COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 NOVEMBRE 2014
R.G. N° 12/06235
AFFAIRE :
[Z] [Q]
...
C/
SAS NOUVELLE CLINIQUE [1]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juin 2012 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES
N° Chambre : 1
N° RG : 11/01236
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
1/ Monsieur [Z] [Q]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
2/ SELARL DOCTEUR [Z] [Q]
N° SIRET : 503 674 285
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20120637
Représentant : Me Philippe SOUCHON de la SCP SOUCHON CATTE LOUIS ET ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 61
APPELANTS
****************
SAS NOUVELLE CLINIQUE [1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1250799
Représentant : Me Catherine PALEY-VINCENT de l'AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R138
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Octobre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président, et Madame Annick DE MARTEL, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,
-----------------
M. [Q] et la SELARL Docteur [Q] sont appelants d'un jugement rendu le 13 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Chartres dans un litige les opposant à la société NOUVELLE CLINIQUE [1].
*
Par acte du 4 juin 2004, le docteur [Q] a souscrit un contrat d'exercice privilégié auprès de la société NOUVELLE CLINIQUE [1] pour l'exercice des fonctions de gynécologue. Il concluait le 2 octobre 2008, avec la société NOUVELLE CLINIQUE [1] un second contrat pour sa spécialité de gynécologue obstétricien.
Ces contrats, à durée indéterminée, pouvaient être librement interrompus à condition de respecter un préavis de 6 mois jusqu'à cinq ans d'ancienneté et d'un an au-delà.
L'article 11 prévoyait, en cas de résiliation, le versement d'indemnités de rupture et de préavis. Mais le contrat liant le docteur [Q] à la Clinique écartait expressément dans son article 10 c, l'application de cet article 11, pour le cas où la clinique verrait son activité modifiée, interrompue, ou transférée sur un autre site, 'ce, suite à une décision des instances chargées de l'organisation et de la gestion de l'offre de soins, ou tout autre et entraînant pour elle l'impossibilité de respecter le préavis prévu au contrat'.
En août 2009, l'Agence Régionale de l'Hospitalisation du Centre (l'ARH) a, dans le cadre d'un projet de restructuration hospitalière pour la région Centre, programmé la fermeture en 2010 de la maternité de la clinique Saint François dans laquelle le docteur [Q] exerçait son activité obstétricale.
Par courrier du 23 juillet 2010, la société NOUVELLE CLINIQUE [1] en a informé le docteur [Q]. Elle lui a indiqué que son activité de gynécologie médicale et chirurgicale était néanmoins maintenue au sein de l'établissement et lui a proposé un dédommagement pour le préjudice subi suite à l'arrêt de son activité obstétrique.
Par arrêté du 20 septembre 2010, l'Agence Régionale de Santé du Centre a retiré, à compter du 1er septembre 2010, l'autorisation détenue par la CLINIQUE [1] pour l'activité de soins de gynécologie obstétrique.
Le docteur [Q] en prenait note le 12 octobre 2010 et sollicitait l'application de l'article 11 du contrat signé avec la clinique, stipulation prévoyant le versement d'indemnités de rupture et de préavis.
La NOUVELLE CLINIQUE [1] s'est opposée au versement de ces indemnités.
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Au visa des articles 1102 et 1134 du code civil, M. [Q] et la SELARL docteur [Z] [Q] ont fait assigner la CLINIQUE [1] en paiement de la somme de 55 000 € à titre d'indemnité de rupture, 100 800 € au titre de l'article 11 c) du contrat et 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 13 juin 2012, le tribunal a débouté M. [Q] et la SELARL LEBRAY de l'intégralité de leurs demandes,
- donné acte à la société NOUVELLE CLINIQUE [1] de son offre de payer au docteur [Q] une indemnité forfaitaire de 37 100 € ;
- rejeté le surplus des demandes.
Les premiers juges ont considéré que,
- la Clinique avait vu son activité partiellement modifiée, sur la base d'une décision de l'agence régionale d'hospitalisation du Centre lui retirant l'autorisation qu'elle détenait pour l'activité de soins de gynécologie obstétrique ; qu'il en résultait que les conditions de l'article 10 c) étaient réunies, excluant le requérant du bénéfice de l'indemnité de rupture prévue par l'article 11 et privant le docteur [Q] tant des indemnités de rupture, que de préavis.
- compte tenu du maintien de l'activité du docteur [Q] au sein de la clinique [1], la situation ne pouvait pas être assimilée à une résiliation relevant l'article 11 b) des contrats d'exercice et soumise au versement d'une indemnité de rupture.
M. [Q] et la SELARL docteur [Z] [Q] ont interjeté appel de la décision.
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Dans leurs dernières conclusions visées le 5 novembre 2012, M. [Q] et la SELARL docteur [Z] [Q] demandent à la Cour d'infirmer la décision en toutes ses dispositions,
- de condamner la société intimée à leur payer, en application des dispositions contractuelles :
* 55 000 € au titre de l'indemnité de rupture prévue à l'article 11 (b) des contrats,
* 100 800 € au titre des dispositions de l'article 11 (c) pour les indemnités de préavis ;
- condamner la société NOUVELLE CLINIQUE [1] à leur payer une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée, outre une indemnité de procédure de 5 000 €.
Ils soutiennent que,
- contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal pour fonder sa décision, la fermeture de la maternité et donc de la gynécologie, n'a jamais émané de l'ARH ni d'une autorité de tutelle ; elle émane de la volonté unilatérale de l'appelante, ce qui résulte des pièces versées aux débats.
Les premiers juges ont violé le principe de la force obligatoire du contrat. La société NOUVELLE CLINIQUE [1] ne pouvait révoquer tout ou partie du contrat, sans son accord ou sans verser les indemnités contractuelles.
Dans ses dernières conclusions visées le 4 janvier 2013, la société NOUVELLE CLINIQUE [1] demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter le docteur [Q] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- lui donner acte de son offre de payer au docteur [Q] une indemnité forfaitaire et définitive de 37 100 €. Cette somme correspond aux recettes brutes dégagées par son activité d'obstétrique au cours des 6 derniers mois de l'année 2010.
Elle sollicite le paiement d'une somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la décision de fermer la maternité ne procède pas de son seul fait mais d'une nécessité imposée par l'instance chargée de l'organisation et de la gestion de l'offre de soins de restructurer cette offre et de baisser significativement l'activité du secteur gynécologie.
- nonobstant les affirmations de l'appelant, elle n'a pas procédé à la résiliation de son contrat d'exercice mais à une modification du contrat du fait de l'ARH du Centre, excluant par là, tout droit au versement d'une indemnité de rupture.
La cour renvoie aux conclusions signifiées par les parties, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
- Sur le contexte de restructuration
Les pièces 25, 19, 10 de l'intimée mettent en lumière la politique de restructuration du secteur hospitalier menée par l'Etat dans les régions et confiée aux agences régionales d'hospitalisation, autorités de 'pilotage' régional de l'ensemble du système hospitalier. Ces autorités disposent de deux leviers essentiels : la planification et la délivrance des autorisations d'activité et des ressources aux établissements de santé ; ce aux fins d'améliorer la prise en charge des besoins de santé et de rationaliser l'offre existante.
S'agissant de la région centre, l'ARH, pour parvenir à la diminution du nombre de petites maternités et mieux sécuriser les conditions de la grossesse et de la naissance, a pu déterminer des critères techniques, tenant par exemple -comme dans la présente instance- au nombre d'accouchements annuels, aux conditions de sécurité et d'hygiène offertes par chaque établissement.
C'est dire que les pouvoirs et les méthodes de l'ARH s'apparentent davantage à une coopération avec les établissements, à un pilotage de cette politique, qu'à une décision autoritaire, sachant que les cliniques concernées ont un intérêt économique et social certain à participer à cette politique en appliquant les normes techniques posées par l'ARH pour le maintien ou la disparition d'un secteur d'activité.
Il en résulte qu'on ne peut assimiler la décision de mettre un terme à l'activité 'obstétrique' de la NOUVELLE CLINIQUE [1], ni à une décision autoritaire et inflexible de l'ARS (anciennement ARH), ni à une décision libre et purement personnelle à la clinique.
C'est à la lumière de ces éléments qu'il convient d'examiner la situation contractuelle des parties.
- Sur la responsabilité contractuelle de la NOUVELLE CLINIQUE [1]
Il résulte de l'article 10 du contrat signé le 2 octobre 2008 entre la NOUVELLE CLINIQUE [1] et M. [Q] qu'à titre dérogatoire, M. [Q] ne pourra se prévaloir de l'article 11 du contrat dans le cas où la clinique 'verrait son activité modifiée...suite à une décision des instances chargées de l'organisation et de la gestion de l'offre de soins et entraînant pour elle l'impossibilité de respecter le délai prévu à l'alinéa précédent'.
Or M. [Q] considère que la décision de fermeture de la maternité a été prise par la clinique et a précédé l'arrêté pris par l'ARS, si bien que la disposition de l'article 10 c) n'est pas applicable.
Cependant si la clinique a bien pris une décision de fermeture de la maternité au 31 août 2010, cette décision fait suite :
- d'une part, aux difficultés économiques rencontrées par la clinique et constatées lors de la réunion du comité d'entreprise en date du 16 juillet 2010 ; ces difficultés ayant au demeurant justifié le projet de l'ARH en 2009 de fermer le département maternité de la NOUVELLE CLINIQUE [1] (pièce 10 de la clinique) ;
- d'autre part, au départ à la retraite d'un des gynécologues, le docteur [W], qu'il n'a pas été possible de remplacer, ce qui a fragilisé les conditions de sécurité au sein de la maternité et fait chuter le nombre des accouchements qui s'y déroulaient, en sorte que l'établissement 'maternité' de la clinique passait au rang des unités trop petites -selon les critères posés par l'ARH- pour rester en activité.
L'impulsion de cette 'modification' de l'activité de la clinique vient donc de l'ARH (aujourd'hui ARS) et la NOUVELLE CLINIQUE [1] a dû prendre les décisions qui s'inscrivaient dans une politique déterminée au niveau de la région, qui l'a obligée à licencier 9 salariés, d'ailleurs en accord unanime avec le comité d'entreprise.
C'est donc en vertu d'une politique de restructuration fixée par l'ARS que la fermeture de la maternité est intervenue et a modifié les activités de la clinique.
C'est au demeurant la décision de retrait de l'ARS, prise le 20 septembre 2010 à compter du 1er septembre 2010 et notifiée immédiatement à M. [Q], qui a donné son plein effet à cette modification de l'activité de la clinique.
Ainsi, la NOUVELLE CLINIQUE [1] peut-elle opposer à M. [Q], l'article 10 du contrat d'exercice, et prétendre qu'elle n'a pu respecter le préavis préalable à la rupture du contrat, tel qu'il résulte de son article 10 b).
M. [Q] doit être débouté de sa demande d'indemnité de préavis fondée sur l'article 11c) qui concerne l'hypothèse de la résiliation du contrat. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- S'agissant des indemnités de rupture
Il n'y a pas eu de rupture du contrat d'exercice consenti à M. [Q] qui exerce toujours ses activités de consultation et de chirurgie, au sein de la clinique à l'exception de l'obstétrique dont M. [Q] prétend sans l'établir, qu'elle représentait 90 % de son activité. Il sollicite le paiement d'une somme de 55 000 €.
Dans son courrier du 23 juillet 2010 , la CLINIQUE reconnaît , non sa faute mais le préjudice résultant pour M. [Q] de cette modification de son contrat. Elle se déclare prête 'à envisager un dédommagement prenant en compte les recettes brutes dégagées exclusivement sur cette activité pendant les 6 derniers mois de l'année 2010, comme prévu à l'article 11 b) 1 de votre contrat'.
La clinique a renouvelé sa proposition de verser à M. [Q] la somme de 37 100 €.
Il convient de donner acte à la clinique de sa proposition renouvelée.
La somme de 55 000 € qui, selon M. [Q], représente ses recettes brutes réalisées dans les 6 derniers mois (soit de mars à septembre 2010) n'est pas justifiée dans les conclusions de l'appelant.
Le jugement sera confirmé.
- Sur les dommages-intérêts
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [Q] sur ce point, la clinique n'étant pas au demeurant appelante dans cette procédure.
- Sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Chartres le 13 juin 2012,
Y ajoutant,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne M. [Q] aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,