COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 64A
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 OCTOBRE 2014
R.G. N° 13/00264
AFFAIRE :
[X] [H]
...
C/
[M] [E]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 8
N° RG : 09/06028
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-
FLICHY-MAIGNE-
DASTE & ASSOCIÉS
Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
1/ Monsieur [X] [H]
né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 1]
2/ Madame [D] [F]
née le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 1]
Tous deux pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur enfant mineur :
- [U] [H], né le [Date naissance 4] 1997 à [Localité 7] de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
3/ Madame [Z] [H] ( devenue majeure)
née le [Date naissance 6] 1995 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 1]
4/ Monsieur [P] [H]( devenu majeur)
né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 1]
5/ SCI EGLANTINE, agissant par son liquidateur amiable, Monsieur [X] [H], [Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 52 - N° du dossier 016378
Représentant : Me Jean-françois TESSLER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2030
APPELANTS AU PRINCIPAL- INTIMES INCIDEMMENT
****************
1/ Monsieur [M] [E]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
2/ Madame [B] [K] épouse [E]
née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 0900453
INTIMES AU PRINCIPAL - APPELANTS INCIDEMMENT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Septembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président et Madame Annick DE MARTEL, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,
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La société EGLANTINE (agissant par son liquidateur amiable M. [X] [H]), M. [X] [H] et Mme [F] son épouse, agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs deux enfants mineurs : [Z] et [U], M. [P] [H] (les consorts [H]), sont appelants d'un jugement rendu le 20 octobre 2011 par le tribunal de grande instance de Nanterre dans un litige les opposant à M. et Mme [E].
*
La société EGLANTINE, ayant pour associés et co-gérants, M. et Mme [X] [H], a acquis en l'état futur d'achèvement le 1er décembre 2000 une maison d'habitation avec jardin, dépendant de la résidence « Le domaine de Vaucresson' », située à [Localité 2]. Les époux [H] s'y sont installés au cours de l'année 2001 avec leurs trois enfants alors mineurs, [Z], [U] et [P].
A la même époque, les époux [E] ont acquis la propriété mitoyenne. Ils ont déposé une déclaration de travaux le 8 décembre 2004 portant sur la construction d'une piscine de «'32 m², margelle en pierre'» qui n'a fait l'objet d'aucune opposition de la mairie (sa décision du 7 mars 2005).
Les époux [H] ont attaqué cette décision devant le tribunal administratif de Versailles qui l'a annulée pour violation du POS par jugement du 6 janvier 2011. Entre temps la piscine avait été construite et en dépit des recours exercés par les époux [H], les travaux ont finalement été autorisés et la piscine achevée à l'automne 2005.
Eu égard à la proximité des parcelles dont ils avaient la jouissance, les époux [H] ont estimé que l'activité se déployant autour de la piscine leur causait de graves nuisances ; ils ont assigné les époux [E], sollicitant du tribunal qu'il ordonne des mesures propres à remédier aux désordres et qu'il condamne les défendeurs au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 20.000 €. Ils ont entre temps vendu leur bien et ont limité leurs demandes à des dommages-intérêts.
*
Par jugement du 20 octobre 2011, le tribunal a :
- rejeté les demandes incidentes des époux [H] ;
- dit que la responsabilité des époux [E] est engagée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage au titre des conditions d'utilisation de leur piscine';
- condamné en conséquence solidairement les époux [E] à payer aux époux [H] les sommes de':
* 5 000 € en réparation de leur préjudice de jouissance';
* 1 500 € au titre de leur préjudice moral';
* 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté les parties de toutes autres prétentions plus amples ou contraires ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
La société EGLANTINE et les époux [H] en leur double qualité, [Z] et [P] [H] devenus majeurs ont interjeté appel.
Les époux [E] ont formé un appel incident.
*
Dans leurs dernières conclusions visées le 25 juin 2014, la société EGLANTINE et les consorts [H] demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il retient que la responsabilité des intimés est engagée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage au titre des conditions d'utilisation de leur piscine';
- l'infirmer en ce qu'il exonère de toute responsabilité les époux [E] dans la construction de la piscine et de ses annexes, son fonctionnement ;
- les condamner au paiement des sommes de':
* 29'200,00 € en réparation de leur préjudice consécutif à la perte de jouissance';
* 108.693,19 € en réparation de leur préjudice pécuniaire';
* 40.000,00 € en réparation de leur préjudice moral';
* 2.300,00 €, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par les époux [H] en leur qualité de représentants de leur fils mineur [U], et pour chacun de leurs enfants ;
* 10.000,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions visées le 30 mai 2013, les époux [E] demandent à la Cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire':
- de limiter le préjudice subi à la somme de 5'000 € fixée par le jugement déféré.
- 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux conclusions signifiées par les parties, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- S'agissant des demandes incidentes relatives aux écrits et pièces diffamatoires, les appelants ont sollicité la confirmation du jugement et les intimés l'infirmation.
Les consorts [H] et la SCI EGLANTINE sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a 'réservé aux demandeurs l'action prévue par l'article 41 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1881'.
Cependant il n'appartient pas à la cour de 'réserver' aux consorts [H] l'action prévue à l'article 41 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1881, une telle affirmation étant en soi dépourvue de toute portée juridique et ne préjugeant en rien du succès de l'action si elle est exercée.
La demande de confirmation des consorts [H] et la SCI EGLANTINE est ainsi sur ce point sans objet.
- Sur le fond
- Sur la responsabilité des époux [E] sur le fondement des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage
- S'agissant des troubles liés à la construction de la piscine et notamment à la construction d'une margelle de 200 m² autour de la piscine, rapprochant l'activité de la piscine de la propriété des époux [H] et faisant 'caisse de résonnance'. Il est allégué une violation des statuts de l'ASL.
Cependant la construction d'une piscine est autorisée dès lors qu'ont été obtenues les autorisations nécessaires ; or les autorisations ont été finalement accordées et la violation des statuts de l'ASL n'est pas établie ainsi que l'a relevé le tribunal dans des motifs détaillés que la cour fait siens.
Par ailleurs et ainsi que l'a justement relevé le tribunal, il n'est nullement établi que les importantes stagnations d'eau (réelles) constatées sur le terrain des consorts [H] soient en relation avec la rupture d'un drain intervenue lors de la construction de la piscine.
Ainsi les nuisances liées à la construction de la piscine, si elles ont pu exister, ne constituent pas pour autant des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage.
- S'agissant des nuisances, particulièrement sonores, liées au fonctionnement et plus encore à l'utilisation de la piscine, ces nuisances certes inévitables pour certaines (nettoyage de la piscine, bruit d'eau) sont cependant réelles au regard des pièces versées aux débats. Deux constats d'huissier dressés les 19 juillet 2006 et 21 juillet 2009 les établissent de manière incontestable : cris, plongeons, sauts, rires mais aussi insultes ; dîners prolongés en bordure de piscine, ces bruits, portés par l'eau, étant nettement perceptibles même à l'intérieur de la maison.
La cour s'associe à la motivation détaillée du tribunal sur ce point et fait siens ses motifs (p 12 à 14 du jugement point 3) qui reprennent les attestations produites par les deux parties.
Les consorts [H] ont subi de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage mettant en cause la responsabilité des époux [E].
- Sur les préjudices
* Les consorts [H] sollicitent un préjudice de jouissance qu'ils évaluent à 29.200 €. Ils ne parviennent pas cependant à établir ainsi qu'ils le soutiennent une 'présence constante' de leurs voisins sous leurs fenêtres ; il n'est pas établi que la piscine était utilisée toute l'année. De plus, la construction d'une piscine sur les lots vendus était autorisée.
Il convient donc de confirmer le jugement quant à son appréciation du préjudice de jouissance.
* Les consorts [H] et la SCI EGLANTINE sollicitent ensuite un préjudice 'pécunaire'. Cependant les frais afférents à leur déménagement ne peuvent être mis à la charge des époux [E], au titre des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage. Ils ne justifient pas par ailleurs de ce que leur maison aurait perdu de sa valeur du fait de cette piscine installée chez les voisins ; il n'apparaît pas qu'ils aient mal vendu leur maison.
Ils seront déboutés de ce préjudice, ainsi que l'a apprécié le tribunal.
* Les consorts [H] sollicitent enfin une somme de 40.000 € au titre de leur préjudice moral, outre 2 500 € par enfant.
Le climat existant entre les deux familles, les soupçons et insultes proférés ont très certainement été générateurs d'angoisse et de malaise pour les consorts [H].
Le tribunal a justement apprécié ce préjudice à 1 500 € et débouté les consorts [H] de leurs demandes concernant leurs enfants dont le préjudice n'est pas établi.
- Sur les frais irrépétibles
Il est inéquitable de laisser à la charge des époux [H] et la SCI EGLANTINE les frais non compris dans les dépens de l'instance.
Il leur sera alloué par les époux [E] qui ont conclu à l'infirmation totale du jugement, une somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 20 octobre 2011 en toutes ses dispositions, à l'exception de 'réserve aux demandeurs l'action prévue par l'article 41 la 5 de la loi du 29 juillet 1881',
Y ajoutant,
Condamne les époux [E] à payer aux consorts [H] et à la SCI EGLANTINE la somme totale de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel,
Condamne les époux [E] aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,