce jugement.
Venedim a régulièrement relevé appel de la décision.
Par ordonnance de référé du 19 juin 2014, M. le Premier président de cette cour a autorisé Venedim a consigner la somme de 20 000 € à la Caisse des dépôts et consignations.
Vu les écritures déposées et développées à l'audience du 26 septembre 2014 par lesquelles Venedim demande à la cour de :
-prononcer la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes pour cause de composition irrégulière du bureau de jugement ;
-rejeter des débats les pièces rédigées en langue anglaise et traduites par un traducteur non professionnel ;
-débouter M. [V] de toutes ses demandes ;
- à titre reconventionnel, de condamner M. [V] au paiement des sommes suivantes :
*15 286,73€ et 5373,72€ au titre de loyers et charges jusqu'au 30 avril et 30 aout 2013 ;
*2 887,36 € à titre de frais d'huissier de justice et de remise en état de l'appartement ;
*1 592 € au titre de la taxe d'habitation ;
-à titre subsidiaire, de dire que sa créance résultant du jugement du tribunal d'instance de Vanves dans son ordonnance du 28 mai 2013 viendrait en déduction des sommes dues par elle ;
-dire que la somme de 20 000 € consignée par elle à la Caisse des dépôts et consignations en vertu de l'ordonnance du Premier président de la cour d'appel de Versailles sera maintenue jusqu'au jugement au fond qui sera rendu par le tribunal d'instance de Vanves.
- condamner M. [V] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures déposées et développées à l'audience par M. [V] qui prie la cour :
-de débouter Venedim de ses demandes,
-de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Venedim à lui verser les sommes de :
*5 700 € au titre du salaire du mois de mai 2012 ;
*16 000 € et 1600 € au titre du salaire de la période du 1er juin au 8 octobre 2012 ;
*3 750 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
*11 250 € et 1125 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
*11 250 € à titre d'indemnité pour emploi illicite ;
*3 750 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- de l'infirmer en y ajoutant la condamnation de Venedim au paiement des sommes de :
*3 923 € en remboursement de frais exposés,
*100 000 € en réparation du préjudice moral subi.
*5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du jugement
Venedim fait valoir que M. [B] qui présidait le bureau de conciliation, a été assesseur tant lors de l'audience de référé que lors des débats au fond ayant abouti au jugement entrepris du 16 janvier 2014 et ce en contradiction avec le principe du contradictoire posé par l'article 16 du code de procédure civile et de l'article L1441-2 du code du travail. L'appelante ajoute qu'aucun accord des parties à ce sujet n'a été obtenu ni signé lors des débats, aucun débat n'étant intervenu sur ce point.
M. [V] répond que la participation de M. [B] a été évoquée avant les débats selon note d'audience renseignée par la greffière et que l'article 430 du code de procédure civile ne permet plus à la société appelante de fonder une nullité sur ce point devant la cour.
Aux termes de l'article 430 du code de procédure civile, la juridiction est composée à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire, les contestations afférentes à la régularité de la composition d'une juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi, aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.
En l'espèce, M. [B] figure en qualité d'assesseur dans l'ordonnance de référé rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 8 mars 2013 et faisait à nouveau partie du bureau de jugement lors des débats au fond du 24 octobre 2013 ayant donné lieu au jugement entrepris du 16 janvier 2014 ; cette présence d'un même conseiller lors d'une audience de référé et d'une audience au fond- étrangère à une violation de l'article L1441-2 du code du travail interdisant l'inscription d'un conseiller prud'homal sur plus d'un collège - opposant les mêmes parties n'est pas conforme aux règles de composition de la juridiction.
Pour autant, ce point a été soulevé avant tout débat le 24 octobre 2013 et la note d'audience qui n'a pas à être signée par les parties comme un procès -verbal d'accord qu'elle n'est pas, indique que Venedim a « laissé le conseil( de prud'hommes) se prononcer sur cet élément » sans solliciter le départ de M. [B] ni soulever la nullité du jugement à venir ; Venedim ne peut plus demander devant la cour la nullité du jugement sur ce fondement.
Sur les pièces rédigées en langue anglaise
[H] demande que les pièces versées par M. [V], rédigées en anglais et traduites par ce dernier et non par un traducteur professionnel voire assermenté soient écartées des débats.
Ainsi que déjà rappelé à Venedim par la cour d'appel lors de l'examen de l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 8 mars 2013, la preuve est libre en droit du travail et la validité et la force probante des éléments doivent être appréciées par la cour qui n'a pas l'obligation d'écarter systématiquement des pièces étrangères traduites par des « traducteurs non officiels » ; la cour examinera donc ces pièces qu'elle n'écarte pas d'emblée des débats.
Sur les demandes reconventionnelles de Venedim ayant trait aux loyers
Venedim demande que, de ses éventuelles condamnations décidées par la cour, soient soustraites les sommes au paiement desquelles M. [V] a été condamné par ordonnance de référé rendue par le tribunal d'instance de Vanves le 28 mai 2013, soit 23 547,81 €, majorée de la taxe d'habitation de l'appartement dont M. [V] a dû être expulsé.
M. [V] oppose la litispendance.
Le tribunal d'instance de Vanves est saisi au fond des demandes formées par Venedim contre M. [V] et un renvoi de cette affaire a été décidé à une audience du 25 janvier 2015.
En présence d'un même litige porté devant deux juridictions distinctes, il y a litispendance et une seule juridiction doit rester saisie pour éviter les contrariétés de décisions ; par ailleurs, la cour d'appel a plénitude de juridiction ; cependant, lorsque les deux juridictions ne sont pas de degré égal, le dessaisissement de la juridiction inférieure doit être demandé, ce que Venedim n'a pas sollicité. Il reviendra au tribunal d'instance de Vanves déjà saisi de se prononcer au fond sur les demandes afférentes aux loyers de l'appartement occupé par M. [V] et aucune défalcation ne sera opérée à ce titre par la cour dans la présente procédure.
Sur la demande visant au maintien de la consignation de 20 000 €
En suite du jugement entrepris rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 16 janvier 2014 qui a assorti les condamnations prononcées contre Venedim de l'exécution provisoire, cette dernière a obtenu de M. le Premier président de notre cour une ordonnance l'autorisant à consigner à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 20 000 € en garantie de ces condamnations.
Venedim demande à la cour d'ordonner le maintien de cette consignation pour protéger ses intérêts dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal d'instance de Vanves.
Cette demande ne peut aboutir : la consignation autorisée a pour finalité de réserver la somme de 20 000 € due par la société à M. [V] dans le cadre prud'homal en exécution du jugement entrepris et son versement à M. [V] dépendra de la décision de la cour présentement saisie ; elle est sans lien avec les demandes formulées devant le tribunal d'instance de Vanves par Venedim contre M. [V] en paiement de loyers, charges voire réparations locatives.
Sur le bien-fondé des demandes portant sur les relations entre [H] et M. [V]
Venedim fait, pour l'essentiel, valoir que :
-un contrat de prestation de services a été conclu avec la société hongroise Matritel, employeur de M. [V], aux termes duquel (article 18), elle ne pouvait pas solliciter ce salarié ;
-en février 2012, elle a aidé la société Matritel à obtenir des autorités françaises, un permis de séjour pour M. [V] en y joignant un contrat de travail simplifié rédigé dans la seule finalité de cette démarche administrative ;
-un projet de contrat de travail de M. [V] prévoyait la date du 30 mai 2012 pour l'obtention des documents administratifs à titre de condition suspensive et M. [V] qui n'a reçu son visa que le 15 juin 2012, ne l'en a pas informée ;
-si cette date du 30 mai 2012 n'était pas retenue, son engagement ne pouvait en tout état de cause être perpétuel ;
-si une promesse d'embauche devait être retenue, elle ne l'a pas rompue brutalement ;
-M. [V] n'a jamais fait partie de ses effectifs ni travaillé pour elle et il est resté salarié de la société Matritel jusqu'à la fin du mois d'octobre 2012 ; elle ne lui devrait en tout état de cause pas plus que les salaires des mois de novembre et décembre 2012 puisque M. [V] a à nouveau travaillé en janvier 2013 ;
-elle n'a pas violé les dispositions de l'article L8251-1 du code du travail puisque M. [V] n'a jamais été son salarié ;
M. [V] répond pour l'essentiel que :
-la rétractation d'une promesse d'embauche s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au paiement de dommages et intérêts et de l'indemnité compensatrice de préavis ;
-en vertu des articles L8251-1 et suivants du code du travail, le fait d'embaucher ou de conserver en tant que salarié un étranger en situation irrégulière ouvre droit pour celui-ci au paiement d'une indemnité forfaitaire de trois mois et à l'indemnisation du préjudice subi voire à une indemnité compensatrice de préavis en cas de faute de l'employeur dans le défaut de régularisation ;
- le projet de contrat de travail produit par Venedim ne lui a jamais été présenté et a été établi pour les besoins de la cause ;
-Venedim a rompu son contrat de travail simplifié signé le 12 mars 2012 ne comportant aucune condition suspensive et prévoyant une date d'embauche prévisible au 28 mai 2012 ;
-il a travaillé pour [H] via [N] d'octobre 2011 à mai 2012 puis est resté à la disposition de Venedim, la mission initialement prévue chez un autre client n'ayant pas été confirmée ;
-il n'a retrouvé un emploi qu'en janvier 2013 et a subi un préjudice très important, étant resté sans titre de séjour ni ressources pendant plusieurs mois ; la situation administrative de son épouse et de leurs enfants dont leur fille handicapée n'est pas résolue et cette dernière ne peut recevoir les soins adaptés à son état.
Le projet de contrat de travail non signé, produit en pièce 3 par Venedim et qui comporte la clause suivante :
« M. [V] s'engage à effectuer toutes les démarches administratives pour l'obtention de son titre de séjour salarié.Il devra présenter avant la date du 30 mai 2012 un nouveau titre de séjour l'autorisant à travailler sur le territoire français. A défaut de la présentation de ce titre de séjour, ce présent contrat de travail à durée indéterminée sera rompu pour cause réelle et sérieuse. Le salarié déclare n'être lié à aucune autre entreprise ' »
est dépourvu d'effet en l'absence de signature ou de tout autre preuve qu'il constituait l'accord des parties.
Le moyen de Venedim consistant à invoquer le défaut de régularisation administrative de la situation de M. [V] au 30 mai 2012 est dès lors inopérant.
Ensuite, le 12 mars 2012, Venedim a signé avec M. [V] un contrat de travail simplifié aux termes duquel ce dernier est engagé pour une durée indéterminée en qualité d'ingénieur statut cadre aux conditions de la convention collective dite Syntec, pour une rémunération mensuelle de 3750 € majorée de la prise en charge de 50% de sa carte de transport et une indemnité de repas de 3,50 € ; ce contrat a été transmis à la direction de l'emploi en annexe d'une demande d'autorisation de travail et a été visé par l'OFII le 3 avril 2012. Il ne comporte pas de date au-delà de laquelle le salarié ne serait pas embauché (la mention « passée la date du ' le salarié ne sera pas embauché » n'est pas complétée).
Aucune pièce n'établit que ce contrat n'avait pour finalité que d'appuyer la démarche de régularisation administrative, sans engager les parties ; au contraire, les courriels émanant de la direction des ressources humaines de Venedim à destination du service des visas indiquent que cette société se présente en qualité d'employeur de M. [V] ( « je suis un employeur français et je souhaite embaucher une personne de nationalité arménienne avec un titre de séjour hongrois valable jusqu'au 30 mai 2012 ») ; plusieurs mois auparavant, [H] écrivait à M. [V] alors en Hongrie son souhait de l'embaucher ( « Venedim peut vous offrir un contrat de travail à durée indéterminée sous réserve de la validité des documents et le recrutement sera définitif seulement après une période d'essai »' « nous voulons vous accompagner pour avoir un statut français en vue de devenir un employé de [H] »).
Venedim peut d'autant moins arguer du défaut de régularisation de la situation de M. [V] qu'elle était informée à temps du bon déroulement de la procédure administrative ; ainsi par courriel :
*du 9 février 2012, Venedim indique à M. [V] : « j'ai de bonnes nouvelles pour toi car j'ai plus de visibilité quant à ton changement de statut '.l'objectif est de terminer le dossier à la fin de la semaine afin que j'aille à la préfecture la semaine prochaine » ;
*du 3 avril 2012, [H] écrit à M. [V] : « bonnes nouvelles ! nous venons de recevoir cette lettre qui dit que le bureau de l'immigration a décidé d'accepter ton visa , le consulat en Arménie te donnera un rendez- vous afin de te délivrer un visa de trois mois au cours duquel tu peux travailler chez nous. Je vais demander le changement total de ton statut durant cette période »
Par ailleurs, l'Office français de l'immigration et de l'intégration informe [H] par lettre datée du 24 avril 2012 que le dossier de M. [V] a été transmis au consulat de France à Erevan le 24 avril 2012 en vue de la délivrance de son visa ;
Le visa de M. [V] pour la période du 24 juin 2012 au 24 juin 2013 a été visé par l'OFII le 9 août 2012.
Venedim ne peut donc valablement justifier sa position en invoquant une condition suspensive non visée dans le contrat de travail simplifié signé par les parties non plus que par le retard qu'aurait pris la régularisation administrative dont elle connaissait l'état d'avancement en temps réel ; [H] ne peut pouvait craindre le caractère perpétuel d'une promesse d'embauche mentionnant une date prévisible d'embauche (28 mai 2012) et ce d'autant qu'elle a attendu le mois d'octobre 2012 pour informer la préfecture de la non -embauche de M. [V] qui avait reçu son visa depuis plusieurs semaines ; la rupture de la relation de travail n'était pas motivée par la situation irrégulière de M. [V] mais par la perte par Venedim du contrat Alcatel voire la reprise de celui-ci par la société Matritel, les relations entre les deux sociétés ne justifiant pas le non-respect de son engagement par Venedim à l'égard de M. [V].
Venedim ne peut non plus arguer de ce que le contrat de prestation de services la liant à la société hongroise Matritel comportait une clause de non sollicitation : elle ne peut arguer de sa propre turpitude qui ressort de ses seules relations avec cette société qui, selon les pièces produites, était au courant de l'embauche prévue.
Promesse d'embauche ou contrat de travail définitif, le contrat signé par les parties le 12 mars 2012 et annexé à la demande de régularisation administrative devait produire effet à la date prévue du 28 mai 2012 dont le respect n'était pas soumis à la régularisation antérieure du visa, peu important qu'aucun bulletin de salaire n'ait été délivré par Venedim qui refusait de reconnaître le statut salarié de M. [V].
Le non -respect par Venedim de son engagement, avant même tout commencement d'exécution, constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvrant droit au paiement de l'indemnité de préavis de trois mois conformément à la convention collective Syntec soit 11 250 € et 1 125 € au titre des congés payés y afférents.
La somme de 3 750 € allouée à titre de dommages et intérêts aux termes du jugement dont confirmation requise de ce chef représente une indemnisation juste du préjudice lié à cette rupture sans cause.
A défaut de toute procédure de licenciement et compte tenu de l'assimilation d'une promesse d'embauche avec un contrat de travail, le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a condamné Venedim au paiement d'une somme de 3 750 € pour procédure irrégulière.
Sur les salaires dus par [H]
Aucune pièce ne fonde l'obligation qu'aurait eue [H] de régler le salaire du mois de mai 2012 ; les difficultés d'exécution du contrat de prestation de services dénoncé sans respect du préavis par Venedim pour le 30 mai n'intéressent que les relations entre les sociétés contractantes Venedim et Matritel ; M. [V] sera débouté de sa demande de ce chef.
M. [V] demande ensuite paiement des salaires des mois suivants et jusqu'au mois de décembre 2012 inclus en affirmant avoir retrouvé un emploi en janvier 2013 ; Venedim se retranche derrière l'aveu de M. [V] qui aurait déclaré avoir été le salarié de la société hongroise Matritel jusqu'en octobre 2012 ; cette mention figure aux motifs de l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes en date du 8 mars 2013 et cette date est reprise dans les écritures de M. [V] en page 23(« [N] a mis fin au contrat de M. [V] fin octobre 2012 ») ;le bon de commande de prestations à effectuer par M. [V] pour la société hongroise en date du 3 aout 2012 ( pièce 46 M. [V] ) établit que M. [V] n'était pas à disposition de Venedim à cette date.
Seuls sont donc dus par Venedim les salaires des mois de novembre et décembre 2012 pour un montant de 7 500 € majoré des congés payés afférents (750 €).
Sur les frais exposés par M. [V] pour l'obtention de ses papiers administratifs et le déménagement
M. [V] justifie, par la production en pièce 51, de frais de déplacement et de déménagement, qui n'ont été payés qu'en raison de l'engagement non respecté de Venedim, qui versera à M. [V] la somme réclamée de 3 923 € de ce chef.
Sur le préjudice moral subi par M. [V]
Au-delà d'un préjudice financier, M. [V] qui a quitté la Hongrie avec sa famille comprenant une enfant handicapée, dont la situation irrégulière a empêché le paiement de prestations sociales nécessaires au traitement de cette jeune fille (pièce 75), a subi un préjudice moral important ; si la preuve n'est pas rapportée des manquements de [H] dans la procédure administrative intéressant la famille de M. [V], ce dernier a subi un stress très important : [H] n'a pas tenu son engagement, l'a laissé sans salaire et l'a fait expulser du logement qu'elle avait loué pour lui ; M. [V] établit la réalité de la grave pathologie de l'un de ses enfants, diagnostiquée au cours de la même année 2012 ; l'attitude fautive de Venedim a causé à M. [V] un préjudice qui sera indemnisé à hauteur de 25 000 €.
Sur l'indemnité forfaitaire de l'article L8252-2 du Code du travail
Aux termes des articles L8251-1 et L8252-1 du code du travail, nul ne peut embaucher ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; en cas de rupture de la relation de travail, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à 3 mois de salaire voire à une somme supérieure s'il établit un préjudice autre ;
Cependant, cette indemnité ne peut se cumuler avec l'indemnité compensatrice de préavis d'un montant égal ; M. [V] sera débouté de ce chef.
Vu l'équité, Venedim devra verser à M. [V] la somme complémentaire de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Venedim, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 16 janvier 2014 en ce qu'il a :
- condamné la société Venedim Telecom Réseaux à payer à M. [V] les sommes de :
*3 750 € pour procédure irrégulière ;
*11 2150 € et 1 125 € au titre de l'indemnité de préavis ;
*3 750 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
et ordonné la délivrance des bulletins de salaire et documents sociaux conformes ;
-débouté la société Venedim Telecom Réseaux de ses demandes reconventionnelles ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
Condamne la société Venedim Telecom Réseaux à payer à M. [V] les sommes de :
*3 923 € au titre de frais engagés ;
*25 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
*7 500 € et 750 € au titre de salaire des mois d'octobre et novembre 2012.
Déboute M. [V] de ses autres demandes ;
Condamne la société Venedim Telecom Réseaux à payer à M. [V] la somme complémentaire de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Venedim Telecom Réseaux aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par monsieur Olivier Fourmy, président et par madame Céline Fardin greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRESIDENT